Inhibiteurs de PCSK9
Nouvelles études et situation en Suisse en 2017

Inhibiteurs de PCSK9

Übersichtsartikel
Édition
2017/45
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03102
Forum Med Suisse 2017;17(45):979-986

Affiliations
a Policlinique Médicale, Clinique Universitaire de Médecine Interne Générale, Hôpital de l’Ile, Université de Berne, Berne; b Service de cardiologie, Hôpitaux Universitaires de Genève, Genève; c Berner Institut für Hausarztmedizin (BIHAM), Université de Berne, Berne; d ­Service ­d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme, CHUV, Lausanne

Publié le 08.11.2017

Le praticien connaît la difficulté à traiter certaines hypercholestérolémies, tant pour atteindre les taux cibles de LDL-cholestérol que pour éviter des effets secondaires. Les inhibiteurs de PCSK9 sur la liste des spécialités dès juillet 2017 sont une nouvelle option thérapeutique pour abaisser le LDL-cholestérol de moitié. Leur impact sur les événements cliniques et leur sécurité semblent favorables, selon les dernières études résumées ici.

Introduction

La diminution du LDL-cholestérol (LDLC) est la pierre angulaire de la prévention des maladies cardiovasculaires (CV). Les statines font partie du traitement des dyslipidémies chez les patients à haut risque CV et leur efficacité a été largement démontrée en prévention secondaire. Dans la pratique, il est parfois difficile d’atteindre les taux de LDLC recommandés, comme l’a illustré une étude suisse où seuls 47% des patients y parvenaient un an après un syndrome coronarien aigu [1]. Cette difficulté peut être due à une efficacité pharmacologique individuelle variable, une faible adhérence thérapeutique, ou une intolérance médicamenteuse. Sous-estimées jusqu’à peu, les myalgies peuvent toucher jusqu’à 10–25% des patients sous statines [2]. Pour ces raisons, de nouvelles options thérapeutiques sont bienvenues.
Grâce au séquençage génétique dans l’hypercholestérolémie familiale (HF), un nouvel acteur du métabolisme du LDLC a été identifié en 2003: la proprotéine convertase subtilisine/kexine type 9 (PCSK9). Rapidement, des inhibiteurs et des anticorps monoclonaux ont été développés pour cibler la PCSK9 avec une baisse notable du taux de LDLC. Ces anticorps ont été introduits sur le marché des médicaments en 2016, mais il a fallu attendre les résultats de deux grandes études en mars 2017 pour répondre aux questions concernant les événements cliniques (étude FOURIER) [3] et la sécurité (étude EBBINGHAUS) [4], suivies de l’introduction sur la liste des spécialités des deux molécules mi-2017. Le but de cet article est de résumer le fonctionnement des inhibiteurs de PCSK9, de présenter les résultats des nouvelles études et de rappeler les recommandations et indications à ce traitement.

Historique

En 2003, une équipe séquence le génome de patients français atteints d’une HF sévère sur plusieurs générations mais qui ne portent pas les mutations connues des gènes du LDL-récepteur (LDLR) ou de l’apolipoprotéine B (APOB). Ils mettent en évidence une mutation d’un gène codant pour la PCSK9 à la fonction inconnue [5]. En 2005, d’autres mutations sont trouvées dans une cohorte de 6000 patients aux Etats-Unis. De manière surprenante, ces individus avec une mutation désactivant la PCSK9 avaient des taux de LDLC 40% inférieurs aux patients sans mutation [6]. Les souris au gène pcsk9 désactivé («double knock-out») ont des taux de LDLC abaissé, alors que les souris surexprimant ce gène ont des taux plus élevés [5].
Par conséquent, la PCSK9 est impliquée chez certains patients atteints d’HF et il y a une corrélation entre mutations et manifestations cliniques: un gain de fonction entraîne une hypercholestérolémie, alors qu’une perte de fonction entraîne une baisse du cholestérol.

Physiopathologie et pharmacologie

La fonction principale de la PCSK9 se trouve en surface des hépatocytes selon nos connaissances actuelles. La PCSK9 circulante se lie aux LDL-récepteurs (LDLR) et les marque pour la dégradation dans le lysosome, diminuant les LDLR à la surface cellulaire et augmentant les LDL circulants. ­A l’inverse, l’absence ou l’inhibition de la PCSK9 permet aux LDLR d’être recyclés à la surface de l’hépatocyte de nombreuses fois, afin de capter et métaboliser plus de LDL circulants pour en diminuer le taux sanguin (fig. 1).
Figure 1: Mécanisme d’action de la proprotéine convertase subtilisine/kexine type 9 (PCSK9). En situation physiologique (à gauche), la PCSK9 se lie au LDL-récepteur (LDLR) de l’hépatocyte et entraîne sa dégradation dans le lysosome, ce qui a comme conséquence une diminution des LDLR à la surface cellulaire et une augmentation des LDL circulants. A l’inverse, lorsque la PCSK9 est inhibée (droite), par exemple par un anticorps, le LDLR sera recyclé à la surface de l’hépatocyte et induira une plus grande captation et le métabolisme des particules de LDL circulantes et ainsi une diminution de leur taux sanguin.
La découverte en 2003 de cette nouvelle cible thérapeutique a entraîné le développement rapide d’anticorps monoclonaux ciblant la PCSK9, menant à la mise sur le marché de deux anticorps spécifiques en 2016: l’évolocumab (Repatha®) et peu après l’alirocumab ­(Praluent®). Ces anticorps sont injectés par voie sous-cutanée via un stylo prérempli à usage unique toutes les 2 ou 4 semaines.

Effets bénéfiques

Effets sur les taux de cholestérol

De nombreux essais cliniques randomisés ont démontré une baisse du taux de LDLC avec les inhibiteurs de PCSK9 chez des patients déjà traités par statine (tab. 1). Comparé à une thérapie de statine seule, l’ajout de l’évolocumab abaisse les taux de LDLC d’environ 60% en 2 à 3 semaines, avec un effet persistant jusqu’à 4 ans de suivi [7]. Pour l’alirocumab, la diminution était de 62% à 24 semaines et persistait jusqu’à 19 mois par rapport au placebo [8].
Tableau 1: Résumé des études cliniques récentes concernant les effets bénéfiques et indésirables de l’alirocumab et de l’évolocumab.
EtudePatientsComparaisonDuréeDiminution du LDLCImpact CVEffets indésirables
ODYSSEY 
LONG TERM [8]2341 patients à haut risque CV avec LDLC >1,8 mmol/l, sous ­statineAlirocumab vs placebo24 sem.62%Événements CV: 1,7% vs 3,3%, HR 0,52, IC 0,
31–0,90
(post hoc)Réactions au site d’injection: 5,9% vs 4,2%
Myalgies: 5,4% vs 2,9%
Effets ophtalmologiques: 
2,9% vs 1,9%
Troubles neurocognitifs: 
1,2% vs 0,5%
ODYSSEY ­OUTCOMESPatients avec syndrome coronarien aigu récentAlirocumab vs placeboFin du suivi en 2018en coursen coursen cours
Méta-analyse du programme ODYSSEY [15]5234 patients du ­programme ODYSSEY (4 études de phase 2, 10 études de phase 3)Alirocumab vs placebo/­ézétimibe8–12 sem. (phase 2); ­24–104 sem. (phase 3)25% avec LDLC <0,65 mmol/l;
9,4% avec LDLC <0,4 mmol/l
Non évaluéMyalgies: 4,0% vs 4,1%
Troubles neurocognitifs: 
0,7% vs 0,7%
Cataracte: 1,0% vs 0,9%, mais plus fréquente chez ceux atteignant LDLC très bas <0,65 mmol/l (2,6%) vs ceux restant avec LDLC >0,65 mmol/l (0,8%), HR 3,40, IC 1,58–7,35
FOURIER [3]27 564 patients 
avec ats et LDLC >1,8 mmol/l, sous ­statineEvolocumab vs placebo48 sem.59%Événements CV: 9,8% vs 11,3%, 
HR 0,85, 
IC 0,79–0,92Myalgies: 5,0% vs 4,8%
Réactions au site d’injection: 
2,1% vs 1,6%
Cataracte: 1,7% vs 1,8%
Troubles neurocognitifs: 
1,6% vs 1,5%
EBBINGHAUS [4],présentation orale seule (ACC, 2017)1974 patients enrôlés de l’étude FOURIER [3]Evolocumab vs placebo48 sem.59% (comme l’étude FOURIER)Non évaluéTroubles cognitifs rapportés par le patient ou les médecins: pas 
de différence significative
Tests cognitifs (panel CANTAB): pas de différence
Pas de différence avec LDLC <0,65 mmol/l
GLAGOV [9]846 patients avec plaque ats coronarienne et LDLC >1,8 mmol/l, sous ­statineEvolocumab vs placebo78 sem.61%Diminution de 1% 
du volume de la plaque ats à l’ultrason endovasculaire, IC –1,8% à –0,64%Myalgies: 7,0% vs 5,8%
Troubles neurocognitifs: 
1,4% vs 1,2%
Réactions au site d’injection: 0,4% vs 0,0%
Méta-analyse d’événements ­neurocognitifs, Khan et al. [13]10 656 patients (11 études) avec ­maladie CV ou à haut risque CVAlirocumab / ­évolocumab vs placebo / ­traitement standard24–104 sem.Non évaluéNon évaluéMyalgies (8 études): 14,2% vs 12,7%, OR 1,01, IC 0,87–1,13
Troubles neurocognitifs (8 études): 0,8% vs 0,5%, OR 1,29, IC 0,64–2,59, discordance entre les 2 grandes études et les autres (voir texte)
Méta-analyse ­d’efficacité et ­sécurité, ­Navarese et al. [11]10 159 patients (24 études, dont la moitié portait 
sur des formes ­familiales)Alirocumab / évolocumab vs placebo / traitement standardMédiane 44,6 sem.47,5%Mortalité totale OR 0,45, IC ­0,23–0,86Pas de différences significatives en matière d’effets secondaires majeurs
Mortalité CV OR 0,50, IC 0,23–1,10
Infarctus OR 0,49, IC 0,26–0,93
Abréviations: ats = athérosclérose; CV = cardiovasculaire; HR = Hazard ratio; IC = intervalle de confiance; LDLC = LDL-cholestérol; OR = Odds ratio. 
Pour les colonnes concernant les impacts CV et les effets secondaires, le premier chiffre désigne le pourcentage de patients sous inhibiteurs de PCSK9 et le second, le pourcentage de patients sous placebo ou traitement standard.

Effets sur la plaque athérosclérotique

L’étude GLAGOV a révélé un effet favorable chez 846 patients sous statine ayant déjà une maladie coronarienne à l’angiographie: le volume de la plaque d’athérome coronarien a diminué de 1% (IC 95% −1,8% à −0,64%; p <0,001) après 78 semaines d’évolocumab, par rapport au placebo [9]. En termes absolus, on peut toutefois questionner l’impact clinique d’une diminution de 4,9 mm3 (IC 95% −7,3 à −2,5; p <0,001) pour une plaque d’un volume médian de 175 mm3 au départ. Néanmoins, l’imagerie de la plaque reste un marqueur validé pour quantifier le degré de la maladie coronarienne et la prédiction de futurs événements CV.

Effets sur les événements cliniques

Jusqu’en mars 2017, la diminution des événements CV (HR 0,47, IC 95% 0,28–0,78, pour l’évolocumab; HR 0,52, IC 95% 0,31–0,90 pour l’alirocumab) se fondait sur des analyses secondaires post hoc, reprises dans les dernières recommandations fin 2016 détaillées ci-dessous [10].
Nous avons maintenant à disposition une étude plus importante dont le but premier était le suivi des événements cliniques (étude FOURIER) [3]. Plus de 27 500 adultes de 40–85 ans à haut risque CV, avec une maladie CV préexistante et des taux de LDLC ≥1,8 mmol/l, ont été randomisés pour l’évolocumab ou le placebo, en plus du traitement hypolipémiant préexistant par atorvastatine ≥20 mg/j. (ou équivalent) ± ézétimibe. La population étudiée était constituée à 75% d’hommes; 81% avaient déjà eu un infarctus du myocarde, 19% un accident vasculaire cérébral non-hémorragique et 13% une artériopathie des membres inférieurs symptomatique. Comme attendu, les taux de LDLC (médiane au départ 2,4 mmol/l, IQR 2,1–2,8 mmol/l) ont diminué de 59%, permettant à 87% des participants d’atteindre la cible de <1,8 mmol/l, avec parfois des taux bien plus bas (médiane 0,78 mmol/l, IQR 0,49–1,2 mmol/l). Le taux d’événements cliniques CV (outcome primaire composé de la mortalité d’origine CV, infarctus, AVC, angine instable, revascularisation coronarienne) a diminué de 15% (HR 0,85, IC 95% 0,79–0,92). Le nombre de personnes à traiter (NNT) était donc de 67 pour éviter un événement CV sur le suivi médian de 26 mois, avec un bénéfice qui semblait se confirmer dans le suivi jusqu’à 36 mois.
Le suivi reste court et seuls 5% des participants prenaient de l’ézétimibe, la 2e ligne dans les traitements recommandés (voir la section «Recommandations européennes et indications en Suisse au 1er juillet 2017»). On peut noter la différence entre les 15% de réduction relative d’événements CV [3] et la réduction de moitié dans les analyses post hoc [10]. Ces résultats sont toutefois intéressants et seront complétés par d’autres études de phase 2 volontairement poursuivies pour 4 ans [7], cette fois-ci sans information sur les événements CV. De son côté, l’étude ODYSSEY OUTCOMES avec l’alirocumab se poursuivra jusqu’à début 2018 pour un suivi de durée similaire.
Par ailleurs, une méta-analyse de 24 études comprenant 10 159 patients a montré une diminution de la mortalité totale (OR 0,45, IC 95% 0,23–0,86, p = 0,015), une diminution de la mortalité CV (OR 0,50, IC 95% 0,23–1,10, p = 0,08) et de l’infarctus du myocarde (OR 0,49, IC 95% 0,26–0,93, p = 0,03) pour des patients traités par inhibiteurs de PCSK9 comparés au placebo [11]. A noter toutefois que la moitié des études portaient sur des patients atteints d’HF avec de ce fait un impact peut-être surestimé et qu’il s’agissait d’analyses post hoc ne visant pas les événements cliniques comme outcomes.
La diminution des événements CV est cohérente avec la diminution des taux de LDLC (l’adage «the lower the better»), mais reste-t-il d’autres mécanismes inconnus sur le plan CV? Un effet sur les autres fractions de lipides, la stabilisation de la plaque athéromateuse ou l’altération de la cascade inflammatoire pourraient contribuer à réduire le risque CV, mais devront être étudiés dans le futur [12].

Sécurité

Hormis les effets CV bénéfiques, la question est de savoir si un taux de LDLC trop bas est délétère à long terme, par exemple sur le plan neurocognitif, hormonal ou pour d’autres organes (tab. 1).
Pour répondre à cette question, certains se réfèrent aux participants n’ayant aucune PCSK9 circulante dans la cohorte américaine [6] due à une mutation inactivant chaque allèle du gène PCSK9. Ces personnes ont des taux de LDLC effondrés, mais ne développent pas de trouble neurologique ou hormonal à long terme. ­Toutefois, le contre-argument est que ces personnes sont nées avec ces taux très bas et ne subissent pas les grosses variations liées à l’introduction (et parfois l’arrêt) d’un inhibiteur de PCSK9 chez quelqu’un portant le gène PCSK9 fonctionnel.
Les effets indésirables reconnus sont parfois des épisodes de nasopharyngite, d’état grippal et surtout 4–6% de réactions au site d’injection (prurit, rougeur, tuméfaction) [7, 8]. Les réactions allergiques généralisées semblent avoir une incidence similaire dans les groupes traités et placebo pour l’alirocumab (traitement 10,1% vs placebo 9,5%) [8] et pour l’évolocumab (traitement 3,1% vs placebo 2,9%) [3], même si le design de ces études n’a probablement pas la puissance nécessaire pour une conclusion définitive sur les effets indésirables.
Des effets neurocognitifs suite à la baisse majeure des taux de LDLC ont été évoqués de manière analogue aux statines. Une récente méta-analyse de 11 études randomisées comprenant 10 656 patients révèle une association entre la prise d’inhibiteurs de PCSK9 et une légère hausse de troubles neurocognitifs (0,8% vs 0,5%, OR 1,29, IC 95% 0,64–2,59) [13]. La définition des troubles cognitifs était cependant peu précise: il s’agissait d’événements relatés par les participants («self-reported») sans diagnostic médical objectif et les petites études montraient des résultats favorables (pas plus de troubles neurocognitifs), alors que les deux grandes études disponibles à ce moment-là (OSLER et ODYSSEY LONG-TERM) montraient un faible effet négatif des anticorps comparés au placebo [13].
L’étude FOURIER ne montre pas de différence dans le nombre de cas de troubles neurocognitifs ou d’AVC hémorragique [3]. Suite à la mise en garde de la FDA quant aux possibles effets cognitifs des statines, la sous-étude EBBINGHAUS financée par le fabricant a inclus près de 2000 participants de FOURIER dans le but d’étudier les possibles effets neurocognitifs de l’évolocumab au moyen d’une large batterie de tests de mémoire [4]. Cette étude présentée à un congrès devrait être publiée prochainement et ne semble pas montrer d’effet neurocognitif néfaste, selon les informations disponibles pour l’instant.
Les vitamines liposolubles et hormones stéroïdiennes pourraient être affectées par ces traitements et entraîner des conséquences défavorables (fracture, baisse d’acuité visuelle, hémorragie, insuffisance surrénalienne, stérilité…). Une analyse secondaire de l’étude DESCARTES ne montrait pas de réduction des taux de vitamine E ou des hormones stéroïdiennes cliniquement significative avec l’évolocumab [14]. L’étude ODYSSEY LONG TERM avec l’alirocumab n’a pas montré de baisse cliniquement significative des hormones ­stéroïdiennes, ni des vitamines liposolubles A, D, E et K. [15] Toutefois le suivi n’était qu’au maximum d’un an; d’autres études plus longues et détaillées sont nécessaires.
La cataracte est un autre effet secondaire montré dans une récente méta-analyse de 14 études de phases 2–3 ­et 4029 patients-années sous alirocumab et 2114 patients sous placebo/ézétimibe [15]. L’incidence de cataracte semblait plus élevée avec des taux de LDLC très bas <0,7 mmol/l (2,6% vs 0,8%, HR 3,4, IC 95% 1,6–7,4), mais il n’y avait par contre pas plus de nouveaux cas de diabète, de complications neurocognitives, ni de myalgies.
L’étude FOURIER ne montre pas de différence dans l’incidence de cataractes, de myalgies, ou de nouveau diagnostic de diabète (HR 1,05, IC 95% 0,94–1,17) [3] mais les études randomisées ont une puissance limitée pour explorer les effets indésirables. Nous pouvons nous attendre à de nombreuses analyses secondaires et de sous-groupes dans un futur proche qui nous fourniront plus de renseignements quant aux éventuels effets indésirables des inhibiteurs de PCSK9.

Efficacité à long-terme?

Les études les plus longues à ce jour restent toujours sous la barre des 5 ans, et seules des études post-marketing de longue durée pourront nous donner des informations sur le devenir des patients et la sécurité après plusieurs années.
Comme exemple de l’importance d’autres études, les résultats décevants du bococizumab, le 3e anticorps développé pour cibler la PCSK9 circulante, ont entraîné l’arrêt prématuré du programme entier d’études SPIRE [16]. Contrairement aux deux autres médicaments qui sont des anticorps complètement humains, celui-ci est un anticorps humanisé contenant encore 3% de séquence de souris. Ceci pourrait expliquer le développement d’anticorps dirigés contre le bococizumab et l’atténuation de son effet avec le temps. Plus ces anticorps étaient présents dans le sang, plus l’efficacité du médicament diminuait [16]. De plus, il y avait 10% de réactions au site d’injection avec le traitement contre 1% sous placebo, possiblement expliqué par les anticorps anti-médicament.

Atténuation des effets de l’évolocumab 
ou de l’alirocumab?

L’étude OSLER-1, la plus longue à ce jour, montrait un développement de nouveaux anticorps très rare (0,3%) et aucun anticorps neutralisant le médicament, ne ­faisant pas suspecter d’atténuation de l’efficacité à long terme, du moins sur les 4 ans de suivi avec l’évolocumab [7].
De leur côté, les chercheurs impliqués dans la recherche sur l’alirocumab ont fait savoir que ce médicament n’entraînait pas de développement d’anticorps et conservait toute son efficacité jusqu’à 1,5 an de suivi [17]. Leur grande étude sur les événements CV est attendue pour 2018 (ODYSSEY OUTCOMES).

Recommandations européennes et indications en Suisse au 1er juillet 2017

Selon un groupe d’experts européens, ces traitements sont recommandés dans 3 situations cliniques dans une publication récente avec des algorithmes structurés [10] (tab. 2):
Tableau 2: Comparaison des recommandations européennes et indications reconnues en Suisse.
Recommandations européennes [1]
1. Patients à très haut risque CV, défini par:
– la présence de maladie CV cliniquement manifeste: syndrome coronarien aigu, accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire, artériopathie ­oblitérante ischémique périphérique, anévrisme aortique, revascularisation ­coronarienne ou artérielle périphérique
– la présence de maladie CV sans équivoque à l’imagerie (coronarographie ou ­ultrason carotidien)
– un diabète avec atteinte d’organe cible ou d’autres facteurs de risque CV majeurs
2. HF hétérozygote
3. Myalgies sur prise de statines (avec ou sans élévation des créatines kinases) après tentative de 2–3 statines différentes chez des patients à très haut risque CV
Indications reconnues en Suisse [2]
1. Adultes atteints de maladie CV athérosclérotique clinique
a. LDLC >3,5 mmol/l en prévention 2°; et/ou
b. LDLC >2,6 mmol/l et maladie CV athérosclérotique progressive (répétition de syndrome coronarien aigu, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, ou autre revascularisation coronaire non prévue dans les 5 ans suivant un premier événement)
2. Adultes atteints d’HF hétérozygote avec
a. LDLC >5,0 mmol/l en prévention 1°; ou
b. LDLC >4,5 mmol/l associé à un ou plusieurs facteurs de risque supplémentaires:
– Diabète
– Lipoprotéine (a) >50 mg/dl
– Hypertension artérielle marquée
– Maladie CV athérosclérotique familiale clinique précoce (H <55 ans, F <60 ans)
3. (Evolocumab seulement) Patients atteints d’HF homozygote dès 12 ans
a. LDLC >5,0 mmol/l en prévention 1°
b. LDLC >3,5 mmol/l en prévention 2°
Conditions préalables au remboursement [2]
– Régime alimentaire approprié
– Autres facteurs de risques CV contrôlés: pression artérielle contrôlée, glycémie contrôlée avec hémoglobine glyquée <7,5%, recherche d’une abstinence à la nicotine.
– Les LDLC cibles ci-dessus ne sont pas atteints ≥3 mois de traitement hypolipémiant intensif à la dose maximale tolérée, soit ≥2 statines ± ézétimibe, soit ézétimibe + autre hypolipémiant.
Abréviations: CV = cardiovasculaire; F = femmes; H = hommes; HF = hypercholestérolémie familiale; LDLC = LDL-cholestérol.
1 Les recommandations européennes sont publiées par un groupe d’experts des Sociétés européennes de cardiologie et d’athérosclérose [10].
2 Les indications reconnues en Suisse sont éditées par l’OFSP (voir texte) [20].
1. Patients à très haut risque CV, défini par:
– la présence de maladie CV cliniquement manifeste;
– la présence de maladie CV sans équivoque à l’imagerie;
– un diabète avec atteinte d’organe cible ou d’autres facteurs de risque CV majeurs (tabagisme, hyper­tension marquée, hypercholestérolémie sévère).
2. HF hétérozygote
3. Myalgies sur prise de statines (avec ou sans élévation des créatines kinases) après tentative de 2–3 statines différentes chez des patients à très haut risque CV.
Pour les deux premiers groupes, les inhibiteurs de PCSK9 sont recommandés en 3e ligne, (1) si l’on ne parvient pas à atteindre le taux cible de LDLC avec une statine à dose maximale tolérée (atorvastatine 40–80 mg/j. ou rosuvastatine 20–40 mg/j.), (2) éventuellement en ­association avec l’ézétimibe 10 mg/j.
Bien qu’à haut risque CV, les patients avec une insuffisance rénale chronique (définie ici par une filtration glomérulaire <30 ml/min/1,73 m2) sont exclus de ces recommandations car les anticorps monoclonaux n’ont pas été testés dans cette situation [10].
Concernant le dépistage et le diagnostic de l’HF, les ­lecteurs peuvent se référer à l’article récent de Dr Brun et collègues [18] et rappelons l’utilité du score de «Dutch Lipid Clinic Network» pour l’aide au dépistage (tab. 3). Le diagnostic définitif de cette maladie héréditaire nécessite toutefois souvent un conseil et des tests génétiques, avec le besoin d’une consultation spécialisée au vu des implications pour la famille et les frais engendrés par l’analyse génétique (rarement couverts par l’assurance maladie). A noter toutefois qu’une mutation génétique expliquant un taux de LDLC ≥4,9 mmol/l n’est mise en évidence que dans 1,7–1,9% des cas [19].
Tableau 3: Score de «Dutch Lipid Clinic Network» pour le diagnostic de l’hypercholestérolémie familiale 
(adaptée du calculateur disponible sur www.gsla.ch).
CritèresScore
Antécédents familiaux ­(maximum 2 points)Parent du 1er degré avec:
– Maladie cardiovasculaire prématurée (hommes <55 ans, femmes <60 ans)
– LDL-cholestérol >5 mmol/l
– Xanthome tendineux et/ou arc cornéen

1
1
2
Parent du 1er degré <18 ans avec un LDL-cholestérol >95e percentile pour l’âge et le sexe2
Anamnèse personnelle ­(maximum 2 points)Maladie cardiaque ischémique précoce2
Maladie vasculaire cérébrale et/ou périphérique précoce1
Examen physique
(maximum 6 points)
Xanthomes tendineux6
Arc cornéen précoce avant 45 ans4
LDL-cholestérol
(maximum 8 points)
>8,5 mmol/l8
6,5–8,4 mmol/l5
5,0–6,4 mmol/l3
4,0–4,9 mmol/l1
Analyse génétiqueMutation d’un gène codant pour le LDL-récepteur, ApoB ou PCSK9
Interprétation>8 pointsHypercholestérolémie familiale «definitive» clinique
6–8 pointsHypercholestérolémie familiale probable
3–5 pointsHypercholestérolémie familiale possible
<3 pointsHypercholestérolémie familiale improbable

Niveau de preuves dans les recommandations

Il est important de souligner que le niveau de preuve des recommandations est différent selon les indications. Pour les patients avec maladie CV manifeste, le niveau de preuve est élevé. En effet, bien qu’il ne s’agisse que d’une seule étude, le bénéfice a été prouvé dans une étude randomisée. En ce qui concerne les autres indications (par exemple athérosclérose à l’ultrason ou diabète), ce ne sont pour le moment que des avis d’experts. Les recommandations devraient être appliquées en tenant compte du contexte global du patient.

Situation en Suisse au 1er juillet 2017

Les indications au traitement retenues par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ont été précisées avec leur introduction sur la liste des spécialités [20], reformulée ci-dessous (tab. 2):
1. Adultes atteints de maladie CV athérosclérotique clinique en prévention secondaire et un taux de LDLC >3,5 mmol/l; et/ou une maladie CV athérosclérotique cliniquement progressive (répétition de syndrome coronarien aigu, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, ou autre revascularisation coronaire non prévue dans les 5 ans suivant un premier événement CV) avec un taux de LDLC >2,6 mmol/l, ou
2. Adultes atteints d’HF hétérozygote sévère avec un taux de LDLC >5,0 mmol/l en prévention primaire; ou un taux >4,5 mmol/l associé à au moins l’un des facteurs de risque supplémentaires suivants: diabète, lipoprotéine (a) >50 mg/dl, hypertension artérielle marquée ou maladie CV athérosclérotique familiale clinique précoce (hommes <55 ans, femmes <60 ans), ou
3. (Evolocumab seulement) HF homozygote dès 12 ans avec un taux de LDLC >5,0 mmol/l en prévention primaire, ou un taux >3,5 mmol/l en prévention secondaire.
Les conditions de remboursement nécessitent un régime alimentaire approprié et le contrôle des autres facteurs de risque CV (pression artérielle, HbA1c <7,5% et recherche d’abstinence à la nicotine), ainsi qu’au moins 3 mois de traitement hypolipémiant intensif à la dose maximale tolérée, soit ≥2 statines ± ézétimibe, soit ézétimibe + autre hypolipémiant (en cas d’intolérance aux statines).
L’intolérance aux statines est retenue et peut entraîner le remboursement d’inhibiteurs de PCSK9 lorsque les tentatives avec plusieurs statines ont conduit à des myalgies, une élévation des créatine kinases (>5× la limite supérieure de la norme) ou une hépatopathie grave. A noter que l’utilisation de ces médicaments en prévention primaire lors d’intolérance aux statines, comme recommandé au niveau européen, n’est pas reconnue en Suisse et reste sujet à controverse [21].

Spécialités habilitées

Le diagnostic, la première prescription et des contrôles réguliers doivent être effectués par un médecin spécialiste en angiologie, cardiologie, endocrinologie/diabétologie, néphrologie, neurologie ou par un expert reconnu en lipidologie.
Finalement, un contrôle après 6 mois de traitement doit montrer une réduction d’au moins 40% du LDLC par rapport à la valeur sous traitement hypolipémiant intensif maximal ou un taux de LDLC <1,8 mmol/l doit être atteint (HF homozygote exclue).

Coûts des inhibiteurs de PCSK9

Deux études médico-économiques indépendantes ont montré que ces traitements ne sont pas toujours coût-efficaces. Dans des modèles de patients à risque CV élevé, Arrieta et collègues obtiennent un coût de 350 000 USD par année de vie QALY supplémentaire, pour un prix annuel du médicament de 14 000–15 000 USD [22]. Une autre étude (comprenant aussi une population avec HF) suggère que le coût annuel devrait être abaissé à 4250 USD pour atteindre un coût d’année supplémentaire QALY à 100 000 USD [23]. Ceci reste bien entendu basé sur des simulations et devra être réévalué dans de futures études avec des chiffres réels.
Selon les estimations européennes basées sur les récentes recommandations (EUROASPIRE IV) [24], près de 80% des patients en prévention secondaire pourraient bénéficier de ces traitements qui devront être administrés chroniquement [10]. Nous n’avons par contre pas retrouvé d’analyses médico-économiques au niveau européen ou suisse. A noter que le coût actuel de ces médicaments en Suisse est de 558 CHF par emballage (pour 4 semaines), soit 7264 CHF par an.

Perspectives

L’histoire de cette nouvelle classe thérapeutique illustre bien l’étroite collaboration entre chercheurs et cliniciens, ainsi que la rapidité du progrès médical. Moins de quinze ans se sont écoulés entre la mise en évidence du gène PCSK9 et l’application clinique de nouvelles molécules inhibitrices. En plus des anticorps monoclonaux ciblant la PCSK9 circulante, d’autres mécanismes d’inhibition sont en cours de développement comme l’interférence avec sa synthèse (siRNA): les ­résultats d’études de phase I et II sur l’inclisiran sont prometteurs, avec une baisse des taux de LDLC de près de 50% pendant six mois [25]. Une injection tous les six mois pourrait être une option très intéressante pour nos patients si ces résultats se confirment. Indépendamment du mécanisme utilisé, le développement de comprimés au lieu d’injections pourrait être intéressant pour l’acceptabilité du traitement et les coûts engendrés.
Pour conclure, les récentes études ont démontré l’efficacité clinique des inhibiteurs de PCSK9 en prévention CV secondaire, avec une sécurité acceptable. Les discussions entre l’OFSP et les fabricants a permis de préciser les indications et conditions d’utilisation de ces médicaments. Ces traitements restent toutefois encore chers et ne sont pas remboursés dans toutes les situations cliniques qui pourraient en bénéficier. La question est de savoir quel prix le système de santé est prêt et capable de payer pour une diminution efficace des événements CV.
Il convient de rappeler que ces maladies ont néanmoins une étiologie multifactorielle: la prise en charge des autres facteurs de risque CV ainsi que les mesures de style de vie sont donc primordiales pour le futur de nos patients.

L’essentiel pour la pratique

• Les inhibiteurs de proprotéine convertase subtilisine/kexine type 9 (PCSK9) sont un traitement récent de l’hypercholestérolémie, dont les recommandations varient toutefois selon les sociétés professionnelles.
• L’efficacité pour la diminution des événements cardiovasculaires en prévention secondaire vient d’être récemment démontrée.
• La sécurité concernant les effets secondaires à moyen terme (<5 ans) est acceptable. Concernant les effets à plus long-terme, d’autres études paraîtront dès 2018.
• En Suisse, les conditions d’utilisation de ce traitement ont été récemment précisées par l’OFSP dans trois indications distinctes: (1) la maladie cardiovasculaire athérosclérotique clinique en prévention secondaire, (2) l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote sévère et (3) pour l’évolocumab seul, l’hypercholestérolémie familiale homozygote.
• La prescription doit faire l’objet d’une demande de remboursement au médecin-conseil de l’assurance-maladie au préalable.
• Etant donné le coût actuel de ces traitements, nous recommandons une évaluation détaillée des possibles causes expliquant pourquoi les taux de LDL-cholestérol ne peuvent être abaissés. Selon les règles édictées par l’OFSP, l’évaluation doit être faite par un médecin spécialiste en angiologie, cardiologie, endocrinologie/diabétologie, néphrologie, neurologie ou un expert reconnu en lipidologie avant de faire la demande de remboursement, de débuter le traitement et de le poursuivre à long-terme.
BG a déclaré comme employé du service cardiologique des HUG avoir reçu un soutien à des frais de participation à des congrès de société ­savante par Amgen et Sanofi. Les autres auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Tinh-Hai Collet
Consultation des Lipides,
Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
CHUV, Av. de la Sallaz 8
CH-1011 Lausanne
tinh-hai.collet[at]chuv.ch