Hématologie: OMS 2017: avancée, régression ou détour?
Hématologie

Hématologie: OMS 2017: avancée, régression ou détour?

Schlaglichter
Édition
2018/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03150
Forum Med Suisse 2018;18(03):52-54

Affiliations
Institut für medizinische Genetik und Pathologie, Universitätsspital Basel, Basel
* Les deux auteurs ont contribué à part égale à la réalisation de cet article.

Publié le 17.01.2018

Neuf ans plus tard, la classification révisée de l’OMS relative aux néoplasies du tissu lymphoïde et du tissu hématopoïétique est disponible – qu’est-ce qui a changé? Les acronymes tels que COO, HGBL et MEATL font leur apparition, et d’actuels résultats de recherche révèlent en outre des rapports significatifs du point de vue biologique et clinique.

Contexte

Depuis la publication de la dernière classification des néoplasies du tissu lymphoïde et du tissu hématopoïétique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 2008, de nouvelles découvertes révolutionnaires ont été réalisées grâce à d’innovantes possibilités des analyses moléculaires comme par exemple le séquençage de nouvelle génération («next generation sequencing») et de nombreuses études cliniques pathologiques. Pour cette raison, il existe depuis peu une révision de la 4e édition de la classification de l’OMS (qui, pour des raisons formelles, n’est pas considérée comme la 5e édition). Nous vous présentons ici les principales modi­fications concernant les lymphomes et discutons de leur pertinence pratique. Pour permettre une meilleure vue d’ensemble, toutes les innovations traitées ainsi que les autres modifications significatives sont présentées encore une fois dans le tableau 1.
Tableau 1: Aperçu des principales modifications de la nouvelle classification de l’OMS.
Type de lymphomeModifications/innovations
Lymphome diffus à grandes ­cellules B (DLBCL)Obligatoire: Classification dérivée de la cellule d’origine (COO):
– Type centre germinatif («germinal center type» [GC])
– Type cellules B activées («activated B-Cell-Type» [ABC])
– Non classifiable
Facultatif: «Double Expressor Score» (DES): BCL2 et c-Myc
DLBCL EBV positif, NOSEntité autonome; remplacement de l’entité provisoire «patients âgés atteints de DLBCL et EBV positifs»
Lymphome à cellules B de haut grade (HGBL)Remplacement de la catégorie «lymphomes de zone grise»,
ceux-ci sont caractérisés par:
– Pathologie de type Burkitt (HGBCL, NOS)
– Altérations génétiques de MYC et BCL2 et/ou BCL6 (HGBCL, DH/TH)
Lymphome à cellules du manteau (MCL)Classification en:
– MCL classique (SOX11 positif)
– MCL leucémique, non nodal (SOX11 négatif)
Lymphome folliculaire (FL)A distinguer du FL classique:
– FL duodénal: variante spécifique avec pronostique excellent
– FL, type pédiatrique: entité autonome, remplacement de l’entité provisoire ­«FL ­pédiatrique»
Néoplasie folliculaire in situ/ néoplasie à cellules du manteau in situRemplacement de la catégorie des «lymphomes in situ», afin d’exprimer le faible potentiel de progression. Ils constituent toutefois des lésions indicatrices de lymphomes.
Lymphome lymphoplasmocytaire (LPL)Mise en évidence d’une mutation de MYD88 (>90%)
Leucémie à tricholeucocytes (HCL)Mise en évidence d’une mutation de BRAF (>95%)
Lymphome de Hodgkin nodulaire à prédominance lymphocytaire ­(NLPHL)Indication du modèle de croissance histologique selon Fan
Lymphome T nodal2 nouvelles entités provisoires:
– Lymphomes T folliculaires
– Lymphomes T périphériques avec phénotype de cellules T helper
Lymphome anaplasique à grandes cellules ALK négatif (ALCL)Entité autonome: ALCL, ALK négatif (forme exceptionnelle provisoire: associée aux ­implants mammaires)
Lymphome T associé à une ­entéropathie (EATL)Anciennement EATL de type I: EATL
Anciennement EATL de type II: lymphome T intestinal monomorphe épithéliotrope (MEATL)
COO: «cell of origin»; EBV: virus Epstein-Barr; NOS: «not otherwise specified»

Les principales modifications

Selon nous, les principales modifications se retrouvent dans le domaine des «lymphomes agressifs à cellules B». Il s’agit de la mention obligatoire de la «classification dérivée de la cellule d’origine» («cell of origin [COO] classification») dans le cas des lymphomes diffus à grandes cellules B (DLBCL) de novo et de l’introduction du concept des «lymphomes à cellules B de haut grade» (HGBL).
Avec la classification COO, les DLBCL sont répartis dans trois groupes différents, le type «centre germinatif» («germinal center [GC] type»), le type «cellules B activées» («activated B-cell [ABC] type») et les cas non classifiables. Contrairement aux premières études prometteuses du début des années 2000, la pertinence pronostique et thérapeutique – à la différence de la ­signification en matière de biologie tumorale – est toutefois contestée au vu de nouvelles études. Le choix de la méthode destinée à déterminer la COO est libre ­(immunohistochimie, Nanostring®, «gene expression profiling», etc.). Si des algorithmes immunohistochimiques sont utilisés, seule la distinction entre «type GC» et «type non GC» est possible, car les cas non classifiables ne peuvent pas être répertoriés ainsi.
L’examen de l’expression des protéines MYC et BCL2, appelée «double-expressor score», est un concept d’une certaine manière concurrent en termes d’identification de biomarqueurs pronostiques. Plusieurs études sont parvenues à prouver à ce sujet une pertinence diagnostique sous traitement standard R-CHOP. Toutefois, cette analyse des biomarqueurs n’est qu’optionnelle, contrairement à la classification COO.
Autre nouveauté: l’introduction du concept «HGBL», qui remplace la catégorie quelque peu encombrante et vague des «lymphomes de zone grise présentant des caractéristiques d’un DLBCL et d’un lymphome de Burkitt». Les HGBL sont définis de deux manières différentes: (1.) en termes de morphologie et de phénotype (lymphomes similaires au lymphome de Burkitt [HGBL-NOS]) ou (2.) du point de vue génétique (sans tenir compte de la morphologie) avec des translocations de MYC (toujours), BCL2 et/ou BCL6 («HGBL-double-hit/triple hit» [DH/TH]). Toutefois, cela va à l’encontre de l’objectif de simplification de cette catégorie, puisqu’en fin de compte, la manière dont principalement les HGBL-DH/TH doivent être identifiés n’est pas clairement définie. En raison de la rareté de ces lymphomes (4–6% des ­DLBCL, «not otherwise specified» [NOS]), des algorithmes sensibles et spécifiques sont nécessaires pour limiter à un minimum raisonnable les examens génétiques négatifs. La distinction entre DLBCL et HGBL est pertinente sur le plan clinique, étant donné que les HGBL nécessitent une chimiothérapie (pas encore déterminée de manière définitive) plus agressive par rapport aux DLBCL standard.
De même, le raisonnement des «entités provisoires» a pu être confirmé sur l’exemple des «patients âgés atteints de DLBCL et présentant un résultat positif pour le virus Epstein-Barr (EBV)». Entre-temps, plusieurs études se sont consacrées à ce sous-groupe des DLBCL et ont montré que la description initiale du tableau clinique ne correspondait pas à la réalité et que l’entité nécessitait une reformulation (le critère d’âge >50 ans disparaît), d’où la nouvelle dénomination «DLBCL EBV positif, NOS» («not otherwise specified»).
Dans la classification de l’OMS de 2008, le terme de ­lésion «in situ» a été introduit pour le lymphome folliculaire et le lymphome à cellules du manteau. Etant donné que de nombreuses études ont montré que les deux lésions présentaient un faible risque de progression, leur nom a été transformé en «néoplasie folliculaire/ à cellules du manteau in situ» par analogie aux adaptations concernant les tumeurs solides, afin d’éviter le terme de «lymphome». Malgré son caractère en soi bénin, sa survenue est associée à des lymphomes manifestes de sorte qu’un examen diagnostique clinique correspondant du patient semble judicieux ­(lésions indicatrices).
D’autres avancées considérables en termes de caractérisation génétique de certains lymphomes trouvent désormais leur place dans le volume de l’OMS, dont ­notamment la mutation de MYD88 dans le cas des ­lymphomes lymphoplasmocytaires et la mutation de BRAF en présence d’une leucémie à tricholeucocytes. Outre leur signification lors du diagnostic initial, ces marqueurs constituent – de la même manière que pour diverses néoplasies myéloïdes – des marqueurs très sensibles pour l’évaluation de l’évolution ainsi que des structures cibles thérapeutiques (vemurafenib ou ibrutinib).
Dans le cas de divers lymphomes à cellules T, tels que le lymphome T périphérique «not otherwise specified» (PTCL-NOS) et le lymphome anaplasique à grandes ­cellules ALK négatif (ALCL, ALK négatif), une autre sous-classification a été effectuée en raison de mu­tations typiques présentant déjà une signification pronostique dans de premières études. Par ailleurs, une contradiction nomenclaturale a été rectifiée en renommant le lymphome T associé à une entéropathie de type 2, qui ne présente aucune association avec la ­maladie cœliaque sur le plan clinique, en «lymphome T intestinal monomorphe épithéliotrope» (MEATL). Ici également, les deux types de lymphome présentent des profils génétiques différents.

Discussion

Globalement, la révision de la classification de l’OMS est à considérer comme une grande avancée pour la ­pathologie et l’hématologie/oncologie, puisqu’au cours des dernières années, il a été possible de découvrir et de valider de nombreux biomarqueurs significatifs sur les plans diagnostique, pronostique ainsi que thérapeutique, et d’atteindre en outre une meilleure compréhension de la biologie tumorale et du tableau clinique de divers lymphomes.
La signification thérapeutique et pronostique de la classification COO des DLBCL ainsi que les problématiques encore en suspens de l’identification et du traitement adéquat des HGBL-DH/TH sont à considérer comme un «détour» dont le potentiel pour l’avenir reste encore à prouver. Pour répondre à ces questions, d’autres études prospectives internationales sont nécessaires, dont nous espérons que les résultats se refléteront dans la prochaine (5e) classification de l’OMS.
La définition du «hit» en cas de HGBL-DH/TH exclu­sivement comme translocation génétique sans tenir compte du partenaire de translocation (Ig versus non-Ig), des amplifications ou mutations géniques – ce qui ne couvre certainement pas l’ensemble de la biologie tumorale de ses lymphomes – doit probablement être considérée comme provisoire, jusqu’à ce que d’autres données concernant cette catégorie des lymphomes agressifs, qui reste mal définie, soient disponibles.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. ­Stefan ­Dirnhofer
Institut für medizinische Genetik und Pathologie
Universitätsspital Basel
Schönbeinstrasse 40
CH-4031 Basel
stefan.dirnhofer[at]usb.ch
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4 Swerdlow SH, CampoE, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, Thiele J, (Eds). WHO Classification of Tumours of Haematopoietic and Lymphoid Tissues (Revised 4th edition). IARC: Lyon 2017.
5 Tzankov A, Xu-Monette ZY, Gerhard M, Visco C, Dirnhofer S, Gisin N, et al. Rearrangements of MYC gene facilitate risk stratification in diffuse large B-cell lymphoma patients treated with rituximab-CHOP.Mod Pathol. 2014;27(7):958–71.