L’arthrite septique chez l’adulte
Détection et traitement rapides

L’arthrite septique chez l’adulte

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/17
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.02952
Forum Med Suisse 2017;17(17):368-377

Affiliations
a Klinik für Infektiologie & Spitalhygiene, Universitätsspital Basel; b Institut für Infektionskrankheiten, Universität Bern; c Universitätsklinik für Rheumatologie, Immunologie und Allergologie, Inselspital Bern; d Universitätsklinik für Orthopädische Chirurgie und Traumatologie, Inselspital Bern

Publié le 26.04.2017

L’arthrite septique doit être détectée et traitée rapidement, car tout retard entraîne une destruction articulaire. Cette affection nécessite une collaboration interdisciplinaire, à la fois pour le diagnostic et le traitement. Un défi clinique particulier consiste à différencier, dans le cadre du diagnostic différentiel, l’arthrite septique d’une arthropathie microcristalline aiguë.

Introduction

L’arthrite aiguë désigne une réaction inflammatoire d’apparition rapide au niveau de l’espace articulaire et de la membrane synoviale qui le délimite. Elle peut entre autres être causée par des micro-organismes ou leurs composants, mais également par des cristaux. L’arthrite «septique» (également appelée «arthrite ­purulente») doit être détectée rapidement. Elle nécessite toujours une collaboration interdisciplinaire. Un retard de diagnostic et de traitement entraîne le plus souvent une destruction et ainsi une limitation fonctionnelle de l’articulation.
Dans cet article de revue, nous nous concentrons sur l’arthrite septique des grandes articulations (natives) chez l’adulte. Les infections bactériennes occupent une place centrale dans notre article, tandis que les autres agents pathogènes (champignons, mycobactéries, parasites) sont uniquement évoqués de façon marginale en raison de leur rareté. De même, nous invitons les lecteurs à consulter d’autres articles de revue en ce qui concerne le diagnostic et le traitement de l’arthrite de Lyme [1]. L’arthrite virale fera, quant à elle, l’objet d’un article séparé qui paraîtra dans un numéro ultérieur du Forum Médical Suisse [2]. L’arthrite post-infectieuse est souvent classée parmi les «arthrites infectieuses» [3] et n’est également pas abordée dans cet article de revue.

Epidémiologie

Des données épidémiologiques font défaut en Suisse. En Islande, l’incidence est passée de 4,2 cas/­100 000 habitants en 1990 à 11 cas/100 000 habitants en 2002 [4]. En Grande-Bretagne, une augmentation de l’incidence a aussi été documentée, passant de 5,5 cas/­100 000 habitants en 1998 à 7,8 cas/100 000 habitants en 2013 [5]. Dans une étude néozélandaise ayant uniquement inclus des patients adultes, l’incidence s’élevait à 12 cas/100 000 habitants/an (IC à 95% 10,6–13,6) durant une phase observationnelle de 5 ans (2009–2013) [6]. Ces chiffres indiquent que l’arthrite septique constitue une affection qui gagne du terrain dans la pratique clinique quotidienne.

Facteurs de risque

Les facteurs de risque les plus fréquents sont les facteurs prédisposants «classiques» aux maladies infectieuses bactériennes indépendamment du site de manifestation, tels que l’âge élevé (en fonction des études, ≥65, ≥75 ou ≥80 ans), le diabète sucré et l’immunosuppression (en particulier traitement par corticoïdes). Dans ce contexte, la cirrhose hépatique, les néoplasies hématologiques et solides, mais également l’hypogammaglobulinémie sont entre autres aussi évoquées. Le risque d’infection augmente considérablement en présence de plusieurs de ces facteurs [7, 8].
Par rapport à la population générale, les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde présentent une incidence de l’arthrite septique environ 10 fois plus élevée. Le risque augmente avec la progression de la maladie [9]. Le traitement immunosuppresseur d’une polyarthrite rhumatoïde, notamment la corticothérapie, contribue également à l’incidence accrue de l’arthrite infectieuse dans cette population. Le risque de contracter une infection opportuniste, quelles que soient les manifestations cliniques, est accru sous inhibiteurs du TNF alpha [10], mais les résultats de différentes études sont controversés en ce qui concerne l’arthrite septique. La plupart des chiffres relatifs à l’arthrite proviennent de «case reports» et de séries de cas.
Les antécédents de chirurgie articulaire constituent un autre facteur de risque (odds ratio (OR) 2,07, IC à 95% 1,4–2,9 dans [11]; OR 5,1, IC à 95% 2,2–11,9 dans [7]). Ces résultats vont de pair avec l’observation selon laquelle les arthrites septiques d’origine iatrogène ont augmenté au cours des dernières années [4]. Dans ce contexte, la question est souvent posée de savoir quel est le risque d’infection après une injection intra-­articulaire. Etant donné que des données épidémio­logiques font défaut, le risque d’infection est le plus souvent estimé sur la base de valeurs empiriques et d’enquêtes. Toutefois, au vu du nombre élevé d’in­jections réalisées dans la pratique, il est estimé que ce risque est très faible (1 infection pour 25 000 à 35 000 injections) [12, 13]. A cet égard, l’application rigoureuse d’une technique d’asepsie joue un rôle essentiel. La Société Suisse de Rhumatologie a publié des recommandations à ce sujet sur son site internet [13].
Les injections intra-articulaires de corticoïdes avant le remplacement prothétique de l’articulation du genou sont toutefois associées à un risque accru d’infection de prothèse post-opératoire (OR 1,23; IC à 95% 1,2–1,3; p <0,001 dans [14]). Dans cette étude, une association de risque significative a été constatée lorsque l’intervalle entre l’injection et la pose de la prothèse articulaire était ≤6 mois, mais pas lorsque l’intervalle était >7 mois. Ces données ont également été confirmées dans le contexte des prothèses d’épaule et de la reconstruction de la coiffe des rotateurs [15]. Ainsi, il convient d’éviter les injections intra-articulaires de corticoïdes lorsqu’une reconstruction de la coiffe des rotateurs ou une implantation de prothèse articulaire est planifiée au cours des 6 prochains mois.

Pathogenèse

Dans la plupart des cas, l’arthrite septique des grandes articulations résulte d’une dissémination hématogène. Au cours d’une bactériémie, les agents pathogènes peuvent pénétrer dans l’articulation, car la synoviale est un lit capillaire sans membrane basale. La bactériémie causale peut encore être présente au moment où l’arthrite devient cliniquement manifeste, mais elle peut également avoir disparu (bactériémie transitoire et auto-limitante). Dans ce dernier cas de figure, une nouvelle bactériémie peut se produire, lorsque le nombre de germes dans l’articulation augmente. Les causes exogènes (traumatisme ouvert, chirurgie articulaire, injections) sont moins fréquentes, et la migration d’une infection depuis un foyer infectieux voisin (ostéomyélite à proximité d’une articulation, infection des tissus mous) est rare.
Dans l’articulation, les micro-organismes déclenchent une violente réaction inflammatoire dans le liquide ­synovial et au niveau de la membrane synoviale. La ­sécrétion de cytokines et de protéases est à l’origine du recrutement de leucocytes supplémentaires et ainsi de la destruction progressive du cartilage. Les bactéries, en particulier Staphylococcus aureus et les streptocoques bêta-hémolytiques, peuvent sécréter des toxines et des enzymes, qui détruisent encore davantage le cartilage tout en recrutant des leucocytes supplémentaires dans l’articulation. Ces bactéries expriment en outre des ­adhésines, qui leur permettent de se lier aux protéines intra-articulaires de l’hôte et ainsi de persister dans l’articulation. La formation de biofilm dans le liquide synovial constitue un autre mécanisme potentiel de persistance de l’infection qui a été décrit pour S. aureus [16]. L’interaction entre l’agent pathogène et les défenses immunitaires correspond à un cercle vicieux. En l’espace de peu de temps, un nombre élevé de cellules s’accumulent dans l’articulation [17, 18] et leur protéases contribuent alors à la progression des dommages ar­ticulaires.
La sévérité de la destruction articulaire peut être subdivisée en quatre stades par arthroscopie et radio­graphie (tab. 1; fig. 1 et 2). Ce système de stadification mis au point par Gächter et Stutz est principalement utilisé en Suisse et dans quelques pays européens [19–22]. Même s’il n’est pas utilisé dans une institution, l’évaluation macroscopique par l’opérateur peut fournir des informations essentielles pour, d’une part, poser l’indication d’une synovectomie et, d’autre part, déterminer la durée de l’antibiothérapie (voir ci-dessous).
Tableau 1: Classification arthroscopique de l’arthrite septique selon Gächter et Stutz [19–22].
Stade IStade IIStade IIIStade IV
– Synovite
– Opacité du liquide
– Rougeur de la membrane synoviale
– Pétéchies
– Synovite fortement inflammatoire
– Dépôts fibrineux
– Pus
– Epaississement de la membrane synoviale
– Adhésions avec ­cloisonnements
– Pannus
– Infiltration dans 
le cartilage et les os*
* Altérations radiologiques: jusqu’au stade III, généralement pas encore d’anomalies visibles; au stade IV, ostéolyses sous-chondrales ­radiologiques, érosions osseuses et formation de kystes visibles. Voir également clichés d’arthroscopie des figures 1 et 2.
Figure 1: Arthroscopie: arthrite septique de l’épaule, stade I–II (cf. tab. 1).
Figure 2: Arthroscopie: arthrite septique de l’épaule, stade III (cf. tab. 1).

Agents pathogènes responsables de ­l’arthrite septique chez l’adulte

Le tableau 2 résume les agents pathogènes le plus souvent responsables d’arthrite septique dans trois études [6, 23, 24]. S. aureus est de loin l’agent pathogène le plus fréquent, suivi des streptocoques bêta-hémolytiques. La fréquence d’un agent pathogène (et le mode de résistance) peut varier en fonction de la région géographique, de l’âge et de la population étudiée. Dans la littérature, la distinction est souvent faite (en partie pour des ­raisons historiques) entre arthrite gonococcique et ­arthrite non-gonococcique [17]. Une arthrite à cham­pignons ou à mycobactéries survient le plus souvent chez les patients sous immunosuppression ou chez ceux originaires d’une région où la tuberculose est ­endémique.
Tableau 2: Agents pathogènes fréquents de l’arthrite septique chez l’adulte.
EtudeSuisse [24]France [23]Nouvelle-Zélande [6]
Total n = 233n = 374n = 248
Pas de croissance / inconnue10 (4%)*43 (17%)
Staphylococcus aureus
– Sensible à la méticilline (SASM)
– Résistant à la méticilline (SARM)115 (49%)
104 (45%)
11 (5%)240 (64%)
213 (57%)
27 (7%)115 (46%)
Streptocoques bêta-hémolytiques33 (14%)30 (8%)30 (12%)
Streptococcus pneumoniae3 (1%)9 (2%)5 (2%)
Autres Streptococcus spp.37 (10%)2 (1%)
Enterococcus spp.1 (<1%)6 (2%)5 (2%)
Escherichia coli6 (3%)9 (2%)7 (3%)
Pseudomonas spp. 11 (5%)5 (1%)4 (2%)
Neisseria spp.2 (1%)5 (1%)4 (2%)
Les pourcentages sont arrondis.
* Seuls les cas avec mise en évidence de l’agent pathogène ont été inclus dans cette étude.
 Dans cette étude, les streptocoques bêta-hémolytiques et les Streptococcus spp. ont été regroupés.

Tableau clinique

Anamnèse

L’anamnèse peut fournir des indications quant à l’agent pathogène dans le cadre du diagnostic différentiel (tab. 3). Chez les patients souffrant de maladies qui sont typiquement associées à une colonisation par S. aureus (par ex. psoriasis ou autres affections cutanées chroniques, insuffisance rénale nécessitant une dialyse, obésité, diabète sucré, abus de drogues par voie intraveineuse), l’arthrite à S. aureus est particulièrement fréquente. La durée des symptômes peut également renseigner sur les agents pathogènes potentiels. Les patients atteints d’une arthrite à méningocoque ou à gonocoque font souvent état d’une évolution suraiguë avec des douleurs disproportionnées par rapport à la situation clinique. A l’inverse, les patients atteints d’une arthrite à mycobactéries se présentent plutôt avec une évolution clinique subaiguë ou chronique, sans douleurs.
Tableau 3: Informations de l’anamnèse et association avec des micro-organismes potentiels sur le plan du diagnostic différentiel chez les patients avec arthrite septique.
Anamnèse / résultat cliniqueDiagnostic différentiel des agents ­pathogènes
Facteurs de risque épidémiologiques de 
colonisation par Staphylococcus aureus1Staphylococcus aureus
Immunosuppression, hospitalisations multiples, antibiothérapies préalablesEnterobacteriaceae
Consommation de drogues par voie intraveineuse, polytoxicomanie2Staphylococcus aureus,
streptocoques bêta-hémolytiques
Ténosynovite; exanthème; polyarthralgie pouvant évoluer vers une monoarthrite ou une oligoarthrite persistante.
Anamnèse sexuelle.Neisseria gonorrhoeae, 
N. meningitidis
MéningiteNeisseria meningitidis, 
Streptococcus pneumoniae
Rapatriement depuis l’Asie du Sud-Est
(entre autres Thaïlande)Burkholderia pseudomallei (mélioïdose)
Consommation de produits laitiers 
non ­pasteurisésListeria monocytogenes,
Brucella spp.
Intervention urogénitaleUreaplasma urealyticum, 
Mycoplasma hominis
Symptômes cliniques de «bas grade», zone où la tuberculose est endémique, formation de fistules, monoarthrite ou oligoarthrite.
Culture négative préalable.
Mycobacterium tuberculosis
Monoarthrite, antécédents d’érythème ­migrant, arthralgies migratrices, morsure de tiqueBorrelia burgdorferi
Arthrite post-traumatique3
Morsure de chat ou de chienPasteurella spp.,
Capnocytophaga spp.,
Neisseria spp.
Morsure de ratStreptobacillus moniliformis
Blessure dans l’eau (de mer)Mycobacterium marinum
Vibrio spp., Aeromonas hydrophila
Morsure humaineStaphylococcus aureus;Eikenella corrodens et autres agents pathogènes appartenant au groupe HACEK4
Blessure par des plantes/buissons/épinesPantoea agglomerans
1 En font notamment partie le psoriasis et d’autres affections cutanées chroniques, l’insuffisance rénale nécessitant une dialyse, l’obésité morbide, le diabète sucré et la consommation de drogues par voie intraveineuse.
2Font également partie de ce groupe pour le diagnostic différentiel Pseudomonas spp. et Candida spp. 
La proportion de ces agents pathogènes est faible par rapport aux autres micro-organismes.
³ Il n’est pas rare que l’arthrite post-traumatique soit polymicrobienne et elle touche plus souvent les articulations des doigts.
4Haemophilus spp., Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Eikenellacorrodens, Kingella kingae.

Examen clinique

L’arthrite bactérienne touche généralement une articulation (monoarthrite) et présente les signes inflammatoires classiques (douleurs, rougeur, chaleur au niveau de la zone touchée, tuméfaction, raideur ou limitation de la mobilité) à l’examen clinique. En raison des tissus mous qui les recouvrent, les articulations de la hanche et de l’épaule ne présentent pas toujours une tumé­faction et une rougeur visibles. Compte tenu de la ­pathogenèse mentionnée ci-dessus, les patients se présentent souvent avec un tableau clinique de sepsis et se plaignent de fièvre et de frissons. Il convient de souligner que la fièvre peut faire défaut chez les patients âgés. L’articulation la plus souvent touchée est celle du genou (27–50%), suivie de la hanche et de l’épaule (env. 10–15% chacune) [6, 23, 25]. En cas d’atteinte d’articu­lations de taille moyenne (cheville, poignet), il convient également de songer à une cause exogène (origine iatrogène, traumatisme, abcès à un site d’injection) dans le cadre du diagnostic différentiel. Dans env. 10 à 20% des cas, plusieurs articulations sont touchées (oligoarthrite et polyarthrite). Ce cas de figure s’observe en parti­culier chez les patients avec de multiples articulations détruites (par ex. suite à une poly­arthrite rhumatoïde) et/ou une bactériémie prolongée. Dans ces cas, il convient de rechercher le foyer infectieux primaire (y compris endocardite; voir ci-dessous «Investigations/Echocardiographie»).

Investigations

Paramètres inflammatoires dans le sérum

La détermination des paramètres inflammatoires dans le sérum et le prélèvement d’hémocultures sont obligatoires. La numération leucocytaire, la déviation à gauche et la valeur de protéine C réactive ou de procalcitonine sont des éléments utiles pour le diagnostic, mais ils ne sont ni spécifiques ni sensibles. Une arthrite microcristalline aiguë peut avoir une présentation clinique et biochimique similaire à celle de l’arthrite septique.

Ponction articulaire

Le diagnostic définitif de l’arthrite septique repose sur la mise en évidence de l’agent pathogène dans le liquide synovial. Par conséquent, il est impératif de réaliser une ponction articulaire. Celle-ci devrait avoir lieu avant l’administration de l’antibiothérapie empirique, pour autant que le patient ne se présente pas avec un sepsis (critères SOFA: «Sequential [Sepsis-related] Organ Failure Assessment Score») ou un choc septique. Les paramètres suivants doivent être analysés en parallèle dans le liquide articulaire prélevé: (1) numération cellulaire plus proportion de granulocytes neutrophiles; (2) agents ­pathogènes; (3) présence de cristaux (fig. 3).
Figure 3: Parcours diagnostique en cas de suspicion d’arthrite septique.
1 L’inoculation d’un flacon d’hémoculture pédiatrique avec du liquide synovial a une sensibilité élevée pour la croissance de bactéries. Le prélèvement d’un échantillon dans un tube sans additifs pour la microbiologie est recommandé afin de pouvoir ­réaliser ultérieurement une PCR («polymerase chain reaction»).
2 En raison de sa faible sensibilité, la coloration de Gram ne constitue pas un examen d’urgence.
3 En cas de suspicion d’un agent pathogène spécifique (tab. 3), le laboratoire de ­microbiologie devrait en être informé préalablement, afin d’optimiser la phase pré-analytique.
4 Données de sensibilité et de spécificité d’après [27]. Une valeur limite de >25 000/mm3 possède une sensibilité et une spécificité de 75% [8]. Chez les patients avec immunosuppression ou leucopénie et neutropénie, ces valeurs limites ne peuvent pas être utilisées avec fiabilité.

Numération cellulaire

Dans la plupart des centres, la numération cellulaire est mesurée automatiquement à partir du liquide synovial anticoagulé sur EDTA; la mesure automatique est équivalente à la mesure manuelle, voire légèrement plus précise [26]. En cas de faible volume prélevé (<1 ml) et/ou de présence de pus reconnaissable macrosco­piquement dans le liquide synovial, il y a des problèmes de viscosité qui peuvent compliquer la mesure automatique. Dès lors, nous recommandons de prélever ≥1 ml de liquide synovial pour la numération cellulaire et, immédiatement après la ponction articulaire, d’agiter le tube en faisant des mouvements de va-et-vient ­afin que l’EDTA se mélange bien au liquide ponctionné. La différentiation se fait par machine; dans de rares cas, un frottis est nécessaire pour la différentiation. En cas d’arthrite septique touchant des articulations ­natives, la numération cellulaire est souvent comprise entre 50 000 et 150 000 leucocytes/mm3 de liquide ­synovial. La valeur limite proposée pour l’arthrite septique varie en fonction des études. Une valeur limite >25 000/mm3 présente une sensibilité et une spécificité d’env. 75% [8]. Dans une méta-analyse, une valeur limite >50 000/mm3 présentait une sensibilité combinée de 56% (IC à 95% 49–63%) et une spécificité de 90% (IC à 95% 88–92%) (hétérogénéité des études 53,6% et 70,7%). En cas de valeur limite >100 000/mm3, la sensibilité baisse à 18% (IC à 95% 11–28%) et la spécificité augmente à 99% (IC à 95% 95–100%) (hétérogénéité des études 70,3% et 67,8%) [27]. Si l’on utilise la proportion des granulocytes neutrophiles comme critère diagnostique, une proportion ≥90% est utilisée comme valeur limite [8]. Cette valeur présente une sensibilité de 60% (IC à 95% 51–68%) et une spécificité de 78% (IC à 95% 75–80%) pour une arthrite bactérienne [27]. Les faibles sensibilités en cas de valeurs limites plus élevées pour la numération cellulaire soulignent l’importance de la recherche parallèle de micro-organismes et de cristaux. Chez les patients avec immunosuppression ou leucopénie et neutropénie, ces valeurs limites ne peuvent pas être utilisées avec fiabilité.

Microbiologie

La mise en culture présente une bonne sensibilité pour les micro-organismes les plus fréquemment responsables d’une arthrite septique aiguë (S. aureus, streptocoques bêta-hémolytiques). Si l’anamnèse révèle des indices évocateurs d’un agent pathogène spécifique (tab. 3), le laboratoire devrait en être informé préalablement, afin d’optimiser la phase pré-analytique. La coloration de Gram possède une sensibilité médiocre (<40%) [28]. Dès lors, une coloration de Gram négative n’a pas de conséquences sur la décision thérapeutique. En revanche, un résultat positif à la coloration de Gram peut être utile pour adapter en conséquence le traitement empirique (fig.  4).
Figure 4: Ponction articulaire de la hanche en cas d’arthrite septique. La coloration de Gram montre des diplocoques à Gram négatif intracellulaires. Neisseria meningitidis a pu 
être mis en évidence par PCR.

Histopathologie

En cas de réalisation d’une arthroscopie ou d’une révision articulaire ouverte, des échantillons tissulaires devraient être prélevés pour analyses microbiologiques et histopathologiques. Le prélèvement d’échantillons tissulaires pour analyse histopathologique est utile pour compléter le tableau diagnostique et il est avant tout recommandé pour les stades III et IV de Gächter (tab. 1). Les résultats histopathologiques sont également utiles pour la pose du diagnostic d’une arthrite septique à culture négative.

Cristaux

La recherche de cristaux par du personnel formé est ­essentielle, parce qu’une arthrite septique et une arthropathie microcristalline peuvent survenir de manière concomitante et ont une présentation clinique très ­similaire, mais également parce qu’un précipité de cristal violet à la coloration de Gram peut être confondu avec des germes à Gram positif. Les cristaux dans la synoviale sont encore détectables dans la ponction articulaire plusieurs jours à semaines après la pré­sentation aiguë. Il est déterminant à la fois pour le diag­nostic et pour le traitement de faire la distinction entre une crise aiguë de goutte (cristaux d’urate) ou de pseudo-goutte (chondrocalcinose; cristaux de pyrophosphate de calcium [CPPD]) et une arthrite septique ou d’identifier la présence simultanée des deux affections.

Arthroscopie

L’arthroscopie est non seulement une mesure thérapeutique (voir ci-dessous), mais elle constitue également un instrument diagnostique essentiel, en particulier pour la stadification selon Gächter et pour la biopsie en vue d’analyses histopathologiques et microbiologiques. La détermination du stade peut être utile pour évaluer la nécessité de réaliser un deuxième lavage arthroscopique ou une synovectomie ouverte [20, 21, 29] et pour initier rapidement la prise en charge thérapeutique adéquate.

Examens d’imagerie

Le diagnostic de suspicion d’une arthrite septique, en particulier au niveau du poignet, de la cheville et du ­genou, est en premier lieu posé sur la base de l’examen clinique. Pour les articulations recouvertes d’une couche épaisse de tissus mous (épaule et hanche), l’échographie est utile pour mettre en évidence un épanchement et pour guider la ponction articulaire. Si l’infection ar­ticulaire touche également les tissus mous ou les os ­environnants, il est recommandé de réaliser une tomodensitométrie (TDM) ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) afin de déterminer l’ampleur de ­l’infection et de planifier l’intervention chirurgicale (fig. 5). En cas d’indication aiguë d’un lavage articulaire, l’examen d’imagerie ne devrait retarder l’intervention chirurgicale. La radiologie conventionnelle peut être utile pour obtenir un aperçu de la situation initiale et ainsi pour évaluer par la suite la progression de la destruction articulaire. En cas d’infections de longue ­durée et en particulier en cas d’atteinte de l’os, elle peut également être utile pour la prise de décision thérapeutique.
Figure 5: Coupe coronale IRM d’une arthrite septique de l’épaule. Le cliché montre en outre un abcès sous-cutané concomitant et une ostéomyélite, correspondant par analogie au stade IV de Gächter.

Echocardiographie (arthrite et endocardite)

En fonction des études, des agents pathogènes et de la population étudiée, entre 2 et 15% des patients atteints d’endocardite infectieuse souffrent d’arthrite septique. En présence d’une arthrite septique et d’une bactériémie à S. aureus contracté en dehors de l’hôpital, une échocardiographie est généralement indiquée [30]. Il n’existe pas de preuves pour cette indication en cas de mise en évidence d’autres agents pathogènes.

Diagnostics différentiels

La goutte et la chondrocalcinose représentent les principaux diagnostics différentiels et elles sont abordées dans des articles séparés de ce numéro (pages 387–394). La localisation de l’arthrite (par ex. articulation métatarsophalangienne), la présence de tophus goutteux ­visibles ou des épisodes préalables d’arthropathie ­microcristalline peuvent constituer des indices cliniques évocateurs de la présence d’une arthrite cristalline. Les calcifications pathognomoniques au niveau de l’interligne articulaire à la radiographie ou à l’échographie peuvent représenter des indices utiles quant à la présence d’une arthropathie à CPPD. Il convient de rappeler que la présence d’une arthropathie micro­cristalline n’exclut pas la présence concomitante d’une arthrite bactérienne. Parmi les autres diagnostics différentiels à envisager figurent des maladies rhumatismales telles que l’arthrite réactionnelle dans le cadre d’une spondylarthropathie séronégative, les poussées de polyarthrite rhumatoïde ou une arthrose activée. Dans de rares cas, une arthrite traumatique peut imiter une arthrite septique. L’anamnèse (traumatisme, hémophilie) et la présence de sang dans la ponction articulaire (hémarthrose) peuvent orienter vers une telle cause. L’ostéonécrose peut également simuler une arthrite.

Traitement

Lavage articulaire

Une partie essentielle du traitement consiste à retirer le pus de l’articulation infectée. L’objectif est de réduire le nombre de granulocytes afin de limiter les lésions cartilagineuses. Une intervention rapide est fondamentale en cas d’arthrite septique aiguë. Le pronostic en termes de fonction articulaire est d’autant plus ­défavorable que la durée des symptômes est longue et que la présentation du patient et l’intervention sont tardives [31]. L’élimination du foyer infectieux dans l’articulation peut se faire soit par ponctions articulaires (répétées), soit par lavage arthroscopique, soit par arthrotomie. Le choix entre ces trois modalités ­dépend entre autres du stade de la maladie, de l’agent pathogène, de la numération cellulaire dans l’articulation et de l’expérience clinique des médecins traitants. Ainsi, une ou plusieurs ponctions articulaires peuvent par ex. être suffisantes en cas de durée des symptômes très courte et de germe très sensible aux antibiotiques (par ex. Neisseriameningitidis, fig. 4) [32]. Le lavage articulaire sous arthroscopie est néanmoins considéré comme le traitement de choix. La ­nécessité de réaliser un deuxième ou troisième lavage articulaire dépend de l’évolution clinique et biochimique après env. 3 à 5 jours. Pour le genou, le compartiment postérieur est souvent insuffisamment nettoyé lors du lavage arthroscopique et devrait alors être abordé par une voie accessoire postéromédiale afin de mieux ­visualiser la zone para-ligamentaire postérieure. Il est typiquement nécessaire de devoir réaliser plus d’une intervention en cas d’arthrite de stade II ou III de Gächter (tab. 1) [20, 21]. Les facteurs de risque de devoir réaliser deux ou plusieurs interventions (ou d’échec après le premier lavage) incluent notamment la dégénérescence articulaire en raison d’une maladie rhumatismale sous-jacente, le diabète sucré, S. aureus comme agent pathogène causal, ainsi qu’une arthrite septique de stade III ou IV de Gächter [20, 21, 29, 33, 34]. Tandis que le lavage arthroscopique est souvent un traitement suffisant aux stades I et II, un débridement est réalisé au stade III. Une synovectomie à ciel ouvert devrait être pratiquée au stade IV. En cas de persistance de l’infection microbiologiquement prouvée après env. 7 à 14 jours malgré un traitement chirurgical et antibiotique adéquats, la synovectomie à ciel ouvert devrait être envisagée.

Traitement antibiotique

Le choix de l’antibiothérapie empirique dépend en premier lieu de l’épidémiologie locale [24]. Dans la mesure où la préparation de Gram (fig. 4) ou d’autres indices pertinents de l’anamnèse (tab. 3) ne suggèrent pas d’autre antibiothérapie intraveineuse, nous recommandons, après avoir prélevé des hémocultures, du liquide synovial et/ou des biopsies, d’administrer de l’amoxicilline/acide clavulanique (3–4 × 2,2 g/j i.v.) ou de la céfazoline (3 × 2 g/j i.v.), à condition que le patient présente une fonction rénale et hépatique normales [22, 24]. Dès que l’agent pathogène et ses résistances sont connus, il convient de passer à un traitement ciblé (tab. 4). Quasiment tous les antibiotiques pénètrent bien dans la ­synoviale à partir du sang [35]. A ce jour, la supériorité d’une substance par rapport à une autre (ou à une association) n’a pas pu être prouvée [36]. Nous préconisons toutefois de tenir compte de la sensibilité du germe et de la biodisponibilité de la substance lors du choix du traitement (tab. 4).
Tableau 4: Antibiothérapie ciblée en cas d’arthrite bactérienne chez l’adulte.1, 2
Agent pathogèneAntibiotiqueDose journalière / voie d’administration
Staphylococcus aureus 
sensible à la méticilline (SASM)Flucloxacilline4 × 2 g / i.v.
Céfazoline3 × 2 g / i.v.
Staphylococcus aureus 
résistant à la méticilline (SARM)Vancomycine2 × 15 mg/kg de poids corporel (PC) / i.v.3
Daptomycine1 × 8 à 12 mg/kg PC / i.v.
SASM et SARMRifampicine + 
Fluoroquinolone4, 5
– Ciprofloxacine ou
– Lévofloxacine ou
– Moxifloxacine2 × 300 à 450 mg / p.o.
plus
2 × 750 mg / p.o.
2 × 500 mg ou 1×750 mg / p.o.
1 × 400 mg / p.o.
Clindamycine3 × 450 à 600 mg / p.o.
Doxycycline ou minocycline2 × 100 mg / p.o.
Triméthoprime/­sulfaméthoxazole2 à 3 × 1 comp. forte / p.o.
Linézolide62 × 600 mg / p.o.
Streptococcus spp.Pénicilline G18 à 20 millions d’UI répartis en 4 à 6 prises / i.v.
Amoxicilline3 × 1 g / p.o.
Clindamycine3 × 450 à 600 mg / p.o.
Doxycycline ou minocycline2 × 100 mg / p.o.
Enterococcus spp.Amoxicilline4 × 2 g / i.v.
3 × 1 g / p.o.
Vancomycine2 × 15 mg/kg PC / i.v.3
Daptomycine1 × 8 à 12 mg/kg PC / i.v.
Linézolide62 × 600 mg / p.o.
EnterobacteriaceaeCeftriaxone1 × 2 g / i.v.
Ciprofloxacine2 × 750 mg / p.o.
Pseudomonas spp.Céfépime3 × 2 g / i.v.
Ciprofloxacine2 × 750 mg / p.o.
Neisseria spp.Ceftriaxone1 × 2 g / i.v.
1 Ces recommandations posologiques présupposent une fonction rénale et hépatique normales. La présence d’allergies et d’interactions ­médicamenteuses potentielles doit toujours être vérifiée.
2 Il est recommandé d’administrer un traitement intraveineux initialement et de passer par la suite, en cas d’évolution clinique favorable, 
à un traitement par voie orale.
3 Recommandation posologique initiale. Ajustement de la dose en fonction de la concentration résiduelle, de préférence après concertation 
avec un infectiologue.
4 Les deux substances doivent uniquement être administrées en association en cas d’infections à S.aureus.
5 Pas de données cliniques privilégiant l’une des fluoroquinolones vis-à-vis des autres.
6 Le linézolide est un antibiotique de réserve et il devrait uniquement être administré après concertation avec un infectiologue et en l’absence ­d’alternatives.

Passage d’un traitement par voie intraveineuse à un traitement par voie orale

Pour autant qu’aucune autre indication ne justifie une durée prolongée du traitement intraveineux (par ex. présence d’une endocardite infectieuse ou d’une bactériémie à S. aureus prolongée), il n’existe pas de recommandations basées sur l’évidence en faveur d’une durée prolongée du traitement intraveineux en cas d’arthrite septique. Dans une étude rétrospective réalisée à ­Genève et portant sur 169 épisodes d’arthrite septique (dont 126 [75%] au niveau de grandes articulations), le taux de succès du traitement s’élevait à 88%. Dans cette étude, après un lavage articulaire adéquat, un taux de succès identique a été observé pour une durée de traitement intraveineux de ≤7 versus 8–21 jours, ainsi que pour une durée totale de traitement de ≤14 versus 15–28 jours [37]. Nous recommandons de déterminer le moment du passage à un traitement oral sur la base de l’évolution clinique; cette évaluation peut en règle générale avoir lieu 3 à 5 jours après le lavage articulaire. Ainsi, si l’évolution clinique est favorable, il est par ex. déjà possible de passer à un traitement oral au cours de la 1ère semaine en cas de courte durée des symptômes, d’intervention rapide et de mise en évidence d’un germe sensible. En cas de durée prolongée des symptômes, d’intervention tardive, de stade avancé (tab. 1) ou de mise en évidence répétée de germes dans la synoviale, plusieurs interventions et/ou une synovectomie ouverte sont nécessaires, de sorte qu’un traitement intraveineux d’une durée de 10 à 14 jours est alors privilégié afin d’atteindre des concentrations de principe actif suffisamment élevées au site d’infection.

Durée totale de l’antibiothérapie (tab. 5)

Tableau 5: Recommandation relative à la durée totale de traitement dans différentes constellations.1
Agent pathogèneStade de Gächter2Durée de traitement
– SASM + SARM 3
– Enterococcus spp.4
– Pseudomonas spp.4
I–II2–4 semaines
III–IV4–6 semaines
– Streptococcus spp.
– Enterobacteriaceae
I–II1–2 semaines
III–IV3–4 semaines
Neisseria spp.1 semaine
1 Les recommandations relatives à la durée de traitement sont des ­valeurs indicatives; au cas par cas, la durée de traitement doit être déterminée sur la base de la réponse clinique.
2 Même si la stadification selon Gächter n’est pas utilisée, des critères macroscopiques intra-opératoires (tab. 1) peuvent être utiles par ­analogie pour discuter de la durée de traitement.
3 En cas de présence concomitante d’une arthrite à S. aureus et d’une bactériémie (bactériémie à S. aureus compliquée), une antibiothérapie de 4 semaines est recommandée [30].
4 En raison des propriétés microbiologiques de Enterococcus spp. et Pseudomonas spp., les mêmes considérations physiopathologiques que pour l’arthrite à S. aureus sont souvent utilisées dans le traitement de l’arthrite. Ces considérations ne sont pas appuyées par des données cliniques, de sorte que la durée de traitement est principalement ­déterminée en fonction de la réponse clinique.
A ce jour, aucune étude contrôlée ayant évalué la durée de traitement en cas d’arthrite septique chez l’adulte n’a été réalisée. Cela s’explique entre autre par l’hétérogénéité des différents cas, qui se présentent à des stades différents, avec différentes articulations touchées et avec différents germes responsables. De nombreuses séries de cas et de nombreux avis d’experts proposent une durée de traitement de 4 semaines, allant jusqu’à 6 semaines en cas d’évolution compliquée avec un agent pathogène difficile à éradiquer. Selon nous, il n’est pas judicieux de formuler une recommandation fixe relative à la durée de traitement pour tous les patients, pour chaque constellation et pour chaque agent pathogène. Dans une étude randomisée prospective conduite avec 130 enfants (âgés de 3 mois à 15 ans) atteints d’arthrite septique, Peltola et al. [38] ont comparé une durée de traitement de 10 jours versus 30 jours. Les agents pathogènes les plus fréquents étaient S. aureus (n = 76 [59%]), Haemophilus influenzae de type b (n = 23 [18%]), streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A (n = 16 [12%]) et pneumocoques (n = 11 [9%]). Les antibiotiques les plus fréquemment prescrits étaient la clindamycine, les céphalosporines de 1ère génération et l’ampicilline ou l’amoxicilline. Le taux de succès était de 100% dans les deux groupes. Ces données ne doivent pas être extrapolées de manière acritique à l’adulte. L’étude soutient néanmoins les considérations (et efforts) visant à appliquer le principe suivant concernant la durée de l’antibiothérapie: aussi longue que nécessaire, mais aussi courte que possible. Différents facteurs de l’évaluation clinique peuvent aider à déterminer la durée de traitement pour un patient individuel; cette décision devrait de préférence être prise dans un contexte interdisciplinaire.

Facteurs devant être pris en compte lors de la ­décision quant à la durée du traitement

Pour autant que le traitement de chirurgie orthopédique soit jugé achevé, les trois facteurs suivants doivent être pris en compte: (1) stade de l’arthrite ­septique lors de la première intervention, (2) agent ­pathogène iden­tifié et (3) comorbidités du patient. Les paramètres inflammatoires dans le sérum (protéine C réactive, leucocytes) sont utiles pour évaluer la dynamique du succès thérapeutique. Toutefois, ils ne sont, d’après nous, pas déterminants pour déterminer le moment d’arrêt du traitement. Le tableau 5 présente des propositions concernant la durée de traitement dans différentes constellations. La plupart des cas d’arthrite septique sont diagnostiqués au stade I ou II (64–84% dans [20, 29, 39, 40]). Les streptocoques bêta-hémolytiques et Neisseria spp. sont sensibles aux antibiotiques; de nombreuses entérobactéries (par ex. Escherichia coli) répondent également bien au traitement antibiotique (tab. 4). Par conséquent, une durée de traitement de 10 à 14 jours peut être suffisante en cas de stade bas et de germe ayant une bonne sensibilité aux anti­biotiques. En cas d’infections à S. aureus, la réponse clinique aux antibiotiques est variable, mais cet agent ­pathogène a tendance à être considéré comme plus difficile à éradiquer que les germes précédemment mentionnés et il nécessite souvent plus d’une intervention chirurgicale [33, 34]. Des considérations similaires sont avancées en cas de mise en évidence de Pseudomonas aeruginosa; toutefois, l’arthrite septique est rarement due à cet agent pathogène (<5% dans [6, 23–25]) et les données disponibles sont dès lors restreintes. En cas de présence concomitante d’une arthrite à S. aureus et d’une bactériémie (bactériémie à S. aureus compliquée), une antibiothérapie d’une durée de 4 semaines est recommandée [30]. Aux stades III et IV de l’arthrite septique, l’infection dure plus longtemps et les tissus sont ­davantage affectés par l’inflammation. Il en découle la réflexion théorique selon laquelle il est ­nécessaire d’utiliser des antibiotiques ayant une bonne pénétration dans les tissus cartilagineux et osseux, mais également de prolonger le traitement sur une plus longue durée.

Pronostic

Le pronostic de la fonction articulaire est difficile à ­apprécier au cas par cas, car la fonction articulaire n’a souvent pas été évaluée avant l’épisode d’arthrite, empêchant ainsi toute comparaison. Une articulation déjà détruite est associée à un pronostic défavorable.
Une intervention rapide est essentielle. Le pronostic en termes de fonction articulaire (résiduelle) est d’autant plus mauvais que la pose du diagnostic clinique est tardive et que la durée des symptômes est longue [31]. Une présentation tardive est associée à un plus grand nombre d’interventions, tandis qu’une intervention rapide et une courte durée des symptômes impliquent une plus courte durée d’hospitalisation [41]. Dans une étude rétrospective, une durée des symptômes supérieure à 3 semaines en cas d’arthrite septique de la hanche était associée à la nécessité de résection de la tête du fémur [42]. Ces observations soulignent l’importance d’une stadification correcte précoce.
Enfin, à la fois l’agent pathogène et les comorbidités du patient jouent un rôle pronostique. Ainsi, S. aureus est par ex. associé à un taux plus élevé d’échecs thérapeutiques.
En fonction des sources dans la littérature, l’arthrite septique est associée à une mortalité de 7–15%. Le diabète sucré et l’insuffisance rénale chronique s’accompagnent d’une mortalité accrue [33, 34]. Il est évident que les comorbidités qui ont une influence sur la mortalité dans le cadre d’autres infections graves jouent également un rôle dans l’arthrite septique.

L’essentiel pour la pratique

• L’arthrite septique doit être détectée et traitée rapidement afin de mettre fin à la destruction articulaire progressive. Le diagnostic et le traitement nécessitent une collaboration interdisciplinaire.
• La stadification de l’arthrite septique repose sur l’évaluation macroscopique de l’articulation (par arthroscopie). Elle est utile sur le plan clinique, notamment pour déterminer la prise en charge thérapeutique. Par conséquent, la stadification doit être réalisée rapidement après la présentation clinique.
• La durée de l’antibiothérapie dépend de différents facteurs (entre autres, stade et agent pathogène) et elle devrait uniquement être déterminée en cours de traitement, en fonction de la réponse clinique.
Nous remercions Myriam Legros, le Docteur Charles Béguelin, le ­Docteur Martin Clauss, le Docteur Carol Strahm, le Professeur Olivier Borens, le Professeur W. Zimmerli, le Professeur Peter Ochsner, le ­Docteur Ilker Uçkay, le Docteur Anna Conen et le Docteur Gerhard Eich pour la relecture critique du manuscrit et les suggestions précieuses. Nous remercions également le Docteur Carlo Casanova pour la mise à disposition de l’image de coloration de Gram (fig. 4).
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts financier ou personnel en rapport avec cet article.
PD Dr méd. Parham Sendi
Klinik für Infektiologie & Spitalhygiene
Universitätsspital Basel
CH-4031 Basel
parham.sendi[at]usb.ch
sowie
Institut für Infektions­krankheiten
Universität Bern
CH-3010 Bern
parham.sendi[at]ifik.unibe.ch
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