Traitement de la thromboembolie veineuse – focus sur la thrombose veineuse profonde
Commentaires d’experts suisses sur les 10es recommandations ACCP relatives au traitement antithrombotique

Traitement de la thromboembolie veineuse – focus sur la thrombose veineuse profonde

Aktuell
Édition
2017/35
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03043
Forum Med Suisse 2017;17(35):732-737

Affiliations
a Abteilung für Angiologie, Kantonsspital Fribourg; b Universitätsklinik für Angiologie, Inselspital Bern; c Regionalspital Locarno;
d Service d’angiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne

Publié le 30.08.2017

Introduction

Les recommandations thérapeutiques du «American College of Chest Physicians» (ACCP) sont certainement les plus influentes dans le domaine de la thromboembolie veineuse (TEV). Contrairement aux neuf premières éditions, les dernières recommandations de l’ACCP ne sont plus publiées en tant que version complète, mais sous forme de mises à jour de chapitres individuels [1]. Le chapitre dédié au traitement de la TEV est pour l’instant le seul à avoir été mis à jour et publié dans le cadre de la 10e version des recommandations de l’ACCP [2]. Les commentaires des experts suisses, qui sont devenus une tradition depuis 2005 déjà, ont pour objectif particulier de résumer brièvement les recommandations ACCP acceptées internationalement, de les adapter aux réalités suisses et de les examiner de manière critique [3]. Après le premier article de la série consacré aux recommandations relatives au traitement de l’embolie pulmonaire (EP) aiguë [4], le présent article s’intéresse au traitement de la thrombose veineuse profonde (TVP).

Sélection des principales recommandations

1. Les anticoagulants oraux directs (AOD) apixaban, dabigatran, édoxaban ou rivaroxaban sont désormais proposés comme traitement de premier choix en cas de TVP non associée à une tumeur.
2. En cas de TVP associée à une tumeur, c’est toujours le traitement par héparines de bas poids moléculaire (HBPM) qui est privilégié pour les 3 à 6 premiers mois.
3. Chez les patients présentant une TVP distale isolée sans facteur de risque d’extension proximale, des contrôles de suivi par échographie pendant 2 se­maines devraient être préférés à une anticoagulation.
4. Chez les patients présentant une TVP proximale aiguë, la durée de l’anticoagulation est d’au moins 3 mois. Ensuite, la durée du traitement dépend du risque individuel de récidive et d’hémorragie. Pour le traitement d’entretien prolongé au-delà de 3 mois, les AOD, éventuellement à dose prophylactique, sont privilégiés.
5. En raison de sa plus faible efficacité pour un risque hémorragique similaire par rapport aux AOD à dose thérapeutique ou prophylactique (étude EIN­STEIN-CHOICE), l’administration de Aspirin® à faible dose ne joue plus qu’un rôle très secondaire, après 3 mois d’anticoagulation, pour la prophylaxie des récidives chez les patients présentant une TVP proximale non provoquée. Par conséquent, elle ne devrait être prescrite que lorsqu’une anticoagulation prolongée est contre-indiquée.
6. Chez les patients présentant une TVP ilio-fémorale aiguë, l’indication d’une thrombolyse par cathéter, ou éventuellement d’une thrombectomie chirurgicale, devrait être évaluée pour limiter le risque de syndrome post-thrombotique (SPT).
7. La pose d’un filtre de veine cave n’est pas indiquée chez les patients présentant une TEV et pouvant recevoir un traitement anticoagulant.
8. En cas de récidive de TEV sous anticoagulants, il est proposé de passer provisoirement (par ex. pendant 1 mois) à un traitement par HBPM ou d’augmenter la dose du traitement par HBPM de 1⁄4 à 1⁄3.

Changements par rapport à la dernière édition

Comme cela était déjà le cas dans la dernière édition, le traitement anticoagulant est divisé en trois phases: Les 5 à 21 premiers jours sont définis comme anticoagulation initiale («initial treatment» selon l’ACCP), les 3 premiers mois comme traitement d’entretien («long-term treatment»), et l’anticoagulation à long terme (sans planification d’arrêt du traitement) après les 3 premiers mois comme traitement d’entretien prolongé («extended treatment») [5, 6]. Pour la première fois, les AOD apixaban, dabigatran, édoxaban ou rivaroxaban (par ordre alphabétique) sont privilégiés, en tant que traitement de premier choix, aux antagonistes de la vitamine K (AVK) jusqu’ici recommandés pour le traitement d’entretien chez les patients sans cancer actif (niveau de preuve 2B selon l’adaptation ACCP de la classification GRADE [3, 7]). Par rapport aux AVK, les AOD sont au moins aussi efficaces pour prévenir les récidives de TEV et sont associés à un risque moindre d’hémorragies sévères, en particulier d’hémorragies mortelles et d’hémorragies cérébrales [8], tout en facilitant le traitement pour le patient comme pour le médecin [9]. Il convient de signaler que le traitement oral par dabigatran et édoxaban nécessite au préalable un traitement parentéral par HBPM pendant au moins 5 jours, alors que l’apixaban et le rivaroxaban peuvent être pris directement après le diagnostic de TVP. En cas de TVP associée à une tumeur, les recommandations de l’ACCP continuent de préconiser un traitement parentéral par HBPM (2C). En revanche, les AOD sont désormais considérés comme une alternative équivalente aux AVK chez les patients cancéreux sans traitement par HBPM. Selon une méta-analyse ayant porté sur les grandes études randomisées d’autorisation, dans lesquelles 3 à 5% des patients inclus souffraient d’un cancer actif, les AOD avaient même tendance à produire de meilleurs résultats que le traitement par énoxaparine/AVK; une comparaison directe avec le traitement standard par HBPM fait cependant encore défaut [10].
Les recommandations relatives à la durée de l’anticoagulation n’ont guère été modifiées par rapport à la 9e édition et dépendent en premier lieu du risque individuel de récidive et d’hémorragie [2, 5]. En cas de TVP proximale provoquée par un facteur de risque chirurgical ou non chirurgical transitoire, l’anticoagulation devrait être interrompue après 3 mois (1B pour le facteur de risque chirurgical, 2B pour le facteur de risque non chirurgical avec risque hémorragie faible à modéré, et 1B en cas de risque hémorragique élevé). En cas de TVP associée à une tumeur, un traitement d’entretien prolongé est recommandé en cas de persistance de cancer actif (1B en cas de risque hémorragique faible à modéré, 2B en cas de risque hémorragique élevé). En cas de première TVP proximale non provoquée (idiopathique), un traitement d’entretien prolongé est proposé en présence d’un risque hémorragique faible à modéré (2B). En revanche, en cas de risque hémorragique élevé, seule une anticoagulation de 3 mois est recommandée (1B). Une nouveauté réside dans la précision selon laquelle le sexe du patient et les mesures des D-dimères 1 mois après l’arrêt du traitement anticoagulant pourraient avoir une influence sur la décision relative à un éventuel traitement d’entretien prolongé, sans pour autant constituer une recommandation formelle. En cas de seconde TEV non provoquée, l’anticoagulation devrait être poursuivie au-delà de 3 mois (1B en cas de faible risque hémorragique et 2B en cas de risque hémorragique modéré), hormis chez les patients à risque hémorragique élevé (2B). Une nouveauté est la proposition de poursuivre avec la même anticoagulation après 3 mois de traitement d’entretien dès lors qu’un traitement d’entretien prolongé est considéré comme nécessaire (2C).
Depuis la dernière édition des recommandations de l’ACCP, deux grandes études randomisées (ASPIRE et WARFASA) ont permis de montrer que chez les patients présentant une première TEV non provoquée et ayant reçu un traitement anticoagulant pendant au moins 3 mois, l’administration de Aspirin® à faible dose réduit le taux de récidive d’un bon tiers par rapport au placebo [11, 12]. Dès lors, les recommandations de l’ACCP proposent désormais d’envisager l’administration de Aspirin® en prophylaxie des récidives chez les patients présentant une TVP proximale non provoquée après au moins 3 mois de traitement anticoagulant (2B), dès qu’une anticoagulation prolongée n’entre pas en ligne de compte.
La pertinence clinique de la TVP distale isolée, c.-à-d. avec extension proximale maximale infrapoplitée, reste contestée et les preuves en faveur de son traitement sont maigres, même s’il s’agit d’une problématique clinique fréquente (jusqu’à 50% des thromboses diagnostiquée) [13, 14]. Dans l’ensemble, le risque d’embolie et de récidive en cas de TVP distale isolée est considéré comme plus faible et plusieurs études ont démontré la sécurité du procédé diagnostique impliquant une simple échographie de compression des veines proximales, dès lors que celle-ci est répétée après 5 à 7 jours en cas de résultat initial négatif [15]. Il est donc évident qu’une anticoagulation systématique de toutes les TVP distales isolées n’est probablement pas nécessaire et peut exposer les patients à un risque hémorragique accru. L’ACCP a tenté de tenir compte de ces circonstances en proposant différents critères d’évaluation du risque d’extension proximale (tab. 1).
Tableau 1: Facteurs de risque d’extension proximale 
de la TVP distale isolée selon l’ACCP. 
Une TVP distale isolée est considérée comme à haut risque d’extension proximale dans les cas suivants:
D-dimères élevés (surtout pour une nette élévation 
en l’absence d’autre explication)
Thrombose importante(étendue sur >5 cm, plusieurs veines touchées, >7 mm de diamètre maximal)
Thrombose proche des veines proximales
Absence de facteur de risque réversible de TEV
Présence d’un cancer actif
Récidive de TEV
Patient hospitalisé
Abréviations: ACCP = American College of Chest Physicians; 
TVP = thrombose veineuse profonde; TEV = thromboembolie veineuse
En outre, les thromboses veineuses musculaires de la jambe sans thrombose distale simultanée des veines tibiales postérieures ou péronières sont considérées comme étant à faible risque. Pour les patients avec TVP distale isolée mais sans symptômes marqués ou facteurs de risque d’extension proximale, l’ACCP privilégie les contrôles de suivi par échographie de compression pendant 2 semaines (par ex. après 1 semaine et après 2 semaines), alors que chez les patients avec symptômes prononcés ou facteurs de risque d’extension, c’est plutôt l’anticoagulation qui est privilégiée (2C). En cas de décision initiale d’initier un traitement anticoagulant ou d’extension proximale de la thrombose constatée lors des contrôles de suivi par échographie de compression, les recommandations de l’ACCP préconisent la même anticoagulation qu’en cas de TVP proximale (1B).
Les nouvelles recommandations de l’ACCP comprennent pour la première fois des recommandations relatives au traitement de la récidive de TEV sous anticoagulation, bien qu’il n’existe jusqu’à présent que des études de cohorte rétrospectives à ce sujet [16]. En cas de récidive de TEV confirmée malgré un traitement anticoagulant ­correctement dosé et pris, il convient en premier lieu ­d’exclure un cancer actif ou un syndrome des antiphospholipides et, si possible, d’interrompre la prise des médicaments qui augmentent le risque de TEV (par ex. certains agents chimiothérapeutiques ou œstrogènes). Sur le plan thérapeutique, les recommandations de l’ACCP proposent, chez les patients présentant une récidive de TEV sous traitement par AVK ou AOD, de passer au moins temporairement (par ex. 1 mois) à un traitement par HBPM et, chez les patients sous HBPM, d’augmenter la dose d’env. 1⁄4 à 1⁄3 (2C).
En ce qui concerne le rôle du traitement interven­tionnel par cathéter de la TVP proximale, l’étude norvégienne CaVenT publiée en 2012 a pu montrer qu’une thrombolyse par cathéter en plus d’un traitement standard (anticoagulation et traitement de compression élastique) était capable, chez les patients avec première TVP très proximale (thrombose des veines du bassin, de la veine fémorale commune ou de la partie crâniale de la veine fémorale), de réduire significativement le taux de SPT après 2 ans par rapport au traitement standard (41% vs 56%, p = 0,04) [17], sans toutefois améliorer la qualité de vie [18]. En dépit de cette étude randomisée et contrôlée, qui est à ce jour la plus vaste portant sur le traitement par cathéter, l’ACCP n’a pas modifié ses recommandations sur le sujet et continue de préconiser, en cas de TVP proximale aiguë, l’anticoagulation seule sans thrombolyse par cathéter (2C). Il faut toutefois noter que les patients avec TVP ilio-fémorale aiguë (c.-à-d. thrombose des veines du bassin et/ou de la veine fémorale commune), durée des symptômes <14 jours, espérance de vie >1 an avec bon statut fonctionnel et faible risque hémorragique, seraient les plus susceptibles de tirer des bénéfices d’une thrombolyse par cathéter. Par ailleurs, la pose d’un filtre de veine cave chez les patients présentant une TVP aiguë et pouvant recevoir une anticoagulation n’est pas recommandée (1B).
A la différence des recommandations précédentes de l’ACCP, le port de bas de contention pour prévenir un SPT n’est plus recommandé (2B). La modification des recommandations s’appuie sur les résultats de la grande étude SOX, dans laquelle 806 patients présentant une TVP proximale ont été randomisés en deux groupes: un groupe bas de contention (30-40 mm Hg de pression au niveau de la cheville) et un groupe bas placebo (<5 mm Hg). Après 2 ans, l’incidence cumulative du SPT était similaire dans les deux groupes [19].

Commentaires des experts suisses

Une des questions les plus essentielles mais également les plus complexes dans le traitement de la TEV reste la durée et le dosage du traitement anticoagulant après les 3 premiers mois de traitement d’entretien. Dans la seule étude randomisée ayant à ce jour directement comparé les AVK et les AOD (dabigatran) pour le traitement d’entretien prolongé, un taux d’hémorragies réduit a pu être montré sous dabigatran, pour une efficacité aussi bonne [20], ce qui a pu être confirmé dans une analyse post hoc de l’étude randomisée Hokusai-VTE (édoxaban vs AVK) [21]. Plusieurs études de phase III avec l’apixaban, le dabigatran ou le rivaroxaban ont en outre montré une réduction du taux de récidive de TEV d’env. 80% par rapport au placebo, pour une risque ­hémorragique pratiquement pas accru [20, 22, 23]. L’étude AMPLIFY-Extension ainsi que l’étude récem­ment publiée EINSTEIN-CHOICE ont en outre pu démontrer, chez les patients ayant fini une anticoagulation de 6–12 mois avec un doute concernant l’indication pour un traitement d’entretien prolongé, qu’une anticoagulation à dose prophylactique (apixaban 2,5 mg 2x/j ou rivaroxaban 10 mg 1x/j) pouvait prévenir efficacement une récidive de TEV sans augmentation significative du risque hémorragique [22, 24]. L’étude EINSTEIN-CHOICE a par ailleurs montré qu’en comparaison directe avec Aspirin® 100 mg, le rivaroxaban 10 mg ou 20 mg permettait de réduire le taux de récidive de TEV d’env. 70% après traitement supplémentaire de 12 mois (rivaroxaban 10 mg 1,2%; 20 mg 1,5%; Aspirin® 4,4%), sans pour autant augmenter le risque d’hémorragies sévères ou cliniquement pertinentes (rivaroxaban 10 mg 2,4%; 20 mg 3,3%; Aspirin® 2,0%) [24]. Contrairement à l’ACCP, les experts suisses privilégient donc un traitement par AOD (à dose prophylactique) par rapport aux AVK, et en particulier à l’administration de Aspirin® à faible dose, en cas de TVP non associée à une tumeur et d’indication de traitement d’entretien prolongé. Il convient toutefois de mentionner que le rivaroxaban à dose prophylactique (10 mg) n’est pas encore autorisé en Suisse pour le traitement d’entretien prolongé. Etant donné qu’aussi bien l’étude AMPLIFY-Extension que l’étude EINSTEIN-CHOICE ont exclu les patients à risque de récidive élevé, le traitement d’entretien prolongé devrait être poursuivi avec une anticoagulation à dose thérapeutique chez ces patients-là.
Les patients présentant une première TVP proximale non provoquée ou une EP ont un risque considérable de récidive (jusqu’à 30% au cours des 5 premières années [25]), raison pour laquelle l’ACCP propose un traitement d’entretien prolongé en l’absence de risque hémorragique élevé. Plus de la moitié de ces patients ne connaîtront toutefois aucune récidive de TEV et seront par conséquent exposés à un risque hémorragique pertinent en cas d’anticoagulation au long cours. Au cours des dernières années, différents scores de stratification du risque ont été publiés («Vienna prediction model», «DASH score» et «Men continue and HERDOO-2 score») [26, 27]. Récemment, le «HERDOO-2 score» a été le premier à faire l’objet d’une validation prospective dans un collectif de 2 747 patients présentant une première TVP proximale ou une EP [28]. Dans l’année ayant suivi l’arrêt de l’anticoagulation, les femmes qui selon le «HERDOO-2 score» présentaient un faible risque de récidive (51% de l’ensemble des femmes) ont connu une récidive dans 3% des cas, alors que les hommes ou femmes avec «HERDOO-2 score» élevé présentaient un risque nettement plus élevé (8,1%). Les experts suisses sont d’avis qu’un traitement d’entretien prolongé n’est pas nécessaire chez tous les patients présentant une première TVP proximale non provoquée et recommandent une évaluation du risque individuel de récidive, idéalement à l’aide d’un score validé.
Selon les recommandations de l’ACCP, la recherche d’une TVP distale isolée (au moyen d’une échographie de compression complète) représente certes une approche diagnostique possible, mais ne constitue pas une nécessité [29]. Les experts suisses estiment toutefois qu’indépendamment de la décision relative à une éventuelle anticoagulation de la TVP distale isolée, une échographie de compression complète réalisée par un examinateur chevronné présente plusieurs avantages: La pose du diagnostic d’une TVP distale isolée permet dans la plupart des cas d’expliquer les symptômes des patients et donc d’éviter d’autres investigations; en outre, chez plus de la moitié des patients, des diagnostics alternatifs peuvent être documentés [30, 31].
L’étude CACTUS, récemment publiée sous la respon­sabilité du service d’angiologie de l’hôpital universitaire de Genève, confirme la recommandation de l’ACCP selon laquelle toutes les TVP distales isolées ne doivent pas être anticoagulées [33]. Dans cette étude multicentrique en double aveugle, un total de 259 patients à faible risque de TVP distale isolée (patients ambulatoires sans cancer actif ou antécédents personnels de TEV) ont été inclus puis traités pendant 6 semaines soit par HBPM à dose thérapeutique (nadroparine) soit par injections placebo (NaCl 0,9%), en plus de bas de contention de classe II. Le critère d’évaluation primaire (extension aux veines proximales, TVP proximale controlatérale ou EP) après 42 jours n’a pas été significativement réduit sous traitement par HBPM par rapport au placebo (3,3% vs 5,4%; réduction du risque absolue de 2,1%, p = 0,54); à l’inverse, les hémorragies sévères et cliniquement pertinentes étaient significativement plus fréquentes dans le groupe HBPM (4% vs 0%, p = 0,025). Il est intéressant de constater qu’une seule TEV est survenue dans le groupe placebo entre la fin de la période traitement de 42 jours et la fin de l’étude après 90 jours. Contrairement à l’ACCP, les experts suisses sont donc d’avis qu’en cas de décision d’une anticoagulation, une durée de traitement de 6 semaines est suffisante chez les patients à faible risque de TVP distale isolée.
En ce qui concerne le traitement interventionnel par cathéter de la TVP proximale, l’ACCP continue de défendre une attitude conservative. Les résultats à 5 ans de l’étude CaVenT, déjà mentionnée, ont été publiés peu de temps après la publication des nouvelles recommandations de l’ACCP. Ces résultats confirment de manière encore plus nette l’avantage de la thrombolyse par cathéter par rapport au traitement standard pour la prévention du SPT. Alors que, dans le groupe de thrombolyse par cathéter, le taux de SPT à 5 ans était stable (43%), il a continué à augmenter fortement dans le groupe standard (71%, p <0,001) [33]. Les patients ayant reçu un traitement conservateur présentaient nettement plus fréquemment un reflux fémoro-poplité et une obstruction des veines ilio-fémorales, c.-à-d. les deux principaux prédicteurs du développement d’un SPT [34]. La plupart des TVP ilio-fémorales sont de type descendant avec une obstruction veineuse sous-jacente (par ex. syndrome de May-Thurner), et affichent un faible taux de recanalisation spontanée en cas de traitement anticoagulant seul. Une élimination rapide du thrombus au moyen d’une thrombolyse par cathéter et une élimination simultanée de l’obstruction veineuse par stent veineux ont permis, dans l’étude randomisée BERNUTIFUL réalisée en Suisse, d’atteindre un taux élevé d’ouverture et un faible taux de reflux, ce qui s’est traduit par une incidence de SPT d’à peine 10% après 1 an [35]. Les experts suisses sont donc d’avis que chez des patients bien sélectionnés présentant une TVP ilio-fémorale aiguë (<14 jours), un faible risque hémorragique et une bonne qualité de vie, un traitement par cathéter devrait au moins être envisagé, et idéalement réalisé dans un centre expérimenté [36] (fig. 1).
Figure 1: Algorithme indiquant la marche à suivre en cas de suspicion clinique de thrombose veineuse profonde des membres inférieurs.
1  Les facteurs de risque d’extension proximale sont résumés dans le tableau 1.
2  Avec (dabigatran, édoxaban, AVK) ou sans (apixaban, rivaroxaban) traitement préalable par HBPM.
3  En cas de risque hémorragique élevé, des contrôles de suivi cliniques et par échographie duplex sont probablement plus judicieux; en cas de cancer actif, privilégier l’HBPM.
4  Contrôles de suivi par échographie duplex par ex. après 1 et 2 semaines.
Abréviations: AOD = anticoagulants oraux directs; HBPM = héparine de bas poids moléculaire; TVP = thrombose veineuse profonde; AVK = antagoniste de la vitamine K; TEV = thromboembolie veineuse.
Bien que le traitement de compression élastique ne joue visiblement aucun rôle pour prévenir le SPT selon l’étude SOX mentionnée [19], cette étude doit faire l’objet d’un regard critique en raison de la très mauvaise observance relative au port des bas de contention et d’autres lacunes méthodologiques. En dépit de données confuses en ce qui concerne la prévention du SPT, le traitement de compression reste selon les experts suisses indiqué dans la prise en charge des symptômes aigus de TVP [27].
Le Docteur Engelberger a perçu des honoraires d’orateur ou des dédommagements pour sa participation à des comités consultatifs de Bayer HealthCare et Sanofi-Aventis.
Le Docteur Stricker a perçu des dédommagements pour sa participation à des comités consultatifs de Bayer HealthCare, Boehringer-Ingelheim, Bristol Myers Squibb et Sanofi-Aventis.
Le Professeur Mazzolai a perçu des dédommagements pour sa participation à des comités consultatifs de Bayer HealthCare, Pfizer et Sanofi-­Aventis.
Le Professeur Kucher a perçu des subventions de recherche et des ­honoraires d’orateur de Bayer HealthCare, Bristol Myers Squibb, Pfizer et Sanofi-Aventis.
PD Dr méd.
Rolf Peter Engelberger
HFR Fribourg –
Hôpital Cantonal
Case postale
CH-1708 Fribourg
rolf.engelberger[at]h-fr.ch
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