Exploration de la fonction pulmonaire par spirométrie
Réalisation et interprétation

Exploration de la fonction pulmonaire par spirométrie

Übersichtsartikel
Édition
2018/2627
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03275
Forum Med Suisses. 2018;18(2627):555-562

Affiliations
Service de pneumologie, Hôpital de Sion, Hôpital du Valais, Sion; Service de pneumologie, Hôpitaux universitaire de Genève, Genève; Faculté de Médecine, Université de Genève, Genève; Pneumologie de Grancy, Lausanne; e Klinik für Pneumologie, UniversitätsSpital Zürich, Zürich; Service de pneumologie, Hôpital neuchâtelois, La Chaux-de-Fonds; Medizinische Universitätsklinik, Kantonsspital Baselland, Liestal; Klinik für Pneumologie und Schlafmedizin, Kantonsspital St. Gallen, St. Gallen; Universitätsklinik für Pneumologie, Inselspital, Universitätsspital, Bern; Institut für Pneumologie, Universitätsspital Basel, Basel; Pneumologie, Klinik Barmelweid

Publié le 27.06.2018

La spirométrie avec bronchodilatation est l’examen de base en pneumologie, indispensable au diagnostic et suivi des maladies respiratoires.

Introduction

La spirométrie avec mesure de la réponse aux bronchodilatateurs d’action rapide est un élément diagnostique clé dans le bilan des syndromes obstructifs et doit être systématiquement effectuée en cas de suspicion de maladie respiratoire. La spirométrie est facile d’accès et de réalisation avec un faible coût. De grandes études épidémiologiques ont produit des valeurs de références robustes pour la population adulte et pédiatrique. Des indices spirométriques tels que la capacité vitale (CV) ou le volume expiré maximal en 1 seconde (VEMS) sont couramment utilisés comme critères de jugement cliniques ou variables d’ajustement dans les études contrôlées. En dépit de ses qualités et des standards publiés, la spirométrie reste sous-utilisée avec une hétérogénéité des pratiques entre centres ou cabinets.
La spirométrie avec test de réversibilité permet de distinguer l’asthme de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) dans la plupart des cas et de grader la sévérité de l’obstruction en cas de BPCO. La spirométrie est également indispensable au suivi des maladies respiratoires chronique, sur le plan pronostique et thérapeutique.
Les objectifs de cette revue sont de résumer pour le non-pneumologue les principes techniques, les conditions de réalisation et l’interprétation de la spirométrie en pratique clinique quotidienne à la lumière des connaissances et des recommandations actuelles d’experts [1, 2].

Spiromètres – principes techniques 
et indices mesurés

Les spiromètres mesurent des débits d’air inspirés et expirés lors des manœuvres respiratoires. Le VEMS, la capacité vitale forcée (CVF) et le rapport VEMS/CVF sont les indices spiromètriques les plus importants. Les débits moyens, le débit expiratoire de pointe (DEP), la capacité inspiratoire (CI), et la CV sont aussi directement mesurables (voir fig. 1 et 2).
Figure 1: Volumes pulmonaires mesurables par spirométrie et pléthysmographie. 
VT = volume courant; CV = capacité vitale; VEMS = volume expiré max en 1 sec; CVF = capacité vitale forcée. Dans la zone bleue, volumes mesurables uniquement par pléthysmographie corporelle: CPT = capacité pulmonaire totale; CRF = capacité ­résiduelle fonctionelle; VR = volume résiduel.
Figure 2: Courbes volume-temps et courbe débit-volume. 
VEMS = volume expiré max en 1 sec; CVF = capacité vitale forcée; DEM75, 50, 25 = ­débits expiratoires maximaux à 25, 50 et 75% de la CVF; DEM 25–75 = débits expiratoires moyens entre le 25 et 75% de la CVF.
On dispose sur le marché de différents types de spiromètres fonctionnant avec des technologies spécifiques. Les spiromètres à cloche ont été remplacés par des appareils mesurant les débits au moyen d’une turbine, de fils chauds, de manomètres ou d’ultrasons. Cette dernière technologie a l’avantage de ne pas nécessiter de calibration régulière. Les différences techniques entre spiromètres expliquent en partie les différences parfois importantes (400 ml) observées sur un même individu en terme de résultats [3]. Les praticiens en cabinet et les responsables de laboratoires de fonctions pulmonaires doivent mettre en place des stratégies pour standardiser la réalisation des tests et s’assurer de la reproductibilité des résultats qu’ils rapportent.

Importance des équations de prédictions

L’âge, la taille, le sexe et le groupe ethnique déterminent les volumes pulmonaires.
En pratique clinique, les indices (VEMS/CVF, CVF, VEMS) obtenus sur des sujets ou des patients doivent être comparées à des valeurs de références construites à partir de sujets normaux, sains et non-fumeurs. Un VEMS à 1,5 l mesuré chez un homme de 30 ans et de 180 cm (déficit ventilatoire très sévère) n’a pas la même signification que le même résultat chez une femme de 85 ans et 155 cm (VEMS encore normal).
Les équations «Global Lung Function Initiative (GLI) 2012» ont été élaborées à partir de 74 000 sujets sains. Elles remédient aux faiblesses des anciennes équations de référence qui ne devraient plus être utilisées [1]. Les sociétés spécialisées de pneumologie («European Respiratory Society» [ERS], «American Thoracic Society» [ATS], Société Suisse de Pneumologie [SSP]) recommandent désormais leur utilisation en pratique courante [4, 5]. Multi-ethniques, adaptées pour des sujets de 3 à 95 ans, les références GLI 2012 fournissent des limites inférieures pour les valeurs normales (LIN, «lower limit of normal» [LLN]) et permettent de standardiser l’interprétation de la spirométrie. L’utilisation des GLI 2012 évite aussi les erreurs du passé, notamment l’utilisation de seuils VEMS/CVF fixes, indépendants de l’âge pour définir le syndrome obstructif, ou l’extrapolation des valeurs prédites pour les enfants et les sujets de plus de 65 ans. Il est recommandé que les rapports de fonctions pulmonaires précisent les sets d’équations de référence utilisés pour chacun des indices mesurés.

Indications à l’exploration de la fonction pulmonaire

Les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) sont centrales dans l’investigation et le suivi des maladies du poumon, l’évaluation du risque avant une chirurgie [6], avant l’administration de chimiothérapie pneumotoxique et la recherche de BPCO chez les sujets à risque.
On réalisera d’abord une spirométrie avec broncho-dilatation, puis en fonction du contexte clinique une mesure des volumes pulmonaires par plethysmographie corporelle et une mesure de la capacité de transfert du monoxyde de carbone (TLCO), voire un test d’effort pneumologique [7, 8]. En cas de désaturation à l’examen clinique (SpO2 <93%) une gazométrie artérielle sera réalisée.
– Des symptômes ou signes tels que dyspnée, toux, bronchorrhée, expirium prolongé ou sibilances, des valeurs de laboratoire pathologiques (polyglobulie, désaturation en oxygène), un scanner thoracique ou une radiographie standard pathologiques indiquent des épreuves fonctionnelles respiratoires. Les maladies de système comme la polyarthrite rhumatoïde et les maladies inflammatoires de l’intestin s’accompagnent aussi fréquemment d’une atteinte pulmonaire qui est à documenter.
– Des EFRs sont nécessaires avant une chirurgie thoracique ou une chimiothérapie potentiellement pneumotoxique. En plus des agents classiques tels que la bléomycine, connue pour causer une pneumopathie fibrosante, l’immunothérapie moderne des cancers est grevée d’un risque de pneumotoxicité. La spirométrie et la TLCO permettent d’évaluer les risques de complications avant une intervention chirurgicale, d’optimaliser les traitements respiratoires et de détecter précocement une toxicité pulmonaire en cas de chimiothérapie.
– La BPCO reste sous-diagnostiquée dans la population générale. A cet égard, la spirométrie, associée à un bref interrogatoire centré sur les expositions à risque (tabagisme et exposition chronique aux poussières, gaz ou fumée) et les symptômes respiratoires chroniques, détecte les adultes atteints de BPCO lors de campagnes de sensibilisation.
– Le suivi des maladies respiratoires chroniques nécessitent des EFRs régulières pour évaluer la réponse aux traitements. Par exemple, on visera dans l’asthme une normalisation de la spirométrie avec disparition du syndrome obstructif et normalisation du VEMS, alors que le ralentissement du déclin fonctionnel en termes de CVF et de TLCO est espéré dans la fibrose pulmonaire.

Contre-indications

La réalisation des épreuves fonctionnelles respiratoires est sûre. Les contre-indications absolues comprennent les situations où l’augmentation des pressions thoraciques lors des manœuvres d’expiration forcée pourrait être délétère. L’infarctus aigu du myocarde récent, l‘angor instable, un anévrisme de l’aorte de taille importante ou l’embolie pulmonaire aiguë symptomatique contre-indiquent ainsi la réalisation de spirométrie avec expiration forcée. La pléthysmographie corporelle et la mesure de la TLCO restent par contre possibles.
De multiples conditions interfèrent avec la réalisation des EFRs. Des douleurs thoraciques, faciales ou abdominales déclenchées par les manœuvres ou l’impossibilité d’obtenir une collaboration adéquate du patient en raison de troubles cognitifs limitent le rendement des EFRs [8].

Préparation du patient, configuration du spirométre et réalisation des manoeuvres

Préparation du patient

Il est conseillé aux patients d’éviter les efforts physiques importants (une bronchoconstriction peut être induite par l’effort), les repas lourds et l’alcool avant la réalisation des tests.
Si un asthme est recherché, il convient dans la mesure où les conditions cliniques l’autorisent d’interrompre les traitements de cortico-stéroïdes inhalés au moins 2 semaines, les LAMA («long-acting muscarinic antagonist») 48 heures, les LABA («long-acting β2-adrenergic receptor agonist») 24 heures, les SABA («short-acting β2-adrenergic receptor agonist») et SAMA («short-acting muscarinic antagonist») 12 heures avant la spirométrie, de manière à ne pas masquer un éventuel syndrome obstructif qui serait réversible [9].
Si une BPCO doit être documentée ou suivie, l’arrêt des bronchodilatateurs en pratique courante n’est ni réaliste, ni requis [10].
Avant chaque test, le sexe, le groupe ethnique, la taille mesurée au centimètre et l’âge au jour près sont introduits dans le logiciel du spiromètre. La taille exerce une influence considérable sur les valeurs prédites. Chaque centimètre supplémentaire s’associe à une augmentation de 2% des volumes pulmonaires. Afin d’éviter les erreurs sur les tailles auto-reportée, souvent surestimées, une mesure de la taille au moyen d’une toise calibrée est essentielle.
Une démonstration des manœuvres au patient limite le nombre d’essai nécessaire à l’obtention d’indices reproductibles et interprétables. La spirométrie se fait en position assise, le dos droit, en évitant la flexion de la nuque au cours des manœuvres. Un pince-nez et une pièce buccale à usage unique sont préparés.

Configuration du spiromètre

Une calibration régulière est à effectuer selon les recommandations du fabricant sur la plupart des spiromètres.
La configuration par défaut du spiromètre devrait utiliser les équations de références GLI 2012, si elles sont disponibles. Il doit aussi être programmé de manière à retenir les meilleures valeurs réalisées (meilleures valeurs de CV, CVF, VEMS, DEP) selon les recommandations de l’ERS [2]. Ainsi le VEMS et la CVF retenus pour l’interprétation clinique et le rapport peuvent provenir de manœuvres distinctes.

Réalisation des manœuvres

Les différentes phases d’une spirométrie sont présentées dans la figure 1. Après 4 à 5 cycles en respiration libre, le sujet expire jusqu’au volume résiduel (VR) et inspire jusqu’à sa capacité pulmonaire totale (CPT)(phase 1). Il expire fortement et longuement afin d’obtenir le VEMS et la CVF (phase 2). La CV peut être obtenue à l’inspiration durant la phase 1, avec une nouvelle inspiration complète après l’expiration forcée (phase 3 non représentée sur la figure) ou à l’expiration lente lors d’une manœuvre séparée en partant de la CPT. La mesure de la CVF doit consister en une expiration suffisamment longue en incluant 2 secondes d’expiration à flux nul. On veillera à éviter les fuites péribuccales.

Reproductibilité des indices

Pour être interprétable, les manœuvres sont à réaliser 3× au minimum. Les 2 meilleurs VEMS et les 2 meilleures CVF ne doivent pas varier de plus de 150 ml ou 5% pour être considérés comme reproductibles. En cas de différences excédant 150 ml (ou 5%), les manœuvres sont à répéter pour un maximum de 8 essais. La toux, la déconnection de la pièce buccale, un aspect amorti de la courbe débit/volume ne doivent pas conduire au rejet de la manœuvre. Correctement configuré, les spiromètres sélectionnent automatiquement les valeurs les plus élevées de chacune des manœuvres (tab. 1) ­(cf configuration du spiromètre) (fig. 3).
Tableau 1: Reproductibilité des indices spirométriques et meilleures valeurs à retenir.
 ManœuvresValeurs à retenir
IndicesM1M2M3M4 
VEMS (l)2,412,752,782,82,8
CVF (l)3,62,913,613,213,61
PEF (l/s)3,84,25,866
Quatre manœuvres ont été réalisées. Les indices sont reproductibles puisque les différences entre les 2 meilleurs VEMS (M3 & M4) et CVF (M1 & M3) sont inférieures à 150 ml. Les meilleures valeurs, qui proviennent de manœuvres distinctes (CVF M3 & VEMS M4) sont retenues pour l’interprétation.
VEMS: volume expiré maximal en 1 sec; CVF: capacité vitale forcée; PEF: «peak expiratory flow»
Figure 3: Courbes débit/volumes imparfaites et ­interprétabilité clinique des indices.
VEMS: volume expiré maximal en 1 sec; CVF: capacité vitale forcée; 
PEF: «peak expiratory flow».

Interprétation des indices

Syndrome obstructif – définition

Le syndrome obstructif est une caractéristique de l’asthme, de la BPCO qui sont les maladies respiratoires les plus fréquentes. Un rapport VEMS/CV(F) abaissé définit le syndrome obstructif. Au-delà de cet élément de consensus, les critères chiffrés définissant le syndrome obstructif ont mis des années à se préciser. La modernisation des logiciels de spirométrie et la diffusion des équations de référence fournissant des valeurs de référence avec une LIN pour le rapport VEMS/CVF en fonction du sexe, de l’âge, de la taille et de l’ethnie ont permis d’arriver à une définition scientifiquement fondée du syndrome obstructif, basée sur le 5ème percentile de la valeur normale correspondant à la LIN. Dans toutes les situations de déficits ventilatoires, la sévérité de l’obstruction se juge sur la diminution du VEMS en pourcent de la valeur prédite.
Pour la BPCO, les recommandations GOLD («Global Initiative for Obstructive Lung Disease») utilisent arbitrairement le critère VEMS/CVF <0,7 après bronchodilatation pour définir l’obstruction [11]. La simplicité apparente de la définition, le fait que de nombreux spiromètres obsolètes n’intègrent pas de normes pour le rapport VEMS/CVF prédit ont contribué au maintien de ce critère scientifiquement infondé. En effet, le rapport VEMS/CVF diminuant physiologiquement avec l’âge, les personnes âgées (en particulier les plus de 65 ans) sont à risque de sur-diagnostic et potentiellement de sur-traitement.
Depuis 2005, l’ATS et l’ERS recommandent l’utilisation de la limite inférieure de la norme ou 5ème percentile de la valeur normale prédite (LIN) du rapport VEMS/CV(F) pour définir le syndrome obstructif [12, 13]. L’utilisation du critère LIN tient compte de la diminution physiologique du rapport VEMS/CV(F) avec le vieillissement et évite le sur-diagnostic.
Pratiquement, le clinicien compare le rapport VEMS/CVF obtenu pour le sujet testé avec la LIN prédite. Un exemple, basé sur le bilan obtenu auprès d’un homme de 65 ans non-fumeur illustre la démarche (tab. 2).
Tableau 2: Exemple de spirométrie normale d’un homme de 65 ans, 178 cm, caucasien, ­non-fumeur, asymptomatique référé pour bilan avant une chirurgie thoracique.
 Valeurs mesuréesValeurs préditesLIN% pred
VEMS (l)2,853,412,5284%
CVF (l)4,384,463,3598%
VEMS/CVF0,650,770,64>LIN
NB: Les équations de références «Global Lung Function Initiative» (GLI) 2012 donne une valeur prédite pour le rapport VEMS/CVF à 0,77 et une limite inférieure de la norme à 0,64. Le rapport VEMS/CVF mesuré pour le sujet testé est de 0,65, encore normal. Un syndrome obstructif ne doit pas être retenu. Interprétation: spirométrie normale.
VEMS: volume expiré maximal en 1 sec; CVF: capacité vitale forcée; LIN: limite inférieure de la norme.
Une concavité de la courbe débit/volume, se traduisant par un abaissement isolé des débits moyens (DEM 50, DEM 25–75) ne devrait pas suffire isolément pour considérer un syndrome obstructif. En effet, il existe une importante variabilité physiologique dans ces indices, qui dépend de la CVF. Les débits moyens ne contribuent que marginalement à la prise de décision clinique [14].
Une fois le diagnostic de syndrome obstructif retenu, le clinicien grade la sévérité de l’obstruction sur le VEMS. Les degrés de sévérité les plus utilisés en pratique sont résumés dans le tableau 3.
Tableau 3: Critères diagnostiques de l’obstruction (GOLD, ATS/ERS) et gradation de la sévérité de l’obstruction 
(ATS 2004/GOLD).
VEMS/CVF après broncho­dilatation* (GOLD)VEMS/CVF ­
(Recommandations ATS/ERS)VEMS (% prédite)Gradation de l’obstruction 
(ATS 2004 / GOLD)
<0,7 <LIN>80Léger
50 à 79%Moyen
30 à 49%Sévère
<30%Très sévère
* Salbutamol 400 μg ou ipratropium 80 μg. Le critère GOLD s’applique exclusivement pour la bronchopneumopathie chronique obstructive.
VEMS: volume expiré maximal en 1 sec; CVF: capacité vitale forcée; GOLD: «Global Initative for ­Obstructive Lung Disease»; 
ATS: «American Thoracic Society»; ERS: «European Respiratory Society»

Syndrome restrictif – définition

Les maladies fibrosantes du poumon, les déformations de la cage thoracique, les maladies neuromusculaires affectant la musculature respiratoire et l’obésité morbide sont parmi les causes les plus fréquentes de syndrome restrictif. Le syndrome restrictif se définit par un abaissement de la capacité pulmonaire totale, mesurable uniquement par pléthysmographie corporelle. Le syndrome restrictif peut toutefois être suspecté en cas d’abaissement harmonieux des volumes dynamiques (CVF et VEMS) en dessous de la limite inférieure de la norme ou de rapport VEMS/CVF anormalement élevé (>110% de la valeur prédite). Une fois le diagnostic de syndrome restrictif retenu, la sévérité du déficit ventilatoire est gradée en examinant le VEMS en pourcent de la valeur prédite selon les recommandations de l’ERS/ATS 2005 [12].
Il est important de noter qu’une CV(F) abaissée est souvent retrouvée dans la BPCO. Un syndrome restrictif ne doit alors pas être systématiquement évoqué. En effet, un piégeage gazeux avec élévation du rapport VR/CPT à la pléthysmographie, liée à un emphysème, sera associé à une diminution de la CV (augmentation du VR aux dépens de la CV). Un volume résiduel (RV) pathologiquement augmenté et un trouble de la diffusion sont des arguments à rechercher pour confirmer une BPCO qui se manifesterait par une CV abaissée.

Broncho-dilatation

L’asthme et la BPCO sont deux entités parfois difficiles à distinguer en clinique. Le tableau 4 montre les paramètres physiologiques pouvant différencier asthme et BPCO. Une réponse aux bronchodilatateurs forte (>400 ml) ou une réversibilité complète de l’obstruction avec normalisation des indices spirométriques sont caractéristiques de l’asthme. On observe souvent une réponse partielle aux bronchodilatateurs dans la BPCO. La mesure des volumes pulmonaires par pléthysmographie corporelle et celle de la TLCO contribuent à classer correctement les situations douteuses. Néanmoins, en pratique quotidienne des formes de chevauchement entre asthme et BPCO sont fréquentes. Jusqu’à 30% des asthmes modérés persistants évoluent vers une obstruction fixée et 15 à 20% des BPCO répondent aux critères du chevauchement asthme-BPCO («Asthma-COPD overlap» [ACO]) [15, 16].
Tableau 4: Différences et similitudes physiologiques entre l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
 AsthmeBPCO
SpirométrieAvant BDAprès BDAvant BDAprès BD
VEMSAbaisséRéversibilité très ­fréquente, parfois ­marquée (>400 ml)AbaisséRéversibilité occasionnelle, peu marquée
CVFNormalRéversibilité ­occasionnelleAbaisséRéversibilité occasionnelle à fréquente
VEMS/CVFAbaissé, voire normaliséAbaisséAbaissé
Pléthysmographie
VR et CRFLe plus souvent normauxAugmentés
Capacité de transfert du CO
TLCONormaleAbaissée
KCONormaleAbaissée
VEMS: volume expiré maximal en 1 sec; CVF: capacité vitale forcée; VR: volume résiduel; CRF: capacité résiduelle fonctionnelle; TLCO: capacité de transfert du monoxyde de carbone; KCO (Krogh): capacité de transfert du monoxyde de carbone par unité de volume alvéolaire; BD: bronchodilatateur
Il est suggéré d’adopter le protocole suivant tiré du consensus ATS/ERS pour évaluer la réponse aux bronchodilatateurs [17]:
1. spirométrie de base (minimum 3 mesures);
2. administration de 4 push de 100 µg de salbutamol avec une chambre d’inhalation (1 push suivi d’une inspiration profonde, à répéter 4 fois) [18];
3. spirométrie 15 min après bronchodilatateur (minimum 3 mesures).
L’absence d’études à large échelle ne permet pas de faire de recommandations définitives sur l’intérêt d’une bronchodilatation supplémentaire par de l’ipratropium. Chez les patients BPCO, une dose totale de 80 µg d’ipratropium est parfois proposée (4 × 20 µg selon un protocole similaire au salbutamol). La réponse à l’ipratropium est évaluable 30 à 40 minutes plus tard [2, 19]. Une démonstration en vidéo de l’utilisation d’une chambre d’inhalation est disponible sur le site de l’«Atemwegsliga» [18].

Interprétation de la réponse aux ­bronchodilatateurs

Chez l’adulte, on considère qu’une réponse aux bronchodilatateurs (BD) est présente quand les critères suivants sont remplis:
– augmentation du VEMS de 200 ml et 12% de la valeur de base
ou
– augmentation de la CVF de 200 ml et 12% de la valeur de base.
On retiendra une réversibilité complète en cas de normalisation du VEMS et de la CVF avec disparition du syndrome obstructif présent avant bronchodilatation,. Cette situation est très fortement évocatrice d’un asthme. Elle est importante à reconnaître dans les cas où les volumes de base sont déjà élevés et laissent peu de place pour une augmentation supplémentaire après bronchodilatation.
Une réversibilité partielle est rapportée quand un des critères de réversibilité au moins est présent mais que le rapport VEMS/CVF reste inférieur à la LIN et/ou que le VEMS ou la CVF ne sont pas normalisés. Pris isolément, une réversibilité partielle ne permet ni de retenir ni d’exclure un asthme ou une BPCO.
Exemple: Le VEMS de base (pré-BD) est mesuré à 2,2 litres. Le VEMS après BD (post-BD) est mesuré à 2,3 litres. L’effet de la bronchodilatation est de +100 ml et +4,5% ([2,3–2,2]/2,2*100 = +4,5%). On conclut dans ce cas à une absence de réversibilité sur le VEMS.
Selon la situation, les éléments supplémentaires peuvent/doivent être considérés:
– La normalisation du rapport VEMS/CVF ne peut être utilisée comme critère pris isolément. En effet, en cas de diminution paradoxale de la CVF après bronchodilatation, le rapport VEMS/CVF augmente.
– Chez l’enfant, les volumes pulmonaires étant plus petits, seul le critère de 12% est retenu.
– En cas de suspicion de BPCO, la broncho-dilatation est indispensable pour le diagnostic [11]. En effet, le diagnostic ne peut être retenu qu’après broncho-dilatation. Si celle-ci est importante, un asthme concomitant peut-être suspecté.
– En cas de suspicion d’asthme, une augmentation importante de plus de 400 ml et 12% du VEMS confirme le diagnostic en pratique quotidienne [20].

Z-scores ou pourcent de la valeur prédite

Nous avons pris l’habitude d’exprimer les résultats des fonctions pulmonaires, en pourcent de la valeur prédite, considérant arbitrairement une valeur supérieure à 80% du prédit comme étant «normale». Cette pratique pose problème dans les cas de sujets âgés ou de taille inhabituelle (très grande ou très petite) pour lesquels, les valeurs normales se distribuent plus largement que pour les sujets jeunes. Il en résulte que la CVF peut être inférieur à 80% de la valeur prédite tout en restant dans la limite de la normale chez une femme de 80 ans pour 160 cm par exemple. Les Z-scores pallient à ce biais. Calculés pour chaque âge, les Z-scores contiennent par définition 95% de la population (1,96 Z-score) ou 90% de la population (1,64 Z-score). Le Z-score indique la distance, en nombre de déviation standard, entre une valeur mesurée et une valeur prédite. Ainsi une femme de 80 ans, 160 cm, asymptomatique et non fumeuse a une valeur prédite pour la CVF de 2,45 L et une LIN à 1,72 (correspondant au 5ème percentile de la valeur médiane prédite, soit 1,64 Z-score). Si on obtient une CVF à 1,73 L pour ce sujet, le calcul en pourcent de la valeur prédite fait suspecter un résultat anormalement bas (71% de la valeur prédite). Cette valeur est toutefois à 1,63 Z-score de la valeur médiane prédite, soit encore normale.
Les Z-scores restent toutefois peu utilisés en pratique courante. La plupart des essais cliniques ont rapportés jusqu’à maintenant les indices respiratoires en pourcent de la valeur prédite. Une utilisation à large échelle des Z-scores prendra vraisemblablement de nombreuses années à être acceptée. A l’instar des pourcents de la valeur prédite, les Z scores ne pourront se substituer au jugement clinique pour déterminer isolément la présence ou l’absence d’une maladie respiratoire.

Algorithme d’interprétation

La spirométrie avec broncho-dilatation constitue la première étape de l’exploration de la fonction pulmonaire. Elle autorise un diagnostic de certitude pour l’asthme et la BPCO, qui sont les maladies respiratoires les plus fréquentes. Une mesure de la TLCO et des volumes pulmonaires statiques par pléthysmographie corporelle est nécessaire pour le diagnostic ou le bilan des autres maladies respiratoire. La figure 4 présente un algorithme simplifié de l’interprétation des fonctions pulmonaires.
Figure 4: Algorithme d’interprétation simplifié pour les épreuves fonctionnelles respiratoires. 
Indices disponibles par spirométrie (orange), mesure de la capacité de diffusion du CO (rouge), pléthysmographie (bleu). 
CV = capacité vitale; CVF = capacité vitale forcée; VEMS = volume expiré max en 1 sec; CPT = capacité pulmonaire totale; CRF = capacité résiduelle fonctionelle; VR = volume résiduel; TLCO = capacité de transfert du monoxyde de carbone; KCO = capacité de transfert du CO par unité de volume alvéolaire; MNM = maladie neuro-musculaire; LIN = limite inférieure de la norme.

L’essentiel pour la pratique

• La spirométrie avec bronchodilatation est l’examen de base en pneumologie, indispensable au diagnostic et suivi des maladies respiratoires.
• Au moment du diagnostic d’une maladie respiratoire chronique, il est recommandé de compléter la spirométrie par une mesure de la capacité de diffusion du CO et une pléthysmographie auprès d’un laboratoire d’exploration fonctionnelle respiratoire.
• Les équations de référence «Global Lung Initiative 2012» doivent être utilisées pour les adultes et les enfants. Les équations de références obsolètes doivent être abandonnées
• Le syndrome obstructif est défini par un rapport VEMS/CVF abaissé en dessous de la limite inférieure de la norme.
JDL a déclaré des subventions de recherche de la part de Boehringer Ingelheim, Mundipharma, GlaxoSmithKline et Novartis. JP a déclaré des honoraires personnels de la part de Boehringer Ingelheim, ainsi qu’un soutien non financier de la part de Actelion et MSD. Les autres auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd.
Pierre-Olivier Bridevaux
Service de pneumologie
Hôpital de Sion
Hôpital du Valais
CH-1950 Sion
pierre-olivier.bridevaux[at]hopitalvs.ch
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