Gynécologie et obstétrique: «gynécologie suisse» montre la voie vers l’avenir
Gynécologie et obstétrique

Gynécologie et obstétrique: «gynécologie suisse» montre la voie vers l’avenir

Schlaglichter
Édition
2018/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03164
Forum Med Suisse 2018;18(03):49-51

Affiliations
Geschäftsführender Co-Klinikdirektor, Universitätsklinik für Frauenheilkunde, Inselspital, Bern
Vorsitzender Departement Qualität, Recht und Ethik, Schweizerische Gesellschaft für Gynäkologie und Geburtshilfe (SGGG) / gynécologie suisse

Publié le 17.01.2018

Regroupement des sociétés suisse, allemande et autrichienne de gynécologie et d’obstétrique: un programme commun de lignes directrices en faveur d’une haute qualité thérapeutique basée sur des preuves.

Contexte

Gynécologie suisse / SGGG est la première société de spécialité médicale suisse à avoir conclu un accord de collaboration avec les sociétés allemande et au­trichienne de gynécologie et d’obstétrique DGGG et ÖGGG, en vue de l’élaboration de lignes directrices. Des recommandations de haute qualité, conformes à l’AWMF (Association des sociétés scientifiques et mé­dicales d’Allemagne) relatives à divers domaines thématiques des disciplines gynécologie / oncologie gynécologique, obstétrique / médecine fœto-maternelle et endocrinologie gynécologique / médecine reproductive, sont formulées dans des groupes de travail communs.

Lignes directrices relatives à l’amélioration de la qualité de l’acte médical

La qualité de la prise en charge médicale est évaluée au cas par cas non seulement en fonction du résultat effectif pour la patiente, mais aussi de plus en plus en tenant compte de la manière dont le diagnostic et le traitement s’appuient sur des preuves scientifiques. Ces preuves augmentent dans une mesure encore jamais atteinte. Avec l’amélioration des connaissances de base et le développement de nouvelles méthodes diagnostiques et d’options thérapeutiques suite à la recherche trans­lationnelle, le besoin en études destinées à confirmer leur efficacité continue de croître. Par conséquent, de nouvelles informations sont rendues disponibles dans le domaine du diagnostic et du traitement. En raison de cette avalanche de données, il est devenu plus laborieux d’obtenir et de maintenir une vue d’ensemble des preuves scientifiques. Il convient d’extraire de ce flot de données une évidence de haute qualité, qui doit être mise à la disposition des médecins praticiens dans des domaines thématiques clairement formulés. La création de lignes directrices basées sur des preuves et de haute qualité a donc pris une ampleur telle qu’elle ­dépasse les possibilités personnelles, mais aussi financières d’une société de spécialité médicale suisse, ce qui débute déjà avec l’analyse systématique souvent très onéreuse des études publiées. C’est la raison pour laquelle gynécologie suisse / SGGG empreinte de nouvelles voies en s’associant aux sociétés allemande et ­autrichienne DGGG et ÖGGG en vue de l’élaboration de lignes directrices. Cette stratégie permet de créer des synergies afin que gynécologie suisse / SGGG puisse participer elle-même à l’élaboration des recommandations et les formuler ensuite en fonction de ses propres besoins spécifiques au système de santé.
La discussion concernant la qualité des lignes directrices a été récemment lancée en Suisse dans un do­cument de travail émanant du département Données, démographie et qualité (DDQ) de la FMH. Ce rapport se consacre aux bénéfices, aux limites et aux critères de qualité des lignes directrices et doit servir aux utili­sateurs d’aide à la mise en application des recommandations [2]. Il en ressort nettement que les lignes directrices sans base qualitative solide et sans indication claire relative aux processus d’élaboration ne sont plus d’actualité. Bien que de grandes sociétés de spécialité médicale et des institutions internationales proposent des recommandations en gynécologie et obstétrique (par exemple NICE, ACOG, SCOG, RCOG, EBCOG, FIGO, EAPM, etc.), gynécologie suisse / SGGG considère in­dispensable de pouvoir participer activement à l’élaboration des recommandations et des lignes directrices afin d’assurer leur applicabilité compte tenu des réalités du système de santé suisse. Les recommandations et lignes directrices restent sinon des montagnes de papier qui intéressent les bureaucrates, mais n’ont aucun impact sur la qualité de la prise en charge de base des patients et patientes dans notre pays.

Contenu et élaboration des lignes ­directrices

Les lignes directrices doivent apporter une aide aux médecins traitants ou aux patientes concernées lors du processus décisionnel en termes de prévention, ­détection précoce, dépistage, diagnostic, traitement et suivi. Il est essentiel qu’une ligne directrice reflète toujours uniquement l’état actuel de la médecine au moment de son élaboration. C’est aussi la raison pour laquelle les lignes directrices doivent être régulièrement actualisées ou ne présentent qu’une validité limitée à quelques années. Les lignes directrices sont des recommandations pratiques structurées relatives à des ­domaines spécifiques de la médecine, qui passent par un processus de développement systématique jusqu’à leur publication. Une recherche de consensus convergente et structurée, selon des directives de processus clairement définies, s’avère essentielle. Le processus de développement des lignes directrices est structuré et imposé en détail par l’AWMF. Les directives de l’AWMF sont classées par niveau de qualité (voir figure dans les «Lignes directrice de l’AWMF: classement de niveau [1]). L’objectif est de générer des lignes directrices de niveau minimum S2k, ou mieux encore S3. Il convient à cet ­effet de définir le niveau d’évidence («Level of Evidence» [LoE,]) et le degré de recommandation («Grade of Recommendation» [GoR]).
Un critère de qualité essentiel des lignes directrices structurées consiste d’une part en la participation de spécialistes issus de la discipline concernée, mais aussi de médecins praticiens, et d’autre part en l’intégration d’autres groupes professionnels (sages-femmes, personnel soignant) ainsi que de représentants des patients lors de l’élaboration. Cette procédure permet de garantir que les lignes directrices ne correspondent pas uniquement à l’évidence tirée de conditions d’études définies et souvent artificielles, mais qu’elles sont également applicables et largement étayées dans la pratique, résultant ainsi en une optimisation de la qualité de la prise en charge de la population. Un effet secondaire positif de l’élaboration interdisciplinaire de lignes directrices se traduit par la possibilité de régler les interfaces entre les diverses sociétés de spécialité médicale et les groupes professionnels (par ex. gynécologues et sages-femmes), alors que les interfaces entre la société médicale responsable et les autres sociétés participantes ont déjà été préalablement réglées et définies avec l’AWMF lors de l’initiation d’une certaine ligne directrice.

Les lignes directrices comme instruments de formation postgraduée et continue

Les lignes directrices ne sont pas uniquement utiles en tant que références pour les décisions cliniques quo­tidiennes, mais aussi comme instruments pour une formation postgraduée et continue approfondie dans un certain domaine thématique. La représentation ­détaillée de l’évidence et son actualité correspondent souvent à la qualité d’évaluations systématiques, associée à des recommandations pratiques.

Aspect juridique des lignes directrices

Sur le plan juridique, les lignes directrices ne sont pas contraignantes. Pour certains observateurs, le terme de lignes directrices inclut souvent le préjugé d’une ­limitation de la liberté thérapeutique. Bien qu’en réalité, la liberté de décision médicale demeure entièrement respectée sur le plan juridique, il en découle des obligations en termes de contenu pour le médecin traitant au vu des standards médicaux et de l’état de la science au moment de la publication. C’est pourquoi les lignes directrices sont souvent utilisées comme point de référence lors des expertises juridiques. Dans la pratique, les médecins doivent en principe s’orienter sur les lignes directrices, mais celles-ci ne sont pas ­toujours considérées égales au standard professionnel prédominant. Dans des cas particuliers justifiés, il peut ou il convient même de s’écarter des recomman­dations. Les lignes directrices rédigées de manière générale n’offrent pas l’option de répondre aux besoins ou conditions de vie individuels spécifiques d’une ­patiente. En raison de qualité croissante des lignes directrices, certaines d’entre elle, de première qualité, trouvent leur place dans des certifications et des initiatives destinées à la promotion et à l’assurance de la qualité. Les auteurs de lignes directrices devraient de manière générale être conscients de leur responsa­bilité et fournir les preuves adaptées à leurs recommandations.

Coopération DGGG-SGGG-ÖGGG

La coopération des trois sociétés spécialisées DGGG, gynécologie suisse / SGGG et ÖGGG dans le cadre du programme de lignes directrices est coordonnée par une commission commune dirigée par les responsables des lignes directrices de la DGGG et dans laquelle deux représentants de gynécologie suisse / SGGG et deux représentants de la ÖGGG siègent et ­disposent d’un droit de vote. La commission se réunit régulièrement et coordonne en permanence l’élabo­ration et la révision des lignes directrices communes dans des groupes de travail.

Processus de coordination de l’élaboration des lignes directrices

Lors de l’élaboration d’une ligne directrice relative à un certain thème, un groupe de travail est défini, qui est essentiellement constitué de représentants désignés issus de diverses communautés de travail et associations professionnelles concernées par le thème et, si besoin, de représentants des patients. Gynécologie suisse décide en fonction du thème si une partici­pation représente un intérêt et une priorité pour ses membres. Enfin, un à deux représentants sont dé­signés par les communautés de travail internes à gy­nécologie suisse. Après l’élaboration d’une ligne directrice, qui dure souvent un à deux ans et génère, selon le thème, des coûts totaux pouvant dépasser les 100 000 euros, une procédure de consultation à large échelle aboutit à un consensus et à l’acceptation. Au sein de gynécologie suisse, la commission pour l’assurance de la qualité, les communautés de travail concernées et le comité de la société sont intégrés dans la ­procédure de consultation. Il existe souvent des particularités propres à chaque pays en ce qui concerne les médicaments ou les réglementations administratives, ce qui nécessite des addendas particuliers à la ligne ­directrice. De même, il arrive que des particularités structurelles du système de santé empêchent la mise en pratique de certaines recommandations. Il est alors particulièrement essentiel d’apporter certaines adaptations au système de santé suisse afin de rendre la ligne directrice également applicable aux conditions suisses et ainsi utilisable.

Publication des lignes directrices

En principe, les lignes directrices finales sont publiées sur le site Internet de l’AWMF et gratuitement accessibles au public. La version longue des lignes directrices inclut le rapport des lignes directrices, des informations contextuelles et des tableaux d’évidence. Par ailleurs, une version abrégée est créée pour chaque ligne directrice en guise de résumé succinct afin que les recommandations pratiques correspondantes puissent être mises en œuvre plus facilement et plus rapidement. Le site Internet de gynécologie suisse / SGGG propose un lien vers l’ensemble des lignes directrices. Finalement, il est tenu compte du plurilinguisme de notre pays puisque les versions abrégées de toutes les lignes directrices sont traduites en français [3].

Discussion

L’expérience acquise jusqu’à présent avec l’élaboration des lignes directrices communes aux sociétés gyné­cologie suisse / SGGG-DGGG-ÖGGG se révèle très positive. Toute une série de lignes directrices communes a déjà été créée et publiée. L’effort fourni pour des lignes directrices de haute qualité s’avère considérable non seulement pour les co-auteurs, mais aussi pour la coordination, et ne doit pas être sous-estimé. La complexité de l’élaboration des lignes directrices en soi et de la coordination au sein des sociétés spécialisées et entre elles doit être soigneusement prise en considération afin d’assurer la réussite. En fin de compte, la société spécialisée doit veiller à soutenir la mise en application de la ligne directrice dans la pratique courante afin qu’au final, les patientes puissent en profiter.
Abréviations
AWMF = Arbeitsgemeinschaft der Wissenschaftlichen Medizinischen Fachgesellschaften Deutschlands (Association des sociétés scientifiques et médicales d’Allemagne)
NICE = National Institute for Health and Care Excellence
ACOG = American Congress of Obstetricians and Gynecologists
SOGC = Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada
RCOG = Royal College of Obstetricians and Gynaecologists
EBCOG = European Board of Gynecology and Obstetrics
FIGO = Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique
EAPM = European Association of Perinatal Medicine
L’auteur n’a pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. Daniel Surbek
Geschäftsführender
Co-Klinikdirektor
Universitätsklinik für
Frauenheilkunde
Inselspital, Bern
Vorsitzender Departement Qualität, Recht und Ethik
SGGG / gynécologie suisse
Effingerstrasse 102
CH-3010 Bern
daniel.surbek[at]insel.ch