Somnolence diurne, hypersomnie ou fatigue diurne?
Un aperçu pour le médecin de famille

Somnolence diurne, hypersomnie ou fatigue diurne?

Übersichtsartikel
Édition
2019/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08084
Forum Med Suisse. 2019;19(1920):319-324

Affiliations
a Universitätsklinik für Neurologie, Schlaf-Wach-Epilepsie-Zentrum, Inselspital, Universitätsspital, Bern; b Berner Institut für Hausarztmedizin (BIHAM), Universität Bern; c Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté), Université de Lausanne

Publié le 08.05.2019

Aperçu des investigations diagnostiques et de la pose du diagnostic en présence du symptôme cardinal somnolence diurne – avec un accent spécial sur les hypersomnolences d’origine centrale – ou fatigue diurne.

Introduction, définitions et instruments de mesure

Faire la distinction entre une somnolence diurne et une fatigue diurne représente la première étape essentielle pour l’initiation d’examens complémentaires et finalement la pose du diagnostic.

Symptômes cardinaux de la somnolence diurne: somnolence diurne excessive et hypersomnie

Au moins 5% de la population souffrent d’une somnolence diurne excessive (SDE). La SDE désigne une pression du sommeil augmentée durant la journée, qui se manifeste par une tendance accrue à l’endormissement et un besoin irrépressible de sommeil pouvant aller jusqu’à des «accès de sommeil» incoercibles avec un endormissement involontaire dans des situations inadéquates (assoupissement bref) [1].
Dans la pratique clinique quotidienne, le terme hypersomnie désigne sur le plan symptomatique un besoin anormalement élevé de sommeil sur 24 heures. Etant donné que les personnes touchées ne parviennent quasiment jamais (ou ne le veulent pas) à satisfaire ce besoin fortement accru de sommeil, qui est souvent de >10–11 heures par journée de 24 heures, une somnolence diurne s’y ajoute le plus souvent aussi en raison du manque de sommeil relatif. D’après la classification internationale des troubles du sommeil la plus récente (ICSD-3, «American Association of Sleep Medicine» [AASM], 2014), le terme hypersomnie devrait uniquement encore être utilisé pour désigner des maladies spécifiques au sein du groupe des «hypersomnolences d’origine centrale». Toutefois, cette définition n’est pour l’instant pas parvenue à s’imposer totalement dans la routine clinique.
Le terme hypersomnolence est utilisé comme terme générique pour désigner le groupe des «hypersomnolences d’origine centrale», qui inclut des maladies caractérisées soit par une somnolence diurne ou une hypersomnie soit par les deux (voir ci-dessous).
La SDE peut être quantifiée à la fois au moyen de méthodes de mesure subjectives et objectives. Les instruments les plus connus et les mieux validés, qui peuvent être utilisés pour mesurer la SDE subjective, sont des questionnaires tels que l’Echelle de somnolence d’Epworth («Epworth Sleepiness Scale» [ESS], tab. 1). Dans l’ESS, le patient doit évaluer sa propension à s’endormir dans huit situations différentes en attribuant une note comprise entre 0 (jamais d’assoupissement) et 3 (probabilité élevée d’assoupissement). La somme des points fournit le score total, des valeurs ≥10 étant considérées comme indicatives d’une somnolence anormale. Il convient toutefois de mentionner que l’ESS n’est pas toujours bien corrélé aux méthodes de mesure objectives. La somnolence peut être mesurée objectivement au laboratoire du sommeil au moyen du test itératif de latence d’endormissement («Multiple Sleep Latency Test» [MSLT]). Lors de cet examen, il est demandé au patient de dormir dans un lit dans une pièce sombre lors de quatre ou cinq séances consécutives réparties sur la journée pour une durée de 20 minutes à chaque fois. Au moyen d’un électroencéphalogramme (EEG), la latence d’endormissement moyenne peut être calculée: des latences d’endormissement ≤10 minutes sont évocatrices d’une SDE (dans la pratique clinique quotidienne: <5 minutes = SDE sévère; 5–10 minutes = SDE modérée) et une latence d’endormissement de plus de 10 minutes est normale. Pour remplir les critères diagnostiques de narcolepsie ou d’hypersomnie idiopathique (cf. explications détaillées ci-dessous), une latence d’endormissement de ≤8 min est requise. En outre, la profondeur du sommeil/le stade du sommeil et avant tout la survenue précoce du sommeil de type «rapid eye movement» (REM) sont évalués.
Tableau 1: Questionnaire relatif à la somnolence diurne.
Epworth Sleepiness Scale
La question suivante concerne votre vie quotidienne normale au cours des 4 dernières semaines:

Comment évaluez-vous le risque de vous assoupir ou de vous endormir dans les situations décrites ci-dessous (pas simplement de vous sentir fatigué)?

Au cas où une situation ne s’est pas produite récemment, essayez d’imaginer ce qui pourrait se passer.

Utilisez l’échelle suivante pour choisir la valeur la plus appropriée à chaque situation.
0 = jamais d’endormissement ou d’assoupissement
1 = faible chance d’endormissement ou d’assoupissement
2 = chance moyenne d’endormissement ou d’assoupissement
3 = forte chance d’endormissement ou d’assoupissement
ActivitéValeur
Assis en train de lire 
En train de regarder la télévision 
Assis, inactif, dans un endroit public (par ex. au théâtre, au cinéma, à une conférence, en réunion) 
Passager dans une voiture roulant sans arrêt pendant 1 heure 
Allongé l’après-midi pour se reposer 
Assis en train de parler à quelqu’un 
Assis calmement après un repas sans alcool 
Au volant d’une voiture arrêtée quelques minutes car la situation l’exige (par ex. feu rouge, embouteillage 
«Epworth Sleepiness Scale»: une somme ≥10 indique une SDE pathologique [12].
Lors du test de maintien de l’éveil (TME), il est demandé au patient, lors de 4–5 séances réparties sur la journée, de s’assoir dans une pièce sombre avec les yeux ouverts durant 40 minutes et de rester éveillé le plus longtemps possible. Là aussi, la latence d’endormissement moyenne est mesurée au moyen de l’EEG et elle représente un indicateur de la capacité de compensation de la SDE de la personne examinée. Il n’existe pas de valeurs normales homogènes pour le TME. Il a néanmoins pu être montré que 97,5% des individus en bonne santé parvenaient à rester éveillés au minimum >8 minutes, et cette valeur a dès lors été définie comme valeur seuil au-dessous de laquelle la situation est clairement pathologique. Toujours est-il que 59% des individus en bonne santé sont parvenus à rester éveillés pour toute la durée de 40 minutes, avec une latence d’endormissement moyenne de 36,9 ±  5,4 minutes, de sorte que les valeurs comprises entre 8 et 40 minutes représentent des résultats de signification indéterminée et doivent dès lors aussi être interprétées avec prudence [2].
Pour objectiver une hypersomnie au sens d’un besoin de sommeil nocturne anormalement élevé, la polysomnographie du sommeil ad libitum (le patient est ­autorisé à dormir autant qu’il le souhaite) constitue la méthode optimale. Il est également possible de recourir à un agenda du sommeil ou à l’actigraphie (mesure des phases d’activité et de repos au moyen d’un bracelet), qui sont des méthodes plus simples mais moins fiables.

Symptômes cardinaux de la fatigue diurne: fatigue diurne et fatigue pathologique

La fatigue diurne touche 20–30% des patients rencontrés au cabinet de médecine de famille [3] et elle désigne un manque d’énergie. Le plus souvent, les patients ne parviennent malgré tout pas à s’endormir rapidement, même si l’occasion leur en est donnée. La fatigue a typiquement tendance à augmenter avec l’activité physique et l’effort, alors que la SDE s’en trouve souvent améliorée ou réprimée.
Le terme fatigue est lui aussi sujet à des interprétations variables. A l’origine, la fatigue désignait la réponse corporelle normale à un effort physique, au sens d’un épuisement prévisible, transitoire et physiologique causé par un effort physique chez une personne en bonne santé, qui disparait rapidement après une pause et ne conduit pas à une restriction des activités quotidiennes. Au sens pathologique, la fatigue désigne cependant avant tout une fatigabilité ou une tendance à l’épuisement physique et/ou psychique ressentie subjectivement avec une performance objective normale (ou réduite), qui ne s’explique pas uniquement par l’effort dans le cadre d’activités physiques ou intellectuelles. La fatigue pathologique est donc définie comme une sensation subjective, qui peut avoir de très nombreuses causes organiques ou psychiques (mentales). Dans le cadre de maladies psychiatriques, la ­fatigue pathologique est le plus souvent décrite en association avec la fatigue diurne [4, 5].
Il n’existe pas d’instrument de mesure objectif de la fatigue diurne. Outre l’anamnèse, un questionnaire tel que la «Fatigue Severity Scale» ([FSS], questionnaire avec au total 9 questions sur la fatigue diurne et la tendance à l’épuisement; score minimal de 1 point; score maximal de 7 points; tab. 2) représente un instrument diagnostique utile. Tandis que chez les patients avec SDE, le score ESS est le plus souvent élevé et le score FSS normal ou légèrement élevé, les patients souffrant de fatigue diurne présentent souvent un score FSS nettement supérieur à 4 [6].
Tableau 2: Questionnaire relatif à la fatigue diurne.
Fatigue Severity Scale
Durant la semaine passée, j’ai trouvé que:
 Ne s’applique pas du tout     S’applique parfaitement
Je suis moins motivé quand je suis fatigué.1234567
L’exercice physique me rend fatigué.1234567
Je suis rapidement fatigué.1234567
Ma fatigue affecte mes performances physiques.1234567
Ma fatigue me cause fréquemment des problèmes.1234567
Ma fatigue m’empêche d’avoir des activités physiques ­prolongées.1234567
Ma fatigue m’empêche d’accomplir certains devoirs et ­responsabilités.1234567
Ma fatigue fait partie de mes trois symptômes les plus ­invalidants.1234567
Ma fatigue interfère avec ma vie professionnelle, familiale ou sociale.1234567
«Fatigue Severity Scale»: une valeur moyenne >4 indique une fatigue diurne/fatigue pathologique considérable [6].
Comme le montre la figure 1, la SDE/hypersomnie représente avant tout le symptôme dominant des hypersomnolences d’origine centrale, mais également des troubles du sommeil causés par des facteurs externes (syndrome d’apnée du sommeil); la fatigue diurne s’observe quant à elle plutôt dans le cadre d’autres maladies liées au sommeil, telles que le syndrome des jambes sans repos ou les insomnies. A l’inverse, le diagnostic de narcolepsie ou d’hypersomnie idiopathique peut uniquement être posé lorsqu’une SDE avec ou sans hyper­somnie peut clairement être mise en évidence (une fatigue diurne à elle seule ne suffit pas). Comme déjà mentionné, aussi bien la SDE que la ­fatigue diurne peuvent survenir dans le cadre de maladies internes, neurologiques et psychiatriques ou en tant qu’effet indésirable de médicaments/drogues. Il convient cependant de noter que cette classification correspond plutôt à une règle générale approximative et que dans la pratique, il n’est souvent pas possible de faire une distinction aussi nette entre la SDE et la ­fatigue diurne.
Figure 1: Diagnostic et classification de la somnolence diurne vs. fatigue diurne. ESS = Epworth Sleepiness Scale, FSS = Fatigue Severity Scale.
Dans cet article, nous nous concentrerons sur les hyper­somnolences d’origine centrale. Les autres maladies associées à une SDE et/ou une fatigue diurne, tels que les troubles respiratoires du sommeil (apnée du sommeil), le syndrome des jambes sans repos et les insomnies (un article consacré aux insomnies est paru dans le dernier numéro du FMS 17–18 [7]), ne seront pas abordées plus en détails dans cet article.

Hypersomnolences d’origine centrale

D’après la dernière classification ICSD-3, le groupe des hypersomnolences d’origine centrale englobe au total huit diagnostics, qui sont brièvement présentés dans les lignes qui suivent. Au sein de ce spectre de maladies, il existe de nombreux chevauchements cliniques et électrophysiologiques.
La maladie la mieux définie de ce groupe est la narcolepsie de type 1 (NT1), qui était autrefois appelée «narcolepsie avec cataplexie» [8]. Les symptômes cardinaux de cette maladie sont la SDE, les cataplexies, les hallucinations hypnagogiques/hypnopompiques (c.-à-d. durant la phase d’endormissement ou de réveil), les paralysies du sommeil et le sommeil nocturne perturbé. Les cataplexies sont pathognomoniques et elles peuvent partielles, c.-à-d. toucher uniquement certains groupes musculaires comme typiquement les muscles du visage (difficultés à parler) ou les genoux (dérobement des genoux), ou totales et se solder par une chute. La conscience n’est généralement pas altérée et la cataplexie est le plus souvent de courte durée, allant de quelques secondes à une minute (rarement, quelques minutes). Les cataplexies cessent brusquement et le plus souvent, totalement. La fréquence de survenue des cataplexies est variable, allant de quelques rares fois au cours de la vie à plusieurs fois par jour. L’hypersomnie (c.-à-d. un sommeil anormalement prolongé) survient plus rarement chez les patients atteints de NT1, à l’exception des enfants et adolescents. Chez les patients atteints de NT1, l’examen clinique-neurologique est typiquement normal; aux examens électrophysiologiques, la survenue très précoce du sommeil REM, quelques minutes après l’endormissement («sleep onset rapid eye movement periods» [SOREMP]), est ­caractéristique. La NT1 est très fortement associée à l’allèle HLA-DQB1*0602 (95–98%), mais cela n’est toutefois pas spécifique dans la mesure où 10 à 30% de la population normale présentent également ces haplotypes. Au moyen d’une ponction lombaire, il est possible de mesurer la concentration du peptide hypocrétine-1 (également appelée oréxine) dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), qui est généralement abaissée chez les patients souffrant de NT1 (<110 pg/ml).
En comparaison, les possibilités diagnostiques pour distinguer les autres maladies du groupe des troubles centraux avec SDE sont nettement plus limitées. Parmi ces maladies figure la narcolepsie de type 2 (NT2, autrefois appelée «narcolepsie sans cataplexie» ou «narcolepsie monosymptomatique») pour laquelle les mêmes critères diagnostiques que pour la NT1 s’appliquent, à la différence que des cataplexies ne doivent pas être présentes et que la concentration d’hypocrétine dans le LCR doit être normale. L’hypersomnie idiopathique (HI) se caractérise par une SDE avec ou sans durée de sommeil prolongée par journée de 24 heures. L’«ivresse du sommeil» matinale et un réveil difficile ainsi que les siestes diurnes non réparatrices sont typiques de cette entité [9]. Les cataplexies doivent faire défaut et aux examens du sommeil (polysomnographie et MSLT), moins de 2 SOREMP doivent être objectivées. En outre, une insuffisance de sommeil, d’autres maladies organiques/psychiatriques ou la prise de médicaments/substances doivent être exclues comme causes. Souvent, l’HI est associée à une dysfonction du système nerveux autonome, et les patients se plaignent de céphalées, de problèmes orthostatiques, de troubles de la régulation thermique ou de mains et pieds froids.
La distinction par rapport aux patients avec SDE ou ­hypersomnie dans le cadre d’une maladie psychiatrique, comme par ex. dépression, troubles anxieux, troubles affectifs mais également troubles de conversion, est difficile, d’autant plus que les patients développent aussi souvent au cours de leur SDE chronique des traits dépressifs réactionnels; il est donc compliqué de faire la distinction entre la cause et la conséquence de la SDE ou de l’hypersomnie. Les patients souffrant du syndrome de fatigue chronique (SFC) ne décrivent pas véritablement une SDE, mais une fatigue diurne extrêmement sévère et une tendance à l’épuisement. Selon la conception actuelle, le SFC fait partie du groupe des troubles fonctionnels, auxquels appartiennent également la fibromyalgie et le syndrome du côlon irritable, un spectre de troubles somatoformes liés au stress. Pour la pose du diagnostic de SFC, il est nécessaire de rechercher et d’exclure d’autres troubles de nature organique et non-organique.
Le syndrome d’insuffisance de sommeil (SIS) comportemental se caractérise par une durée de sommeil insuffisante (manque de sommeil chronique) pour des raisons sociales ou professionnelles durant une longue période, avec une SDE correspondante. Typiquement, ces patients présentent une durée de sommeil rallongée d’au minimum 2 heures lors des jours non travaillés par rapport aux jours de travail. Cet aspect peut être mis en évidence au moyen d’un agenda du sommeil tenu par le patient ou mieux encore d’un agenda du sommeil combiné à une actigraphie de poignet. Ces patients rapportent une nette amélioration des symptômes lorsqu’ils allongent leur sommeil nocturne d’au minimum 1–2 heures durant 7–10 jours. Cela devrait si possible être contrôlé par actigraphie.
Fait également partie du groupe des hypersomnolences d’origine centrale le très rare syndrome de Kleine-Levin, une maladie caractérisée par un besoin de sommeil périodiquement accru associé à des anomalies psychiatriques, cognitives ou comportementales.
Selon la classification ICSD-3, le groupe des hypersomnolences d’origine centrale englobe également les hypersomnolences dans le cadre de la prise de médicaments, de drogues ou de substances, ainsi que dans le cadre d’autres maladies organiques.

Diagnostic

Comme le montre la figure 1, l’anamnèse possède la plus grande valeur diagnostique. Lors de l’anamnèse, il est fondamental d’essayer de faire la distinction entre SDE, hypersomnie et fatigue diurne pour la pose de l’indication d’investigations électrophysiologiques, la pose du diagnostic et finalement aussi le traitement. A cet effet, il est utile au cabinet de médecine de famille de recourir aux questionnaires mentionnés ci-dessus, à savoir l’ESS et la FSS (tab. 1 et 2). Indépendamment des symptômes (SDE, fatigue diurne, troubles du sommeil, hypersomnie), il convient toujours d’interroger le patient de manière ciblée quant aux très fréquents troubles respiratoires du sommeil. Pour ce faire, il est recommandé d’utiliser un score très simple, rapide et bien ­validé pour l’évaluation du risque [10] (librement accessible en ligne sur https://lausanne-nosas-score.com). Par ailleurs, il faut songer à d’autres maladies pouvant être à l’origine des symptômes, notamment à des maladies internes, telles qu’une insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique avancée, à une hypothyroïdie, à des maladies infectieuses chroniques ou à des maladies consomptives (tumeurs). Certaines maladies neurologiques, telles que les suites d’un accident vasculaire cérébral, la maladie de Parkinson, les démences, les maladies neuromusculaires (avant tout myasthénie et dystrophie myotonique de Steinert), l’épilepsie et la sclérose en plaques, s’accompagnent elles aussi souvent d’une SDE et/ou d’une fatigue diurne. La fatigue diurne et la tendance accrue à l’épuisement sont souvent un symptôme dominant dans le cadre de maladies psychiatriques, en particulier en cas de dépression, de trouble anxieux ou de troubles somatoformes. Au moyen d’outils de dépistage de la dépression sous forme de questionnaires (par ex. «Beck Depression Inventory II» [BDI II]) ainsi qu’au cours de l’entretien anamnestique, il convient d’évaluer l’humeur du patient et ainsi une possible maladie psychiatrique en tant que composante causale de la SDE ou de l’hypersomnie. Bien entendu, une anamnèse médicamenteuse détaillée est également incontournable. Après l’anamnèse, l’indication d’un bilan de laboratoire de base est généralement aussi posée. En fonction du diagnostic de suspicion retenu, il peut être judicieux d’adresser le patient à un laboratoire du sommeil (si possible, avec une équipe interdisciplinaire neurologique/pneumologique/psychiatrique) pour des investigations complémentaires.

Traitement – bref aperçu et recommandations actuelles

Le traitement de ces divers symptômes diffère fondamentalement: tandis qu’en cas de narcolepsie et d’HI, des stimulants tels que le modafinil ou le méthylphénidate et si nécessaire des anticataplectiques (oxybate de sodium, antidépresseurs, pitolisant) sont avant tout utilisés, les patients présentant des symptômes dans le cadre de maladies psychiatriques profitent en première ligne d’une prise en charge psychiatrique étroite et d’une psychothérapie ou thérapie comportementale, et le cas échéant, d’une utilisation d’antidépresseurs stimulants. La prise en charge du SIS comportemental passe par une modification des habitudes de vie et par des mesures visant à améliorer l’hygiène du sommeil, le cas échéant, avec un coaching du sommeil; dans cette situation, les médicaments stimulants sont uniquement utilisés dans des cas exceptionnels absolus. En cas de mise en évidence d’un syndrome d’apnée du sommeil, le traitement par pression positive continue représente la thérapie de choix. En cas de syndrome des jambes sans repos, des alpha-2-delta ligands (prégabaline et gabapentine) ou des agonistes dopaminergiques sont utilisés, en fonction de la sévérité. En cas de symptômes survenant dans le cadre d’autres maladies ou de la prise de médicaments, drogues ou substances, il est en premier lieu recommandé de traiter la maladie sous-jacente ou d’évaluer/optimiser la médication à long terme.

Aptitude à la conduite

Chez les patients souffrant de SDE, l’aptitude à la conduite doit être évaluée, discutée avec le patient et documentée dans le dossier médical. Indépendamment du diagnostic sous-jacent, l’intensité de la SDE varie très fortement d’un patient à l’autre. L’intensité de la SDE, la capacité à percevoir la somnolence et l’attitude personnelle raisonnable vis-à-vis de la somnolence sont des aspects déterminants pour l’évaluation de l’aptitude à la conduite. A l’heure actuelle, il n’existe pas de paramètres de mesure permettant une évaluation fiable de l’aptitude à la conduite. Les questionnaires standardisés, tels que l’ESS, sont uniquement utiles en tant qu’instrument de dépistage, mais pas pour l’évaluation définitive de l’aptitude à la conduite. Les chauffeurs professionnels et les conducteurs de voiture ayant déjà été victimes d’un accident doivent faire l’objet d’une évaluation dans un centre du sommeil spécialisé, conformément aux recommandations de la commission des transports de la Société Suisse de Recherche sur le Sommeil, de Médecine du Sommeil et de Chronobiologie (SSRSMSC) [11].

Perspectives

Dans la pratique clinique quotidienne, faire la distinction entre la SDE, l’hypersomnie et la fatigue diurne représente la première étape essentielle pour la pose de l’indication d’investigations supplémentaires, la pose du diagnostic et finalement le traitement ciblé. De cette manière, il est possible d’éviter de nombreux examens inutiles et de poser le diagnostic plus rapidement. Malheureusement, il existe toujours de nombreuses «zones grises», des maladies avec des symptômes se chevauchant, des maladies coïncidentes et des difficultés compréhensibles des patients à décrire leurs symptômes de manière claire et univoque. Pour faire la distinction entre la SDE, l’hypersomnie et la fatigue diurne, il existe des instruments utiles, tels que des questionnaires, mais également des méthodes d’examen objectives. La recherche doit néanmoins s’atteler à trouver de nouveaux outils (par ex. biomarqueurs dans le sang), à mieux caractériser les maladies et à perfectionner les méthodes existantes afin de pouvoir mieux classifier ces symptômes très répandus dans la population générale et mieux comprendre la physiopathologie sous-jacente.

L’essentiel pour la pratique

• Pour la pose du diagnostic clinique correct, il est fondamental de faire la distinction la plus précise possible entre les symptômes cardinaux de la somnolence diurne et ceux de la fatigue diurne en s’appuyant sur les plaintes subjectives.
• Des questionnaires peuvent être utiles pour distinguer plus précisément la somnolence diurne (ESS) et la fatigue diurne (FSS).
• Il est possible d’aider les patients avec SDE, hypersomnie ou fatigue diurne, et leurs symptômes doivent être pris au sérieux.
• Un patient souffre de somnolence diurne lorsqu’il se plaint d’assoupissements brefs, d’endormissements involontaires dans des situations inadéquates ou d’épisodes de sommeil diurne inévitables.
• L’hypersomnie désigne sur le plan symptomatique un besoin de sommeil nocturne anormalement élevé (c.-à-d. >10–11 heures).
• La fatigue diurne décrit un vaste spectre de symptômes, souvent avec une fatigue essentiellement physique et/ou une tendance à l’épuisement physique rapide, sans véritable propension à l’endormissement.
• Etant donné que les stratégies thérapeutiques varient significativement en fonction du diagnostic, allant du traitement médicamenteux, à la modification des habitudes de vie et au traitement psychiatrique-psychologique, jusqu’au traitement par pression positive continue, il est essentiel de poser un diagnostic précis et correct à un stade précoce de la maladie.
• Il est conseillé d’adresser le patient à un laboratoire du sommeil pour des investigations plus détaillées au moyen d’examens électrophysiologiques du sommeil (polysomnographie, actigraphie, test de latence d’endormissement et test de maintien de l’éveil).
Les auteurs n’ont pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. et phil.
Anelia Dietmann
Universitätsklinik
für Neurologie
Schlaf-Wach-Epilepsie-Zentrum, Inselspital
CH-3010 Bern
Anelia.Dietmann[at]insel.ch
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