Infectiologie: Séquençage nouvelle génération
Infectiologie

Infectiologie: Séquençage nouvelle génération

Schlaglichter
Édition
2017/0102
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.02842
Forum Med Suisse 2017;17(0102):16-18

Affiliations
a Klinische Mikrobiologie, Universitätsspital, Basel
b Applied Microbiology Research, Departement Biomedizin, Universität Basel

Publié le 10.01.2017

En cas de suspicion d’épidémie impliquant des bactéries multirésistantes à l’hôpital, des mesures efficaces doivent rapidement être mises en œuvre afin d’éviter des transmissions supplémentaires. A cet égard, la description détaillée du contexte microbiologique et épidémiologique revêt une importance immense, étant donné que l’identification rapide des sources et chaînes de transmission potentielles permet d’éviter la réalisation d’interventions et d’enquêtes environnementales généralement à grande échelle et onéreuses.

Introduction

Afin de pouvoir élucider d’éventuels liens microbiologiques de manière efficace et fiable, des procédés de typage sont utilisés. A l’instar d’un test de paternité, ces procédés reposent le plus souvent sur la comparaison de la similitude génomique entre deux souches bactériennes suspectes. Plus deux bactéries sont apparentées lors d’une épidémie, plus leurs caractéristiques sont similaires. Lorsque deux bactéries sont génétiquement identiques, on parle de clone bactérien. Dans le passé, une multitude de procédés ont été établis, impliquant tous différents degrés de contraintes et de pertinence.
Une méthode de typage classique est l’électrophorèse sur gel en champ pulsé, qui offre une résolution très élevée et permet une bonne distinction des isolats. Toutefois, cette méthode nécessite beaucoup de temps et d’expérience. Par ailleurs, la comparabilité des résultats entre différents laboratoires diagnostiques s’avère difficile, ce qui complique l’élucidation d’évènements épidémiques suprarégionaux.
Des méthodes de typage alternatives, telles que le «spa-typing» et le «multi-locus sequence typing» (MLST), deux méthodes qui reposent sur la séquence génétique de respectivement un et sept gènes marqueurs de la bactérie, offrent une bien meilleure transposabilité des résultats entre les laboratoires. Néanmoins, ces méthodes n’atteignent bien souvent pas la résolution ­nécessaire pour décrire avec précision les épisodes épidémiques et les modes de transmission [1].

Séquençage nouvelle génération

Actuellement, une nouvelle technique de biologie moléculaire se propage rapidement: le séquençage nouvelle génération ou «next-generation sequencing» (NGS; fig. 1). La nouveauté décisive de cette technique réside dans la possibilité non plus de séquencer de courts segments isolés du génome, mais de mesurer l’ensemble du génome d’un virus ou d’une bactérie. A cet effet, plusieurs millions de réactions de séquençage sont exécutées en parallèle. Cette méthode permet ainsi de séquencer complètement et simultanément plusieurs agents pathogènes différents. La résolution des données du NGS s’avère très élevée, car l’ensemble du génome peut être utilisé pour comparer des isolats, et non plus des gènes individuels comme dans le cas des méthodes plus anciennes.
Figure 1: Déroulement d’une analyse par NGS à partir d’un isolat. Tout d’abord, l’ADN est isolé, préparé et séquencé. Les données de séquençage sont ensuite soumises à une analyse bioinformatique quant à un éventuel évènement épidémique. Dans cet exemple, les isolats A et B sont génétiquement identiques et indiquent une épidémie. L’isolat C ne fait pas partie de l’épidémie impliquant les isolats A et B.
Un exemple très impressionnant de la résolution élevée et de la pertinence du NGS en tant que méthode de typage a récemment a été publié dans le Journal of Clinical Microbiology [2]. Dans cette étude, le NGS a été utilisé pour évaluer la transmission de Mycobacterium tuberculosis à l’échelle de la Suisse.
Face au nombre croissant de réfugiés originaires de pays dans lesquels la tuberculose est plus fréquente qu’en Suisse, la méthode de typage utilisée jusqu’alors (appelée MIRU-VNTR) laisse souvent miroiter une forte propagation de la tuberculose entre les réfugiés. Or, Stucki et al. sont parvenus à montrer au moyen du NGS que ces transmissions présumées n’étaient pas fondées dans env. 50% des cas. L’analyse par NGS a révélé que la grande similitude des souches reposait sur les lignées de M. ­tuberculosis prédominantes dans le pays d’origine. Les différences ont ainsi été nettement sous-estimées avec le typage classique. Cela signifie que les cas de transmission de la tuberculose entre les migrants sont nettement plus rares que ce qui avait été supposé initialement.
Un autre avantage majeur du NGS réside dans la possibilité d’analyser quantitativement les différences entre deux isolats: en cas d’isolats très proches, même les plus petites différences génétiques (mutations ponctuelles) peuvent être identifiées au décours d’une épidémie. Ces mutations ponctuelles s’accumulent de ­façon aléatoire dans le génome des agents pathogènes. En fonction de l’espèce, ce taux de mutation spontanée diffère légèrement. Le temps constitue également un facteur essentiel: plus la bactérie dispose de temps pour des mutations, plus le nombre de mutations s’accumulant dans le génome s’avère élevé. Dès lors que le taux de mutation et le moment d’isolement du germe sont connus, il est possible d’estimer à combien de temps remonte la transmission entre deux isolats.
Harris et al. ont publié un travail de référence dans ce domaine [3]: ils ont étudié une épidémie d’isolats de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) dans un service de néonatologie en Angleterre. En se basant sur les séquences des différents isolats de SARM et sur le nombre de mutations ponctuelles qu’ils comportaient, il a pu être estimé qu’au moment de la détection de l’épidémie, il devait y avoir un réservoir de germes responsables. Dans le réservoir, ces mutations ponctuelles avaient déjà pu s’accumuler sur une période prolongée. En fait, un membre du personnel, qui était précisément colonisé par le SARM, a été identifié comme réservoir.
Cette méthode présente de grands avantages pour l’hygiène hospitalière et les experts de santé publique, car elle permet avec une grande fiabilité de déterminer non seulement s’il s’agit véritablement d’une épidémie, mais permet également de bien mieux comprendre son ampleur et sa dynamique. Dans le service de microbiologie clinique de l’hôpital universitaire de Bâle, le NGS a fait son entrée dans la routine du diagnostic microbiologique.
Ainsi, nous avons récemment étudié au moyen du NGS une épidémie soupçonnée de diphtérie cutanée, fait rare en Europe centrale, chez des réfugiés en Suisse et dans le sud de l’Allemagne [4]. Cette étude, qui a inclus 20 réfugiés, a montré que plusieurs groupes d’isolats très proches étaient impliqués. Ils n’appartenaient toutefois pas à un épisode épidémique récent, mais probablement à des lignes ou réservoirs localement prédominants en Afrique ou à des épidémies plus anciennes. Ce résultat était d’une grande importance, car il a permis d’exclure une épidémie au sein d’un foyer pour réfugiés en Europe.
Dès lors, les données du NGS peuvent être utilisées non seulement pour le typage, mais grâce au NGS, il est également possible de rechercher au sein de l’intégralité de l’information génétique de l’isolat des facteurs de virulence essentiels, qui ont une influence considérable sur l’évolution de la maladie.
Dans l’analyse des agents pathogènes de la diphtérie, nous sommes parvenus à mettre en évidence la toxine diphtérique codée par un bactériophage ainsi qu’un gène obligatoire pour l’adhérence au pharynx; nous avons ainsi montré que les isolats peuvent potentiellement déclencher la forme plus grave de diphtérie pharyngée [4]. La connaissance des facteurs de virulence permet ainsi d’évaluer les risques pour le patient et donc d’initier un traitement ciblé et des mesures d’hygiène hospitalière adaptées. Un autre aspect porteur d’avenir est la possibilité de prédire génétiquement les résistances aux antibiotiques des bactéries. Tout particulièrement pour les agents pathogènes à croissance lente, tels que M. tuberculosis, le NGS possède un grand potentiel diagnostique, étant donné qu’il permet d’initier plus rapidement un traitement adapté en cas de souches résistantes par rapport à la méthode classique de recherche de résistances par mise en culture [5]. Le recours au NGS dans le diagnostic, pour la recherche d’antibiorésistances et l’évaluation des risques, offrira de nombreux avantages à l’avenir, mais il est encore pour l’instant limité à des germes spécifiques.

Résumé

Le NGS a révolutionné le typage moléculaire des agents pathogènes et il permet dès lors de tirer des conclusions beaucoup plus fiables. La détermination du nombre de mutations ponctuelles permet d’estimer à combien de temps remonte une possible transmission. L’épidémiologie moléculaire dispose ainsi de la possibilité de mieux comprendre les épidémies et leur déroulement et de les enrayer plus rapidement à l’avenir.
A.E. est soutenu par un subside Ambizione-SCORE du FNS.
PD Dr méd. et. phil.
Adrian Egli
Abteilung Klinische ­Mikrobiologie
Universitätsspital Basel
Petersgraben 4
CH-4031 Basel
adrian.egli[at]usb.ch
1 Sabat AJ, Budimir A, Nashev D, Sa-Leao R, van Dijl J, Laurent F, et al. Overview of molecular typing methods for outbreak detection and epidemiological surveillance. Euro surveillance: bulletin Europeen sur les maladies transmissibles = European communicable disease bulletin. 2013;18:20380.
2 Stucki D, Ballif M, Egger M, Furrer H, Altpeter E, Battegay M, et al. Standard genotyping overestimates transmission of mycobacterium tuberculosis among immigrants in a low-incidence country. J Clin Microbiol. 2016;54:1862–70.
3 Harris SR, Cartwright EJ, Torok ME, Holden MT, Brown NM, Ogilvy-Stuart AL, et al. Whole-genome sequencing for analysis of an outbreak of meticillin-resistant Staphylococcus aureus: a descriptive study. Lancet Infect Dis. 2013;13:130–6.
4 Meinel DM, Kuehl R, Zbinden R, Boskova V, Garzoni C, Fadini D, et al. Outbreak investigation for toxigenic Corynebacterium diphtheriae wound infections in refugees from Northeast Africa and Syria in Switzerland and Germany by whole genome sequencing. Clin Microbiol Infect. 2016. pii: S1198-743X(16)30330–5. doi: 10.1016/j.cmi.2016.08.010.
5 Pankhurst LJ, Del Ojo Elias C, Votintseva AA, Walker TM, Cole K, Davies J, et al. Rapid, comprehensive, and affordable mycobacterial diagnosis with whole-genome sequencing: a prospective study. Lancet Respir Med. 2016;4:49–58.