Rhinite allergique
Un mal du 20e siècle
L’essentiel pour la pratique
• La sensibilisation à un aéroallergène ou la mise en évidence d’IgE spécifiques constitue un prérequis, mais elle ne confirme pas la présence d’une allergie. Seule la corrélation univoque entre les symptômes allergiques et le contact avec l’allergène permet de poser le diagnostic d’allergie.
• Le diagnostic moléculaire permet de mettre en évidence une sensibilisation à des allergènes majeurs d’une source allergénique. Il est mis en œuvre dans le cadre d’une indication d’immunothérapie, car la plupart des extraits thérapeutiques sont standardisés pour les allergènes majeurs.
• L’éviction de l’allergène représente le premier principe thérapeutique. ­
Si cette mesure est impossible à mettre en œuvre, une immunothérapie est envisagée. L’indication d’une immunothérapie est généralement ­posée par l’allergologue, tandis que sa mise en œuvre est déléguée, si possible, au médecin de famille. La prise en charge conjointe du patient par le médecin de famille et le spécialiste est un prérequis et un concept éprouvé de prise en charge globale du patient allergique.

Rhinite allergique

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/08
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.02897
Forum Med Suisses. 2017;17(08):179-186

Affiliations
a Zentrum für Dermatologie und Allergologie, Kantonsspital Luzern; b Dermatologische Klinik, UniversitätsSpital Zürich;
c Allergologisch-Immunologische Poliklinik, Universitätsklinik für Rheumatologie, Immunologie und Allergologie, Inselspital Bern

Publié le 21.02.2017

Près d’un Suisse sur cinq souffre de rhinite allergique. Les sources d’allergènes ­responsables sont multiples. La mise au point de la rhinite allergique est devenue plus complexe avec les nouvelles méthodes moléculaires. Cet article a pour objectif d’apporter une aide dans l’identification des allergènes responsables et il présente les différentes possibilités diagnostiques et options thérapeutiques.

Introduction

Les allergies font partie des maladies les plus fréquentes de notre époque. D’après des études récentes, env. 50% de la population européenne présente une prédisposition à développer une allergie [1]. Dans certains pays, plus de 10% des enfants présentent une allergie manifeste. A l’échelle mondiale, il est estimé que plus de 300 millions de personnes, c.-à-d. env. 6% des adultes et env. 12% des enfants, souffrent d’asthme et que plus de 500 millions de personnes sont atteintes de rhinite allergique [2]. En Suisse, on dénombre plus de 500 000 personnes atteintes d’asthme et jusqu’à 2 millions de personnes atteintes de rhinite allergique (toutes étiologies et tous degrés de sévérité confondus). Plus de tels symptômes respiratoires surviennent tôt, plus la probabilité d’allergie est grande. Globalement, les pollens de graminées, d’arbres ou d’ambroisie sont les prin­cipaux responsables de symptômes saisonniers. Les ­déclencheurs de symptômes respiratoires allergiques perannuels sont les acariens, les acariens de poussière et les animaux domestiques étant les principales sources en Suisse. Par ailleurs, divers allergènes in­halés ou pneumallergènes, y compris des agents utilisés dans le contexte professionnel, peuvent causer des symptômes respiratoires allergiques (www.ecrhs.org [ECRHS-II-Studie, European Community Respiratory Health Survey]).

Rhinite allergique saisonnière

Près de 20% de la population suisse souffre d’une allergie au pollen. Les pollens d’arbre et de graminées issus de plantes pollinisées par le vent en sont les principaux déclencheurs. En Suisse, les principaux pollens d’arbre allergènes font partie de l’ordre des Fagales ou des fagacées (bouleau, Betula verrucosa; aulne, Alnus glutinosa; noisetier, Corylus avellana; charme, Carpinus betulus). Les allergènes de ces pollens présentent une forte réactivité croisée. Ils provoquent des symptômes durant les premiers mois de l’année (janvier à avril, voir tab. 1). En avril, en plus des pollens de bouleau, des pollens de frêne sont également présents dans l’air. Ils font partie de la famille des Oleaceae (oléacées). La plupart des graminées allergènes sont issues de la famille des Poaceae (communément appelés poacées). Elles jouent un rôle déterminant dans la survenue de la rhinite allergique saisonnière en mai et en juin/juillet. Parmi leurs principaux représentants figurent notamment la fléole des prés (Phleum pratense), le dactyle aggloméré (Dactylis glomerata) et l’ivraie vivace (Lolium perenne). Ces graminées sont étroitement apparentées entre elles. La pollinose dite «de fin d’été», qui devient manifeste en août/septembre, est déclenchée par les pollens d’herbacées, avant tout par les pollens d’armoise (Artemisia vulgaris) et, dans les cantons du Tessin/de Genève, par les pollens d’ambroisie (Ambrosiaartemisiifolia). Les pollens d’ambroisie ont un pouvoir allergénique très élevé et, déjà en faibles concentrations, ils peuvent être à l’origine de symptômes respiratoires intenses.
Tableau 1: Rhinite allergique saisonnière: pollens responsables et période de survenue des symptômes.
Pour la rhinite allergique, la période de survenue des symptômes permet de tirer 
des conclusions quant à la source allergénique potentiellement responsable. 
Les allergènes majeurs présentés sont aujourd’hui disponibles sous forme de moléculesrecombinantes pour le diagnostic de la rhinite. En cas d’allergie aux pollens, la ­détermination d’IgE spécifiques dirigés contre ces molécules individuelles est uniquement indiquée avant la mise en œuvre d’une immunothérapie.
Période des symptômesAllergène déclenchantAllergènes majeurs
Janvier à avrilPollen de noisetierBet v 1+
Pollen d’aulne
Pollen de bouleau
Avril*Pollen de frêneOle e 1
Mai à juilletPollen de graminéesPhl p 1; Phl p 5
Août à septembrePollen d’armoiseArt v 1
Pollen d’ambroisieAmb a 1
+ Allergène majeur pour tous les pollens de Fagales (bouleau, aulne, noisetier)
* Avril: saison pollinique se chevauchant pour les bouleaux et les frênes
Outre les symptômes de rhino-conjonctivite classiques, 30% des patients développent un asthme pollinique. Le terme anglais «hay fever» décrit mieux le tableau ­clinique. Durant la saison pollinique, de nombreux ­patients voient en outre leur bien-être nettement diminué par une sensation générale de maladie associée à des myalgies, une faiblesse, une baisse des performances ou des températures subfébriles. En particulier les activités sportives en plein air se trouvent entravées en cas de traitement insuffisant. Certains journaux quotidiens et sites internet fournissent des données polliniques (par ex. www.pollen­undallergie.ch), qui renseignent sur les concentrations polliniques au cours de la semaine précédente. Dès lors, elles ne peuvent pas être utilisées pour la planification actuelle des loisirs.
En raison de la présence de protéines homologues dans les pollens d’arbres à floraison précoce et dans les aliments végétaux, jusqu’à 70% des personnes allergiques au pollen de bouleau développent une allergie alimentaire croisée vis-à-vis de fruits crus, de noix ou de légumes. Chez les personnes allergiques au pollen d’armoise, une allergie alimentaire associée peut également s’observer [3, 4]. Des complications supplémentaires de la rhinite allergique sont résumées dans le tableau 2.
Tableau 2: Comorbidités de la rhinite allergique.
La rhinite allergique peut s’accompagner de différentes comorbidités, qui influencent également la décision quant aux diverses options thérapeutiques.
Conjonctivite
Prurit buccal, prurit palatin, sensation de boule dans la gorge
Rhinosinusite, otite, pharyngite
Hyperréactivité bronchique, asthme bronchique
Allergie alimentaire associée
Œsophagite à éosinophiles
Dermatite aéroportée
Urticaire de contact saisonnière

Rhinite allergique perannuelle

Acariens de la poussière domestique

L’allergie aux acariens de la poussière domestique est un problème pertinent à l’échelle mondiale. Il est estimé que près d’un demi-million de personnes en sont atteintes [5]. Bien qu’il existe env. 40 000 espèces différentes d’acariens, Dermatophagoides pteronyssinus et D. farinae sont les principales espèces rencontrées dans nos régions et peuvent être responsables de rhinite allergique, d’asthme ou de dermatite atopique. Les acariens de la poussière domestique font partie du groupe des arachnides et ils ne peuvent quasiment que survivre dans des espaces habités. Ils se retrouvent dans les endroits où les êtres humains se sentent bien. Une humidité relative de l’air élevée (>70%) et des températures agréables (>20 °C) constituent des conditions qui leur sont propices. Tandis que D. pteronyssinus ­tolère des températures plus basses, D. farinae survit mieux dans des milieux plus secs. La nourriture ne manque pas dans les habitations. Bien que la plupart des patients soient sensibilisés aux allergènes des deux espèces, des monosensibilisations sont possibles (env. 5% de cas pour chacune des espèces).

Présence d’allergènes

Les excréments, dans lesquels se trouve l’allergène ­majeur Der p1, constituent la principale source d’allergènes. Sur le plan clinique, les principaux allergènes sont les groupes 1+2 des allergènes d’acariens de la poussière domestique [5]. Dans l’ensemble, plus de 20 allergènes d’acariens de la poussière domestique ont été identifiés [6]. Les acariens de la poussière domestique constituent une source d’allergènes perannuelle et ils représentent une composante essentielle de la poussière de maison. Le lit, et en particulier le matelas, est considéré comme le principal site d’infestation, raison pour laquelle il est recommandé depuis de nombreuses années d’utiliser des housses de matelas spécifiques afin de réduire l’exposition aux allergènes d’acariens [7]. Même si le contact avec les allergènes s’en trouve ainsi réduit, une éviction complète est quasiment impossible, car les allergènes d’acariens de la poussière peuvent être présents partout. Des études ont montré que les concentrations de Der p1 dans la ­literie sont plus faibles que les allergènes de chats ou de chiens, lorsque ces animaux domestiques sont présents dans le logement. Bien que les résultats d’une ­publication récente indiquent qu’un contact avec les allergènes de D. pteronyssinus durant la petite enfance déclenche une polysensibilisation aux allergènes des acariens de la poussière domestique et constitue ainsi un indicateur pour la survenue ultérieure de rhinite ­allergique et d’asthme, les nouvelles recommandations pour la prévention primaire des allergies ne préconisent pas de mesures spécifiques pour réduire la concentration d’allergènes d’acariens de la poussière domestique [8].
Dans les habitations et les bâtiments publics tels qu’hôpitaux, restaurants, centres commerciaux ou cinémas, d’autres sources peuvent également être responsables d’une allergie respiratoire; il s’agit par ex. des acariens de stockage ou des blattes (cafards). En Suisse, la fréquence de la sensibilisation aux blattes s’élève à env. 5%. En raison de la réactivité croisée de ces allergènes, des sensibilisations et allergies à d’autres espèces d’insectes sont possibles (par ex. sauterelles, crustacés terrestres, coléoptères).

Animaux domestiques

Après les acariens de la poussière, les animaux domestiques [9] sont la deuxième cause la plus fréquente ­d’allergie dans les habitations. En principe, une sensibilisation à tout animal domestique est possible. Aux Etats-Unis, 17% des personnes possédant des chats et 5% des personnes possédant des chiens sont sensibilisées [10]. La fréquence de la sensibilisation aux protéines du chat et du chien dans la population adulte s’élève à respectivement 3,8 et 2,8% en Suisse [11]. D’après des statistiques, 44% des ménages possédaient au moins un animal domestique en 2015 en Suisse (https://de.statista.com). Des chats vivaient dans 30% des ménages (1,66 millions de chats) et des chiens dans 12% des ménages (522 000), suivis des lapins (484 000) et des rongeurs (329 000) dans 4% des ménages pour chacun, des reptiles (3%; 319 000) et des oiseaux d’ornement (1%; 191 000). Ces allergies par inhalation reposent elles aussi le plus souvent sur une exposition allergénique perannuelle. Etant donné que ces allergènes sont transportés par les gens, il n’est pas surprenant que des concentrations élevées d’allergènes se retrouvent également dans les écoles, les véhicules et d’autres lieux (par ex. cinémas, hôtels) où les animaux domestiques ne sont pas autorisés [12].
Par rapport à l’allergie aux pollens, les symptômes en cas d’allergie aux animaux de compagnie sont souvent moins aigus. Toutefois, en fonction des circonstances, par ex. en cas d’infection concomitante, des exacerbations, telles que bronchospasmes ou urticaires, sont toujours possibles. Comme d’autres allergènes domestiques, les protéines animales se lient à des particules de poussière et elles tourbillonnent dans l’air lorsque les personnes marchent dans la pièce. Elles atteignent alors les muqueuses des voies respiratoires ou les conjonctives, qui sont en proie à des symptômes. La publicité faite pour des chats ou chiens «hypoallergéniques» est actuellement dénuée de tout fondement scientifique. A ce jour, il n’existe pas de données sou­tenant cette allégation [13]. La situation pourrait être plus favorable pour les personnes allergiques aux chevaux. Dans une petite étude conduite avec des personnes souffrant d’allergie documentée à l’épithélium de cheval, il a pu être montré que neuf patients sur 10 ne présentaient pas de symptômes lors du test de brossage de chevaux de la race «Curly Horse» et que chez certains de ces patients, la réactivité au test cutané était plus faible [14].
Certains indices suggèrent qu’en particulier le contact avec des chiens au cours de la première année de vie peut avoir des répercussions favorables sur le déve­loppement d’une neurodermatite et d’un asthme chez les individus atopiques [15]. Nous sommes néanmoins ­réticents par rapport à une telle recommandation. Les résultats sont moins favorables en cas de contacts ­précoces avec les chats. En effet, en cas de sensibilisation, le risque d’allergie est augmenté.

Principaux allergènes d’animaux (tableau 3)

Tableau 3: Principaux allergènes animaux des chats, chiens et chevaux.
Animal et allergèneFamille de protéines Pertinence clinique;
fréquence de sensibilisation
Localisation
Chat (felis domesticus)
Fel d 1Utéroglobine
SécrétoglobineAllergène majeur, spécifique à l’espèce; 
>90%Glandes sébacées, salivaires et anales
Fel d 2Albumine sériqueMarqueur de sensibilisation croisée avec d’autres albumines de mammifères; 
15–25%Salive, pelage, sérum
Fel d 4LipocalineAllergène majeur;
60%Salive, sérum, urine, squames
Chien (canis familiaris)
Can f 1LipocalineAllergène majeur;
90%Salive, poils, squames
Can f 2LipocalineAllergène mineur;
22–30%Salive, poils, squames
Can f 4LipocalineAllergène mineur;
35%Pelage
Cheval (Equus caballus)
Equ c 1LipocalineAllergène majeur;
>90%Salive, pelage, urine, sérum
Equ c 4LatherinAllergène majeur;
77%Squames
Fel d 1 est l’allergène majeur commun à tous les félins. Dès lors, il se retrouve à la fois chez les petits et chez les grands félins. Fel d 1 est une glycoprotéine qui est produite par les glandes sébacées, salivaires et anales des chats et qui se répand sur le pelage lors du léchage. Différentes études ont montré que la production d’allergènes était soumise à des mécanismes de contrôle ­hormonaux. Ainsi, les chats mâles produisent plus d’allergènes que les chats femelles. En cas de castration, la production d’allergènes diminue, mais cette circonstance ne s’avère pas pertinente pour les personnes allergiques aux chats. A ce jour, huit allergènes spécifiques du chat ont été identifiés [16]. Certains de ces allergènes présentent une réactivité croisée avec les allergènes d’autres animaux. Les lipocalines, qui se retrouvent chez les animaux à fourrure (y compris les souris ou hamsters), en sont un exemple. La lipocaline est également présente dans la salive de tiques. Cette protéine a la propriété de transporter des molécules hydrophobes. Elle est impliquée dans de nombreux processus biologiques, y compris dans la régulation de la réponse immunitaire innée [17]. Une autre protéine qui possède une réactivité croisée et se retrouve chez tous les mammifères est l’albumine sérique. Une entité connue dans le domaine de l’allergologie est le syndrome porc-chat [18]. Les personnes atteintes de ce ­syndrome réagissent par une allergie aux chats lorsqu’elles consomment par ex. de la viande de porc, dont les albumines n’ont pas été dénaturées par la cuisson. La détermination des allergènes majeurs chez les personnes allergiques aux animaux est essentielle lorsque l’indication d’une immunothérapie spécifique est posée, car les solutions thérapeutiques actuellement disponibles sont standardisées pour ces allergènes.
Chez le chien également, les allergènes majeurs se trouvent dans la salive [16]. Il s’agit de lipocalines, mais qui ont des fonctions différentes. Les allergies aux chevaux sont principalement documentées chez des personnes ayant des contacts étroits avec les chevaux. Par ailleurs, il n’est pas étonnant que les allergies soient fréquentes chez les personnes qui travaillent ou ont des contacts avec des animaux dans le cadre de leur métier, comme par ex. le personnel de laboratoires de recherche. Un tiers de ces personnes développent une sensibilisation au cours de leur carrière [19]. Toutefois, chez les rongeurs, les allergènes majeurs se trouvent dans l’urine, de sorte que les symptômes peuvent être plus prononcés en cas de nettoyage d’un enclos qu’en cas de contact direct.

Allergie à la nourriture pour animaux

Il convient de garder à l’esprit qu’à côté des animaux, leur nourriture peut également déclencher des sym­ptômes respiratoires allergiques. L’allergie à l’aquarium en est un exemple connu [20]. Dans ce cas, les personnes ne sont pas allergiques aux poissons d’ornement, mais elles réagissent aux ingrédients de la nourriture sèche (par ex. hémoglobine de chironomidés [larves de moustiques rouges], daphnies, parties de crevettes, farine de poisson). Chez les éleveurs, les propriétaires de reptiles ou d’amphibiens, mais également chez les éleveurs d’oiseaux, des aliments pour animaux tels que les grillons, criquets, sauterelles, vers de farine et vers Buffalo peuvent être la cause d’une rhinite allergique ou d’un asthme.

Moisissures

Les spores de champignon, et en particulier les moisissures, sont soupçonnées depuis des décennies d’être les déclencheurs d’allergies respiratoires (tab. 4).
Tableau 4: Principaux allergènes des moisissures.
Allergènes individuels actuellement disponibles pour la détermination des anticorps IgE spécifiques en cas d’allergie aux moisissures.
Type de champignons Composante allergéniquePertinence clinique
Alternaria alternataAlt a 1Allergène majeur
Alt a 6 Allergène mineur
Aspergillus fumigatusAsp f 1 Allergène majeur
Asp f 2Allergène majeur
Asp f 3Allergène majeur
Asp f 4Marqueur de l’ABPA
Asp f 6Marqueur de l’ABPA
CladosporiumCla h 8Allergène majeur
ABPA = aspergillose broncho-pulmonaire allergique
Des contacts aérogènes peuvent se produire n’importe où. La fréquence de la sensibilisation aux allergènes de champignons est souvent surestimée. La prévalence est le plus souvent inférieure à 10% et elle dépend non seulement de la population de patients (par ex. asthmatiques), mais également des conditions climatiques [19]. Dans l’air extérieur, les spores d’Alternaria alternate ont la plus grande pertinence allergologique, même si ces spores sont présentes en bien plus faible quantité dans l’atmosphère que celles de Cladosporium. Ce champignon noir sporule du printemps (mai) jusqu’à l’automne. Les allergies aux champignons se manifestent souvent sur le plan clinique sous forme d’asthme de fin d’été (juillet–septembre). Une sensibilisation aux antigènes d’Alternaria ou de Cladosporium est considérée comme un facteur de risque d’asthme difficile à contrôler d’une part et de rhinite allergique d’autre part [19].
Malheureusement, nous disposons de possibilités diagnostiques limitées pour la mise au point d’une allergie aux moisissures ou aux champignons. Sur les 1–3 millions d’espèces de champignons existant à l’échelle mondiale, il existe uniquement un faible nombre de substrats de test plus ou moins pertinents. Par ailleurs, il a été montré que les basidiomycètes pouvaient également être responsables de symptômes respiratoires allergiques. Toutefois, aucun extrait de test n’est encore commercialisé à ce jour [21].
La confirmation diagnostique s’avère également difficile en cas de suspicion d’allergie à des champignons d’intérieur, même en cas d’atteinte fongique démontrable. Les spores de champignons présentes dans les espaces intérieurs correspondent le plus souvent au spectre de champignons de l’air extérieur (par ex. fenêtres ouvertes). En cas de colonisations des espaces intérieurs par des champignons, les irritations muqueuses ou ­cutanées non spécifiques dues à des composés organiques volatils (COV) ou éventuellement à des mycotoxines sont plus fréquentes que les sym­ptômes allergiques. Les principales moisissures dans les habitations sont les espèces Aspergillus et Penicillium. Aspergillus fumigatus figure également sur la liste des responsables d’autres affections des voies respiratoires, comme l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA), la ­sinusite fongique allergique ou les pneumopathies d’hypersensibilité. En cas d’allergie à Aspergillus, il y a souvent une sensibilisation aux antigènes Asp f 1 et Asp f 3, contrairement à l’ABPA où des anticorps IgE spécifiques dirigés contre Asp f 4 et Asp f 6 peuvent être mis en évidence [22].

Diagnostic

Remarques générales relatives au diagnostic de la rhinite allergique

L’écoulement nasal, l’obstruction nasale, les crises d’éternuement et le prurit durant plus d’1 heure par jour sur au minimum 2 semaines sont évocateurs de la présence d’une rhinite. Les déclencheurs d’une rhinite peuvent être d’origine allergique, structurelle, infectieuse ou auto-immune, et il peut également y avoir plusieurs causes concomitantes [23]. Les salves d’éternuements, le prurit palatin et nasal, ainsi que l’atteinte conjonctivale sont des caractéristiques de la forme ­allergique. Le lieu où se manifestent les symptômes (déclencheurs domestiques vs. professionnels) et la période de survenue des symptômes (déclencheurs saisonniers vs. perannuels) peuvent renseigner sur les ­allergènes responsables. En cas de rhinite allergique chronique, la corrélation entre l’allergène responsable et la survenue immédiate des symptômes peut être masquée. Dans ce cas de figure, des facteurs irritants non spécifiques (gaz d’échappement, parfum, etc.) provoquent aussi en partie des symptômes.
L’étape suivante consiste à mettre en évidence des anticorps IgE spécifiques dirigés contre l’allergène soupçonné au moyen d’un prick-test cutané ou éventuellement par mise en évidence d’anticorps IgE spécifiques contre les extraits testés (fig. 1).
Il est essentiel de retenir que la mise en évidence d’IgE spécifiques ne constitue pas une confirmation d’allergie. D’après l’étude ECRHS, 26% des adultes suisses sont sensibilisés aux pollens de graminées, 18% aux pollens de bouleau et 17% aux acariens de la poussière domestique [24]. Toutefois, seule une partie des personnes sensibilisées développent une allergie.
La mise au point d’une rhinite chronique incombe au spécialiste. En cas de suspicion d’une allergie liée à l’habitat intérieur, une évaluation allergologique est indiquée.

Diagnostic moléculaire spécifique de la rhinite allergique saisonnière

En cas de corrélation entre la période des symptômes saisonniers et la sensibilisation à la source pollinique correspondante au test cutané ou au test in vitro (par ex. symptômes en mai/juin, test cutané positif pour les graminées ou présence d’anticorps dirigés contre l’extrait de pollen de graminées), le diagnostic d’allergie au pollen peut être posé. En présence de sym­ptômes durant des saisons polliniques qui se chevauchent (bouleau/frêne) ou en cas de données anamnestiques imprécises, l’allergologue prescrit un diagnostic moléculaire spécifique avant de poser l’indication d’une ­immunothérapie. Ce diagnostic spécifique consiste à mesurer les anticorps IgE dirigés contre des protéines individuelles, le plus souvent produites sous forme ­recombinante, et non pas dirigés contre l’extrait entier comme dans le diagnostic conventionnel [16]. Le diagnostic moléculaire spécifique fait la distinction entre une sensibilisation à des allergènes majeurs spécifiques à une espèce et une sensibilisation à des allergènes mineurs à réactivité croisée (fig. 2).
Figure 2: Allergènes majeurs et allergènes à réactivité croisée des pollens.
Les pollens contiennent des allergènes majeurs, qui sont spécifiques à une source pollinique donnée. Bet v 1 est l’allergène majeur des pollens de bouleau. Ole e 1 est l’allergène majeur des pollens d’olivier, mais il peut être utilisé en lieu et place de l’allergène majeur des pollens de frêne. Au même titre que l’olivier, le frêne fait partie des oléacées. Phl p 1 et Phl p 5 sont les allergènes majeurs des pollens de graminées. Outre les allergènes majeurs, tous les pollens contiennent des allergènes mineurs, tels que les profilines, 
les polcalcines ou les déterminants carbohydrates à réactivité croisée (CCD). Ces allergènes sont responsables de sensibilisations croisées entre tous les types de pollens et peuvent ainsi être à l’origine de tests cutanés ou de tests IgE positifs vis-à-vis d’extraits, mais ils provoquent rarement les symptômes. En outre, ces allergènes sont sous-représentés dans les extraits thérapeutiques.
Toutes les sources polliniques contiennent des allergènes à forte réactivité croisée de la famille des profilines, de la famille des polcalcines ou des déterminants carbohydrates à réactivité croisée. Ces allergènes peuvent être détectés par des anticorps IgE spécifiques et provoquent dès lors des tests cutanés ou de laboratoire positifs, mais ils ne donnent souvent lieu à aucun symptôme allergique. Les symptômes sont beaucoup plus souvent provoqués par des allergènes majeurs, qui sont spécifiques à chaque source pollinique et ne présentent pas de réactivité croisée (tab. 1). C’est pourquoi le diagnostic moléculaire spécifique joue aussi un rôle particulièrement important, car les extraits allergéniques thérapeutiques sont standardisés pour les ­allergènes majeurs d’une source pollinique donnée et les allergènes mineurs sont sous-représentés dans l’extrait. Par conséquent, une immunothérapie est généralement uniquement prescrite lorsque le patient est sensibilisé à l’allergène majeur d’une source pollinique et surtout lorsqu’il présente des symptômes durant la période de pollinisation correspondante.

Diagnostic moléculaire spécifique de la rhinite allergique perannuelle

La détermination des allergènes majeurs Der p 1 et Der p 2 permet de poser le diagnostic chez plus de 97% des patients souffrant d’une allergie à D. pteronyssinus [25]. La réactivité croisée entre les deux espèces d’acariens de la poussière domestique, D. pteronyssinus et D. farinae, est élevée [16]. Dès lors, il n’est pas nécessaire de réaliser des tests pour les deux espèces. En cas de ­résultat négatif au test mais d’anamnèse suggestive, le spectre de test devrait indubitablement être élargi. La mise en évidence d’une sensibilisation à l’un des deux allergènes est déterminante pour la pose de l’indication d’une immunothérapie spécifique. La tropomyosine est une protéine musculaire qui, chez les arthropodes, peut être responsable de réactions croisées entre différentes espèces telles que les blattes, les scarabées, les acariens de stockage, les crustacés, etc. et qui doit être recherchée dans cette indication. Fel d 1, Can f 1 et Can f 2 sont des marqueurs spécifiques d’une sensibilisation allergique aux chats ou aux chiens [16]. Les protéines animales contiennent toutefois diverses molécules à réactivité croisée. Ainsi, l’allergène du cheval Equ c 1 présente également une réactivité croisée avec Fel d 4 Can f 6. Si la mise en évidence d’une sensibili­sation échoue, des analyses supplémentaires sont nécessaires. L’essentiel est que les examens aient toujours un but précis. Il ne faut pas oublier que malgré les possibilités actuelles, tous les allergènes individuels ne sont pas disponibles dans le commerce pour le diagnostic, ce qui est notamment le cas pour bon nombre d’allergènes d’animaux de compagnie.

Traitement de la rhinite allergique

L’objectif du traitement d’une allergie est d’obtenir la disparition des symptômes et, si possible, une guérison complète. L’éviction de l’allergène représente le premier principe thérapeutique, car chez les individus sensibilisés, un contact avec l’allergène est nécessaire pour ­déclencher les symptômes. Pour le traitement médicamenteux et symptomatique, les corticoïdes topiques (en cas de rhinite allergique, intranasaux) et les antihistaminiques constituent des médicaments éprouvés à la fois pour la rhinite saisonnière et perannuelle, aussi bien chez les enfants que chez les adultes. A l’heure actuelle, les antihistaminiques de 2e/3e génération sont recommandés, car ils ont rarement un effet sédatif à la posologie usuelle et n’altèrent ainsi guère les réactions et l’aptitude à la conduite.
Dans la mesure où de nombreux aéroallergènes, y compris dans les espaces intérieurs, sont présents de manière ubiquitaire et ne peuvent guère être évités dans des conditions de vie normales, une immunothérapie spécifique (ITS) est souvent envisagée [26]. L’indication d’une immunothérapie est généralement posée par l’allergologue, tandis que la mise en œuvre du traitement est dans la mesure du possible déléguée au médecin de famille. La rhinite allergique est un facteur de risque majeur de développement d’asthme. Il a été montré que l’ITS correctement indiquée pouvait prévenir la survenue d’asthme chez les patients souffrant de rhinite allergique [27]. Il est recommandé d’initier l’ITS tôt dans la maladie et de la poursuivre durant au moins 3 ans. Outre l’ITS sous-cutanée conventionnelle, l’ITS sublinguale entre de plus en plus en ligne de compte (Pocket Guide: www.worldallergy.org/disease-focus/sublingual-immunotherapy). Toutefois, pour l’ITS sublinguale, l’observance et l’adhérence thérapeutique doivent être surveillées.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. Barbara
Ballmer-Weber
Allergologie
Luzerner Kantonsspital
Spitalstrasse
CH-6016 Luzern
barbara.ballmer[at]luks.ch
– Scadding GK, Scadding GW. Diagnosing Allergic Rhinitis. Immunol Allergy Clin North Am. 2016 May;36(2):249–60.
– Schäfer T, Bauer CP, Beyer K, Bufe A, Friedrichs F, Gieler U, et al. S3-Guideline on allergy prevention: 2014 update: Guideline of the German Society for Allergology and Clinical Immunology (DGAKI) and the German Society for Pediatric and Adolescent Medicine (DGKJ). Allergo J Int. 2014;23(6):186–99.
– Matricardi PM, Kleine-Tebbe J, Hoffmann HJ, Valenta R, Hilger C, Hofmaier S, et al. EAACI Molecular Allergology User’s Guide.Pediatr Allergy Immunol. 2016 May;27 Suppl 23:1–250.
– Zuberbier T, Bachert C, Bousquet PJ, Passalacqua G, Walter ­Canonica G, et al. GA²LEN/EAACI pocket guide for allergen-­specific immunotherapy for allergic rhinitis and asthma. Allergy. 2010 Dec;65 (12):1525–3.
 1 de Monchy JG, Demoly P, Akdis CA, Cardona V, Papadopoulos NG, Schmid-Grendelmeier P, Gayraud J. Allergology in Europe, the blueprint. Allergy. 2013;68:1211–8.
 2 Bousquet J, van Cauwenberge P, Khaltaev N. Allergic rhinitis and its impact on asthma. J Allergy Clin Immunol. 2001;108 (5 Suppl):147–334.
 3 Ballmer-Weber BK. Nahrungsmittelallergie: Sinn und Unsinn von diagnostischen Abklärungen. Praxis (Bern 1994). 2016;105:1019–23.
 4 Ballmer-Weber BK. Food allergy in adolescence and adulthood. Chem Immunol Allergy. 2015;101:51–8.
 5 Batard T, Baron-Bodo V, Martelet A, Le Mignon M, Lemoine P, Jain K, et al. Patterns of IgE sensitization in house dust mite-­allergic patients: implications for allergen immunotherapy. Allergy. 2016;71:220–9.
 6 Thomas WR. Hierarchy and molecular properties of house dust mite allergens. Allergol Int. 2015;64:304–11.
 7 Portnoy J, Miller JD, Brock Williams P, Chew GL. Environmental assessment and exposure control of dust mites: a practice Parameter. Ann Allergy Asthma Immunol. 2013;111:465–507.
 8 Schäfer T, Bauer CP, Beyer K, Bufe A, Friedrichs F, Gieler U, et al. S3-Guideline on allergy prevention: 2014 update: Guideline of the German Society for Allergology and Clinical Immunology (DGAKI) and the German Society for Pediatric and Adolescent Medicine (DGKJ). Allergo J Int. 2014;23:186–99.
 9 Hilger C, Zahradnik E. Allergologie. 2015;38:83–90
10 Arbes SJ, Gergen PJ, Elliott L, Zeldin DC. Prevalences of positive skin test response to 10 common allergens in the US population: results from the third national health and nutrition examination survey. J Allergy Clin Immunol. 2005;116:377–83.
11 Wüthrich B, Schindler C, Leuenberger P, Ackermann-Liebrich U. Prevalence of atopy and pollinosis in the adult population of Switzerland (SAPALDIA study). Swiss Study on Air Pollution and Lung Diseases in Adults. Int Arch Allergy Immunol. 1995;106:149–56.
12 Niesler A, Ścigała G, Łudzeń-Izbińska B. Cat (Fel d 1) and dog (Can f 1) allergen levels in cars, dwellings and schools. Aerobiologia (Bologna). 2016;32:571–80.
13 Butt A, Rashid D, Lockey RF. Do hypoallergenic cats and dogs exist? Ann Allergy Asthma Immunol. 2012;108:74–6.
14 Mitlehner W. Allergy against horses: Are curly horses an alternative for horse-allergic riders? Allergo J. 2013;22:244–51.
15 Chen C-M, Tischer C, Schnappinger M, Heinrich J. The role of cats and dogs in asthma and allergy–a systematic review.
Int. J Hyg Environ Health. 2010;213:1–31.
16 Matricardi PM, Kleine-Tebbe J, Hoffmann HJ, Valenta R, Hilger C, Hofmaier S, et al. EAACI Molecular Allergology User’s Guide.Pediatr Allergy Immunol. 2016 May;27 Suppl 23:1–250.
17 Jensen-Jarolim E, Pacios LF, Bianchini R, Hofstetter G, Roth-Walter F. Structural similarities of human and mammalian lipocalins, and their function in innate immunity and allergy. Allergy. 2016;71:286–94.
18 Drouet M, Sabbah, A. The pork/cat syndrome or crossed reactivity between cat epithelia and pork meat. Monogr Allergy. 1996;32:164–73.
19 Dürr C, Helbling A. Allergien auf Tiere und Pilze. Therapeutische Umschau. 2012;69:253–9.
20 Dietschi R, Wüthrich B. Aquarium-Allergie: Asthma bronchiale durch polyvalente Sensibilisierung auf verschiedene Fischfutter-Bestandteile. Hautarzt. 1987;38:160–1.
21 Helbling A, Brander KA, Gayer F, Fischer B, Borbély P, Bonadies N, Pichler WJ. IgE-vermittelte Allergie auf Ständerpilze ­(Basidiomyzeten). Allergo J. 2000;9:271–5.
22 Tillie-Lebland I, Tonnel AB. Allergic bronchopulmonary aspergillosis. Allergy. 2005;60:1004–13.
23 Scadding GK, Scadding GW. Diagnosing Allergic Rhinitis.
Immunol Allergy Clin North Am. 2016 May;36:249–60.
24 Bousquet PJ, Chinn S, Janson C, Kogevinas M, Burney P, Jarvis D. European Community Respiratory Health Survey I. Geographical variation in the prevalence of positive skin tests to environmental aeroallergens in the European Community Respiratory Health Survey I. Allergy. 2007;62:301–9.
25 Veghofer M, Thomas WR, Kronqvist M, Mari A, et al. Variability of IgE reactivity profiles among European mite allergic patients. Eur J Clin Invest. 2008;38(12):959–65.
26 Zuberbier T, Bachert C, Bousquet PJ, Passalacqua G, Walter Canonica G, Merk H, Worm M, Wahn U, Bousquet J. GA²LEN/EAACI pocket guide for allergen-specific immunotherapy for allergic rhinitis and asthma. Allergy. 2010 Dec;65(12):1525–30.
27 Schmitt J, Schwarz K, Stadler E, Wüstenberg E.G. Allergy immunotherapy for allergic rhinitis effectively prevents asthma: Resultsfrom a large retrospective cohort study J Allergy Clin Immunol. 2015;136:1511–6.