Médication par sonde de nutrition: un défi interprofessionnel
Partie 2: Réflexions pratiques

Médication par sonde de nutrition: un défi interprofessionnel

Übersichtsartikel
Édition
2019/4142
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08349
Forum Med Suisse. 2019;19(4142):669-675

Affiliations
a TopPharm Apotheke Meyer, Sursee; b Pharmaceutical Care Research Group, Universität Basel

Publié le 09.10.2019

Après les réflexions théoriques abordées dans la première partie, la deuxième partie de cet article de revue est consacrée aux défis qu’impliquent la prescription médicale et l’administration concrète de médicaments par sonde.

Données disponibles concernant l’administration de médicaments par sonde de nutrition

Il n’existe guère de normes établies concernant l’administration de médicaments par sonde et les informations disponibles sont le plus souvent spécifiques à un pays. L’administration d’un médicament via une sonde n’est dans la plupart des cas pas une administration conforme à l’usage prévu, mais correspond à une uti­lisation off-label. Ainsi, il convient à chaque fois de ­documenter quelles évaluations ont mené à la prescription finale et quelles expertises spécialisées ont préalablement été recueillies.
Afin de pouvoir évaluer de façon concluante la possibilité d’administrer un médicament par sonde, il est non seulement nécessaire d’évaluer les critères individuels du patient mais également de disposer d’informations précises sur les propriétés physico-chimiques et la forme galénique du médicament. Outre les informations officielles sur les médicaments disponibles sur www.swissmedicinfo.ch, différentes pharmacies hospitalières suisses mettent à disposition sur internet leurs valeurs empiriques sous forme de listes servant d’aide. Pour les évaluations individuelles, une collaboration avec un professionnel disposant d’une expertise clinico-pharmaceutique est recommandée.

Avantages et inconvénients des formes galéniques pour l’administration par sonde

Les diverses formes galéniques présentent différents avantages et inconvénients pour l’administration par sonde.

Gouttes, suspensions, sirops, préparations parentérales

Dans la mesure du possible, les formulations liquides doivent être privilégiées. Par rapport aux poudres broyées, elles passent mieux au travers du conduit de la sonde, de sorte que moins de résidus y restent fixés. Pour cette raison, dans le cadre d’un profil de médication exhaustif, les liquides devraient toujours être donnés en premier. Toutefois, ces formes galéniques peuvent elles aussi s’avérer problématiques pour les patients. En particulier en cas de sonde placée dans l’intestin, des troubles gastro-intestinaux, tels qu’irritations locales ou diarrhées, peuvent survenir. Les causes en sont des valeurs de pH non physiologiques, une osmolarité élevée (>800 à 1000 mosmol/l) ainsi qu’une teneur élevée en succédanés du sucre tels que le sorbitol, car dans ce cas, la solution n’est pas diluée dans l’estomac mais arrive dans le duodénum sous forme hautement concentrée. A partir de doses journalières de 7,5–10 g de sorbitol, des diarrhées sont à escompter.
Il convient également de garder à l’esprit qu’en cas de dilution de solutions alcooliques ou de solutions contenant des médicaments lipophiles, des précipitations du principe actif ou des excipients peuvent se produire, ce qui peut éventuellement conduire à une action moindre du médicament.
En cas de contact direct de liquides très acides (pH <5) avec l’alimentation par sonde, il peut en outre y avoir une précipitation de protéines, ce qui peut obstruer la sonde. Par conséquent, avant l’administration, les solutions orales doivent également être diluées avec le même volume d’eau (administration gastrique), et mieux encore dans un rapport 1:5 ou1:10 (en particulier en cas d’administration duodénale).
Lorsqu’aucun produit fini liquide oral approprié n’est disponible, il est éventuellement aussi possible d’utiliser une formulation parentérale. Pour des raisons de stabilité, les préparations parentérales contiennent en partie un autre sel du principe actif que la formulation orale, ce qui peut modifier la biodisponibilité (par ex. dexaméthasone [Fortecortin®]). Les préparations parentérales peuvent présenter des valeurs de pH non physiologiques et provoquer des irritations locales dans le tractus gastro-intestinal en cas d’administration non diluée. Ainsi, il convient tout d’abord de déterminer de manière critique les propriétés suivantes: potentiel d’absorption à l’extrémité de la sonde, tolérance des muqueuses, propriétés physico-chimiques appropriées, telles que valeur de pH et osmolarité, et ajustement de la dose éventuellement nécessaire. Il convient également d’être attentif aux surcoûts des préparations parentérales par rapport aux produits oraux.

Comprimés (pelliculés), dragées

Dans la pratique quotidienne, les médicaments solides représentent la forme galénique la plus prescrite, mais ils posent toujours un problème lors de l’administration par sonde: ils doivent être transformés. Pour les comprimés, l’utilisateur doit préalablement vérifier s’ils se désintègrent dans un délai raisonnable (max. 15 minutes avant l’administration). Si tel est le cas, cette manipulation doit être réalisée directement dans une seringue de 20 ml. Cela évite le broyage et le transfert de la substance broyée dans la seringue, ce qui fait gagner du temps et empêche une perte de substance. La dissolution directe dans une seringue n’est toutefois pas toujours faisable. Si un comprimé doit et peut être broyé, autrement dit pulvérisé, le broyage doit s’effectuer au moyen d’un instrument approprié (broyeur de comprimés professionnel). Ce dernier doit éviter au maximum la formation de poussière et ainsi protéger l’utilisateur et l’environnement des principes actifs ­libérés.
Les enrobages pelliculés n’ont en général pas d’influence sur le comportement de libération, mais ils servent de protection contre l’humidité, la lumière et l’air et de protection de l’utilisateur. Toutefois, ces résidus de film peuvent être gênants, car ils gonflent rapidement ou se laissent difficilement broyer finement. Le mieux est de les retirer de la poudre avec une pincette, car ils gonflent parfois beaucoup et peuvent ainsi obstruer la sonde. Les dragées peuvent également être pulvérisées, bien qu’elles puissent être très dures en raison de la couche de sucre qui les entoure.
La situation devient critique pour les comprimés dont l’enrobage pelliculé a pour objectif de protéger le principe actif contre le milieu acide de l’estomac. Si le principe actif doit être administré dans l’estomac, le comprimé ne doit pas être broyé mais il doit être remplacé par une autre forme galénique ou un autre principe actif (par ex. passage du pantoprazole à l’ésoméprazole ou au lansoprazole). En revanche, lorsqu’un principe actif instable aux acides est administré dans le duodénum, la formulation gastro-résistante peut être broyée.
Les préparations avec la désignation «MUPS» («Multi Unit Pellet System») ne doivent pas être broyées. Elles peuvent être mises en suspension dans l’eau sans endommager le film protecteur autour des pellets. Toutefois, l’administration via une sonde doit faire l’objet d’une évaluation attentive, car les orifices de sortie de certaines sondes sont trop petits, ce qui peut être à l’origine d’obstructions.

Formulations à libération prolongée

Pour ces formulations, le broyage anéantit le principe de libération prolongée original et le médicament est plus rapidement libéré, ce qui peut conduire à des surdosages et à une durée d’action réduite. Par conséquent, il convient de faire preuve de prudence lors du broyage de cette formulation et d’adapter la dose individuelle et l’intervalle d’administration. Parfois, le principe de libération prolongée est préservé malgré la mise en suspension de la matrice du comprimé, comme par ex. pour BelocZOK® (métoprolol): le comprimé se désagrège dans l’eau, tandis que les pellets ou granulés enrobés restent intacts, ils sont libérés par la matrice et peuvent être administrés sous forme de suspension après remuement.

Capsules

Outre leur fonction de contenant, les enveloppes des capsules de gélatine dure servent aussi en partie à protéger contre les principes actifs irritants ou un mauvais goût et elles peuvent souvent être ouvertes. Le contenu de la capsule (pellets, poudre) est dans tous les cas mis en suspension ou dissous dans de l’eau, mais pas broyé. En cas de sondes fines, le diamètre des pellets doit être vérifié et comparé avec le diamètre de la sonde et de ses orifices de sortie terminaux.
En particulier pour les médicaments avec une marge thérapeutique étroite ou ceux contenant des composants instables aux acides, la finalité de l’encapsulation et la nature du contenu doivent être clarifiées en interrogeant le fabricant. Ainsi, il est par ex. impossible d’administrer du dabigatran (Pradaxa®) par sonde, car la biodisponibilité orale peut être augmentée de 75% lorsque les capsules sont ouvertes et que les pellets sont pris sans l’enveloppe de la capsule. L’enveloppe de la capsule crée les conditions nécessaires à la dissolution contrôlée des pellets et à l’absorption contrôlée du principe actif. Afin d’éviter une aug­mentation involontaire de la biodisponibilité du da­bigatran étexilate, les capsules ne doivent pas être ­ouvertes. Il existe suffisamment d’alternatives avec un spectre d’indications comparable (par ex. pour l’édoxaban (Lixiana®) broyé et administré par sonde, une surface sous la courbe (AUC)/concentration maximale (cmax), une demi-vie (t½) et une clairance totale comparables à celles en cas de prise des comprimés intacts ont été démontrées) [1].

Formulations sublinguales/buccales, ­comprimés orodispersibles

Les comprimés sublinguaux et buccaux ont été développés afin de permettre une action locale des médicaments dans la bouche et le pharynx, d’éviter un effet de premier passage élevé de certains principes actifs (par ex. buprénorphine ou nitroglycérine) ou de permettre une absorption rapide. Ils constituent une bonne formulation alternative pour les patients avec sonde, pour autant qu’ils ne soient pas broyés et administrés via la sonde. Les comprimés orodispersibles ne doivent pas être confondus avec les types de comprimés tout juste décrits. Des compléments tels qu’Expidet, Lingual, Odis, Soltab, Velotab ou Zydis dans le nom du produit sont indicateurs de cette formulation. Les comprimés orodispersibles fondent dans la bouche, mais ils sont avalés avec la salive et absorbés via le tractus ­gastro-intestinal. En cas d’incapacité de déglutition du patient, ces formes galéniques peuvent être dissoutes dans de l’eau et être administrées par sonde.

Comprimés effervescents

Les comprimés effervescents doivent toujours être dissous dans une quantité suffisante d’eau (50–100 ml), car leurs excipients sont souvent irritants pour les muqueuses. En outre, la solution doit être remuée jusqu’à ce que l’acide carbonique se soit totalement échappé avant de la perfuser via la sonde, faute de quoi le patient est exposé à un risque de ballonnements ou de sensation de trop-plein. Si des résidus restent dans le récipient après la fin de l’effervescence, il s’agit d’excipients qui ne doivent pas être transférés dans la sonde.
Etant donné que les comprimés effervescents contien­nent souvent de l’hydrogénocarbonate de sodium comme excipient, ils doivent être pris en compte en tant que source pertinente de sodium en particulier chez les patients à risque avec plusieurs administrations quotidiennes. Ainsi, un comprimé effervescent de Dafalgan® 1 g contient par ex. 567,3 mg (= 24,6 mmol) de sodium. Si la dose journalière maximale de 4 g de paracétamol est administrée sous cette forme, une quantité de plus de 2 g de sodium est ingérée. Ainsi, l’apport journalier recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’1,5 g est déjà dépassé [2].

Administration de la médication

L’administration de médicaments par sonde requiert du personnel spécifiquement formé, des outils appropriés et surtout du temps. Il convient impérativement de tenir compte de ces circonstances lors de toute prescription afin que la direction des soins puisse allouer les ressources nécessaires aux équipes responsables. Autrement, les directives ne seront guère mises en œuvre avec le niveau de qualité requis, ce qui peut conduire à des obstructions de la sonde, à un échec thérapeutique et ainsi à une mise en danger de la sécurité du patient. L’interprétation des outils sous forme tabulaire représente un défi à ne pas sous-estimer et ne devrait pas être «déléguée» à la légère au personnel soignant.
Lorsque plusieurs médicaments doivent être administrés au même moment, ceux-ci doivent être administrés l’un après l’autre en intercalant un rinçage entre chaque administration (recommandations concernant les différents volumes disponibles dans la figure 1). Cette mesure est chronophage, mais elle est absolument indispensable afin d’éviter des incompatibilités et donc des obstructions de la sonde. La manipulation fastidieuse des substances individuelles peut éventuellement être contournée en utilisant un produit d’association en tant que simplification du plan thérapeutique (par ex. Exforge HCT® au lieu de l’amlodipine, du valsartan et de l’hydrochlorothiazide pris séparément).
Figure 1: Algorithme pour l’administration de médicaments par sonde après réussite du test (selon la figure 1 de la partie 1: Réflexions théoriques, parue dans le numéro 39–40 du Swiss Medical Forum ).
* Eau = eau du robinet de qualité potable (sauf pour les patients immunodéprimés et en soins intensifs: utiliser de l’eau stérile ou bouillie).
Dans la pratique, les formulations liquides éventuellement disponibles sont en premier lieu administrées successivement, car elles présentent un potentiel nettement plus faible d’obstruction de la sonde par rapport à la poudre en suspension. Les médicaments sont administrés lentement au moyen d’une seringue de 20 ml afin qu’une trop grand pression ne soit pas exercée. Pour les suspensions, il est nécessaire d’agiter à plusieurs reprises la seringue afin que la matière solide ne retombe pas et que des particules résiduelles ne restent pas dans la seringue et ne l’obstruent pas. Il est également recommandé pour les suspensions de procéder après l’administration à un rinçage de la seringue avec 5–10 ml d’eau afin que la perte de substance soit réduite au maximum. La mise en suspension des poudres doit toujours se faire immédiatement avant l’administration et la suspension doit être administrée en l’espace de 2–3 minutes faute de quoi les excipients peuvent gonfler au point d’obstruer la conduite.
D’une manière générale, il est recommandé de rincer avec de l’eau potable normale (eau du robinet fraîche à température du corps). La tolérance est la meilleure lorsque le liquide de rinçage est à température ambiante. Les liquides gazeux, les jus de fruits et les thés ne conviennent pas en tant que liquide véhicule ou liquide de rinçage. Ils peuvent être responsables d’éructations désagréables ou en raison de leurs composants (tels que les tanins ou les acides de fruits), ils peuvent conduire à une précipitation du principe actif ou des excipients et ainsi à une obstruction de la sonde. Chez les patients immunodéprimés et chez ceux hospitalisés en unité de soins intensifs, l’utilisation d’eau stérile ou de solution saline physiologique est indiquée.
Si le volume de liquide de rinçage n’est pas déduit des quantités d’eau de toute façon prescrites, le bilan hydrique du patient doit être complété en conséquence. En particulier en cas de restrictions hydriques, par ex. chez les patients dialysés ou insuffisants cardiaques, ce volume supplémentaire doit être pris en compte et documenté.

Problèmes et complications lors de ­l’administration de médicaments par sonde

Les cocktails de poudre, autrement dit l’administration incorrecte des médicaments et un rinçage insuffisant, sont la cause la plus fréquente d’obstruction des sondes. D’autres problèmes fréquents lors de l’administration de médicaments par sonde sont présentés dans le tableau 1.
Tableau 1: Problèmes potentiels lors de l’administration de médicaments par sonde et solutions possibles.
ProblèmesDescriptionSolution possible
Obstruction de la sondeCauses possibles:
Précipitation de protéines suite à une incompatibilité entre le principe actif et la solution nutritive en cas d’administration concomitante.
Voir «Mesures en cas de sondes obstruées» dans le texte.
Rinçage insuffisant suite à une administration préalable de solution nutritive ou de médicaments.
Particules trop grandes en association avec des orifices inappropriés (= diamètre insuffisant de la sonde ou orifice latéral trop petit).
Patients avec restrictions de l’apport hydriquePatients avec insuffisance rénale ou cardiaque sévère.Réduire le nombre de médicaments, envisager des solutions nutritives hypercaloriques.
Potentiel d’interactionInteraction entre un principe actif et un autre principe actif ou un excipient: Identique à l’administration normale par voie orale.Il convient de déterminer en fonction de la pertinence clinique si une interaction peut être tolérée ou être évitée par le biais de mesures appropriées. Les interactions complexantes doivent être strictement évitées (obstruction de la sonde).
Interaction entre un principe actif et l’alimentation: Il convient de garder à l’esprit que la solution nutritive est souvent administrée en continu et qu’il n’y a donc pas de phase à jeun. Ainsi, pour les principes actifs à marge thérapeutique étroite, un TDM peut être indiqué.Dans le cas des médicaments critiques, comme par ex. les antiépileptiques (entre autres carbamazépine, phénytoïne) et d’une ampleur indéterminée de l’interaction, l’absorption des médicaments doit être contrôlée au moyen d’une surveillance des concentrations sanguines des principes actifs.
Interaction entre un principe actif et le matériau de sonde: En particulier pour les sondes en polychlorure de vinyle, des interactions peuvent se produire entre le matériau et le principe actif ­(absorption de substances lipophiles), de sorte que l’action du médicament n’est pas garantie et que le patient est sous-traité.Actuellement, la silicone est le matériau de sonde le plus courant.
Absorption douteuse des formulations sublingualesPour les médicaments qui sont explicitement ­absorbés via les muqueuses (par ex. Temgesic® Comprimés sublinguaux), l’absorption dans le tractus gastro-intestinal ne peut pas être évaluée de manière fiable.Continuer l’administration sublinguale. Cela ne concerne pas les comprimés orodispersibles, comme par ex. Motilium Lingual®, car ces médicaments sont uniquement dissous dans la bouche, mais l’absorption du principe actif a lieu dans le tractus gastro-intestinal.
Effets indésirables des siropsNon dilués, ils peuvent entraîner une obstruction de la sonde et/ou en fonction du volume, ils peuvent causer des effets indésirables (nausées/diarrhées) en raison de l’osmolarité parfois élevée.Dilution suffisante du sirop (1:5 à 1:10, valeurs cibles pour les sondes en position gastrique: max. 1000 mosmol/l, pour les sondes en position duodénale/jéjunale: max. 300–500 mosmol/l, osmolalité de Tegretol® Susp: 1728 mosmol/kg).
Substitution de produits oraux par des préparations parentéralesLes médicaments parentéraux ne peuvent que rarement être administrés par voie entérale. Ils ont été développés de façon ciblée pour l’administration directe dans la circulation et présentent dès lors souvent une osmolarité élevée, sont difficilement absorbables en raison des sels différents de principe actif ou subissent un effet de premier passage élevé.Consultation de l’information professionnelle ou renseignement auprès du fabricant.
Substitution de produits contenant le même principe actif, par ex. passage à des génériquesEtant donné que les produits avec un principe actif identique de divers fabricants contiennent souvent des excipients différents, la possibilité d’administration par sonde doit être réévaluée en cas de substitution.Consultation de l’information professionnelle ou renseignement auprès du fabricant.
TDM = Therapeutic Drug Monitoring.

Mesures en cas de sondes obstruées

En tant que première mesure, il convient d’essayer d’aspirer le contenu coincé dans la sonde. En outre, les embouts sont vérifiés et remplacés le cas échéant. Si la cause de l’obstruction n’est toujours pas éliminée ou si l’aspiration échoue, il faut tenter de supprimer l’obstruction par rinçage au moyen d’une seringue de 20 ml et d’eau chaude. Les seringues plus petites génèrent une trop grande pression sur la conduite, ce qui peut aboutir à l’éclatement de la sonde, et elles sont dès lors contre-indiquées.
Bien que divers rinçages avec des boissons gazeuses telles que le Coca-Cola, des solutions de vitamine C ou du vin de pepsine soient utilisés dans la pratique, aucune de ces mesures n’a montré d’avantage substantiel par rapport à l’eau chaude. Au contraire: dans la mesure où les boissons acides telles que le Cola-Cola peuvent donner lieu à des précipitations avec la nutrition par sonde encore présente, de telles expériences ne sont pas recommandées.
La fabrication d’une solution avec des enzymes pancréatiques mérite éventuellement considération: après concertation avec le médecin traitant, deux capsules de Creon® 25 000 sont ouvertes et leur contenu est aspiré dans une seringue pour sonde. En plus des pellets, 20 ml de solution de bicarbonate de sodium 8,4% sont aspirés. Le contenu de la seringue est agité avec soin, de sorte que les pellets se dissolvent (dure quelques minutes). Il faut laisser agir le liquide de rinçage durant au minimum 3 minutes. En cas de besoin, le liquide de rinçage est aspiré et la procédure est répétée deux à trois fois.
En cas d’impossibilité de remédier à l’obstruction, un patient avec une sonde de gastrostomie percutanée endoscopique (GPE) doit être adressé au gastro-entérologue traitant et chez les patients avec sonde naso­-gastrique, celle-ci doit être tirée par du personnel infirmier formé. Il ne faut jamais essayer d’éliminer l’obstruction mécaniquement (par ex. avec un câble). Cela peut en effet provoquer la rupture de la sonde et des blessures graves chez le patient et il faut donc impérativement l’éviter.

Sécurité au travail lors de l’administration de médicaments par sonde

Une prudence particulière est de mise lors de la préparation et de l’administration de médicaments qui sont cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (médicaments dits CMR, tab. 2). Ainsi, les ­manipulations de cytostatiques, d’anti-infectieux/virostatiques, d’hormones et d’immunosuppresseurs doivent être évaluées individuellement quant à leur risque de mise en danger et elles doivent être exé­cutées avec les mesures de protection nécessaires et appropriées (par ex. gants, masque anti-poussière, lunettes de protection). Les proches et les soignants doivent être expressément rendus attentifs au potentiel relatif de mise en danger. Les soignants doivent ­savoir que la manipulation de ces substances peut ­impliquer une mise en danger personnelle. Le nombre croissant de traitements antitumoraux oraux disponibles sur le marché des médicaments conduira à l’avenir à une augmentation des demandes concernant la manipulation de ces substances dans la prise en charge ambulatoire (voir aussi www.oraletumortherapie.ch/).
Tableau 2: Exemples de médicaments avec un potentiel CMR différent en cas d’administration par sonde.
Amiodarone
(Cordarone®)
Des études chez l’animal ont montré des effets indésirables chez les fœtus (embryotoxicité). En raison de la longue demi-vie du chlorhydrate d’amiodarone, les femmes souhaitant concevoir devraient planifier le début de la grossesse au plus tôt 6 mois après l’exposition afin que l’enfant ne soit pas exposé à l’amiodarone en début de grossesse.
Bicalutamide
(Casodex®)
Antagoniste hormonal! Les femmes en âge de procréer doivent uniquement le broyer en observant des mesures de protection strictes.
Bosentan
(Tracleer®)
Dans des études chez l’animal, une toxicité sur la reproduction a été constatée (tératogénicité, embryotoxicité). Des données minimales relatives à de rares cas sont disponibles pour la période post-commercialisation concernant l’utilisation du bosentan chez les femmes enceintes.
Capécitabine
(Xeloda®)
Il convient de partir du principe que la prise de capécitabine durant la grossesse peut nuire au fœtus. Il est dès lors admis que le principe actif représente également un risque pour les sujets sains en cas de contamination.
Finastéride
(Proscar®)
En raison de l’absorption potentielle et du risque potentiel qui en résulte pour les fœtus masculins, les femmes ne devraient pas manipuler des comprimés pelliculés broyés ou scindés lorsqu’elles sont enceintes ou susceptibles de le devenir.
Métronidazole (Flagyl®)La sécurité d’une utilisation du métronidazole durant la grossesse n’est pas suffisamment ­démontrée. En particulier pour le début de la grossesse, des données contradictoires sont ­disponibles. Certaines études ont montré un taux accru de malformations. Le risque de conséquences tardives potentielles, y compris le risque cancérogène, n’est pour l’heure pas déterminé. L’administration au cours du 1er trimestre de grossesse est contre-indiquée. Au cours du 2e et du 3e trimestre, le métronidazole doit uniquement être administré en cas de nécessité absolue.
L’utilisation sans réserve de nitroimidazoles par la mère expose l’enfant à naître ou le nouveau-né à un risque de cancer ou de dommages génétiques.
Méthotrexate
(divers)
Les manipulations du produit ouvert exigent des mesures d’hygiène accrues (gants lors du reconditionnement et lors de l’administration par les proches ou soignants). Lors de la manipulation, il convient si possible d’utiliser des gants à usage unique ou de se laver les mains immédiatement après le contact avec les comprimés. Il vaut veiller à ce que les éventuelles particules de comprimés (par ex. en cas d’endommagement d’un comprimé) ne soient pas inhalées et n’entrent pas en contact avec la peau et les muqueuses. En cas de contact avec la peau, la zone concernée doit être lavée avec de l’eau et du savon; en cas de contact avec les yeux, rinçage à l’eau.
Mycophénolate mofétil
(Cellcept®)
Le mycophénolate mofétil est un tératogène humain associé à un risque accru d’avortements spontanés (principalement au cours du 1er trimestre) et de malformations congénitales en cas d’exposition maternelle durant la grossesse.
Les femmes enceintes et allaitantes doivent être dispensées de telles activités. Par ailleurs, ces tâches ne doivent pas être déléguées à un personnel non formé ou aux proches du patient. Le personnel doit également être informé au sujet des alternatives sous forme de formulations plus sûres et des mesures de protection. Une manipulation ouverte directe des substances CMR devrait toujours être évitée. Une forme galénique liquide qu’il faut uniquement mesurer comporte déjà moins de risques que des comprimés qu’il faut scinder ou broyer. Afin d’éviter au maximum l’exposition par broyage dans les services hospitaliers, une pharmacie impliquée peut, grâce à ses équipements de laboratoire, préparer les médicaments avec risque CMR sous forme de capsules ou déjà sous forme de seringue remplie de poudre.

Perspectives

La prise en charge des patients avec sonde de nutrition requiert d’avoir pleinement conscience des défis qu’implique l’administration de médicaments. Un échange direct régulier entre les différents groupes professionnels impliqués, à savoir médecins, soignants et pharmaciens, constitue une autre base essentielle pour l’évaluation exhaustive de la situation du patient. Une telle concertation interprofessionnelle aboutit à l’élaboration d’un plan écrit individuel pour l’administration de la médication par sonde, ce qui garantit la sécurité thérapeutique, y compris au-delà des interfaces.

L’essentiel pour la pratique

• La prescription de médicaments administrés par sonde implique des exigences élevées en termes de compréhension des différentes formes galéniques de médicaments.
• L’administration pratique de médicaments par sonde peut être considérablement simplifiée grâce à des prescriptions prudentes. Les défis émergents, tels que l’obstruction de la sonde, doivent être abordés dans l’échange interprofessionnel.
• Outre la sécurité des patients, des questions pertinentes se posent également concernant la sécurité au travail pour le personnel exécutant ou les proches lorsque ces derniers administrent les médicaments par sonde.
Les figures et tableaux font également partie du numéro de pharm­Actuel 03/2017 et sont reproduits sous forme adaptée avec l’aimable autorisation de pharmaSuisse.
L’auteur n’a pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr phil. Markus Messerli
Pharmacien d’officine /
FPH en pharmacie clinique
TopPharm Apotheke Meyer
Centralstrasse 1
CH-6210 Sursee
markus.messerli[at]
unibas.ch
1 Duchin K, Duggal A, Atiee GJ, Kidokoro M, Takatani T, Shipitofsky NL, et al. An Open-label crossover study of the pharmacokinetics of the 60-mg edoxaban tablet crushed and administered either by a nasogastric tube or in apple puree in healthy adults. Clin Pharmacokinet. 2018;57(2):221–8.
2 WHO Guidelines approved by the Guidelines Review Committee. In: WHO. Guideline: Sodium Intake for Adults and Children. Geneva: World Health Organization (WHO); 2012.