La tendinopathie achilléenne corporéale
Pourquoi il n’y a pas de «quick fix» et ce que l’on peut faire

La tendinopathie achilléenne corporéale

Übersichtsartikel AIM
Édition
2018/33
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03348
Forum Med Suisses. 2018;18(33):654-660

Affiliations
a Praxis für Fusschirurgie Bern; Klinik für Orthopädie und Traumatologie des Bewegungsapparates, Kantonsspital Olten
* Les deux auteures ont contribué à part égale à l’article.

Publié le 15.08.2018

Plus de 2500 ans après l’Iliade d’Homère, le tendon d’Achille est toujours le point faible des héros modernes du quotidien. La thérapie d’entraînement reste la référence absolue en matière de traitement.

Introduction

Dans le passé, de nombreux synonymes parfois trompeurs ont compliqué la compréhension et l’échange scientifique autour de ce thème. Pour cette raison, le terme neutre «tendinopathie» a été introduit dans la littérature et devrait être utilisé. Les termes tels que «maladie de Haglund», «tendinose», «tendinite», «enthésopathie» ou encore «synovite» sont quant à eux imprécis et ne devraient plus être utilisés. Cet article se concentre sur les douleurs de la partie purement tendineuse du tendon d’Achille, c’est-à-dire sur la tendinopathie achilléenne corporéale (anglais: «midportion tendinopathy»). Certaines informations contenues dans cet article s’appliquent également aux douleurs touchant l’insertion du tendon d’Achille (tendinopathie d’insertion), qui ne font toutefois pas l’objet de cet article (à ce sujet, voir la figure 1). Les praticiens sont fréquemment confrontés à la tendinopathie achilléenne corporéale, dont l’évolution est souvent fastidieuse et chronophage pour toutes les personnes impliquées. La palette des options physiothérapeutiques et moyens auxiliaires orthopédiques est vaste, et une durée de traitement de 3–12 mois est nécessaire. Un praticien convaincu par le traitement employé peut bien mieux motiver le patient, raison pour laquelle une bonne évidence de l’efficacité est souhaitable. Les protocoles d’exercices sont essentiels, car ils restent la référence absolue et la base de tout traitement des problèmes tendineux. Nous souhaitons par ailleurs également mettre l’accent sur les possibilités thérapeutiques chirurgicales mini-invasives, que nous privilégions.

Principes fondamentaux

La tendinopathie achilléenne corporéale décrit la triade associant des douleurs, un œdème 2–7 cm au-dessus de l’insertion et une résistance réduite. Sur le plan anatomique, on distingue en outre la tendinopathie du péritendon, qui peut survenir de façon concomitante ou isolée, aiguë ou chronique.
L’incidence au sein de la population est estimée à 0,2% et elle est en augmentation. Les causes de la maladie ne sont pas élucidées. Parmi les causes potentielles figurent l’augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC) et la pratique d’une activité physique soutenue après l’âge de 40 ans. Les déclencheurs que nous avons observés sont: antécédents de blessures du même membre, chaussures inadaptées (contrefort dur ou élevé, talon dur, poids important, semelle intérieure/extérieure instable), marche ou entraînement sur un sol dur, modifications du schéma de sollicitation physique et d’entraînement, telles que changement d’emploi ou de type de sport. Les facteurs intrinsèques suivants sont également évoqués: obésité, âge croissant, désaxation de l’arrière-pied, instabilité dans la région de l’arrière-pied.
L’anamnèse et l’examen clinique sont pathognomiques, notamment car le tendon d’Achille peut être palpé facilement et est bien visible. Le patient rapporte des douleurs à l’effort partiellement fluctuantes et rarement invalidantes au niveau de la région du tendon d’Achille mentionnée plus haut, et ce sans traumatisme préalable. Un œdème sous-cutané, éventuellement une rougeur et une crépitation, et des douleurs souvent très intenses qui persistent pendant la phase de repos indiquent une péritendinopathie aiguë (anglais: «paratendinopathy»), tandis que des douleurs à l’effort plutôt modérées, fréquemment accompagnées d’un épaississement diffus ou fusiforme, indiquent une tendinopathie du tendon lui-même (fig. 2). Nous ne réalisons des examens d’imagerie complémentaires, tels que la radiographie en position debout, l’échographie ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM), qu’en cas de doute, en particulier en cas de traumatisme préalable. La figure 1 dresse une liste de diagnostics différentiels.
Figure 2: Localisation typique de la tendinopathie corporéale: douleur, résistance réduite et douleur à la pression au niveau de la zone typique située 2–7 cm au-dessus de ­l’insertion, dans la partie principale du tendon. Ce patient de 52 ans présente un épaississement du tendon, qui n’est pas nécessairement présent. Un tel épaississement peut également se rencontrer chez les patients ne présentant pas de douleurs.
Figure 1: Diagnostics différentiels de la tendinopathie achilléenne. Muscles: Déchirures musculaires aiguës, en particulier du muscle gastrocnémien médial («tennis leg»), thrombose veineuse profonde, kyste de Baker rompu, effet indésirable de médicaments (par ex. statines). Jonction musculo-tendineuse: Les ruptures aiguës dans cette région sont possibles à la fois au niveau musculaire et au niveau de l’aponévrose. Partie ­tendineuse du tendon d’Achille: Tendinopathie corporéale, inflammation du péritendon, tendinopathie du tendon du muscle plantaire, affection du nerf sural, rupture du tendon d’Achille. Insertion du tendon d’Achille: Tendinopathie d’insertion, des ossifications des tendons sont possibles mais pas forcément sympto-matiques, bursite rétro-achilléenne (R), callosités et cloques liées à la pression exercée par les chaussures (D), avulsion osseuse du tendon d’Achille, fracture calcanéenne par insuffisance.
L’image histologique de l’épaississement du tendon montre une dégénérescence au niveau des cellules et du collagène, dont la meilleure description est «guérison insuffisante de microfissures». Concernant les détails, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à la littérature disponible, notamment à l’article de Cassel et al., qui fournit un résumé clair [1].
Les signes d’une «tendinite» avec cellules inflammatoires dans le tendon ne sont pas présents en cas de tendinopathie. L’«inflammation» parfois présente, en particulier au début, émane en règle générale du péritendon. Etant donné que le tendon d’Achille ne possède pas de gaine tendineuse ou de liquide synovial, il n’est pas question de «synovite» ou «tendovaginite». La première phase aiguë de la maladie dure généralement 1-6 semaines. L’inflammation du péritendon peut s’accompagner d’une néovascularisation et néoformation de nerfs sensitifs. Cela expliquerait bien la sensibilité au toucher superficielle de type neuropathique parfois extrême de la région touchée. La phase aiguë peut évoluer vers la phase chronique avec épaississement du péritendon. Sur le plan histologique, des cellules inflammatoires et un exsudat fibrineux entre le péritendon et le tendon sont observés lors du stade aigu, et des adhérences induites par la prolifération des fibroblastes et la néoformation de collagène sont retrouvées lors du stade chronique ultérieur. Cette adhérence est tenue pour responsable des douleurs. Il est également évident que le tendon du muscle plantaire invaginé non loin ou même dans le tendon d’Achille est également une cause de la tendinopathie achilléenne; dans certains cas isolés, il s’agit même de l’unique cause des douleurs.

Causes/facteurs additionnels traitables

Comorbidités/ tabagisme, HbA1c, quinolones, statines

La cicatrisation insuffisante du tendon étant une cause potentielle de la tendinopathie, nous recommandons l’optimisation des comorbidités qui limitent la cicatrisation du tendon, parmi lesquelles figurent le tabagisme et l’hyperglycémie.
Plusieurs revues systématiques de la littérature montrent l’influence négative du tabagisme sur la résistance et la cicatrisation des tendons. Dans un modèle animal chez le rat, une interruption de la synthèse de collagène et des fibrilles de collagène irrégulières, ainsi que des fibroblastes inactifs et dégénérés ont pu être mis en évidence. Nous conseillons l’arrêt du tabac à tous les fumeurs.
Dans le cadre d’études cas-témoins et de modèles animaux chez le rat, les valeurs de glycémie mal contrôlées avaient une influence négative sur la cicatrisation du tendon. La tendinopathie peut constituer une occasion de vérifier le bon contrôle d’un diabète connu ou même d’en rechercher cette affection. Les valeurs de glycémie mal contrôlées torpillant toutes les mesures thérapeutiques entreprises, elles devraient être corrigées.
Le fait connu que les quinolones et les statines induisent des tendinopathies ou en retardent la guérison devrait nous inciter à poser avec prudence l’indication pour ces médicaments.

Traitement conservateur

«Wait and see»

Certains patients éprouvent uniquement une faible souffrance et sont seulement inquiets. Leur fournir des explications quant aux douleurs en principe anodines peut alors être suffisant. La fréquence des ruptures est certes un peu plus élevée en cas de tendinopathie existante par rapport à celle observée dans la population sans antécédents de tendinopathie, mais du point de vue de l’individu, elle reste faible (4%). Elle touche en outre surtout les patients âgés. Les mesures anti-inflammatoires locales, telles que l’application de froid, peuvent aider à surmonter la première phase aiguë.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

En cas de douleurs aiguës durant la phase d’altération inflammatoire du paratendon, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont toute leur place dans le traitement. Aucun effet positif n’a pu être démontré avec certitude pour les traitements médicamenteux adjuvants dans le cadre de la tendinopathie chronique. L’idée de «l’inhibition de l’inflammation» peut être rejetée ne serait-ce qu’en raison de l’absence d’inflammation du tendon sur le plan histologique. Dans les modèles animaux chez le rat, le diclofénac a même significativement perturbé la guérison du tendon. Concernant les autres AINS, l’influence sur la résistance à la traction du tendon et la chronicisation des pathologies du tendon fait l’objet de controverses. Il semble néanmoins certain que les AINS exercent un effet négatif sur la prolifération cellulaire du tendon, mais avec toutefois un effet positif concomitant sur la synthèse de collagène. En conclusion, les AINS devraient servir au traitement ponctuel des fortes douleurs, par ex. pendant la phase aiguë des 1–6 premières semaines. Les «cures» d’AINS avec doses fixes peuvent être considérées comme obsolètes.

Entraînement

Les exercices thérapeutiques du tendon d’Achille restent la référence absolue en matière de traitement. Outre l’entraînement excentrique, une bonne évidence a également été démontrée pour d’autres protocoles d’entraînement. Toutes les autres mesures thérapeutiques (infiltration, technique orthopédique, etc.) sont d’une utilité restreinte sans cet entraînement. Il n’existe pas de «quick fix», c.-à-d. une solution rapide ne requérant pas l’initiative personnelle du patient. Dans la mesure où les modifications structurelles du tendon ne peuvent être mises en évidence qu’après 6 mois, l’entraînement thérapeutique ne devrait pas être considéré comme un échec avant que ces 6 mois se soient écoulés. Une première diminution de la douleur survient toutefois souvent déjà après 6 semaines.

Causes d’échec

Nous recommandons en premier lieu, outre l’étirement du tendon d’Achille, l’exercice excentrique classique «heel drop» (décrit dans la figure 3).
Figure 3: Exercice excentrique du «heel drop»: Positionnement sur une marche comme illustré. En fonction des douleurs et de la sécurité, une jambe ou les deux jambes. Laisser le talon descendre lentement et conserver la position un moment. Ensuite, se mettre sur la pointe des pieds au maximum, conserver la position un moment, puis laisser le talon descendre. Il est recommandé de réaliser 30 répétitions 3x par jour. La réduction du nombre de répétitions pour arriver à un nombre individuellement acceptable («do as ­tole-rated») s’est toutefois aussi avérée bénéfique.
L’avantage de cet exercice est qu’il ne nécessite aucun équipement spécifique. Un escalier suffit, et l’exécution de l’exercice peut être enseignée pendant la consultation. La simplicité de cette mesure amène de nombreux patients à douter de son utilité. Une discussion intensive est nécessaire pour chaque patient, ce qui met la persévérance du médecin à l’épreuve. Une brochure d’information peut s’avérer utile dans ce processus. Malgré un bénéfice avéré, la satisfaction des patients et l’observance sont souvent modérées. L’exécution d’un unique exercice avec environ 200 répétitions deux fois par jour pendant 3 mois est ennuyeuse, chronophage et parfois simplement douloureuse. La diminution du nombre de répétitions pour arriver à un nombre acceptable pour l’individu en question («do as tolerated») s’est toutefois aussi avérée bénéfique [2].

Entraînement individuel «do as tolerated», compensation

Quel type d’effort, dans quelle mesure, et pour quel patient? Nombreux sont les patients qui ont arrêté l’activité physique déclencheuse pendant le stade initial, très douloureux. Toutefois, d’après notre expérience, l’arrêt complet de l’activité jusqu’ici exercée sans la remplacer par une autre mobilisation est fréquemment associé à une augmentation des symptômes et engendre l’insatisfaction des patients. Nous conseillons de préférer la modulation à l’arrêt complet de l’entraînement, que soit par le bais d’un changement du type de sport ou d’entraînement, ou de l’adaptation de la durée et de l’effort. Un principe essentiel est «do as tolerated», c’est-à-dire que les symptômes ne rendant pas le mouvement impossible sont tolérés. Les douleurs à l’effort, dans un certain degré, sont non seulement inévitables, mais elles semblent même nécessaires afin d’induire une modification structurelle du tendon et de désensibiliser [2]. Le «Pain Monitoring Model» [2], s’appuyant sur l’échelle visuelle analogue (EVA) pour la douleur, offre une aide au patient et au thérapeute. Pendant l’activité, les douleurs de 1–2 sur l’EVA sont considérées comme «sûres» ou sans danger, celles de 3–5 sont tolérées mais leur évolution doit être surveillée, et en cas de douleurs >5 sur l’EVA, l’arrêt de la mesure est recommandé. Après la fin du programme également, le degré de douleur 5 ne doit pas être dépassé, le lendemain du programme non plus. La douleur et la raideur ne doivent pas augmenter au fil des entraînements, elles devraient dans l’idéal entièrement régresser d’ici le jour suivant et elles sont inacceptables si elles perdurent plus de 48 h et rendent l’entraînement suivant impossible.
Le niveau d’activité habituel du patient doit être pris en considération. Les patients qui ne sont pas sportifs devraient être incités à faire plus d’exercice (3 × 45 minutes par semaine), l’entraînement cardio-pulmonaire en faisant partie. Un patient jusqu’alors non sportif, diabétique et en surpoids profitera très probablement aussi d’un programme de fitness non spécifique, même si ce n’est «que» concernant son état général. Au plus tard à partir de 40 ans, les sportifs pratiquant un sport de ballon, et ce en particulier en cas d’entraînement irrégulier, devraient se voir conseiller la pratique d’un sport de compensation ou d’exercices de compensation. Les coureurs ambitieux devraient renoncer à la course pendant le stade aigu et passer à une activité alternative. La reprise de son propre sport doit se faire de façon douce. Une augmentation progressive de l’intensité tout en respectant le principe du «pain monitoring» présente de bonnes chances de réussite. Ce qui a été mentionné plus haut s’applique également ici, aucune mesure ne peut induire de «quick fix», et les régressions et récidives occasionnelles ne doivent pas amener à considérer que le traitement a échoué.
Notamment en cas d’échec de l’exercice simple qu’est le «heel drop», nous recommandons un protocole d’entraînement avec des exercices standardisés mais qui peuvent être individualisés en tenant compte des besoins et capacités du patient. Des protocoles pouvant être recommandés sont par ex. disponibles dans les publications suivantes: Silbernagel [2], Beyer [3], Cassel [1].
Un entraînement varié accroît bien entendu l’observance des patients. Outre l’entraînement excentrique, la musculation intensive («heavy slow resistance») montre également un effet. Cette observation est confortée par le fait que les coureurs de sexe masculin d’âge moyen semblent avoir une moins bonne cinématique et force des hanches et de leurs muscles. Toutefois, nous ne savons pas s’il s’agit là d’une conséquence ou d’une cause de la tendinopathie achilléenne.
Notre expérience a montré qu’une collaboration étroite avec les physiothérapeutes augmente considérablement l’adhésion des patients au programme d’entraînement et réduit les traitements non ciblés.

Technique orthopédique

Le tableau 1 donne un aperçu des possibilités offertes par la technique orthopédique. Une évidence modérée a pu être démontrée pour les attelles de nuit et bandages de la cheville, et une faible évidence a été démontrée pour les orthèses. Des études de haute qualité font certes défaut dans ce domaine, mais nos patients rapportent des améliorations pour quelques-uns des moyens auxiliaires indiqués. Suite à l’examen clinique, nous donnons des recommandations correspondantes.
Tableau 1: Moyens auxiliaires orthopédiques en fonction des manifestations cliniques et modes d’action.
Manifestation clinique, ­problèmePrincipeMoyen auxiliaire orthopédique
Démarche perturbée en raison de douleurs lors du ­déroulementDiminution du moment de flexion plantaire de l’articulation supérieure de la cheville, mise en décharge du tendonBandage de la cheville ou orthèse
Amortissement du talon et poussée vers l’avant (par ex. Xelero®, MBT®)
Talonnette stable
Remplacement de chaussures lourdes avec coque en acier par des chaussures de sécurité plus légères (coques en plastique)
Douleurs au démarrage 
le matinRéduction de la raideur tendineuse, 
prétensionAttelle de nuit
Pression des chaussuresSuppression directe de la pression exercée sur le tendonModification du contrefort
Bandage avec coussinet en silicone
Souhait d’un entraînement 
personnelAmélioration de la circulation sanguineRouleau pour fascias
Désaxation (arrière-pied en valgus ou en varus)Modification de la direction de traction du tendon d’AchilleSemelles intérieures pour chaussures
Œdème, gonflementRéduction de l’inflammation et 
du gonflementDrainage lymphatique par bas de contention de classe 2

Traitement par injection, traitement ­par ondes de choc

Une analyse Cochrane datant de 2015 montre que les données disponibles sont insuffisantes pour se prononcer sur l’efficacité des traitements par injection avec différentes substances. En 2017, une étude de niveau 1 a montré une réduction de la douleur et une amélioration du niveau d’activité légèrement supérieures chez les patients ayant bénéficié d’un traitement associant entraînement excentrique et injections de «plasma riche en plaquettes» (PRP) ou injection «high volume» (corticostéroïdes, solution saline [NaCl], anesthésique local). Les injections d’un «grand volume» de NaCl (20–50 ml) avec ou sans anesthésique mais sans corticostéroïdes sont à notre avis une approche intéressante pour la dissolution des adhérences et une éventuelle dénervation. Toutefois, des données relatives aux complications font défaut, si bien que nous ne pouvons pas émettre de recommandations à cet égard. En raison de l’absence d’évidence pour les injections de corticoïdes et des effets indésirables en partie dramatiques, nous estimons qu’elles sont absolument contre-indiquées.
Un collègue chirurgien du pied fait état de bonnes expériences avec la sclérothérapie écho-guidée des néovascularisations. Dans la littérature, nous trouvons une étude empirique menée auprès de 10 patients. Les auteurs n’ont pas d’expérience avec ce procédé.
La thérapie par ondes de choc extracorporelles (TOCE) a montré des résultats consistants dans plusieurs études randomisées et contrôlées de haute qualité scientifique. Elle est efficace, facile à réaliser, sûre et bien tolérée. Il convient toutefois de noter que tous les protocoles ne sont pas efficaces [4].

Traitement chirurgical

Les mesures conservatrices décrites ci-dessus ne permettent pas de libérer tous les patients de leurs douleurs. Les chiffres parfois mentionnés dans la littérature, de l’ordre de 25%, nous semblent plutôt élevés [4]. Chez ces patients, un traitement chirurgical peut être proposé. Le tableau 2 donne un aperçu des mesures actuellement employées dans la pratique.
Tableau 2: Aperçu du traitement chirurgical, des techniques et de leur principe.
PrincipeOpérationTechnique
Dissolution des adhérences entre le péritendon et le ­tendon d’AchilleDilatation (fig. 4) / dénervationMini-invasive
Stripping par fil
Déclenchement de la néo­angiogenèse, augmentation ­du flux sanguinTénotomies longitudinales (fig. 5)Endoscopique
Peignage du tendon d’Achille
Incisions longitudinales multiples percutanées
Dissolution des adhérences/forces de cisaillement entre le tendon du muscle plantaire et le tendon d’AchilleExcision du tendon du muscle plantaireEndoscopique
Elimination des zones 
générées et putréfiéesDébridement, réparation 
du tendon par suturesChirurgie ouverte
Renforcement ou mise en décharge du tendon maladeTransfert du tendon du muscle long fléchisseur de l’halluxChirurgie ouverte, voie endoscopique également possible
Récession du gastrocnémien
Relâchement du fasciaIncision du fascia du muscle long fléchisseur de l’halluxChirurgie ouverte, voie endoscopique également possible
La chirurgie à ciel ouvert traditionnelle comprend le débridement, c’est-à-dire l’élimination des tissus dégénérés, suivi par une réparation du tendon, c’est-à-dire la connexion des tissus débridés au moyen de sutures. Si plus de 50% du tendon doit être retiré, il est recommandé de procéder à une augmentation par transfert du tendon du muscle long fléchisseur de l’hallux sur la tubérosité calcanéenne.
Une revue systématique de la littérature montre que le taux de réussite des interventions chirurgicales à ciel ouvert du tendon d’Achille a baissé de façon drastique au cours de ces 50 dernières années (dispersion de 100-36%). Les auteurs supposent que la méthodologie plus précise des études d’aujourd’hui est en cause. De plus, le taux de complications est élevé (11%) [5]. Les complications sont en partie invalidantes, à l’exemple des plaies nécrotiques, des infections et des lésions du nerf sural.
Si nous assumons, comme cela est décrit plus haut, que les lésions nodulaires ne sont pas la cause principale des douleurs, alors il convient de se demander si l’indication d’une opération consistant à retirer ces parties dégénératives est justifiée. A l’échographie, Khan et al. ont trouvé un gonflement nodulaire à la morphologie identique dans 32% des tendons d’Achille asymptomatiques et 65% des tendons d’Achille symptomatiques [4].
Si la néovascularisation avec nerfs sensitifs du péritendon est la cause principale des douleurs, une dénervation par détachement du péritendon pourrait suffire pour venir à bout des douleurs. C’est précisément l’objectif des techniques chirurgicales mini-invasives. Une revue systématique de la littérature publiée entre 1945 et 2014 n’a pas révélé de différences au niveau des taux de réussite moyens pour les techniques mini-invasives et à ciel ouvert, qui s’élèvent respectivement à 84% et 79% [5]. La satisfaction des patients est également similaire pour les deux techniques (mini-invasive: 78,5%, à ciel ouvert: 78,1%). Le taux de complication de la chirurgie mini-invasive est toutefois significativement plus faible que celui de la chirurgie à ciel ouvert (5% vs 11%). Les techniques mini-invasives présentent en outre l’avantage de pouvoir être réalisées sous anesthésie locale, et, éventuellement, en ambulatoire. Il est possible de libérer les adhérences entre le péritendon et le tendon d’Achille au moyen de dilatateurs (fig. 4) ou par stripping avec un fil robuste. Nous réalisons la première méthode, car seule une incision est nécessaire au lieu de quatre. Le gonflement du tendon d’Achille montre une absence de guérison sur le plan histopathologique. En conséquence, la seconde approche des techniques mini-invasives consiste à déclencher une néoangiogenèse, que ce soit au moyen de la ténotomie longitudinale, du peignage du tendon ou d’incisions longitudinales multiples par voie percutanée (fig. 5).
Figure 4: Dilatation: l’incision centrale est réalisée à 1–2 cm en distal du gonflement. Le péritendon est exploré par une dissection émoussée, soulevé avec une pince de Kocher et, le cas échéant, incisé. Le péritendon est progressivement détaché du tendon au niveau du gonflement grâce à des dilatateurs expansibles.
Figure 5: Ténotomies longitudinales endoscopiques: nous réalisons les ténotomies longitudinales en utilisant la même voie d’abord que pour la dilatation. Une lame à usage unique est placée sur l’arthroscope et introduite. La lame peut être détachée sous contrôle visuel afin de réaliser les incisions longitudinales. En post-opératoire, un bandage de compression est mis en place et une mise en charge partielle de 15 kg est autorisée au cours des 2 premières semaines. Le patient doit réaliser des exercices de mobilisation active en fonction des symptômes. Une mise en charge totale est possible 2 semaines après l’intervention.
Dans la littérature, des indices suggèrent que la section supplémentaire du tendon du muscle plantaire peut réduire les douleurs et améliorer la structure tendineuse. Les auteurs ne disposent d’aucune expérience vis-à-vis de ce procédé.

Perspectives

La pathogenèse de la tendinopathie et la cause des douleurs ne sont toujours pas totalement élucidées. La littérature la plus récente révèle certains nouveaux aspects. Il y a raisonnablement lieu d’espérer que nous gagnerons une meilleure compréhension au cours des prochaines années.
Il serait également intéressant d’étudier séparément les différents collectifs de patients. La pathogenèse semble varier en fonction de l’âge, de l’activité et du sexe. Nous attendons avec impatience la réalisation d’études supplémentaires avec une différenciation par groupes.
Nous pensons que la chirurgie ouverte du tendon avec débridement tendineux étendu va perdre du terrain dans le cadre de la tendinopathie achilléenne corporéale et sera réservée à certains cas particuliers, par ex. en cas d’échec non seulement de la thérapie d’entraînement mais également des interventions mini-invasives.
Personne ne s’étonnera que nous souhaitions que davantage d’études randomisées prospectives bien planifiées avec des groupes de comparaison soient réalisées. Tout en sachant qu’il sera aussi difficile à l’avenir d’atteindre des effectifs suffisants pour de telles études, nous ne pouvons qu’espérer que les résultats disponibles seront publiés et partagés de façon honnête et autocritique.

L’essentiel pour la pratique

• La thérapie d’entraînement est bénéfique et reste la référence dans le traitement de la tendinopathie achilléenne corporéale.
• L’entraînement doit être adapté individuellement, en particulier lorsque l’exercice simple du «heel drop» a échoué.
• Les coureurs devraient se voir proposer des alternatives au jogging.
• Les patients non sportifs devraient être motivés à suivre une thérapie d’entraînement.
• Le traitement conservateur doit être poursuivi durant au moins 6 mois.
• Mis à part l’entraînement excentrique, il existe également d’autres protocoles d’entraînement.
• Une optimisation des comorbidités (tabagisme, HbA1c) est recommandée.
• L’épaississement du tendon n’est pas la (seule) cause des douleurs.
• Au cours de la première phase aiguë, il peut y avoir une inflammation douloureuse du péritendon; les mesures anti-inflammatoires priment alors sur l’entraînement.
• Les infiltrations de corticoïdes ne sont pas recommandées.
• Les interventions mini-invasives sans débridement majeur du tendon montrent un bénéfice comparable à celui de la chirurgie ouverte.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Myrielle Hitz
Praxis für Fusschirurgie Bern
Schänzlistrasse 33
CH-3013 Bern
myrielle.hitz[at]hirslanden.ch
1 Michael Cassel, et al. Tendinopathien der unteren Extremität im Sport – Diagnostik und Therapie. Orthopädie und Unfallchirurgie up2date. 2015;7:167–83.
2 Silbernagel KG, Crossley KM. A proposed return-to-sport program for patients with midportion Achilles tendinopathy: Rationale and implementation. J Orthop Sports Phys Ther. 2016;28(2):355–8.
3 Beyer R, Kongsgaard M, Hougs Kjaer B, øhlenschlaeger T, Kjaer M, Magnusson SP. Heavy slow resistance versus eccentric training as treatment of Achilles tendinopathy: A randomized controlled trial. Am J Sports Med. 2015;43(7):1704–11.
4 Karlsson J, Calder J, van Dijk CN, Maffulli N, Thermann H, authors/editors. Achilles Tendon Disorders – a comprehensive overview of diagnosis and treatment (Current concepts in orthopaedics). DJO Publications 2014, numéro ISBN: 978-0-9558873-4-5.
5 Lohrer H, David S, Nauck T. Surgical treatment for Achilles tendinopathy – a systematic review. BMC Musculoskelet Disord. 2016;17:2017.