Infections sexuellement transmissibles à Chlamydia trachomatis
L’essentiel pour la pratique

Infections sexuellement transmissibles à Chlamydia trachomatis

Übersichtsartikel
Édition
2017/34
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03020
Forum Med Suisse 2017;11(34):705-711

Affiliations
a Medizinische Universitätsklinik und Infektiologie/Spitalhygiene, Kantonsspital Baselland, Bruderholz, Universität Basel; b Frauenklinik, Kantonsspital Baselland, Liestal; c Service des Maladies Infectieuses, Institut Central des Hôpitaux, Sion; d Universitätsklinik für Infektiologie, Inselspital Bern, Universität Bern; Département de gynécologie et d’obstétrique, Hôpitaux Universitaires de Genève; f Pädiatrische Infektiologie, Universitäts-Kinderspital Zürich, Universität Zürich; g Service des Maladies Infectieuses, CHUV Lausanne; h Klinik für Infektiologie, Kantonsspital St. Gallen; i Dermatologische Universitätsklinik Basel, Universität Basel; j Klinik für Infektiologie und Spitalhygiene, UniversitätsSpital Zürich, Universität Zürich; k Service des Maladies Infectieuses, Hôpitaux Universitaires de Genève; l Institut für Sozial- und Präventivmedizin, Universität Bern

Publié le 23.08.2017

Depuis quelques années, le diagnostic d’infection sexuellement transmissible à Chlamydia trachomatis est de plus en plus souvent posé. Les infections à Chlamydia, qui touchent principalement les jeunes femmes, sont redoutées en raison du risque d’infection ascendante (maladie inflammatoire pelvienne) et des complications potentielles sévères, telles que grossesse extra-utérine et stérilité. Même si ces troubles sont beaucoup plus rares que ce que l’on pensait, la prise en charge des personnes atteintes doit être améliorée.

Epidémiologie et clinique

La fréquence des infections à Chlamydia 
augmente-t-elle en Suisse?

En 2015, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a reçu 10 167 déclarations d’infections à Chlamydia trachomatis. Ce chiffre les place en première position parmi les infections sexuellement transmissible à déclaration obligatoire [1]. La fréquence des déclarations d’infections à Chlamydia ayant plus que doublé en Suisse ces dix dernières années (fig. 1), il est nécessaire de poursuivre les efforts entrepris en matière de prévention (fig. 2).
Figure 1: Cas confirmés de chlamydiose, par sexe, depuis le début du recensement, 1988–2015 (de: Office fédéral de la santé publique OFSP. Chlamydiose en Suisse, situation en 2015. Bulletin OFSP. 2016; 46:32–3. Reproduction avec l’aimable autorisation de l’OFSP).
Figure 2: Prise en charge actuelle des infections à Chlamydia (illustration: © Randy DuBurke, Binningen, randyduburke.com ).
IST = infections sexuellement transmissibles.
Une étude menée à Bâle fait toutefois penser qu’il pourrait s’agir d’une fausse augmentation: alors que l’on recherche plus fréquemment les Chlamydia, le pourcentage de tests positifs est resté stable d’une année sur l’autre. On identifie donc plus d’infections (la plupart du temps asymptomatiques) qu’auparavant [2]. Environ 70% des infections sexuellement transmissibles à Chlamydia sont diagnostiquées chez les femmes. Parmi celles-ci, plus de la moitié ont entre 15 et 24 ans et presque toutes sont en âge de procréer (fig. 3).
Figure 3: Distribution des cas confirmés de chlamydiose, par classe d’âge et selon 
le sexe (cas des dernières 5 années combinés).
Source: Office fédéral de la santé publique (OFSP). Chlamydiose en Suisse, situation en 2015. Bulletin OFSP. 2016; 46:32–3. Reproduction avec l’aimable autorisation de l’OFSP.

Les infections à Chlamydia sont-elles souvent asymptomatiques?

Oui. Entre 70 et 95% des femmes et plus de 50% des hommes porteurs d’une infection confirmée ne présentent aucun symptôme [3]. Il est donc probable que les cas déclarés à l’OFSP ne constituent que la pointe de l’iceberg. Comme il n’existe que très peu d’analyses, l’incidence et la prévalence des infections à Chlamydia en Suisse ne sont pas connues avec exactitude. Dans une étude réalisée chez des patientes et des patients de moins de 30 ans dans des consultations IST1 dans les cantons du Valais et de Vaud, Bally et al. ont mis en évidence un résultat positif pour les Chlamydia chez 5,9% des femmes et 3,9% des hommes [4]. Dans des échantillons aléatoires de la population européenne générale, la prévalence des chlamydioses était de 3,5% chez les femmes et les hommes de moins de 26 ans.

Comment se manifeste une infection à ­Chlamydia symptomatique?

Une infection aiguë à Chlamydia peut se manifester, chez les femmes, par des pertes blanches, une dysurie, des saignements suite à un contact (hémorragies après un rapport sexuel vaginal) et des métrorragies (pertes de sang entre les règles), et, chez les hommes par une dysurie, un écoulement urétral et des douleurs testiculaires. Les infections rectales, presque toujours asymptomatiques, constituent, surtout chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH), une importante source d’infection pour les partenaires sexuels. Les infections pharyngées sont elles aussi généralement asymptomatiques; mais, comme leur prévalence est très faible, elles ne sont pas considérées comme une cause importante de contamination des partenaires.

Le risque de complications graves après 
une infection à Chlamydia est-il élevé?

Les infections à Chlamydia sont classiquement redoutées parce qu’elles peuvent entraîner chez la femme des complications graves telles que maladie inflammatoire pelvienne (MIP), grossesse extra-utérine et stérilité (fig. 4). Le risque que représentent exactement ces complications est difficile à estimer, mais il est très vraisemblablement beaucoup plus faible que ce que l’on pensait jusqu’ici. Une analyse approfondie récente estime que 1000 infections à Chlamydia chez les femmes entre 16 et 44 ans entraînent en moyenne 171 épisodes de MIP, provoquent deux grossesses ectopiques et aboutissent à une stérilité chez cinq femmes [5]. Les autres complications des infections à Chlamydia sont, plus rarement, la péri-hépatite (syndrome de Fitz-Hugh-Curtis) et l’arthrite réactionnelle séronégative.
Figure 4: Evolution d’une infection à Chlamydia et complications possibles (modifié d’après [23]). Les flèches bleues montrent l’évolution naturelle d’une infection à Chlamydia . Les flèches rouges correspondent aux complications possibles. 
Les flèches vertes ­indiquent une guérison avec ou sans traitement. MIP, maladie inflammatoire pelvienne.
Les grossesses ectopiques et la stérilité sont des complications possibles de la MIP. Il s’agit là d’une atteinte du tractus génital supérieur, et non d’une infection asymptomatique du tractus génital inférieur. Mais il n’est pas rare qu’une MIP soit asymptomatique, comme semble le montrer la prévalence des anticorps anti-Chlamydia nettement plus élevée chez les femmes (sans antécédents de MIP) atteintes d’une stérilité tubaire que chez les femmes sans stérilité tubaire.
Dans de nombreux pays, la fréquence des MIP a diminué ces dernières années, mais on ne sait pas si cette évolution est liée à l’intensification du dépistage des Chlamydia ou à une autre cause. En effet, dans les pays où ces tests sont fréquents, la prévalence est du même ordre de grandeur que dans ceux où ils sont peu pratiqués, et la tendance générale constatée est à la raréfaction des MIP [6, 7].

Les hommes peuvent-ils aussi devenir stériles après une infection à Chlamydia?

Concernant les hommes, les données indiquant que les infections à Chlamydia sont susceptibles de provoquer une stérilité sont rares. Par conséquent, chez eux, le traitement ne vise pas en premier lieu à maintenir la fertilité, mais à atténuer les symptômes, à prévenir les épididymites et les orchites, et à freiner la transmission de la maladie.

Diagnostic

Quelle est la marche à suivre pour diagnostiquer une infection à Chlamydia?

La démarche optimale est résumé au tableau 1 [8]. Pour le diagnostic d’infection à Chlamydia, nous ne recommandons plus que l’amplification génique (p. ex. au moyen de la réaction en chaîne par polymérase, PCR). Cette méthode diagnostique, beaucoup plus sensible, a largement supplanté toutes les autres. Chez la femme, on privilégiera les frottis cervicaux ou vaginaux, car les échantillons d’urine n’ont pas une très bonne sensibilité; à employer seulement lorsqu’on ne dispose pas de frottis. Chez l’homme, la méthode consiste à prélever le premier jet d’urine; la dernière miction doit remonter à une heure au minimum (mais cette règle n’est malheureusement pas toujours respectée dans la pratique clinique). Le frottis superficiel au niveau du méat urétral, selon les données les plus récentes, semble avoir à peu près la même sensibilité qu’un échantillon de premier jet urinaire et qu’un frottis urétral plus profond (2–4 cm); en outre, il est moins douloureux que ce dernier [9–11]. En effet, la crainte d’un prélèvement urétral douloureux a, dans le passé, dissuadé plus d’un homme atteint d’urétrite de se soumettre à un diagnostic d’IST. Pour les infections rectales ou pharyngées, la PCR s’effectue sur un frottis anal ou pharyngé. Les patientes peuvent pratiquer elles-mêmes un frottis au niveau du vagin, les patients au niveau du méat urinaire ou du rectum, s’ils ont reçu les instructions ad hoc [8, 10, 12].
Tableau 1: Démarche diagnostique optimale pour les infections à Chlamydia.
Frottis vaginal/
cervicalLes deux sites de prélèvement ont pratiquement la même sensibilité
Frottis vaginal: racler la paroi vaginale, avec trois rotations de l’écouvillon
Frottis cervical: à faire avant le test de Papanicolaou; enlever les sécrétions cervicales avec un coton, ­introduire l’écouvillon au minimum 1 à 2 cm à l’intérieur du col et racler la paroi (deux rotations au moins)
Frottis du méat/ frottis urétralChez l’homme, le frottis urétral et le frottis du méat semblent être aussi sensibles 
que le premier jet d’urine.
Prélèvement 
d’urinePremier jet, au maximum 20 ml
Prélever au moins 1 h après la dernière miction
Chez la femme, moins sensible que le frottis vaginal ou cervical
Frottis analPas de lubrifiant ni d’anesthésie locale
Avec un léger mouvement de rotation, introduire l’écouvillon assez profondément 
(3 à 5 cm; la partie ouatée ne doit plus être visible)
Avec un mouvement prudent de rotation et une légère pression pendant 30 secondes, 
racler la paroi anale afin d’accroître l’absorption des Chlamydia et des gonocoques par le coton
Frottis pharyngéRacler soigneusement la paroi postérieure du pharynx, amygdales comprises
Avant d’expédier 
le frottisFrotter pendant 15 secondes le coton sur la paroi du tube pour en extraire les agents pathogènes 
et les faire passer dans le liquide

Lorsqu’une infection à Chlamydia a été mise en évidence, faut-il rechercher d’autres IST?

Le dépistage du VIH, de la gonorrhée et de la syphilis doit être envisagé chez toute personne atteinte d’une infection à Chlamydia documentée. Inversement, en cas d’urétrite confirmée (à gonocoques par ex.), il faut rechercher une infection à Chlamydia ainsi que les autres IST. En Suisse, la plupart des femmes de moins de 25 ans ne font pas partie d’un groupe à risque de VIH, mais, selon le risque individuel (notamment migrantes issues d’Afrique sub-saharienne ou travailleuses du sexe), une sérologie VIH est conseillée. Une IST constitue en outre une bonne occasion de s’assurer que la patiente est vaccinée contre l’hépatite B.

Faut-il rechercher des Chlamydia chez toutes les personnes asymptomatiques?

Non. En Suisse, il n’existe actuellement ni campagnes officielles de dépistage des infections à Chlamydia, ni recommandations relatives à l’utilisation de ces tests. Les programmes de dépistage sont complexes et coûteux, car ils exigent un taux de tests très élevé. Or les porteurs asymptomatiques de Chlamydia sont difficiles à atteindre. De plus, nous ne disposons pas d’éléments prouvant que le dépistage intensif de la maladie réduit sa prévalence dans la population, ni la fréquence des nouvelles contaminations ou les complications affectant la santé reproductive à long terme.
Dans une étude britannique, le dépistage des chlamydioses et le traitement antibiotique des femmes de moins de 27 ans sexuellement actives a fait passer le risque de MIP de 1,9 à 1,3% l’année suivante [13]. De ce fait, l’«International Union against sexually transmitted infections» (IUSTI) [3] et les «Centers for Disease Control and Prevention» (CDC) américains [14] recommandent le dépistage des Chlamydia chez les femmes présentant les facteurs de risque suivants: moins de 25 ans, nouveau partenaire sexuel ou plus d’un partenaire sexuel durant l’année écoulée. Cette stratégie n’est pas officiellement appliquée en Suisse. De nombreux gynécologues pratiquent toutefois une sorte de dépistage des Chlamydia: ils proposent une recherche de Chlamydia aux femmes de moins de 25 ans sexuellement actives mais asymptomatiques quand elles viennent consulter pour un contrôle annuel. De plus, ils réalisent souvent un dépistage – sans qu’il y ait une recommandation officielle – avant les interventions chirurgicales sur l’appareil génital, une interruption de grossesse et la pose d’un stérilet, ainsi que pendant la grossesse, car les femmes enceintes porteuses de Chlamydia présentent un risque accru d’accouchement prématuré et, après une naissance par voie vaginale, l’enfant d’une mère non traitée risque de contracter une conjonctivite et une pneumonie.

Traitement et prise en charge 
des partenaires

Comment traite-t-on une infection sexuellement transmissible à Chlamydia?

Dans le cas d’une infection à Chlamydia non compliquée, il existe deux traitements de première intention possibles (tab. 2):
– doxycycline 100 mg PO 2 ×/jour pendant 7 jours (contre-indication: grossesse);
– azithromycine 1 g dose unique PO.
Tableau 2: Recommandations pour les infections à Chlamydia trachomatis et les syndromes / agents pathogènes associés.
Clinique, agent pathogèneTraitement de première 
intentionAlternativeCommentaire
Infection à Chlamydia génitale, pharyngée ou rectale non compliquée– Doxycycline 100 mg PO
2 ×/jour pendant 7 jours*
– Azithromycine 1 g PO, 
dose unique
– Erythromycine 500 mg 
2 ×/jour pendant 7 jours
– Lévofloxacine 500 mg 
1 ×/jour pendant 7 jours*
– Ofloxacine 200 mg 
2 ×/jour pendant 7 jours *
– Traitement des partenaires
– Pas de rapports sexuels pendant sept jours après le début du traitement, traitement des partenaires et disparition des symptômes (sauf si traitement simultané des partenaires)
– En cas d’infection rectale, privilégier la doxycycline*
– Contrôle thérapeutique par PCR au plus tôt quatre semaines après la fin du traitement, si azithromycine pour infection rectale, traitement de seconde intention, grossesse ou complication (MIP)
Lymphogranulome 
vénérien– Doxycycline 100 mg 2 ×/jour pendant 3 semaines– Azithromycine 1 g 1 ×/semaine pendant 3 semaines
– Erythromycine 500 mg 
4 ×/jour pendant 3 semaines
– À l’heure actuelle presque uniquement clinique ­ano-rectale, surtout chez les HSH VIH-positifs
– Demander l’avis d’un spécialiste
Maladie inflammatoire pelvienne– Demander l’avis d’un ­gynécologue ou d’un infectiologue  
* Contre-indication: grossesse
HSH = hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes
Dans une étude randomisée, les deux antibiotiques présentent un taux de guérison de plus de 97% [15]. Il semblerait que la doxycycline, en particulier dans les infections à Chlamydia rectales et pharyngées, soit plus efficace que l’azithromycine, raison pour laquelle ce choix thérapeutique semble préférable. Mais l’azithromycine a pour avantage de ne nécessiter qu’une prise unique, qui peut être administrée en présence du médecin. En Allemagne, les recommandations [16] ne prévoient que la doxycycline en première intention. Les dernières recommandations, qu’elles soient européennes (IUSTI) [3], britanniques (BASHH) [12] ou américaines (CDC) [14], considèrent les deux traitements comme équivalents. Mais on examine actuellement la possibilité de privilégier en général la doxycycline à l’azithromycine. Aucune résistance aux antibiotiques n’a été observée jusqu’à présent avec les Chlamydia, contrairement à ce qui est le cas aujourd’hui avec les gonocoques (voir l’article du Forum Médical Suisse [17]).

Faut-il traiter les partenaires sexuels des personnes présentant une infection asymptomatique à Chlamydia?

Oui. Plus de la moitié des partenaires sexuels des personnes porteuses de Chlamydia sont aussi infectés. Afin de prévenir la transmission de la maladie et les réinfections, le traitement des partenaires représente donc une composante clé de tout traitement des infections à Chlamydia. Il faudrait traiter, idéalement, tous les partenaires des six derniers mois mais, au minimum, ceux des quatre dernières semaines. En dehors d’une relation sexuelle avec un partenaire traité simultanément, les patients devraient éviter d’avoir des rapports sexuels pendant au moins une semaine à compter du début du traitement, et ce, jusqu’à ce que les éventuels symptômes aient disparu. Cette règle concerne aussi bien le cas index que les partenaires sexuels. Si ceux-ci ne viennent pas consulter directement, le médecin peut donner à la personne infectée une ordonnance d’antibiotiques à leur intention.

Faut-il contrôler l’effet du traitement antibiotique (test de guérison)?

Un test de guérison n’est pas nécessaire si le patient est redevenu asymptomatique à l’issue du traitement. En revanche, il est à répéter si les symptômes persistent, s’il y a un doute quant à la prise des antibiotiques ou si une réinfection est possible. Important: la PCR doit être faite au plus tôt quatre semaines après la fin du traitement, car, jusque-là, on risque de trouver encore du matériel génétique appartenant aux Chlamydia tuées, même si l’antibiothérapie a été efficace.
Il faudrait aussi s’assurer que la personne est bien guérie en cas d’infection pendant la grossesse et d’infection compliquée (MIP), ainsi qu’après un traitement non conventionnel.

Faut-il rechercher une réinfection après une infection à Chlamydia traitée?

Il est recommandé de rechercher à nouveau les Chlamydia trois à six mois après le traitement: on en retrouve alors chez un assez grand nombre de patients. En fonction de l’anamnèse sexuelle, il convient dans ce cas de déterminer si une nouvelle infection est possible (pas de traitement des partenaires ou insuffisant, nouveaux partenaires) ou si l’antibiotique n’a pas été pris.
Récemment, chez la femme, on a envisagé plus souvent l’éventualité d’une auto-inoculation rectum-vagin ou vagin-rectum, même en l’absence de rapport sexuel anal [18, 19]. Une réinfection génitale après une antibiothérapie correcte pourrait donc survenir dans le cadre d’une infection asymptomatique à la suite ­de la colonisation de l’intestin, où l’azythromycine semble être moins efficace. En cas de mise en évidence répétée de Chlamydia vaginales, il semble donc justifié de faire un frottis anal en plus du frottis vaginal; en outre, une explication autre qu’une réinfection acquise par voie sexuelle soulage souvent la patiente du point de vue psychologique.

Faut-il toujours donner un traitement contre 
les Chlamydia en cas de MIP?

Oui, même si les frottis sont négatifs, car on retrouve la présence de Chlamydia dans 20% des MIP. Elles sont donc fréquentes dans cette pathologie, et un frottis cervical ou vaginal négatif ne permet pas d’exclure avec certitude une infection à Chlamydia des trompes ou des ovaires. Le traitement d’une MIP est toujours un traitement combiné; suivant la gravité et le germe responsable, le médecin ne devrait l’instaurer qu’après avoir demandé l’avis d’un spécialiste.

À quoi faut-il faire particulièrement attention chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH)?

La prévalence des infections rectales à C. trachomatis est accrue chez les HSH ayant des rapports anaux dits «passifs». Ces infections sont asymptomatiques dans 90% des cas. Il est donc recommandé de proposer régulièrement, chez les HSH, une recherche de Chlamydia rectales, pharyngées et génitales ainsi que des autres IST, en particulier le VIH, les gonocoques et la syphilis [20].
Il faut aussi, pour toute infection symptomatique à Chlamydia génitale ou rectale, en particulier chez les HSH séropositifs pour le VIH, rechercher un lymphogranulome vénérien, c’est-à-dire une infection à Chlamydia trachomatis avec les sérovars L1, L2 ou L3. Un lymphogranulome vénérien peut être asymptomatique ou entraîner une proctite, des ulcérations anales superficielles, un ténesme et un écoulement anal. En l’absence de traitement, des complications graves, telles qu’abcès, fistules, nécroses, lymphangite chronique ou sténose du rectum, sont possibles.
Le diagnostic de lymphogranulome vénérien se fait également par PCR, à partir d’un frottis au niveau du rectum ou d’une ulcération, ou encore d’une ponction ganglionnaire. Quand C. trachomatis est détecté dans un frottis rectal, il faudrait toujours demander au laboratoire un génotypage du sérovar par une PCR spécifique (le lui préciser). Le traitement d’un lymphogranulome vénérien est plus long: doxycycline 100 mg 2 ×/jour pendant 3 semaines.

Quels sont la méthode diagnostique et le traitement en cas d’urétrite symptomatique?

Pour un bon résumé de la clinique, du diagnostic et du traitement, voir les articles de Kälin et al. dans le Forum Médical Suisse [21, 22]. Lorsque l’infrastructure est disponible, l’examen direct du frottis urétral permet de distinguer rapidement et efficacement une infection à Chlamydia de la gonorrhée en cas d’urétrite symptomatique: avec une sensibilité élevée, la détection de diplocoques intragranulocytaires au micro­scope permet de diagnostiquer la gonorrhée. Nota bene: la sensibilité technique de l’examen microscopique ne permet pas d’exclure la gonorrhée cervicale ou rectale; ce type de test ne doit d’ailleurs pas être effectué chez des personnes asymptomatiques. Le rôle pathogène de Mycoplasma hominis, Ureaplasma et Gardnerella n’a pas encore été démontré clairement jusqu’ici.

Existe-t-il aussi des infections à Chlamydia trachomatis chez l’enfant?

Les nouveau-nés et les nourrissons peuvent présenter des infections à C. trachomatis, qui indiquent une infection chez les parents. Ils s’infectent pendant l’accouchement lors de leur passage à travers le col utérin contaminé. Par conséquent, si l’on diagnostique une infection à Chlamydia chez un enfant, il est recommandé de tester et de traiter les parents.
Chez les nouveau-nés, une sécrétion conjonctivale muco-purulente parfois hémorragique, associée à un œdème palpébral marqué, apparaît entre le 5 et le 11 jour, d’abord d’un seul côté. Pour le diagnostic différentiel, il faut penser à une conjonctivite due à une anomalie congénitale (membrane de Hasner à l’embouchure du canal lacrymo-nasal). De ce fait, la mise en évidence de C. trachomatis par PCR ou immunofluorescence à partir d’un frottis des conjonctives est essentielle.
Les nourrissons peuvent présenter des infections à Chlamydia des voies aériennes supérieures, sous forme de rhinopharyngite ou d’otite, parfois accompagnées d’adénopathies pré-auriculaires. Le diagnostic fait appel à une PCR sur frottis nasopharyngé. Mais, comme la symptomatologie n’est généralement pas spécifique, il n’est souvent pas posé. Beaucoup plus caractéristique est la pneumonie apparaissant entre la 3 et la 19 semaine, qui se manifeste chez un nourrisson non fébrile par une toux en staccato, comparable à celle de la coqueluche, un râle expiratoire, une tachypnée et une éosinophilie (>600/µl). La mise en évidence d’anticorps IgM anti-C. trachomatis permet de poser le diagnostic.
Le traitement des nouveau-nés et des nourrissons se fait par voie orale, avec de la clarithromycine (2 × 10–15 mg/kg/jour pendant 14 jours) ou de l’azithromycine (1 × 10 mg/kg/jour pendant 3 jours). La conjonctivite n’entraîne pas de trachome cicatriciel.
Il faut aussi penser à une infection à C. trachomatis après un abus sexuel avéré ou possible (jeunes enfants).

L’essentiel pour la pratique

• Les infections sexuellement transmissibles à Chlamydia trachomatis sont les infections sexuellement transmissibles à déclaration obligatoire les plus fréquentes en Suisse. Cette augmentation du nombre de cas est probablement due à l’augmentation du nombre de tests effectués.
• Les complications graves telles que maladie inflammatoire pelvienne, stérilité tubaire, grossesse extra-utérine et douleurs pelviennes chroniques sont rares dans les infections à Chlamydia asymptomatiques.
• Le dépistage systématique des Chlamydia et les tests chez toutes les femmes asymptomatiques ne sont pas recommandés à l’heure actuelle, car leur utilité potentielle n’est pas bien documentée.
• La méthode diagnostique de choix est l’amplification génique à partir d’un frottis vaginal ou cervical (femme), du premier jet d’urine, d’un frottis urétral ou d’un frottis du méat (homme), ainsi que d’un frottis rectal chez les femmes et les hommes pratiquant le sexe anal passif.
• Les infections à Chlamydia sans complications sont traitées par la doxycycline 100 mg 2 ×/jour PO pendant sept jours ou l’azithromycine 1 g PO en dose unique. Tous les partenaires sexuels des six derniers mois doivent également être traités.
• Dans les infections à Chlamydia rectales symptomatiques, recherche d’un granulome vénérien.
Cet article paraît en parallèle dans l’OFSP-Bulletin n° 35/2017.
Les auteurs n’ont déclaré aucun lien financier ou personnel en ­rapport avec cet article.
Prof. Dr méd. Philip Tarr
Medizinische Universitätsklinik
Kantonsspital Baselland
CH-4101 Bruderholz
philip.tarr[at]unibas.ch
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