Implants auditifs et imagerie par résonance magnétique
Confusion et désinformation

Implants auditifs et imagerie par résonance magnétique

Übersichtsartikel
Édition
2017/42
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03088
Forum Med Suisse 2017;17(42):905-909

Affiliations
OHNS Stanford University School of Medicine, Lausanne, b Institut de radiologie Cecil, Lausanne

Publié le 18.10.2017

Un implant auditif compatible ou à restriction avec l’imagerie par résonance magnétique peut être facilement reconnu. Ce travail présente un schéma décisionnel simple permettant d’éviter le plus possible de refuser inutilement une imagerie par résonance magnétique à des patients porteurs d’implants auditifs.

Introduction

De plus en plus de patients se voient régulièrement refuser une imagerie par résonance magnétique (IRM) parce qu’ils sont porteurs d’un implant auditif, voire même parce qu’ils ont simplement été opérés de l’oreille. Ce refus est parfois injustifié, essentiellement en raison de confusion et de désinformation concernant les implants auditifs. La confusion vient généralement du patient qui ne sait pas décrire correctement l’implant auditif qu’il porte et la désinformation du radiologue qui ne prend pas la peine d’essayer de différencier ces implants auditifs, de peur d’être le responsable d’une erreur. Chaque type d’implant auditif présente des caractéristiques propres et facilement reconnaissables pour le non spécialiste. Le but de ce travail est de clairement décrire et définir ces différents implants auditifs et de donner une méthode simple de les différencier en proposant un algorithme décisionnel sans avoir nécessairement besoin de renvoyer le patient à la maison pour éviter tout problème. Très peu de temps est nécessaire pour faire ce tri de manière correcte et sans danger pour le patient. Cette problématique est de plus en plus courante avec l’augmentation de l’intensité du champ magnétique utilisé dans la réalisation d’une IRM. Pour améliorer la performance des machines, la tendance actuelle est de remplacer les machines à haut champ de 1 à 1,5 Tesla par des machines à très haut champ de 3 Tesla, voir plus. Il existe un site internet de référence qui liste la plupart de ces implants auditifs: MRIsafety.com.

Types d’implants auditifs

Sur le plan technique et théorique, il existe deux types d’implants auditifs: les implants auditifs passifs ou inertes qui ne posent aucune problème pour la réalisation d’une IRM en tous cas jusqu’à 3 Tesla, et les implants auditifs actifs, contenant un système magnétique, qui eux limitent fortement la réalisation d’une IRM aux restrictions définies par le fabricant, la limite supérieure étant le plus souvent de 1,5 Tesla, mais parfois de seulement 0,2–0,3 Tesla [1]. On peut aussi différencier les implants auditifs entre ceux qui sont partiellement implantés qui nécessitent une partie externe spécifique, de loin les plus fréquents, et ceux qui sont complètement implantés et qui sont encore exceptionnels. En présence d’un patient qui porte un implant auditif, la première chose est de lui demander d’enlever tout ce qui est enlevable. Cette partie enlevée n’entre pas dans la définition d’un implant, c’est ce qui reste dans le corps qui est l’implant.
Sur le plan pratique, il existe deux autres manières de différencier les implants auditifs: tout d’abord ceux qui sont visibles et ceux qui sont invisibles extérieurement; puis ceux qui sont associés avec un appareil auditif externe spécifique et ceux qui ne le sont pas. Quelques questions simples et un coup d’œil de l’implant auditif et de la région rétroauriculaire permettent de les différencier sans difficulté.

Prothèses ou implants?

La première question à résoudre est de comprendre ce que le patient appelle un implant auditif et qui crée la confusion. Il en existe deux catégories: les implants de reconstruction de la chaine ossiculaire, qui ne sont pas visibles et qui se posent lors d’une opération classique de l’oreille (tympanoplastie, mastoïdectomie, stapédectomie …) et les implants auditifs à proprement parler. Les prothèses de reconstruction de la chaine des osselets, parfois appelés implants otologiques, ne devraient pas être appelés implants mais simplement prothèses. Elles ont la taille d’un osselet de l’oreille («partial ossicular replacement prosthesis» [PORP], «total ossicular replacement prosthesis» [TORP], pistons), sont pratiquement toutes inertes et sont donc parfaitement compatibles avec la réalisation d’une IRM jusqu’à 3 Tesla [2]. Il existe néanmoins une exception notoire, un modèle de piston de stapédectomie type McGee produit par Smith & Nephew Richards Inc. en 1987, prothèse qui se composait de titane et d’un alliage chrome-nickel ferromagnétique [3]. Elle a été retirée du marché depuis de très nombreuses années. Les patients porteurs de ce type de piston ont normalement été informé par le chirurgien de cette problématique. En général, ces prothèses de reconstruction ossiculaire ne sont pas associées avec un appareil auditif externe sauf si l’amélioration auditive attendue par la prothèse n’est pas suffisante. Dans ce cas, l’appareil auditif externe associé est alors non spécifique, standard, classique (rétroauriculaire ou intra-auriculaire) et enlevable (fig. 1). Il est évident que ces appareils auditifs externes ne doivent pas être portés pendant la réalisation d’une IRM. Il existe un appareil auditif externe particulier appelé Lyric™ de Phonak qui se porte dans le conduit auditif externe et qui est placé à demeure par un audioprothésiste (fig. 2). Il doit aussi être enlevé, ce que le patient peut faire sans difficulté. Après l’IRM, il ne peut être reposé que par un audioprothésiste.
Figure 1: Appareils auditifs rétro-auriculaires et intra-auriculaires (documentation personnelle).
Figure 2: Appareil intracanal Lyric™ de Phonak (reproduction avec l’aimable autorisation de Phonak Switzerland).
Les implants auditifs à proprement parler sont soit visibles, le seul connu est l’implant auditif à ancrage osseux percutané, c’est-à-dire traversant la peau dans son intégralité, de type Baha® Connect de Cochlear™ ou Ponto d’Oticon. Il se présente sous la forme d’un pilier en titane (souvent appelé vis) qui dépasse de 2 à 3 mm la peau et qui à un diamètre de 5 mm (fig. 3). Environ 200 implants osseux de ce type sont posés par année en Suisse. Ce pilier est normalement implanté 2 cm derrière la partie haute du pavillon de l’oreille et sert de clip pour tenir l’appareil auditif externe accompagnant. Le clippage se fait soit dans le pilier (Baha® Connect), soit autour du pilier (Ponto). L’appareil auditif externe comprend ainsi une petite connexion qui se connecte avec le pilier (fig. 4). Ce type d’implant à ancrage osseux est totalement inerte et ne contre-indi­que absolument pas la pratique d’une IRM jusqu’à 3 Tesla [4]. Il est posé par différents centres et médecins ORL indépendants. Il va de soi que l’appareil auditif externe doit être enlevé lors de l’examen IRM.
Figure 3: A) Pilier (vis) (documentation personnelle).  B)  A gauche: Baha® de Cochlear™ (reproduction avec l’aimable autorisation de Cochlear Ltd); à droite: Ponto d’Oticon (reproduction avec l’aimable autorisation de Oticon).
Figure 4: A) Appareil externe Baha® Connect de Cochlear™ (reproduction avec l’aimable autorisation de Cochlear Ltd) 
et B) appareil externe Ponto d’Oticon (reproduction avec l’aimable autorisation de Oticon).
Les autres implants auditifs en soi sont invisibles et pratiquement toujours associés à un appareil auditif externe spécifique qui est maintenu en place par un double aimant, un étant implanté sous la peau derrière le pavillon de l’oreille et l’autre étant fixé à l’appareil auditif externe. En demandant au patient d’expliquer comment son appareil auditif externe tient ou en lui demandant de le remettre, il est très aisé de se rendre très rapidement compte de quel type d’appareil auditif externe il s’agit et notamment s’il se compose d’un aimant qui permet son maintien en place. Tous les implants auditifs associés avec un système aimanté limitent fortement la pratique d’une IRM, dans les tous les cas de plus de 1,5 Tesla et parfois même de moins de 1 Tesla. Seuls les centres d’implantation et les fabricants sont en mesure de préciser ces limitations et conseiller le radiologue. Le patient est normalement informé de cette problématique et devrait posséder un document officiel le concernant, décrivant clairement les limites pour la réalisation d’une IRM. Il en existe trois modèles principaux: l’implant cochléaire, l’implant à ancrage osseux transcutané et l’implant d’oreille moyenne.
L’implant cochléaire (environ 200 patients implantés par an en Suisse) est le plus fréquent. Il se pose le plus souvent pendant la petite enfance chez des patients présentant une surdité profonde et dont l’appareil auditif externe visible se présente sous la forme d’un boitier retro-auriculaire associé à une petite partie circulaire déportée et aimantée (fig. 5). En Suisse, trois sociétés principales fournissent la plupart des implants cochléaires: Cochlear™ (Nucleus®), Advanced Bionics et Med-El. Lorsque ces patients ne portent pas leur appareil, une communication normale est quasi impossible. Les implants cochléaires ne sont posés que dans cinq centres de référence en Suisse: Bâle, Berne, Genève (CHURIC – Centre Hospitalo-Universitaire Romand d’Implant Cochléaire), Lucerne et Zurich et nulle part ailleurs. Quelques nouveaux modèles d’implants cochléaires se composent d’un aimant qui est facilement amovible par un petit geste chirurgical ce qui permet d’effectuer une IRM de 3,0 Tesla d’entente bien sûr avec le chirurgien concerné. Pour pratiquer des IRM de 1,5 Tesla, certains modèles peuvent être «fixés» par un bandage compressif spécifique mis en place par le chirurgien responsable. En cas de doute, seuls ces centres d’implantation sont habilités à répondre correctement à une demande spécifique.
Figure 5: Implants cochléaires, appareil externe magnétique: A)  de Advanced Bionics (documentation personnelle), B )  de Med-El (reproduction avec l’aimable autorisation de Med-El) et  C)  de Cochlear™ (reproduction avec l’aimable ­autorisation de Cochlear Ltd). 
Le deuxième modèle est l’implant auditif à ancrage osseux transcutané, c’est-à-dire avec une peau intacte entre l’implant auditif et l’appareil auditif externe (entre 20 à 30 implants posés par an en Suisse), connu sous les noms de Baha® Attract de Cochlear™ et Sophono™ de Medtronic. Les deux adhèrent à la peau ­par un aimant qui n’est pas déporté mais directement fixé sur l’appareil auditif externe comme un «champignon» (fig. 6). Il existe un troisième modèle à ancrage osseux transcutané nommé Bonebridge de Med-El et qui se présente sous un aspect différent avec l’aimant directement intégré dans l’appareil auditif externe (fig. 7). Selon les documents des fabricants, seules les IRM inférieures ou égales à 1,5 Tesla sont possibles. En cas de doute, le chirurgien doit être contacté. Ces modèles à ancrage osseux aimantés sont posés dans différents centres et par quelques médecins ORL indépendants.
Figure 6: Appareils à conduction osseuse avec système magnétique,  A+B)  Baha® Attract de Cochlear™ (reproduction avec ­l’aimable autorisation de Cochlear Ltd) et  C) Sophono™ de Medtronic (reproduction avec l’aimable autorisation de Med­tronic, Inc.)
Figure 7: Appareil externe Bonebridge de Med-El (reproduction avec l’aimable autorisation de Med-El), ancien (A, B) et nouveau (C) modèle externe.
Le troisième modèle est l’implant d’oreille moyenne qui n’est que très rarement implanté en Suisse (moins de 15 personnes par année). L’appareil auditif externe accompagnant comprend dans la même pièce plus ou moins circulaire l’appareil auditif proprement dit et l’aimant. Le plus utilisé est le Vibrant Soundbridge de Med-El. L’appareil auditif externe et le système de fixation sont très similaires au Bonebridge. De plus, la plupart des modèles d’implants d’oreille moyenne se composent d’un deuxième aimant beaucoup plus petit placé à proximité de la chaine ossiculaire. Ces implants d’oreille moyenne ne sont posés que dans de très rares centres. Les patients sont généralement très au courant de ce type d’implant d’oreille moyenne qu’il porte. Pour la réalisation d’une IRM chez un patient porteur d’un implant d’oreille moyenne, les mêmes règles que pour l’implant cochléaire sont applicables.
En suivant l’algorithme décisionnel simple schématisé (fig .8), le radiologue devrait pouvoir lever les doutes s’il prend la peine de s’informer sur l’implant auditif en accordant quelques minutes au patient avant de réaliser une IRM. Il ne doit surtout pas oublier de demander au patient d’enlever la partie enlevable du système auditif. La difficulté principale se rencontre avec les systèmes aimantés, car des exceptions existent rendant certains de ces implants compatibles avec une IRM jusqu’à 1,5 Tesla. La communication avec le patient et le chirurgien est fondamentale. Cela permettra d’éviter des désagréments que les patients ont souvent de la peine à comprendre, notamment lorsqu’on leur refuse l’examen IRM sans discussion préalable et qu’ils sont contraints de reprendre un rendez-vous pour l’effectuer quand même. Aujourd’hui, le développement des nouveaux implants auditifs aimantés essaie de tenir compte de cette problématique en proposant des systèmes auditifs un peu plus compatibles, mais pour autant qu’un système d’aimants sera présent entre l’implant auditif et l’appareil auditif externe spécifique, les difficultés persisteront si l’aimant de l’implant auditif ne peut être facilement enlevé chirurgicalement pour la réalisation de l’IRM.
Figure 8: Algorithme décisionnel pour la différenciation des différents implants auditifs. Ce schéma ne concerne pas les prothèses de la chaine ossiculaire.

L’essentiel pour la pratique

• Il ne faut pas confondre un implant auditif et une prothèse de recon­struction de la chaine des osselets.
• Chaque type d’implant auditif présente des caractéristiques propres et facilement reconnaissables par le non spécialiste.
• Il existe deux types d’implants auditifs: les implants auditifs passifs ou inertes qui ne posent aucune problème pour la réalisation d’une IRM en tous cas jusqu’à 3 Tesla, et les implants auditifs actifs, contenant un système magnétique, qui eux limitent fortement la réalisation d’une IRM.
• Les implants auditifs, bien sûr sans la partie enlevable, sont soit visibles, soit invisibles extérieurement.
• Le seul implant auditif visible est l’implant auditif à ancrage osseux percutané représenté par une vis externe, c’est-à-dire traversant la peau dans son intégralité, le plus courant étant le Baha® Connect. Les implants auditifs visibles sont compatibles avec l’IRM.
• Les implants auditifs invisibles sont pratiquement toujours associés à un appareil auditif externe spécifique qui est maintenu en place par un double aimant, un étant implanté sous la peau derrière le pavillon de l’oreille et l’autre étant fixé à l’appareil auditif externe. Cette partie externe doit toujours être enlevée. Le plus courant est l’implant cochléaire. Les implants auditifs invisibles limitent fortement la pratique de l’IRM, qui n’est possible que sous certaines conditions strictes.
• En cas de doute, le chirurgien est le seul habilité pour définitivement ­clarifier la situation.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. Dr phil.
Albert Mudry
Spécialiste en ORL,
Spécialiste chirurgie oreille
OHNS Stanford University School of Medicine
Av. de la Gare 6
CH-1003 Lausanne
Albert[at]oreillemudry.ch
1 Azadarmaki R, Tubbs R, Chen DA, Shellock FG. MRI information for commonly used otologic implants: review and update. Otolaryngol Head Neck Surg. 2014;150:512–9.
2 Martin AD, Driscoll CLW, Wood CP, Felmlee JP. Safety evaluation of titanium middle ear prostheses at 3.0 Tesla. Otolaryngol Head Neck Surg. 2005;132:537–42.
3 Fritsch MH. MRI scanners and the stapes prosthesis. Otol Neurotol. 2007;28:733–8.
4 Fritsch MH, Naumann IC, Mosier KM. BAHA devices and magnetic resonance imaging scanners. Otol Neurotol. 2008;29:1095–9.