Sans détour
Journal Club

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2020/2326
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.08530
Forum Med Suisse. 2020;20(2326):347-350

Publié le 03.06.2020

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications actuelles relatives à COVID-19.

Epidémiologie

Un modèle animal pour COVID-19

Le SARS-CoV-2 se lie avec sa protéine dite «spike» à ­l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ECA-2) et peut ainsi infecter les cellules humaines. Les souris transgéniques exprimant la forme humaine de l’ECA-2 peuvent – contrairement aux souris de type sauvage – être infectées par le SARS-CoV-2. La pathologie pulmonaire de ces souris transgéniques infectées est caractérisée par une pneumonie interstitielle lymphocytaire et riche en macrophages. Une alvéolite riche en macrophages a également été détectée.
Ce modèle animal pourrait être important pour la compréhension de la pathogenèse pulmonaire et pour les interventions thérapeutiques expérimentales. En outre, l’observation confirme le rôle central de l’ECA-2 dans la voie d’infection.
Rédigé le 10.05.2020.

Les enfants sont-ils moins contagieux?

En tant que grand-père, je me suis intéressé à la déclaration du délégué à l’épidémiologie du Conseil fédéral selon laquelle il est maintenant quasiment officiellement (sic!) permis de nouveau de prendre ses petits-enfants dans ses bras sans aucun «danger». Cependant, les évidences à cet égard ne sont pas claires: certaines études suggèrent en effet un niveau relativement faible d’infection causée par les enfants infectés, qui sont plus ­souvent oligo- ou asymptomatiques que les adultes. L’observation d’un enfant infecté dans les Alpes françaises qui, malgré des contacts intensifs, n’a pas infecté d’autres personnes, est citée à plusieurs reprises comme exemple [1]. D’autres études arrivent à des conclusions différentes concernant l’infectiosité des enfants, et la charge virale (plus précisément: ­l’excrétion d’ARN) des patients infectés par le COVID-19 estimée par RT-PCR1 ne montrait aucune différence liée à l’âge [2].
© Natalia Khimich | Dreamstime.com
La réouverture des écoles et les études de population correspondantes, qualitativement satisfaisantes, apporteront probablement une clarification importante à ce sujet.
1 Clin Infect Dis. 2020, doi.org/10.1093/cid/ciaa424.
Rédigé le 09.05.2020.

SARS-CoV-2: sexuellement transmissible?

Contrairement à une observation précédemment* faite (aucune détection de virus dans le liquide séminal [1]), une autre étude, également réalisée en Chine, a montré que chez environ un sixième de tous les patients ­COVID-19 examinés, la détection de l’ARN par RT-PCR1 dans le liquide séminal était positive, le pourcentage diminuant chez les hommes positifs au cours de la guérison [2]).
Il est important de se rappeler que la détection de l’ARN n’est pas synonyme de virus infectieux capables de se répliquer (voir aussi «Les enfants sont-ils moins contagieux?»). Cette question ouverte doit être clarifiée, ­notamment en ce qui concerne la sécurité de la réalisation de ou des analyses préalables à la fécondation in vitro.
* En période de Covid-19, «précédemment» signifie: semaines.
1 Biol Reprod. 2020, doi.org/10.1093/biolre/ioaa050.
2 ­JAMA Netw Open. 2020, doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2020.8292.
Rédigé le 09.05.2020.

Asymptomatique, mais néanmoins infectieux

Un rapport sur la flambée secondaire d’une épidémie dans une maison de retraite met en évidence diverses caractéristiques de l’infection. Un employé symptomatique atteint du SARS-CoV-2 a été le déclencheur d’une épidémie à la maison de retraite qui a affecté ⅔ des ­résidents (48 des 76 personnes ont été testées positives à la RT-PCR1). Parmi ceux-ci, ⅔ étaient asymptomatiques ou dits présymptomatiques, c’est-à-dire qu’ils ont développé des symptômes en médiane quatre jours après le test. La charge virale, la détection de l’ARN et des virus viables, était élevée dans tous les groupes (symptomatiques, asymptomatiques et présymptomatiques) et comparables entre eux. La mortalité de COVID-19 dans cette maison de retraite était de 26% [1].
Ce rapport confirme diverses autres observations (par exemple dans [2]) selon lesquelles les personnes asymptomatiques atteintes du SARS-CoV-2 sont contagieuses et que cela est vrai même pendant la période d’incubation, pendant laquelle la charge virale individuelle est à son maximum vers la fin.
Si le dépistage de tous les individus symptomatiques, désormais obligatoire en Suisse, doit être accueilli ­favorablement, limiter ce dépistage, comme c’est le cas actuellement, ne permettra pas de comprendre les ­épidémies secondaires (par exemple dans le cadre d’un retour à un état socioprofessionnel normal) et favorisera encore moins un contrôle rapide.
1 N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMoa2008457.
2 N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMc2001468.
Rédigé le 30.04.2020.

Diagnostic

Anticorps anti-SARS-CoV-2: description de la courbe du titre

Il existe encore une grande incertitude sur de nombreux aspects des anticorps anti-SARS-CoV-2. Entre autres, les questions suivantes continuent de se poser: quelle est leur fréquence (ils dépendent inversement de l’âge et de l’intensité des symptômes), quand se produisent-ils, combien de temps restent-ils détectables, sont-ils neutralisants, c’est-à-dire cliniquement présumés protecteurs? En quoi les tests proposés diffèrent-ils les uns des autres?
En utilisant un «double sandwich immunoassay» et deux antigènes recombinants du virus (une nucléoprotéine et un peptide de la protéine dite «spike»), les réponses IgM et IgG en cas d’infection par le SARS-CoV-2 ont été décrites. Les sérums de 285 patients atteints de COVID-19 ont été testés dans le cadre de cette étude chinoise. Il est intéressant de noter que les IgM (signes d’infection aiguë dans de nombreuses infections) et les IgG ont été détectés à peu près au même moment (chez ¼ des patients le troisième jour après l’apparition des symptômes) et que tous deux ont atteint un plateau au bout de deux bonnes semaines. Selon les auteurs, une augmentation des IgG était détectable avec ce test chez 100% (!) des patients après trois semaines.
En raison de la dynamique, la réponse IgG semble convenir principalement pour le diagnostic clinique, associé à la RT-PCR1 au stade pré-symptomatique ou au stade symptomatique précoce. Cette détection des IgG pourrait également être d’une grande importance dans le cas de RT-PCR positif douteux, voire négatif (mauvaise technique de collecte des frottis, erreurs préanalytiques et analytiques).
Rédigé le 30.04.2020.

Observations cliniques

Le syndrome de Kawasaki dans le cadre ­de COVID-19

Il y a plus de 40 ans, Kawasaki a décrit ce qui était alors également appelé «syndrome mucocutané des ganglions lymphatiques», un syndrome similaire à la péri­artérite noueuse infantile [1]. La partie la plus importante du syndrome sur le plan clinique et pronostique est une vascularite des artères de calibre moyen, par exemple les artères coronaires (avec formation possible d’anévrismes secondaires).
Un syndrome similaire semble également se présenter chez les enfants atteints de COVID-19 [2]. On ne sait pas si le syndrome peut être une réponse uniforme à de nombreuses infections virales différentes ou s’il existe des différences individuelles en fonction de l’espèce de ­virus causale/associée.
1 Pediatrics 1974;54;271.
Rédigé le 10.05.2020.

Quelle chance!

Quel est le risque d’infection pour le personnel de santé qui se retrouve en contact avec des patients souffrant de COVID-19?
21 employés (âge médian 40 ans, ⅔ de femmes) d’un hôpital de soins primaires ont eu un tel contact, la moitié d’entre eux remplissant les critères d’un «contact étroit» (>15 minutes, <2 mètres de distance). Aucun ­vêtement de protection spécial n’a été porté. Contrairement à un membre de la famille du patient, tout le personnel est resté RT-PCR1 négatif.
© Sudok1 | Dreamstime.com
C’est rétrospectivement rassurant. Cependant, les chiffres des laboratoires de différents cantons (y compris les soumissions des hôpitaux dits COVID) indiquent que le nombre de cas testés positifs est au moins deux fois plus élevé parmi le personnel de santé que dans la population normale – bien que celle-ci soit probablement moins intensivement testée.
Swiss Med Wkly. 2020, doi.org/10.4414/smw.2020.20257.
Rédigé le 30.04.2020.

Inhibiteurs de l’ECA / bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine: dangereux, sans risque ou même protecteurs?

Le SARS-CoV-2 se lie avec sa protéine dite «spike» à l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ECA-2), qui est largement exprimée. Cette molécule est également exprimée dans les cellules endothéliales, les cellules ­épithéliales cylindriques du nez et les pneumocytes de type 2.
En raison de l’insuffisance cardiaque et de l’hypertension – qui sont également des facteurs de risque pour un parcours plus sévère de COVID-19 – de nombreux patients atteints de COVID-19 sont préalablement ­traités avec un inhibiteur de l’ECA ou un bloqueur des récepteurs de l’angiotensine. Trois études [1–3] arrivent en somme à la conclusion que le débat quelque peu houleux sur le risque supplémentaire potentiel lié à ces médicaments est discutable et que l’on peut attendre les études d’évaluation prospective qui sont actuellement en cours. Selon les trois études (2 chinoises, 1 britannique), les parcours n’étaient pas plus mauvais lorsque l’axe rénine-angiotensine-­aldostérone était bloqué. L’étude britannique, bien que petite, fait quant à elle état d’une mortalité ­réduite.
Un conseil sans détour: n’utilisez pas cette étude comme une occasion d’initier un traitement avec ces substances chez les patients atteints de COVID-19. ­Toutefois, un tel traitement ne doit pas non plus être arrêté. Mais il convient de rappeler que l’ECA-2, en tant que récepteur du SARS-CoV-2, est une cible évidente pour l’intervention médicamenteuse et fait l’objet de plusieurs études de développement.
1 JAMA Cardiol. 2020, doi.org/10.1001/jamacardio.2020.1624.
3 medRxiv 2020, doi.org/10.1101/2020.04.07.20056788 (avant d’être soumis à un «peer-review»).
Rédigé le 30.04.2020 sur indication du Prof. K. Neftel (Gléresse).

Accidents vasculaires cérébraux dus à ­l’occlusion de gros vaisseaux liés au COVID-19

Dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 à New York, cinq complications de ce type ont été rapportées chez cinq jeunes patients (4 hommes, 1 femme), c’est-à-dire des patients de moins de 50 ans, en relation avec une maladie aiguë à COVID-19. Trois des hommes présentaient des facteurs de risque cardiovasculaire. Les thromboses étaient localisées dans l’artère carotide ­interne, l’artère cérébrale moyenne (3×) et l’artère cérébrale postérieure. D’autres causes plus rares comme la maladie de Fabry (4 hommes!) n’ont pas été formellement exclues [1]. A Wuhan, le taux d’accidents vasculaires cérébraux (chez les patients de plus de 55 ans) semble avoir été de 5%.
La pathophysiologie n’est pas claire, voici quelques idées/pistes: des lésions endothéliales induites par le SARS-CoV-2 comme déclencheur de thrombose en cas de facteurs de risque préexistants («plaques instables»), des lésions endothéliales et une hypercoa­gulabilité associée ou même induite par le COVID et enfin des effets via «l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2» (augmentation de l’angiotensine exprimée par voie vasculaire)? Voir aussi le commentaire suivant.
1 N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMc2009787.
Rédigé le 30.04.2020.

Lésions endothéliales / endothélites à COVID-19

Une étude anatomo-pathologique intéressante menée de la part de l’université de Zurich sur trois ­patients montre que les cellules endothéliales sont infectées par le SARS-CoV-2 et qu’il en résulte des lésions ­endothéliales ou une endothélite. Les virus pourraient utiliser leur récepteur, l’«angiotensin converting enzyme 2» (ACE-2), qui est également exprimée sur les cellules endothéliales, pour l’infiltration des cellules.
Cette observation pourrait expliquer en partie les ­complications thromboemboliques apparemment fréquentes et les thromboses veineuses et artérielles. Dans quelle mesure ce processus contribue également aux complications cardiaques et à l’apparition aiguë de complications pulmonaires (vascularite?) reste à ­clarifier.
Rédigé le 22.04.2020 sur indication du Prof. K. Neftel (Gléresse).

Manuscrits COVID-19 retirés

Vous pouvez consulter ici la liste actuelle des 8 manuscrits, dont deux sont encore soumis à une observation dite stricte: https://retractionwatch.com/retracted-­coronavirus-covid-19-papers/.
Pour être bref, il n’y a pas assez de place pour philosopher sur les raisons de cette situation et sur le fait que même avec les matériaux de protection, les tests de diagnostic et les informations sur l’efficacité des médicaments proposés, il y a des tricheries massives et parfois réussies. Il serait encore plus intéressant d’examiner pourquoi, d’une manière générale et dans l’actuelle période dite «crise», on peut facilement tomber dans le piège de ces promesses ...
Rédigé le 30.04.2020.

Polyradiculite associée à COVID-19

Les observations effectuées dans le nord de l’Italie (5 patients) [1] et en Espagne (2 patients) [2] montrent que COVID-19 est une autre cause de polyradiculite (syndrome de Guillain-Barré) et de radiculite crânienne (dans un cas typique de syndrome de Miller-Fisher, c’est-à-dire d’ophtalmoplégie, d’ataxie et d’aréflexie). Parmi les autres causes de la polyradiculite associées à une infection figurent le Campylobacter jejuni, le virus d’Epstein-Barr, le cytomégalovirus, le virus Zika et le VIH. Dans les cas publiés actuellement le liquide céphalo-rachidien a montré la «dissociation cyto-­albuminique» typique, mais il était ­RT-PCR1 négatif dans tous les cas étudiés, ce qui soutient l’hypothèse d’une «réaction croisée» immunologique. Les symptômes polyradiculaires sont apparus 5 à 10 jours après l’apparition des premiers symptômes de ­COVID-19.
1 N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMc2009191.
Rédigé le 22.04.2020.

Traitement

L’antagonisme de l’interleukine-1 contre le SIRS* dans le cadre du SARS**, pour ainsi dire

Certains patients atteints d’une forme grave de ­Covid-19 développent un syndrome d’activation macrophagique ou même un syndrome hémophagocytaire. La voie de l’interleukine-1 joue un rôle important dans les deux cas. Ces observations constituent la base de l’évaluation thérapeutique d’un antagoniste du récepteur de l’interleukine-1 (anakinra: utilisé, en autre, dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde; pas encore approuvé en Suisse).
Dans une étude pilote italienne, des patients non intubés atteints d’une grave maladie COVID-19 et d’une inflammation systémique prononcée (CRP >100 mg/dl, ferritine >900 ng/ml) ont survécu après 21 jours dans 90% des cas, sans anakinra dans 56% des cas. Un certain nombre de critères d’évaluation secondaires ont également soutenu l’utilisation d’anakinra. Une dose élevée d’anakinra (2× 5 mg/kg de poids corporel par jour) était nécessaire pour obtenir ce résultat. Les patients suivaient une thérapie, qualifiée de «standard» par les auteurs, à base d’hydroxychloroquine, de lopinavir et de ritonavir.
* «systemic inflammatory response syndrome»
** «severe acute respiratory syndrome»
Lancet Rheumatol. 2020, doi.org/10.1016/S2665-9913(20)30127-2.
Rédigé le 09.05.2020.

Une crise comme occasion de ...

Une crise est généralement et dans la mesure du possible également utilisée ou détournée pour faire valoir ses propres intérêts ou des intérêts politiques, selon le point de vue. Ainsi, la présidente de la Confédération estime que le personnel soignant doit enfin être mieux loti. Compte tenu des plus de 100 milliards de nouvelles dettes accumulées en quelques semaines par la Confédération et les cantons réunis, c’est un projet ­assez ambitieux.
© Octavian Lazar | Dreamstime.com
Dans l’éditorial [1] de l’étude mentionnée dans «L’antagonisme de l’interleukine-1 contre le SIRS dans le cadre du SARS, pour ainsi dire» [2], la valeur des rhumatologues pour le traitement du COVID-19 est commercialisée («Should Covid-19 take advice from rheumatologists?»). La formation et l’emploi d’un plus grand nombre d’infectiologues figurent également sur la «liste des courses» [3].
1 Lancet Rheumatol. 2020, doi.org/10.1016/S2665-9913(20)30129-6.
2 Lancet Rheumatol. 2020, doi.org/10.1016/S2665-9913(20)30127-2.
3 Lancet Infect Dis. 2020, doi.org/10.1016/S1473-3099(20)30377-7.
Rédigé le 09.05.2020.
Une version encore plus actuelle du «Sans détour» est disponible «online first» sur medicalforum.ch et également en podcast (en allemand) sur emh.ch/podcast ou sur votre app podcast sous «EMH Journal Club»!