Chronothérapie personnalisée pour l’épilepsie
Chronobiologie de l’épilepsie

Chronothérapie personnalisée pour l’épilepsie

Übersichtsartikel
Édition
2020/3940
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.03413
Forum Med Suisse. 2020;20(3940):532-537

Affiliations
a Schlaf-Wach-Epilepsie Zentrum (SWEZ), Universitätklinik für Neurologie, Inselspital, Bern; b Wyss Center for Bio- and Neuroengineering, Genève; c Klinik für Neurologie, Kantonsspital, St. Gallen; d Universitätklinik für Neurologie, Inselspital, Bern

Publié le 22.09.2020

L’épilepsie est une maladie chronique à haute prévalence en Suisse. Grâce à l’avènement de la neuro-ingénierie, la prochaine décennie va voir de nombreux nouveaux développements.

Epidémiologie

L’épilepsie est une maladie chronique à haute prévalence comptant 70–80 000 cas en Suisse (~1% de la population), dont environ 15–20 000 enfants (www.epi.ch). La maladie peut commencer à tout âge, mais connait deux pics d’incidence: le premier durant l’enfance et le second à un âge avancé (>70 ans). La maladie est caractérisée par des épisodes aigus répétés de crises d’épilepsie non provoquées. Un grand nombre de ces crises sont de courte durée (env. 2 minutes) et sans conséquence grave, mais il n’est pas rare que le patient reste inconscient pendant plusieurs minutes, requérant une prise en charge dans un service d’urgences. Si l’altération de la conscience se prolonge et que le patient n’est pas mis dans une position latérale de sécurité, la mort peut s’en suivre. C’est le rare mais réel phénomène de SUDEP («sudden unexpected death in epilepsy»), devenu une priorité pour la prévention médicale. Les crises avec altération de la conscience peuvent également mener à des accidents de tous types, raison pour laquelle nombre de personnes atteintes d’épilepsie se voient privées de leur permis de conduire. Dans l’ensemble, le risque de mort prématurée chez les patients épileptique est environ 20 fois plus élevé que chez le sujet sain.

Étiologie

Les mécanismes cérébraux menant à l’épilepsie restent méconnus et requièrent encore d’intenses recherches. L’épilepsie est associée à un nombre de facteurs de risques incluant: grossesse ou accouchement compliqué, retard du développement et délai d’apprentissage, convulsions fébriles, commotion cérébrale, antécédent de méningo-encéphalite, … etc. Dans la plupart des cas, l’étiologie pour un patient donné demeure méconnue. Lorsque l’étiologie est connue, elle peut être d’ordre «microscopique» par atteinte génétique ou métabolique non visible à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), ou d’ordre «macroscopique» par lésion congénitale (p.ex. souffrance périnatale, malformation cérébrale) ou acquise (p. ex. post-trauma cérébral, post-AVC [accident vasculaire cérébral], post-infectieux ou auto-immune), qui elles sont souvent visibles à l’IRM (tab. 1). L’épilepsie est classifiée comme «généralisée», lorsque qu’elle intéresse toutes les boucles thalamo-corticales. Elle est dite «focale», lorsqu’elle est liée à une dysfonction corticale focale et que la crise débute dans un lobe donné. D’un point de départ focal une crise peut se propager pour devenir «secondairement généralisée».
Tableau 1: Facteurs associés à l’épilepsie.
Facteurs de risque pour l’épilepsieAntécédents familiaux
Grossesse ou naissance compliquée
Retard du développement ou ­de l’apprentissage
Convulsions fébriles
Commotion cérébrale
Méningo-encéphalite
Autre maladie neurologique centrale
Étiologie de ­l’épilepsieGénétique
Souffrance cérébrale pré ou périnatale
Malformation corticale ou vasculaires
Sclérose hippocampique
Gliose post-traumatique
Gliose post-infectieuse
Gliose post-ischémique
Tumeurs cérébrales
ComorbiditésAutisme
Dépression
Trouble anxieux
Mortalité précoce

Diagnostic

L’approche diagnostique de l’épilepsie est fine et pointue (tab. 2). Elle commence par une description séquentielle de l’expérience que fait le patient de ses propres crises. Les premiers symptômes sensoriels forment «l’aura épileptique» et ont souvent une valeur localisatrice dans les épilepsies focales. Dès les années 1930 les marqueurs électroencéphalographiques de l’épilepsie ont placé la maladie parmi les affections neurologiques plutôt que psychiatrique. Ces marqueurs sont de deux types: «interictal» et «ictal». Dans le premier cas on observe de brèves (<200 ms) et occasionnelles décharges épileptiques aléatoires interrompant les oscillations physiologiques de l’activité cérébrale. Ces décharges donnent une indication essentielle puisqu’elles permettent d’établir le diagnostic d’épilepsie après une première crise, et, souvent, de classer l’épilepsie dans la catégorie focale ou généralisée. Habituellement les décharges interictales sont perçues comme un signe d’«irritabilité cérébrale» et leur fréquence est considérée comme un reflet de «l’activité épileptique». Toutefois, il n’y a pas de manifestation clinique flagrante des décharges interictales et celles-ci ne peuvent être décelées que par l’électroencéphalographie (EEG). Les décharges ictales, au contraire, sont le corrélat EEG des manifestations cliniques d’une crise, avec souvent un parallèle frappant entre la propagation observée à l’EEG et la séquence de symptômes chez le patient. Par exemple, une crise au point de départ insulaire peut engendrer une aura gustative chez le patient, une pilo-­érection, puis une version des yeux et de la tête vers le côté controlatéral lorsque la crise s’étend vers le lobe frontal, et finalement une généralisation secondaire avec convulsions. La recherche de telles corrélations électro-cliniques forme la base de l’épileptologie clinique et, dans l’ensemble, le domaine a une bonne compréhension de la dynamique spatiale du phénomène. Lorsque l’EEG de scalp ne suffit pas à identifier le foyer épileptique, le recours à l’EEG intracrânien (électrodes implantées sur ou dans le cerveau) est souvent nécessaire. Localiser le foyer épileptique avec précision revêt la plus haute importance dans la mesure où un succès diagnostic permet une approche thérapeutique chirurgicale réussie. En complément, l’imagerie cérébrale multimodale contribue à la planification chirurgicale et inclut l’IRM à haut champ (actuellement 3 Tesla , bientôt 7 Tesla), l’IRM fonctionnelle, l’imagerie moléculaire (tomographie par émission de positrons ou par émission de photons), et «la localisation de source», une technique visant à projeter les sources épileptiques sur une reconstruction radiologique en fonction du champ électrique qu’elles produisent.
Tableau 2: Méthodes diagnostique.
CliniqueAnamnèse des crises
Sémiologie des crises (par vidéo)
Neuropsychologie
Amobarbital intra-artériel (Wada)
ElectrophysiologieEEG de routine (20 min)
EEG de scalp ambulatoire (1–3 jours)
EEG de scalp à l’hôpital (1–3 semaines)
EEG intracrânien à l’hôpital (1–3 semaines)
EEG haute-densité et localisation de source
Magnéto-encéphalographie
Stimulation corticale électrique
ImagerieIRM 3T ou 7T
IRM fonctionnelle (langage, autre)
Morphométrie
Tomographie par émission de Positron interictale
Tomographie par émission de Photons ictale
EEG = électroencéphalographie; IRM = imagerie par résonance magnétique; T = Tesla.

Traitements actuels

Les moyens thérapeutiques pour traiter l’épilepsie ont également connu d’important progrès sur les deux dernières décades avec l’émergence de nouvelles molécules thérapeutiques d’une part, et les développements neurochirurgicaux et technologiques d’autre part (tab. 3). Le nombre de molécules antiépileptiques disponibles a passé le seuil des 20 avec une diversité croissante de mécanismes d’action au niveau des récepteurs cérébraux et un profil d’effets secondaires de plus en plus favorable. Toutefois, la prévalence des cas résistants à la médication est restée inchangée (~30–40%) depuis des décennies. De ce fait, le recours à la chirurgie est en augmentation, puisque celle-ci représente la meilleure option pour obtenir une rémission des crises réfractaires aux médicaments (~70% à deux ans post-chirurgie, toute épilepsie focale confondue), à confronter au risque chirurgical faible mais réel de ­déficits neurologiques à long terme (<5%, p.ex. baisse de la mémoire verbale) [1]. Ainsi, lorsque les crises persistent après deux essais médicamenteux bien suivis il est recommandé d’investiguer la possibilité chirurgicale en adressant le patient pour une évaluation diagnostique approfondie en milieu universitaire. Ces deux types de traitements sont de nature statique: les médicaments sont typiquement donnés à dose fixe deux à trois fois par jour et la chirurgie est définitive et irréversible.
Tableau 3: Traitements actuels.
À visée curative (but: ­aucune crise)Médicaments anti-épileptiques
Chirurgie résective
À visée palliative (but: moins de crises)Diète cétogène
Chirurgie de déconnextion
Neurostimulation périphérique (ex: VNS)
Neurostimulation centrale (ex: DBS)
VNS = stimulation du nerf vague, DBS = stimulation cérébrale profonde.
Lorsque les médicaments et la chirurgie ne suffisent pas à endiguer les crises, quelles options reste-t-il? De nouvelles approches s’appuyant sur la technologie se sont développées depuis les années 1990. D’abord la stimulation du nerf vague, puis plus récemment celle du nerf trijumeau permettant d’obtenir une neuromodulation sans ouvrir la boîte crânienne. Plus invasives, la stimulation intracrânienne des noyaux profonds ou la stimulation du cortex cérébral sont également utilisées. Ces approches laissent le cerveau intact mais requièrent cependant une chirurgie invasive. Elles n’ont été, pour l’instant, utilisées que de façon palliative, avec des résultats certes intéressants, mais qui restent largement inférieurs à la chirurgie résective dans son ensemble.
Malgré les progrès, il reste donc un grand besoin d’amélioration des traitements pour les patients pharmaco-résistants et ne bénéficiant pas de la chirurgie de l’épilepsie. Cette population de patients est la plus sévèrement atteinte par l’épilepsie puisqu’elle continue à souffrir de crises à fréquence variable, allant de quelques crises par année à plusieurs crises quotidiennes. Par ailleurs, quelle que soit la fréquence des crises, le problème de leur non-prédictibilité reste le même, condamnant les patients à vivre dans l’incertitude constante quant au moment du prochain épisode. En 2020, un neurologue ne peut simplement pas dire à son patient s’il doit craindre la prochaine crise dans la journée ou dans deux mois. Telle une épée de Damoclès, la possibilité d’une crise à tout moment représente un stress constant. Ceci mène souvent le patient et l’entourage à un sentiment d’impuissance, voire à un désespoir face au futur, qui peut aboutir à un trouble anxieux, à la dépression et au suicide.

Cycles épileptiques

Pourtant, l’épilepsie est faite de cycles [2] et les crises, aussi aléatoires qu’elles puissent paraître, ne sont pas uniformément distribuées dans le temps (fig. 1). Ceci devient apparent lorsque l’on applique des méthodes statistiques pour étudier la distribution d’un grand nombre de crises chez un patient donné. L’approche statistique a été utilisée dès les années 1930 par Griffiths et Fox pour comprendre la périodicité observée chez les 110 garçons et hommes épileptiques de la colonie de Lingfield dans les environs de Londres [3]. Grâce à une surveillance constante des patients, ces auteurs ont pu scrupuleusement relever la date et l’heure de chacune des crises, y compris nocturnes. Après des années d’observation totalisant 39 929 crises (!), ils ont pu établir un nombre de faits autour du phénomène de rythmicité dans l’épilepsie avec une périodicité des crises variable d’un individu à un autre, mais relativement stable pour un individu donné. Plus récemment, l’utilisation d’EEG chronique – c’est à dire par électrodes implantées dans le cerveau pendant des années – dans deux études indépendantes a révélé que les cycles épileptiques sont également reflétés dans l’activité interictale qui elle, ne peut être révélée que par l’enregistrement EEG constant, puisqu’elle ne mène pas à des manifestations cliniques [4, 5]. Les ­cycles ainsi redécouverts sont de plusieurs types. Premièrement le rythme circadien (de 24 heures) reflété dans le fait que chaque patient a une heure de crise préférentielle, 6 à 7 heures du matin étant la plus fréquente, avec un deuxième pic proche de minuit. Deuxièmement, le cycle veille-sommeil, car ces tranches horaires peuvent également être comprises en termes d’état de vigilance, beaucoup de crises arrivant dans les premières heures du sommeil profond et d’autres dans les heures de transition sommeil à veille. Chez certains patients, les crises se manifestent uniquement pendant le sommeil. Elles ont souvent des manifestations motrices complexes pouvant être confondues avec un somnambulisme ou autre parasomnie et le contexte génétique est de mieux en mieux compris («sleep-related hypermotor epilepsy») [6]. En plus des stades veille-sommeil, l’homéostasie du sommeil joue un rôle prépondérant. En effet, la privation de sommeil est un facteur précipitant que nombre de patients atteints d’épilepsie rapportent. De ce fait, lorsqu’un trouble du sommeil, tel que l’apnée du sommeil s’ajoute à l’épilepsie, il péjore le contrôle des crises [6]. Troisièmement, les rythmes multidiens (de plusieurs jours) individuels reflétés dans le fait que l’intervalle libre de symptômes est grandement variable (de jours à mois) entre patients, mais tend à être relativement constant chez un patient donné. Il est important de noter que le caractère cyclique de l’épilepsie n’est pas confiné au cycle menstruel puisque des cycles mensuels existent également chez les hommes. D’autres cycles existent chez les deux sexes, adultes et enfants confondus, et n’ont pas de base physiologique connue, comme 1, 2, 3, 4, 5, 7 et 8 semaines, et 3 mois [3]. Finalement de rares cas d’épilepsie saisonnière ont été décrits. Aux cycles endogènes (probablement hormonaux) viennent s’ajouter des facteurs précipitants tels que le manque de sommeil ou le stress pour déterminer l’occurrence temporelle des crises. Ainsi les cycles épileptiques sont influencés par une myriade de facteurs, dont certains peuvent être mesurés (tab. 4).
Figure 1: Représentation schématique des cycles épileptiques à plusieurs niveaux. Le risque de crise (ligne bleue) fluctue avec une périodicité multidienne individuelle et détermine les jours lors desquels le risque de crise est élevé. Les crises (étoile jaune) peuvent survenir de façon isolée ou en grappe («cluster»). La période interictale peut être relativement stable chez de nombreux patients (ici: environ une semaine). Les crises tendent également à apparaître à heure relativement fixe (ici: 7 heures du matin en moyenne).
Tableau 4: Facteurs précipitants des crises.
Facteurs non ­cycliquesOubli de médicaments
Alcool ou drogues
Stress
Privation de sommeil
Facteurs cycliquesCycle circadien (heure du jour)
Cycle veille-sommeil (état de vigilance)
Cycle multidien (de plusieurs jours)
Hormones (par exemple cycle sexuel)

Traitement personnalisé de l’épilepsie

L’idée d‘un traitement personnalisé de l’épilepsie n’est pas nouvelle et passe nécessairement par une analyse plus fine d’un cas donné que nous séparons en trois dimensions: génétique, neuro-anatomique, et temporelle. Sur le plan génétique, de nombreux gènes ont maintenant été identifiés comme ayant un rôle clé dans la physiopathologie de la maladie. Contrairement au cancer par exemple, la compréhension des mécanismes moléculaires n’a pas eu d’impact majeur sur l’approche médicamenteuse du problème. Aujourd’hui encore, les molécules sont sélectionnées pour un cas donné par un long processus de tests thérapeutiques positifs ou négatifs. L’évitement de nombreux effets secondaires dictent souvent le choix de la molécule finale. Le but de ces médicaments étant de «calmer» l’activité cérébrale, le traitement est fréquemment accompagné d’une fatigue ou d’autres effets centraux. Sur le plan neuro-anatomique, la cartographie individuelle permet de localiser le foyer comme décrit plus haut, ainsi que les aires importantes, mais de localisation variable, du langage et de la mémoire. Guidé par la localisation neurologique l’acte chirurgical peut potentiellement guérir le patient et représente le traitement de premier choix lorsqu’il peut être pratiqué dans de bonnes conditions de sécurité.
Nous spéculons que c’est dans la dimension «temporelle» que la prise en charge personnalisée va faire ses plus grands progrès, dans les années à venir. Une caractérisation de chaque patient prenant en compte ses cycles individuels, son historique veille-sommeil, ses facteurs provocants spécifiques représenterait une approche nouvelle et encore peu explorée jusqu’ici, faute de moyens techniques. Si «l’activité épileptique» pouvait être suivie en temps réel de façon fiable, les crises d’épilepsie pourraient probablement être anticipées. Le domaine connaît actuellement un «boom» technologique et un intérêt pour les techniques «wearable», «smartwatch» et autres méthodes passant par le «cloud». Bien que le degré de précision atteignable par ces méthodes ne soit pas encore établi, le caractère non-invasif de celles-ci va probablement contribuer à leur propagation chez les patients intéressés à monitorer leur maladie. Une autre méthode s’appuie sur ce que nous connaissons le mieux de l’épilepsie: sa caractérisation par l’EEG. La miniaturisation avançant, un EEG implanté «minimalement invasif» est maintenant en conception dans plusieurs centres universitaires au Danemark, en Australie, au États-Unis et en Suisse. Cet EEG chronique capte les signaux épileptiques en permanence et transmet l’information au neurologue avec analyse statistique (fig. 2).
Figure 2: Schéma de l’itinéraire clinique actuel des patients souffrant d’une épilepsie réfractaire aux médicaments et un ­possible futur itinéraire. Le développement d’un implant EEG minimalement invasif porté par le patient de façon ­chronique ouvrirait de nouvelles possibilités diagnostiques (en bleu) et thérapeutique (en vert). Les flèches en trait-tillé ­représentent des étapes optionnelles. EEG = électroencéphalographie.
Ce monitorage précis et personnalisé de l’activité épileptique ouvre la voie à de nouvelles approches: (1.) le compte objectif des crises, (2.) la chronothérapie, (3.) la localisation statistique (4.) un système d’alerte et (5.) la gestion de la maladie par le patient, cinq pistes qui seront explorées dans un avenir proche.
1. Un problème fondamental en épileptologie est que les patients ne sont souvent pas conscients, ou ne se rappellent pas leurs crises d’épilepsie, parce que celles-ci impactent transitoirement (ou durablement) les fonctions cognitives. L’information recueillie à la consultation est peu fiable et souvent imprécise. Un simple compte objectif des crises par EEG chronique changerait diamétralement la situation et permettrait une prise de décision facilitée concernant la thérapie médicamenteuse et son dosage.
2. Si le cycle épileptique propre à un patient donné était connu, il serait envisageable d’offrir une chronothérapie médicamenteuse, c’est à dire, de cibler les périodes à haut risque de crise avec de doses renforcées et de diminuer les doses (et donc les effets secondaires) lors des périodes à bas risque.
3. Pendant cette phase d’optimisation du traitement médicamenteux, de nombreuses crises peuvent être collectées par EEG chronique ouvrant la possibilité d’une localisation statistique propre à informer la chirurgie si nécessaire.
4. Un système d’alerte intégrée en cas d’événement suggérant une souffrance inhabituelle liée à une crise pourrait annoncer et éviter une mort par SUDEP.
5. Finalement, les patients pourraient accéder directement à un compte rendu sur leur propre activité épileptique et gérer leur vie quotidienne et leurs prises médicamenteuses de façon informée. Les patients se trouveraient au centre des décisions concernant leur traitement et verraient leur rôle d’acteur de la prise en charge de leur maladie renforcée avec de potentielles conséquences bénéfiques sur leur qualité de vie.
De tels concepts ont été implémentés avec succès dans d’autres maladies chroniques telles que le diabète, par exemple.
Par ailleurs l’implantation d’appareil médicaux connaît également des limites incluant les risques liés à la chirurgie, les risques d’érosion des tissus et d’infection et les complications liées à l’utilisation d’IRM en présence de matériel métallique. Dans le cas de l’épilepsie, ces risques semblent largement compensés par les avantages potentiels. Les succès obtenus en cardiologie avec l’utilisation de pacemakers/défibrillateurs représente une source d’inspiration pour la neurologie.

Conclusion

L’épilepsie est une maladie grave, chronique, parfois létale, avec un degré de souffrance associé qui justifie de nouvelles approches minimalement invasives afin de mieux maîtriser son cours. Les efforts déployés pour comprendre l’épilepsie d’un point de vue neuro-anatomique sont jusqu’ici plus importants que ceux visant la compréhension chronobiologique de la maladie. La relation cyclique que l’épilepsie entretient avec le sommeil et les changements systémiques mérite de plus grandes investigations car une compréhension fine pourrait permettre une plus grande personnalisation de la prise en charge thérapeutique. La nécessité de comprendre l’impact des cycles veille-sommeil et hormonaux sur le fonctionnement cérébral s’étend d’ailleurs à l’ensemble de la neurologie et de la psychiatrie et représente une piste prometteuse dans le domaine de l’épilepsie. La route est encore longue, mais de nouvelles technologies sont en cours de développement et il est aujourd’hui imaginable qu’un patient informé sur son propre état de santé, puisse gérer sa maladie de façon moins aléatoire.

L’essentiel pour la pratique

• Pour optimiser le traitement des patients souffrant d’épilepsie, le praticien est invité à référer ses patients aux centres universitaires équipés pour établir un bilan EEG et d’imagerie complet lorsque l’approche médicamenteuse ne suffit pas.
• Les essais médicamenteux bien suivis doivent se limiter au nombre de deux avant de prendre les prochaines mesures diagnostiques, car les chances de succès avec un troisième médicament sont minimes (<5%).
• Une imagerie non révélatrice n’exclut en rien la possibilité de prise en charge chirurgicale.
• Un bilan diagnostique ne signifie pas que les patients vont nécessairement recourir à la chirurgie et dans le contexte de cette maladie encore partiellement méconnue il vaut toujours la peine de collecter un maximum d’information pour prendre une décision éclairée.
• Une investigation à l’hôpital est d’autant plus indiquée, de notre point de vue, lors de la présence de comorbidités cognitives ou psychiatriques, lorsque le nombre de crises est incertain, possiblement nocturnes (diagnostic différentiel: épilepsie nocturne ou parasomnies) ou lorsque des pseudo-crises d’origine psychogène (qui n’excluent en rien la possibilité d’une épilepsie) sont suspectées.
MOB has a EpiOs patent for sub-scalp EEG pending and is a part-time employee of the Wyss center for bio and neuroengineering. The other authors have reported no financial support and no other potential conflict of interest relevant to this article.
Dr méd. et sc. nat.
Maxime O. Baud
Stv. Oberarzt, Schlaf-Wach-Epilepsie Zentrum (SWEZ)
Universitätklinik für
Neurologie, Inselspital
Freiburgstrasse 8
CH-3010 Bern
maxime.baud[at]insel.ch
1 Baud MO, Pernerger T, Racz A, et al. European trends in epilepsy surgery. Neurology. 2018;91(2):1–12. doi:10.1212/WNL.0000000000005776.
2 Khatami R, Grohme K. Epilepsie und Chronobiologie. Zeitschrift für Epileptologie. 2018;31(1):5–11. doi:10.1007/s10309-017-0150-1.
3 Griffiths GM, Fox JT. Rhythm in epilepsy. Lancet. 1938;232(5999):409–16. doi:10.1016/S0140-6736(00)41614-4.
4 Karoly PJ, Freestone DR, Boston R, et al. Interictal spikes and epileptic seizures: their relationship and underlying rhythmicity. Brain. 2016;139(4):aww019-aww1078. doi:10.1093/brain/aww019.
5 Baud MO, Kleen JK, Mirro EA, et al. Multi-day rhythms modulate seizure risk in epilepsy. Nat Commun. 2018;9(1):88. doi:10.1038/s41467-017-02577-y.
6 Bassetti CL, Ferini-Strambi L, Brown S, et al. Neurology and psychiatry: waking up to opportunities of sleep.: State of the art and clinical/research priorities for the next decade. Eur J Neurol. 2015;22(10):1337–54. doi:10.1111/ene.12781.