La ménopause naturelle et précoce
Manifestations cliniques, diagnostic et traitement: un aperçu

La ménopause naturelle et précoce

Übersichtsartikel AIM
Édition
2018/22
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03299
Forum Med Suisse. 2018;18(22):463-466

Affiliations
Klinik für Reproduktions-Endokrinologie, UniversitätsSpital Zürich, Zürich

Publié le 30.05.2018

La ménopause, qu’elle soit physiologique ou ­précoce, peut avoir des conséquences profondes sur la santé physique et psychologique des femmes concernées, imposant une prise en charge globale et empreinte d’empathie.

Introduction

Ménopause

La ménopause correspond aux dernières menstruations spontanées. L’âge moyen de la ménopause est de 51 ans. Le diagnostic est généralement posé rétrospectivement, lorsque la femme n’a pas eu de menstruations au cours des 12 derniers mois [1]. La période suivant la ménopause est appelée «post-ménopause», mais elle est aussi fréquemment appelée «menopause» en anglais. Sur le plan physiologique, elle est souvent déjà précédée de premiers symptômes, sous forme de menstruations irrégulières, ainsi que de troubles climatériques, tels que bouffées de chaleur, troubles du sommeil et fluctuations de l’humeur.

Ménopause précoce / insuffisance ovarienne prématurée

La ménopause précoce a été décrite pour la première fois en 1942 et elle est aujourd’hui appelée «insuffisance ovarienne prématurée» (IOP); autrefois, elle était également appelée «premature ovarian failure» (POF) ou «climatère précoce». Elle affecte les femmes avant l’âge de 40 ans et se caractérise par la perte de la fonction ovarienne, accompagnée de faibles taux d’œstrogènes, de taux élevés de gonadotrophines, d’une aménorrhée et de signes de la carence œstrogénique [2, 3]. Lorsqu’elle n’est pas traitée, cette carence œstrogénique intervenant tôt dans la vie est associée à un risque nettement accru de développement d’affections cardiovasculaires, d’ostéoporose, de démence et d’affections dépressives [2–4]. La fertilité des femmes touchées est considérablement limitée. Pour autant qu’il y ait encore une ovulation, la probabilité de grossesse spontanée s’élève seulement à 5–10% [4]. Il convient de distinguer une forme primaire et une forme secondaire d’IOP. La forme primaire survient de manière spontanée, tandis que la forme secondaire est le plus souvent d’origine iatrogène, consécutive à une chimiothérapie, à une radiothérapie ou à des interventions chirurgicales au niveau de l’utérus et des ovaires.

Epidémiologie

Ménopause précoce / insuffisance ovarienne prématurée

Dans la littérature, une prévalence d’env. 1% est décrite pour la forme primaire d’IOP avec survenue de la ménopause avant l’âge de 40 ans; 0,1% de ces femmes ont moins de 30 ans [1–4]. La prévalence de la forme secondaire d’IOP est en augmentation en raison de l’amélioration constante des possibilités thérapeutiques pour les patientes atteintes de cancer et de la survie associée [4].

Physiopathologie

Ménopause

La ménopause se caractérise par une atrésie folliculaire entre l’âge de 40 ans et 60 ans et donc par une diminution du taux d’œstrogènes et une augmentation du taux de gonadotrophines.

Ménopause précoce / insuffisance ovarienne prématurée

Pour la forme primaire d’IOP, il convient de distinguer deux pathomécanismes. Le premier consiste en une ­absence de follicules primaires ou en une déplétion accélérée du stock de follicules. Dans le deuxième pathomécanisme, des polymorphismes du récepteur de l’hormone folliculo-stimulante (FSH) ou des mutations au niveau de l’inhibine B entraînent une diminution de la synthèse des hormones stéroïdiennes [3]. Pour le premier pathomécanisme, les causes à ce jour connues sont les altérations chromosomiques, comme par ex. le syndrome de Turner (45, X0) ou les dysgénésies gonadiques. Une autre cause génétique est la prémutation de l’X fragile (prémutation FMR1), qui est retrouvée de manière spontanée chez env. 2% des femmes et dans un contexte familial chez 14% des femmes [3]. Parmi les autres causes figurent des maladies auto-immunes, telles que le syndrome polyglandulaire auto-immun de type 1, qui s’accompagnent souvent d’affections thyroïdiennes et/ou d’une insuffisance surrénalienne. Dans la majorité des cas, aucune cause ne parvient cependant à être identifiée dans la forme primaire d’IOP [1–4]. Le tableau 1 fournit un aperçu des différentes causes d’IOP.
Tableau 1: Causes de l’insuffisance ovarienne prématurée (IOP).
Causes primairesChromosomiques
Syndrome de Turner
Syndrome de l’X fragile
Polymorphisme du récepteur 
de la FSH
Mutation de l’inhibine B
Maladies auto-immunes
Causes secondairesChimiothérapie
Radiothérapie
Annexectomie bilatérale
Infections (oreillons)

Manifestations cliniques

Le principal symptôme associé à la perte de la fonction ovarienne et à la carence œstrogénique qui en résulte est l’aménorrhée. D’autres symptômes possibles sont les bouffées de chaleur et l’hypersudation, parfois accompagnées d’autres symptômes végétatifs tels que palpitations, troubles du sommeil et fluctuations de l’humeur. Ce complexe de symptômes est désigné par le terme générique «syndrome climatérique». Par ailleurs, une diminution de la libido, une adynamie et une sécheresse vaginale sont décrites à la fois par les femmes avec ménopause naturelle et par celles avec ménopause précoce [1–4]. Chez les femmes avec ménopause naturelle, des analyses de laboratoire complémentaires ne sont pas forcément nécessaires. Chez les femmes de moins de 40 ans avec une aménorrhée de plus de 4 mois, un bilan endocrinologique est indispensable. Lorsque ce dernier révèle, lors de deux mesures espacées d’au moins 4–6 semaines, un faible taux d’œstradiol (E2 <40 pmol/l) et un taux élevé de gonadotrophine (FSH >25 UI/l), le diagnostic d’IOP peut être considéré comme avéré [2–4].

Diagnostic

Ménopause

Chez les femmes avec ménopause naturelle, des examens complémentaires sont uniquement nécessaires lorsque des symptômes de déficience correspondants sont présents et qu’un traitement hormonal de la ménopause doit être initié. Dans ces cas, il est essentiel de recueillir méticuleusement l’anamnèse personnelle et familiale afin d’exclure d’éventuels risques ou contre-­indications de l’hormonothérapie. La mesure de la pression artérielle et la détermination du poids corporel et de l’indice de masse corporelle sont indiquées. Un examen gynécologique comprenant une échographie transvaginale et une mammographie de dépistage est recommandé. Le dosage de la FSH et de l’œstradiol au laboratoire est uniquement indiqué dans des cas spécifiques, comme par ex. chez les patientes ayant subi une hystérectomie ou en cas de suspicion de ménopause avant l’âge de 50 ans, afin de confirmer le diag­nostic [1, 5]. Les analyses de la coagulation sont uniquement nécessaires en cas d’anamnèse familiale positive. Des examens supplémentaires, tels que la détermination du profil lipidique ou la réalisation d’une ostéodensitométrie, doivent uniquement être effectués en cas d’anamnèse suggestive.

Ménopause précoce / insuffisance ovarienne prématurée

Chez les patientes avec IOP, les investigations se déroulent de la même manière, mais il convient néanmoins, surtout en cas d’aménorrhée primaire, d’accorder en plus une attention particulière aux caractères sexuels primaires et secondaires, ainsi qu’à d’éventuels signes syndromiques (syndrome de Turner). Dans le cadre de l’échographie transvaginale, il convient en outre de procéder au comptage des follicules antraux («antral follicle count» [AFC]). Au niveau des paramètres de laboratoire, en plus du dosage de l’E2 et de la FSH, l’hormone anti-müllérienne (AMH) doit également être dosée. L’AMH combinée à l’AFC permet d’évaluer la réserve ovarienne. En cas d’IOP, un examen génétique (caryotype, X fragile) s’avère judicieux et doit être discuté avec la patiente [2]. Une garantie de prise en charge des coûts doit toutefois être préalablement demandée à la caisse-maladie. En cas de résultat positif, un conseil génétique a lieu. Chez les patientes avec mise en évidence d’un syndrome de Turner, des examens supplémentaires, notamment cardiologiques, sont indiqués. En cas de mise en évidence d’une prémutation de l’X fragile, un examen et un conseil gé­nétiques devraient également être proposés aux apparentés. Afin d’exclure des maladies auto-immunes, il est recommandé, chez les patientes atteintes d’IOP, de rechercher des anticorps anti-corticosurrénales ­(anti-surrénales/anti-hydroxylase 21) et des anticorps anti-thyroperoxydase (TPO) [1–4]. En cas de résultat négatif, les recommandations actuelles ne préconisent pas de contrôles supplémentaires de ces paramètres, sauf si la patiente développe par la suite des symptômes correspondants. En cas de mise en évidence d’anticorps anti-TPO, la thyréostimuline (TSH) est dosée annuellement. En cas de mise en évidence d’anticorps anti-­surrénales, un bilan plus approfondi par un endocrinologue interniste est indiqué.

Traitement

Ménopause

Chez les femmes avec ménopause naturelle et syndrome climatérique, un traitement peut être indiqué. A cet égard, le traitement hormonal de la ménopause (THM) s’avère être le plus efficace pour réduire les symptômes.
Les préparations œstrogéniques utilisées pour le THM (tab. 2) sont disponibles sous forme de comprimés, d’injections, de patchs ou de gel et présentent des profils bénéfice/risque variables. Chez les femmes post-­ménopausées en bonne santé avec survenue naturelle de la ménopause, le traitement devrait être individualisé; dans les cas non compliqués, il devrait consister en l’administration d’œstradiol à une faible dose de 1 mg/jour par voie orale ou par voie transdermique, à une dose de 25 μg/jour sous forme de patch ou de 0,5–0,75 mg sous forme de gel. Chez les femmes qui ont leur utérus, il est indispensable de protéger l’endomètre contre une dégénérescence maligne via l’administration séquentielle (au moins 12 jours) ou continue d’un progestatif de synthèse, soit sous forme de progestérone micronisée soit sous forme de dispositif intra-utérin avec progestatif. Un THM devrait uniquement être mis en œuvre dans une fenêtre temporelle opportune (au cours des 5–10 premières années après la ménopause ou avant l’âge de 60 ans) et après avoir exclu d’éventuels risques et conseillé de manière ­exhaustive la patiente. Des contrôles sont réalisés ­annuellement, notamment afin de détecter l’apparition de contre-indications. Une réévaluation du traitement devrait avoir lieu après 5 ans. Pour les femmes qui présentent des contre-indications ou souhaitent des ­alternatives aux approches hormonales, il existe aujourd’hui un vaste spectre d’approches thérapeutiques non hormonales, dont l’efficacité est variable. En font notamment partie les inhibiteurs sélectifs de la ­recapture de la sérotonine (ISRS) et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN), les anticonvulsivants gabapentine et prégabaline, l’antihypertenseur clonidine, ainsi que les phyto-œstrogènes ou Cimicifuga racemosa. Les options non médicamenteuses incluent la thérapie cognitivo-comportementale, l’hypnose et l’acupuncture [1, 5].
Tableau 2: Dosages d’œstrogènes utilisés [5].
DosageElevéIntermédiaireFaibleTrès faible
Œstradiol (oral, mg)4,02,01,00,5
Œstradiol patch (transdermique, μg)1005025 
Œstradiol gel ­(transdermique, mg) 1,0–1,50,5–0,75 
En présence de symptômes vulvo-vaginaux, une œstrogénothérapie locale est indiquée en premier lieu [5, 6].

Ménopause précoce / insuffisance ovarienne prématurée

Etant donné que le diagnostic d’IOP est très bouleversant pour les femmes et affecte de nombreuses sphères de la vie, le médecin doit faire preuve d’une grande empathie et fournir à la patiente des explications et conseils détaillés et de qualité après la pose du diagnostic, car il s’agit du seul moyen de garantir une observance durable du traitement. En raison de la morbidité et mortalité accrues liées à la carence œstrogénique précoce, une hormonothérapie substitutive (HTS) est indispensable dans ces cas. Dans cette situation, la dose standard s’élève à 2 mg d’œstradiol/jour pour l’administration orale, et à 50 μg/jour sous forme de patch ou à 1,0–1,5 mg sous forme de gel pour l’administration transdermique (tab. 2); chez les femmes ayant leur utérus, ce traitement doit être associé à un progestatif à la dose adéquate (administration séquentielle ou continue). Ce traitement doit être poursuivi jusqu’à l’atteinte de l’âge normal de la ménopause, c.-à-d. 51 ans. En présence de symptômes vulvo-vaginaux, une œstrogénothérapie locale est en outre indiquée [5, 6].

Fertilité

Les patientes chez lesquelles une chimiothérapie, une radiothérapie ou une gonadectomie est planifiée et qui présentent dès lors un risque élevé d’IOP secondaire doivent au préalable bénéficier d’un entretien de conseil mené dans un centre interdisciplinaire et portant sur les diverses possibilités de préservation de la fertilité (cryoconservation de tissu ovarien, traitement de stimulation avec cryoconservation d’ovocytes matures, d’ovocytes fécondés au stade pronucléaire ou d’embryons, ou encore utilisation d’agonistes de la gonadolibérine [GnRH]).
Dans la forme primaire d’IOP, la cryoconservation de tissu ovarien en cas de mosaïque de Turner avec cycle encore maintenu fait actuellement l’objet de recherches. Etant donné que la conception spontanée s’élève seulement à 5–10% mais qu’une grossesse n’est généralement plus obtenue, les patientes devraient être informées au sujet des possibilités telles que l’adoption ou le don d’ovocytes [2–4]. Le don d’ovocytes n’est toutefois pas encore autorisé en Suisse, de sorte que les couples doivent être adressés à des centres de fertilité à l’étranger pour bénéficier de ce traitement [2–4].

L’essentiel pour la pratique

Ménopause naturelle
• Le traitement hormonal de la ménopause (THM) doit être administré uniquement s’il est indiqué, il doit être individualisé et il doit être mis en œuvre uniquement dans une fenêtre temporelle opportune (au cours des 5–10 premières années après la ménopause ou avant l’âge de 60 ans).
• En cas de symptômes vasomoteurs, le THM est l’approche thérapeutique la plus efficace. Parmi les alternatives non hormonales figurent les antidépresseurs, les anticonvulsivants et les phyto-œstrogènes, ainsi que des options non médicamenteuses, telles que la thérapie cognitivo-comportementale, l’hypnose et l’acupuncture.
• Chez les femmes qui ont leur utérus, l’endomètre doit impérativement être protégé via l’administration séquentielle (au moins 12 jours) ou continue d’un progestatif de synthèse, sous forme de progestérone micronisée ou de dispositif intra-utérin avec progestatif.
Ménopause précoce / insuffisance ovarienne prématurée (IOP)
• L’insuffisance ovarienne prématurée se caractérise par une aménorrhée durant au moins 4 mois, ainsi que par un faible taux d’œstradiol (E2 <40 pmol/l) et un taux élevé de gonadotrophine (FSH >25 IU/l) lors de deux mesures espacées d’au moins 4 semaines.
• La forme spontanée d’IOP affecte env. 1% des femmes. La cause de cette forme primaire (spontanée) d’IOP reste le plus souvent indéterminée.
• Ces femmes devraient suivre une hormonothérapie de substitution avec une dose moyenne d’œstradiol de 2 mg/jour par voie orale, ou par voie transdermique à la dose de 50 μg/jour sous forme de patch ou de 1,0–1,5 mg sous forme de gel, jusqu’à l’atteinte de l’âge de la ménopause physiologique, à savoir 51 ans. Comme pour les femmes avec ménopause naturelle, un progestatif devrait en plus être administré.
L’auteure n’a pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd.
Kerstin Blickenstorfer
Klinik für Reproduktions-Endokrinologie
UniversitätsSpital Zürich, Fauenklinikstr. 10
CH-8091 Zürich
kerstin.blickenstorfer[at]usz.ch
1 Barber RJ, Panay N, Fenton A, and the IMS Writing Group 2016 IMS Recommendations on women’s health and menopause hormone therapy. Climacteric. 2016;19:109–50.
2 The ESHRE Guideline Group on POI, Webber L, Davies M, Anderson R, Bartlett J, Braat D, Cartwright B, et al. ESHRE Guideline: ­Management of women with premature ovarian insufficiency. ­Human ­Reproduction. 2016;31:926–37.
3 Rafique A, Sterling E, Nelson L. A New Approach to Primary Ovarian Insufficiency. Obstet Gynecol. 2012;39:567–86.
4 Vujovic S, Brincat M, Erel T, Gambacciani M, Lambrinoudaki I, Moen M. EMAS position statement: Managing women with premature ovarian failure. Maturitas. 2010;67:91–3.
5 Birkhäuser M, Bürki R, De Geyter C, Imthurn B, Schiessl K, Streuli I, Stute P, Wunder D. Expertenbrief SGGG No 42: Aktuelle Empfehlungen zur Menopausalen Hormon-Therapie (MHT); 2015.
6 Sullivan S, Sarrel P, Nelson L. Hormone replacement therapy in young women with primary ovarian insufficiency and early menopause. Fertil Steril. 2016;106:1588–99.