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Test HPV pour le dépistage du cancer du col utérin: La réticence des cytopathologistes suisses aux nouvelles recommandations est-elle justifiée?
Courrier des lecteurs relatif à: Raineri I, Bongiovanni M, Bode-Lesniewska B, Bode PK, Bubendorf L, Kilgus S, et al. Prévention du cancer du col de l’utérus: dépistage HPV en première intention versus cytologie. Forum Med Suisse. 2019;19(37–38):608–10.
Dans un récent article publié dans le Forum Médical Suisse par un collectif de membres de la Société Suisse de Cytologie (SSC), nous lisons que la SSC est réticente à l’introduction en Suisse du test du papillomavirus humain (HPV) comme moyen de dépistage du cancer du col utérin [1]. Cette position se trouve en contradiction aux nouvelles recommandations de la Société Suisse de Gynécologie et d’Obstétrique (SSGO) relatives au dépistage du cancer du col utérin [2].
Dans cette brève contribution, nous souhaitons apporter quelques clarifications et remarques à l’article de la SSC puisque le test HPV devrait supplanter à terme le test de Papanicolaou (Pap-test).
Test HPV versus Pap-test
L’efficacité d’un test en matière de dépistage n’est pas uniquement jugée sur sa spécificité. On doit évaluer la performance globale, le risque d’une lésion survenant après un dépistage, le rapport coût/efficacité de même que les avantages et inconvénients. Cette évaluation comprend aussi l’intégration du test aux différentes stratégies de dépistage durant toute la vie d’une femme. Depuis plus de 15 ans, des essais cliniques randomisés incluant des cohortes considérables, des méta-analyses et des analyses médico-économiques modélisées ont démontré dans les différents pays où ces essais ont été conduits et plus globalement au niveau mondial, que l’efficacité du test HPV était nettement supérieure à celle du Pap-test. Les décideurs politiques en matière de santé publique des différents pays dans le monde et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se sont basés sur cette évidence pour recommander l’adoption et l’implémentation du test HPV en remplacement du Pap-test (voir le tableau S1 dans l’annexe joint à l’article en ligne).
Le test HPV détecte plus de 90% des lésions précancéreuses de haut grade et sa sensibilité relative est 25% (95% CI : 15–36%) supérieure à celle du Pap-test seul [3]. En compilant plusieurs études randomisées, il apparaît que le test HPV détecte 50 à 60% (risque relatif 1,4 à 1,6%) plus des lésions précancéreuses de haut grade que le Pap-test lorsqu’une femme est dépistée pour la première fois [4].
Cette performance (meilleure sensibilité) apporte deux bénéfices importants aux femmes dépistées par rapport au Pap-test:
– une détection plus précoce des lésions précancéreuses, conduisant à un traitement sans délai, avec pour bénéfice une réduction de l’incidence du cancer invasif dans les 4 à 5 ans [5] et une réduction de la mortalité dans les 8 ans [6];
– une meilleure protection (risque moins élevé), permettant de proposer un allongement des intervalles de 5 à 10 ans entre deux tests [5–11].
L’allongement des intervalles à 5 ans atténue les inconvénients de la spécificité réduite du test HPV, en diminuant le nombre de faux positifs; la majorité des infections HPV régressent d’elles-mêmes durant l’intervalle de 5 ans. Ainsi la balance avantages-inconvénients penche en faveur d’un test HPV effectué tous les 5 ans par rapport au Pap-test effectué tous les 3 ans [12]. Il en va de même pour le rapport coût/efficacité qui reste également en faveur du test HPV [13].
Le test HPV procure en outre deux avantages non négligeables par rapport au Pap-test, qui sont, (a) une meilleure détection de l’adénocarcinome in situ et invasif dont l’incidence augmente dans l’ensemble des pays occidentaux, et (b) la possibilité d’effectuer le test par auto-prélèvement chez les femmes à risque ou défavorisées qui ne participent pas au programme de dépistage ce qui permettra d’améliorer la couverture de la population-cible en Suisse [14].
En outre, il faut tenir compte de l’effet de la vaccination anti-HPV sur les valeurs prédictives étant donné qu’elles sont tributaires de la prévalence des infections au sein d’une population. Les experts ont estimé que la valeur prédictive positive de la cytologie (test subjectif) allait passer de 50–70% à 10–20% dans les populations de femmes vaccinées [15], alors que le test HPV (test objectif) sera moins affecté.
Réserves énoncées au changement de paradigme
Bien que les bénéfices résumés ci-dessus plaident en faveur d’un test HPV pour le dépistage primaire, un certain nombre de réserves ont été émises:
– manque d’un système organisé de dépistage afin d’assurer un intervalle de contrôle tous les 5 ans pour les femmes HPV négatives;
– coûts initiaux élevés du test HPV;
– spécificité limitée du test HPV;
– hésitation des cytopathologistes habitués au Pap-test et crainte pour le métier de cytotechnicien-ne;
– hésitation des gynécologues craignant qu’un délai supérieur à 3 ans comporte un risque d’omission de diagnostic précoce et par conséquent un traitement tardif de la maladie.
Dans ce contexte, les recommandations de la SSGO (tab. 1) doivent être comprises comme expérimentales et flexibles [16] avec une réévaluation ultérieure une fois que les réserves énoncées auront été levées.
Tableau 1: Recommandations de la Société Suisse de Gynécologie et d’Obstétrique (SSGO), Mars 2018 [2]. | |
Groupe d’âge | Recommandations SSGO, 2018 |
<21 ans | Pas de dépistage |
21–29 ans | Dépistage cytologique (Pap-test) tous les 3 ans |
30–70 ans | Dépistage avec le test HPV (haut-risque) tous les 3 ans ou le test cytologique tous les 3 ans |
>70 ans | Arrêt du dépistage si les tests précédents sont négatifs |
NB: Le dépistage primaire combiné (test HPV + Pap-test) n’est pas recommandé. HPV: papillomavirus humain; Pap: Papanicolaou. |
La mise en route d’un programme national de dépistage organisé améliorerait sans doute le suivi régulier et la prise en charge satisfaisante des patientes, tout en contribuant à la réalisation d’une couverture optimale, efficace et économiquement supportable pour la population-cible. A l’ère vaccinale anti-HPV, la nécessité d’un tel programme est manifeste, d’autant que la possibilité existerait d’intégrer le dépistage du cancer du col utérin à d’autres dépistages organisés déjà existants (sein et colon pour certains cantons). L’introduction d’outils informatiques modernes sécurisés faciliteront cette intégration [16]. Un programme organisé permettrait également d’atteindre les femmes qui ne se font pas dépister à cause de leur status social précaire et limiter ainsi les inégalités de l’accès au dépistage.
Le coût actuel du test HPV évoluera inévitablement à la baisse vu le nombre croissant de tests HPV validés en concurrence sur le marché (voir le tableau S2 dans l’annexe joint à l’article en ligne). Le prix pourrait être négocié à la hauteur de celui du Pap-test et être remboursé par les caisses maladie.
Les études ont montré que la spécificité relative du test HPV est 6% (95% CI: 4–7%) inférieure au Pap-test [3]. Dans un contexte de dépistage populationnel, la recommandation de dépister les femmes à partir de 30 ans (tab. 1) associée une stratégie de triage des femmes HPV-positives utilisant le Pap-test, le génotypage et différents marqueurs de risque devrait permettre de réduire le taux d’orientation inutile vers la colposcopie et d’offrir un suivi optimal aux femmes.
Il n’y a pas de doute que l’introduction du test HPV en première intention va représenter un profond bouleversement de la spécialité de cytopathologie. L’inquiétude majeure est la baisse du nombre des Pap-tests à réaliser et son corollaire dans la baisse du nombre de postes de cytotechnicien-ne disponibles. Plusieurs Sociétés de Cytologie se sont déjà préoccupées de cette évolution et de la préservation des compétences. Les Etats-Unis, pays avec un dépistage opportuniste qui a déjà introduit le test HPV, ont proposé des solutions. [17, 18]. Une des pistes importantes, compte tenu des acquis de la profession de cytotechnicien-ne, est d’associer celle-ci plus étroitement, après un complément de formation, à la lecture des lames en immunomarquage, en fluorescence, en hybridation in situ et à la réalisation des analyses en cytométrie et «polymerase chain reaction» (PCR), y compris les tests HPV. La profession pourrait en outre s’impliquer dans la préparation des lames et le contrôle de qualité des examens cytologiques non gynécologiques. Cela nécessitera d’adapter les exigences théoriques et pratiques liées à l’obtention du diplôme de cytotechnicien-ne, avec le concours des différentes écoles suisses. Ainsi, plus qu’une menace, nous voyons une promesse d’évolution intéressante de la profession. Finalement, dans le souci de rassurer les gynécologues et faciliter la transition, la SSGO a proposé le choix du test HPV ou du Pap-test après l’âge de 29 ans et le maintien du délai de 3 ans pour les deux tests (tab. 1).
En conclusion, le dépistage du cancer du col utérin par le test HPV en première intention est le nouveau standard international et remplace progressivement le test cytologique. Après une période d’adaptation en appliquant les recommandations de la SSGO, la Suisse sera alignée avec les autres pays occidentaux et pratiquera une prévention basée sur la vaccination anti-HPV et le dépistage avec le test HPV tous les 5 ans, susceptible d’éliminer le cancer du col utérin [19].
Les auteurs n’ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
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