Diabète gestationnel
Stratégie ­diagnostique et thérapeutique

Diabète gestationnel

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/46
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03112
Forum Med Suisse 2017;17(46):1009-1014

Affiliations
CHUV, Lausanne,
Service d’Endocrinologie, Diabétologie et Métabolisme
Département Femme-Mère-Enfant
Division d’endocrinologie, diabétologie et obésité pédiatrique

Publié le 15.11.2017

Cet article présente les recommandations concernant le dépistage du diabète gestationnel, ses facteurs de risque, les options thérapeutiques, la prise en charge en postpartum ainsi que son impact sur la santé de la mère et de l’enfant.

Introduction

Le diabète gestationnel (DG) est une hyperglycémie diagnostiquée pour la première fois durant la grossesse qui ne remplit pas les critères d’un diabète [1, 2]. Néanmoins, le DG est étroitement associé au diabète de type 2, car ils partagent de nombreux facteurs physiopathologiques, essentiellement caractérisés par une résistance à l’insuline. Pendant la grossesse, cette résistance à l’insuline est principalement due à la production d’hormones placentaires antagonistes à l’insuline. Le DG est une des complications la plus fréquentes de la grossesse et elle est asymptomatique. En Suisse, sa prévalence est autour de 10% [3]. L’augmentation de la proportion de femmes obèses et/ou physiquement inactives en âge de procréer, l’âge moyen des femmes enceintes ainsi que les nouveaux critères diagnostiques expliquent en partie ce taux élevé.

Critères diagnostiques pour un diabète gestationnel

Initialement, les critères diagnostiques étaient choisis pour identifier les femmes à plus haut risque d’un futur développement d’un diabète. Basé sur une cohorte incluant plus que 20 000 femmes enceintes («Hyper­glycemia and Adverse Pregnancy Outcome» [HAPO]), les critères ont été adaptés pour identifier les seuils de glycémies liés à l’augmentation du poids de naissance, de la valeur du C-peptide dans le cordon, du taux de césarienne, de pré-éclampsie et de prématurité. Les seuils ont été définis par une augmentation de 75% du risque (OR 1,75), à savoir que les relations entre glycémies et la plupart des risques sont continues.
Ces critères ont été propagés au niveau international et beaucoup de pays les ont acceptés. Un dépistage universel en utilisant un test d’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) avec 75 g de glucose entre la 24e et 28e semaine d’aménorrhée est recommandé par plusieurs sociétés savantes internationales et nationales de diabétologie et de gynécologie-obstétrique, dont l’«American Diabetes Association» (ADA) [4, 5]. La Société Suisse de Gynécologie et Obstétrique en collaboration avec la Société Suisse d’Endocrinologie et de Diabétologie recommande de réaliser une HGPO à 75 g chez toutes les femmes enceintes entre la 24e et 28e semaine d’aménorrhée (screening universel) [6]. Une seule valeur pathologique suffit à poser le diagnostic d’un DG (tab. 1). Une HGPO pathologique ne devrait pas être répétée. Avant l’HGPO, une durée de jeûne de 8 heures est nécessaire. Toutefois, afin de ne pas fausser les résultats, il est essentiel de ne pas restreindre les femmes enceintes au niveau alimentaire les jours qui précèdent le test.
Tableau 1: Diagnostic du diabète gestationnel (DG) avec 
une hyperglycémie provoquée orale (HGPO) à 75 g de glucose entre 24–28èmes semaines d’aménorrhée (glycémie veineuse plasmatique).
Normesmmol/l
A jeun<5,1
1-h<10,0
2-h<8,5
Conversion mmol/l mg/dl: 18 mg/dl = 1 mmol/l, 1 mg/dl = 0,05 mmol/l. Le diagnostic de DG est posé lorsqu’au moins une valeur excède les normes.

Y-a-t-il des alternatives à l’HGPO?

Afin de simplifier la méthode, une réflexion autour de la réalisation d’une valeur de glycémie à jeun dans un premier temps a été menée. Si elle est ≥5,1 mmol/l, le diagnostic de DG est posé. Il n’est ainsi pas nécessaire de réaliser une HGPO.
Basée sur une étude menée aux Emirats Arabes Unis, il a été discuté de se passer d’une HGPO si la glycémie à jeun est <4,4 mmol/l. Ainsi une HGPO ne devrait être réalisé que si la valeur à jeun est ≥4,4 mmol/l et <5,1 mmol/l ce qui permettrait d’en diminuer significativement le nombre. Toutefois, une analyse récente faite à Genève et à Bâle a montré qu’en utilisant cette méthode sur plus de 2000 femmes, 21,5% des femmes avec un DG n’auraient pas été diagnostiquées [3].
La fructosamine n’est pas une option pour diagnostiquer un DG au vu sa variabilité. L’HbA1c peut être prédictive pour des complications durant la grossesse, mais sa prédictibilité est inférieure à celle d’une HGPO et l’établissement d’un seuil clair est débattu. Une HbA1c >5,9% lors du diagnostic d’un DG est associé avec un plus grand risque de macrosomie ou de grand poids de naissance selon l’âge gestationnel, de césarienne et de troubles hypertensifs, malgré une prise en charge. A noter que l’HbA1c est plus basse durant la grossesse (–0,5% à la fin du 1er trimestre).

Que faire après une chirurgie ­bariatrique?

Au cours de ces dernières années, on assiste à une augmentation du nombre de grossesses survenant après une chirurgie bariatrique. En Suisse, l’intervention du bypass gastrique reste l’intervention la plus fréquente mais la sleeve gastrectomie gagne en popularité. Comme toutes les femmes enceintes, les femmes ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique nécessitent un dépistage du DG pendant leur grossesse. A ce jour, ces femmes bénéficient donc d’une HGPO selon le même protocole que les femmes sans antécédent de chirurgie bariatrique. Si l’anneau gastrique n’a pas d’impact sur l’absorption du glucose, cette dernière est modifiée de manière significative en cas de bypass gastrique, et dans une moindre mesure en cas de sleeve gastrectomie. Ceci pose le problème de l’interprétation des résultats de l’HGPO, car plusieurs modifications sont observées dans le métabolisme glucidique après bypass gastrique («Roux-en-Y Gastric Bypass» [RYGB]). En particulier après une charge orale de glucose, on constate une élévation plus rapide et plus importante de la glycémie par rapport aux patientes non opérées et un retour à la glycémie de base plus précoce. Le nadir de la glycémie après une HGPO lors d’un RYGB est inférieur à la valeur préprandiale avec des épisodes assez fréquents d’hypoglycémie symptomatique 2 à 3 heures après la charge de glucose (dumping syndrome tardif). Dans ce contexte, des études sont en cours pour déterminer le meilleur moyen d’évaluer le risque de diabète gestationnel au sein de cette population.

Le dépistage tôt dans la grossesse

A l’heure actuelle, de plus en plus de femmes en âge de procréer souffrent d’obésité et/ou d’un diabète de type 2, diagnostiqué ou non. Ainsi, il fait sens de tester par une glycémie à jeun et une HbA1c les femmes avec des facteurs de risque pour un diabète à leur première visite prénatale en utilisant les même critères que pour le diabète en dehors de la grossesse (tab. 2).
Tableau 2: Critères internationaux de diagnostics (glycémie veineuse plasmatique).
Glycémies (mmol/l)NormoglycémiePrédiabèteDiabète
A jeun<5,65,6–6,9
(IFG)
≥7,0
2-h<7,87,8–11,0
(IGT)
≥11,1
HbA1c (%)<5,75,7–6,4≥6,5
IFG: «impaired fasting tolerance»; IGT: «impaired glucose tolerance»
Une femme avec un DG diagnostiqué dans le 1er trimestre est plus à risque de développer de complications. Au vu du manque d’étude évaluant l’impact d’une intervention, le diagnostic de DG durant le 1er trimestre reste controversé. Entre temps, l’«International Association of Diabetes and Pregnancy Study Group Recommendation» propose qu’une valeur de glycémie veineuse à jeun comprise entre 5,1–6,9 mmol/l dans le 1er trimestre suffit à poser le diagnostic d’un DG. Si ce dépistage est normal, une HGPO à 24–28 semaines d’aménorrhée est recommandé. A savoir que dans le 2e trimestre, des prises en charge plus précoces sont plus efficaces.

Facteurs de risque

Le développement du DG est associé à divers facteurs génétiques, environnementaux et comportementaux. Il faut toutefois savoir que seules 50–80% des femmes souffrant de DG présente un ou plusieurs des facteurs de risque connus.
Selon ADA, les facteurs de risque du DG sont les mêmes que ceux de l’intolérance au glucose et du diabète de type 2 en dehors de la grossesse. Ces critères sont également considérés par d’autres sociétés et sont principalement les suivants:
– Surpoids (BMI >25 kg/m2 ou >23 kg/m2 chez les asiatiques) avec au moins un autre facteur de risque ou une obésité (BMI >30 kg/m2);
– antécédent de DG ou d’intolérance au glucose;
– antécédent familial de premier degré pour un diabète de type 2;
– ethnie: afro-américaine, hispanique, amérindienne, aborigène;
– syndrome Polycystic d’Ovaire (PCOS);
– inactivité physique;
– maladie ou facteurs de risque cardiovasculaire.
D’autres facteurs de risque spécifiques ont été observés durant la grossesse, tels que:
– prise pondérale gestationnelle excessive selon les recommandations de l’Institut de médecine;
– inactivité physique;
– apport alimentaire excessif en lipides, en saccharose ou en protéines animales et une consommation insuffisante de fibres.
D’autres éléments ont également été corrélés à un risque plus élevé de DG. Ces derniers sont un isolement social, un score de dépression élevé au début de la grossesse, une exposition au stress excessive, comme des événements de vie majeurs et un déficit en vitamine D.

Impact du diabète gestationnel

De nombreux risques et complications liés au DG durant la période périnatale sont connus, tels que pour la mère la pré-éclampsie, la césarienne, l’accouchement prématuré, l’hydramnios et pour l’enfant, la macrosomie (poids de naissance >4 kg) et l’hypoglycémie néonatale ainsi que des complications plus rares comme une dystocie des épaules, des lésions traumatiques secondaires, une détresse respiratoire, une hyperbilirubinémie, une hypocalcémie et/ou un séjour en soins intensifs [5].
Les risques à long terme sont toutefois moins connus et sont pour la mère une augmentation du risque de développer un syndrome métabolique, un diabète de type 2 (7× plus fréquent), un risque d’un autre DG (30–70%) et des maladies cardiovasculaires. Notre cohorte incluant plus de 500 femmes montre que plus d’un tiers gardent un diagnostic de prédiabète après l’accouchement. En ce qui concerne les enfants, l’obésité et/ou le DG de leurs mères durant la grossesse augmentent leur risque d’obésité pédiatrique et de diabète de type 2 sur le long terme.
Au cours de ces dernières années, la programmation métabolique intra-natale et même les effets épigénétiques ont suscité un intérêt croissant. Une étude a d’ailleurs récemment démontré que l’obésité maternelle engendrait plus d’admission à l’hôpital pour un événement cardiovasculaire et une mortalité augmentée chez les descendants [7]. Ce risque est également observé chez les descendants de mères en surpoids, mais de manière plus modérée.
L’alimentation durant la grossesse et les déficits en certaines vitamines ont également été associés à des changements de la composition corporelle chez le nouveau-né. De plus, le stress et/ou la dépression maternelle durant la grossesse changent l’expression placentaire des récepteurs glucocorticoïdes et peuvent favoriser un retard de croissance intra-utérin. Le retard de croissance est associé à une stimulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, augmentant le risque d’obésité centrale et de résistance à l’insuline chez l’enfant. Compte tenu de la prévalence croissante de l’obésité pédiatrique et des problèmes métaboliques associés, l’existence d’un lien étroit entre la santé métabolique de la mère et de l’enfant fait de cette période périnatale une chance d’accompagner non seulement la mère pour améliorer sa santé, mais aussi celle des futures générations [5].

Thérapies

Le suivi des glycémies

L’autosurveillance de la glycémie est la première mesure à mettre en place lors du diagnostic de DG. La mesure de la glycémie permettra de mesurer les effets des actions mises en place par les modifications du style de vie ou d’évaluer la nécessité d’introduire une thérapie médicamenteuse complémentaire. Les glycémies capillaires devraient être réalisées avec des appareils obéissant à la norme ISO 15197:2013 qui assure plus de crédibilité aux mesures aussi bien dans leur valeur absolue que dans leur reproductibilité.
Pour la plupart des femmes avec un DG, une auto-surveillance glycémique capillaire devrait être effectuée 4×/jour, le matin à jeun et après les 3 repas. Les seuils recommandés par les différentes sociétés nationales et internationales se basent sur les plus grandes études et celles qui sont méthodologiquement les plus performantes (tab. 3). A noter que les grandes études considèrent généralement les glycémies à jeun et celles 2 heures postprandiales, raison pour laquelle elles sont les plus utilisées en clinique. Dans certaines situations, des glycémies à 1h peuvent être plus appropriées. En ce qui concerne les cibles glycémiques en Suisse, nous noterons qu’il s’agit d’un consensus d’expert entre la Société Suisse d’Endocrinologie et Diabétologie et la Société Suisse des Gynécologues-Obstétrique qui ont arrondi les chiffres par rapport aux standards internationaux. Si les seuils de glycémies capillaires sont tenus uniquement par le style de vie, la fréquence des contrôles pourrait être rediscutée avec le personnel soignant.
Tableau 3: Les différents objectifs glycémiques capillaires dans le suivi d’un diabète gestationnel.
GuidelinesA jeun1 h post prandiales2 h post prandiales
ADA 2017≤95 mg/dl soit 5,3 mmol/l≤140 mg/dl soit 7,8 mmol/l≤120 mg/dl soit 6,7 mmol/l
NICE 2017≤5,3 mmol/l≤7,8 mmol/l≤6,4 mmol/l
SSED≤5,3 mmol/l≤8,0 mmol/l≤7,0 mmol/l
ADA: «American Diabetes Association»; NICE: «National Institute for Health and care excellence»; SSED: Société Suisse d’Endocrinologie et de Diabétologie

Alimentation

Toutes les sociétés savantes s’accordent à dire que l’alimentation joue un rôle prépondérant dans le traitement du DG. C’est pourquoi, des conseils nutritionnels sont recommandés pour toute femme présentant un DG. Les buts de la prise en charge diététique sont de participer à l’amélioration des glycémies et d’assurer un apport nutritionnel adéquat.
Un des objectifs de la prise en charge nutritionnelle est de promouvoir une alimentation équilibrée et structurée. Les recommandations alimentaires pour toute femme enceinte s’appliquent pour les femmes présentant un DG. La spécificité des conseils proposés réside dans la quantité et la qualité des glucides. L’«Endocrine Society», recommande un apport limité en glucides (35–45% de l’apport énergétique total) et les recommandations anglaises préconisent de favoriser les aliments avec un index glycémique faible. Quelques études, dont les échantillons sont restreints, ont mis en évidence qu’une alimentation avec un index glycémique bas pouvait avoir un effet bénéfique sur le contrôle glycémique et le nombre de patientes mises sous insuline.
La prise en charge nutritionnelle vise également à maintenir la prise de poids dans les limites des valeurs recommandées. Pour les femmes en surpoids ou obèses, L’«Endocrine Society» propose une réduction des apports alimentaires d’un tiers, en veillant néanmoins à maintenir un apport minimum de 1600 à 1800 kcal/jour.
Même si la période de suivi est courte, l’enjeu de la prise en charge à court et moyen terme est important. En effet, les conseils donnés ont pour but de renforcer un comportement de santé susceptible de réduire le risque de développer un diabète dans le futur. De ce fait, pour être maintenus au-delà de la grossesse, les conseils doivent être individualisés pour chaque patiente, en fonction de leurs préférences personnelles et culturelles.

L’activité physique

En absence de contre-indication obstétricale, l’«Endocrine Society» recommande entre autre un minimum de 30 minutes d’activité physique par jour à une intensité modérée comme traitement initial du DG. Toutefois, aucune recommandation spécifique n’est donnée concernant le type ni le moment auquel la ­pratique de l’activité physique pourrait avoir les effets les plus bénéfiques sur le contrôle glycémique. Dernièrement, une revue de la littérature a repris différentes études d’intervention dont l’objectif était l’amélioration du contrôle glycémique par la pratique de différentes activités. Des exercices à composante aérobie étaient entre autre proposés (vélo stationnaire, marche ou exercices de renforcement musculaire à l’aide de bande élastique). Les interventions étaient variables, tant dans leur durée, de 20 à 45 minutes, leur fréquence de 3 à 5 fois par semaine et leur intensité de légère à modérée [5]. Parmi les sept études retenues, cinq ont montré une amélioration du contrôle glycémique et/ou une diminution de l’administration d’insuline.

Approches psychosociales

Dernièrement, l’ADA a édité de nouvelles recommandations quant au dépistage de la dépression chez les femmes avec un DG. Elle propose d’évaluer ces femmes au travers d’outils tels que les deux questions de Whooley et l’«Edinburgh Postnatal Depression Scale». La dépression est un facteur de risque pour le développement d’un DG parce qu’elle peut influencer négativement l’adhérence au changement de style de vie et au traitement. Le traitement de la dépression peut être une psychothérapie et/ou l’administration d’un traitement antidépresseur.
Enfin, la plupart des femmes sont bouleversées et en détresse après le diagnostic de DG. Le soutien psychosocial et le réconfort offert par des professionnels de la santé, en particulier pendant la phase initiale du diagnostic, est crucial. Idéalement, les professionnels de la santé mentale qualifiés devraient être disponibles dans le cadre d’un service de DG pour des patients sélectionnés [5].

Traitements médicamenteux

De façon générale, les deux semaines qui suivent le diagnostic de DG sont dédiées à l’évaluation des glycémies avec des modifications au niveau du style de vie sauf en présence de glycémies très élevées ou quand la grossesse est déjà très avancée. Un traitement médicamenteux est proposé lorsque les changements alimentaires ou l’activité physique ne permettent pas d’atteindre un équilibre glycémique. A savoir que cela concerne 20 à 60% des femmes présentant DG.
Le traitement pharmacologique standard pour les femmes atteintes de DG est l’insuline, car elle ne traverse pas la barrière placentaire. L’insulinothérapie a la fonction de réduire le pic glycémique post-prandial ou d’inhiber la gluconéogenèse durant les périodes de jeûne. Concernant les insulines basales, l’insuline NPH (Insulatard®, Huminsulin® Basal NPH), l’insuline détémir (Levemir®) et l’insuline glargine (Lantus®/Toujeo®/Abasaglar®; rarement nécessaire dans le contexte d’un DG) sont admises durant la grossesse. Concernant les insulines repas, les analogues ultrarapides aspart (Novorapid®) et lispro (Humalog®) sont admises durant la grossesse.
En Suisse, les antidiabétiques oraux sont utilisés de manière «off-label» durant la grossesse et l’allaitement. Leur emploi comme traitement complémentaire du DG pourrait toutefois devenir de plus en plus populaire car leur utilisation est plus acceptable et qu’ils coûtent moins chers que l’insuline sous-cutanée et sont plus faciles à administrer. La metformine exerce son action hypoglycémiante à travers l’inhibition de la glucogenèse au niveau hépatique et l’augmentation de la sensibilité à l’insuline. Toutefois, l’insuffisance rénale est une contre-indication à la prescription de metformine. La metformine peut être associée à des troubles gastro-intestinaux, à une absorption réduite en vitamine B12 tandis que l’acidose lactique maternelle est rare. La metformine est connue pour traverser le placenta et son utilisation ne semble pas entraîner des anomalies fœtales. Très peu de metformine est transférée dans le lait maternel, ainsi son utilisation pendant l’allaitement semble sûre, bien que peu d’études le confirment. Une étude randomisée a été menée en 2008 par Rowan et al. [8] a révélé une absence de différences significatives en termes d’hypo­glycémie néonatale, détresse respiratoire, ictère, dystocie et admission en néonatologie entre la metformine et l’insuline. Par contre, sa sécurité à long terme est encore incertaine. Des milliers de femmes avec un DG ont été étudiées, mais peu ont étudié les enfants à long terme. A savoir que dans un tiers des cas, l’utilisation de la metformine seule n’est pas suffisante pour atteindre l’équilibre glycémique et le recours à l’insuline est nécessaire. Certains éléments peuvent être prédictifs quant au succès thérapeutique de la metformine et de l’insuline (tab. 4).
Tableau 4: Possibles indicateurs pour le choix du traitement en fonction 
des ­caractéristiques de la patiente (adapté de [10]).
 MetformineInsuline
BMI<35 kg/m2>35 kg/m2
Glycémie à jeun<5,6 mmol/l>6,1 mmol/l
AG au moment du diagnosticAvancéePrécoce
AntécédentsPas de DGDG précédent
Risque hypoglycémieAbsentPrésent
Souhait patientePeur des injections 
BMI = «body mass index», AG = âge gestationnel, DG = diabète gestationnel
Une métanalyse ayant comme objet la comparaison entre l’insuline et les traitements oraux a récemment été effectué [9]. Six études comparant la metformine à l’insuline ont mis en évidence une réduction de la prise pondérale maternelle (–1 kg), une réduction de l’hypo­glycémie néonatale (RR 0,62), une réduction de l’âge gestationnel (–0,16 semaines) ainsi qu’un risque accru d’accouchement prématuré (RR 1,5). Ces études ont montré une réduction de l’hypertension artérielle maternelle (RR 0,5) et la réduction des glycémies postprandiales (–0,14 mmol/l).

Le dépistage postpartum

Le DG disparaît généralement après l’accouchement, toutefois un tiers des femmes de notre cohorte et jusqu’à 40% dans d’autres populations auront un diagnostic de pré-diabète quelques semaines après leur accouchement. Le risque de développer un diabète après un DG est élevé. L’ADA recommande de réaliser une HGPO à 75 g en postpartum pour évaluer si un diabète ou un pré-diabète persisterait après la grossesse.
En Suisse, pour des raisons assécurologiques et métaboliques, ce dépistage est recommandé entre 6–8 semaines postpartum. Les critères de diabète sont dès lors les mêmes qu’en dehors de la grossesse. Par la suite, un contrôle métabolique est recommandé tous les 1–3 ans.

Conclusion

Le DG est une maladie fréquente et asymptomatique. Un dépistage universel est recommandé en Suisse et la prise en charge inclut l’autosurveillance de la glycémie capillaire, une prise en charge diététique, une activité physique régulière d’une intensité modérée ainsi qu’une intégration des aspects psychosociaux et, si besoin, un traitement médicamenteux. Due à son impact sur la santé future de la mère et de l’enfant une prise en charge globale durant et après la grossesse représente un enjeu et une chance pour la santé publique.

L’essentiel pour la pratique

• En Suisse, la Société Suisse de Gynécologie et Obstétrique en collaboration avec la Société Suisse d’Endocrinologie et de Diabétologie recommande de réaliser une hyperglycémie provoquée orale (HPGO) à 75 g chez toutes les femmes enceintes entre la 24e et 28e semaine d’aménorrhée. Une seule valeur pathologique suffit à poser le diagnostic de diabète gestationnel (DG).
• Le développement du DG est associé à de multiples facteurs de risque, toutefois, seule 50–80% des femmes souffrant de DG ont un facteur de risque.
• L’autosurveillance de la glycémie est la première mesure à mettre en place lorsqu’un diagnostic de DG est posé.
• Une thérapie nutritionnelle est recommandée chez toute femme présentant un DG. Une activité physique modérée quotidienne fait également parti du traitement initial du DG.
• Les femmes avec un DG devraient être dépistées pour la dépression qui peut influencer négativement l’adhérence au changement de style de vie et aux traitements.
• Le DG disparaît généralement après l’accouchement bien qu’un tiers des femmes aient un diagnostic de pré-diabète quelques semaines après leur accouchement. L’ «American Diabetes Association» recommande de réaliser une HGPO à 75 g en postpartum pour évaluer le métabolisme glucidique, pour la Suisse nous recommandons ce test entre 6–8 semaines postpartum.
Les auteurs remercient Antje Horsch, psychologue de recherche au CHUV, ainsi que Stefano Lanzi, Maître de sport, chargé de recherche au CHUV, pour leur contribution à la rédaction de l’article.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. Jardena Puder
Médecin adjointe
Consultation Diabète
gestationnel
Service d’Endocrinologie
Diabétologie et Métabolisme CHUV
CH-1011 Lausanne
jardena.puder[at]chuv.ch
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