La fatigue en oncologie
Prise en charge

La fatigue en oncologie

Übersichtsartikel
Édition
2018/39
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03368
Forum Med Suisses. 2018;18(39):790-795

Affiliations
ª Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne; b Direction des soins palliatifs et de support, CHUV, Lausanne; c Swiss olympic medical center, Division de médecine physique et réadaptation, Département de l’Appareil Locomoteur, CHUV, Lausanne; d Institut de médecine de famille, Université de Fribourg, Fribourg

Publié le 26.09.2018

La fatigue liée au cancer ou le traitement du cancer est le symptôme le plus souvent rapporté chez les patients oncologiques. Une prise en charge en trois paliers est recommandée.

Introduction

La fatigue est le symptôme le plus souvent rapporté chez les patients oncologiques sous radiothérapie, chimiothérapie ou immunothérapie [1], allant jusqu’à 80–96% des patients en chimiothérapie et 60–93% pour ceux traités par radiothérapie [2]. De plus, environ un tiers des patients sont concernés par une fatigue persistante pendant plusieurs années après les traitements [3, 4].
Cet article revoit le bilan à effectuer dans la fatigue liée au cancer aux différents stades de la maladie oncologique, ainsi que les traitements qui peuvent être proposés aux patients sur la base des recommandations récentes, notamment celles du «National Comprehensive Cancer Network» aux Etats-Unis [5] et de la société américaine d’oncologie médicale («American Society of Clinical Oncology» [ASCO]) [6]. Le terme de fatigue liée au cancer est défini comme une sensation subjective pénible et persistante de fatigabilité ou d’épuisement physique, émotionnel et/ou cognitif en relation avec le cancer ou le traitement du cancer, qui interfère avec le fonctionnement habituel et qui n’est pas proportionnelle à une activité récente [5].

Evaluation de la fatigue 
et diagnostic différentiel

La première étape consiste à évaluer le degré de fatigue en déterminant son intensité à l’aide d’une échelle visuelle analogique (EVA) ou numérique (EN) de 0 à 10, similaire à celle utilisée dans l’évaluation de la douleur [6, 7]. Cette évaluation quantitative permet de juger de l’importance que la fatigue représente pour le patient et de suivre son évolution au cours du temps. Le dépistage de la fatigue devrait être effectué dès le moment où le diagnostic de cancer est posé, puis au moins une fois par année [6]. Si l’intensité de la fatigue est faible, soit un score entre 1 et 3, et qu’elle n’interfère pas avec les activités de la vie quotidienne, le patient peut être rassuré et bénéficier de conseils sur des stratégies visant à minimiser les pertes d’énergie. Si l’intensité de la fatigue est modérée à sévère (score ≥4) ou qu’elle interfère avec les activités de la vie quotidienne, une anamnèse détaillée ainsi qu’un examen clinique sont nécessaires [5].
La seconde étape consiste à rechercher l’étiologie, qui se situe dans cinq principaux domaines: les comorbidités (anémie, désordres électrolytiques, abus de substance par exemple), les effets secondaires des traitements oncologiques et non oncologiques, les facteurs psychosociaux, l’exacerbation de symptômes secondaires au cancer ou un effet direct du cancer [5] (tab. 1). Certaines causes de fatigue sont particulièrement fréquentes chez les patients oncologiques, notamment les troubles du sommeil [8], la dépression [9] et l’anémie [10]. La recherche de causes potentiellement réversibles ou traitables doit être effectuée avant d’attribuer la fatigue à un effet direct du cancer.
Tableau 1: Etiologies de la fatigue chez le patient onco­logique.
Comorbidités
Anémie
Déficit nutritionnel / malnutrition
Trouble électrolytique (Na, K, Ca corrigé, Mg, phosphore)
Dysfonction thyroïdienne
Infection
Abus de substance, y compris alcool
Dysfonction hépatique
Effets secondaires du traitement
Traitement oncologique: chimiothérapie, radiothérapie, 
thérapie ciblée, immunothérapie, hormonothérapie, chirurgie
Médicaments non oncologiques (par ex. sédatifs)
Facteurs psychosociaux
Anxiété
Dépression
Capacité à faire face à la maladie chronique
Exacerbations de symptômes dans le contexte oncologique
Douleur
Trouble du sommeil, y compris apnée du sommeil, 
syndrome des jambes sans repos
Diminution du status fonctionnel: déconditionnement 
et diminution de l’activité physique
Effet direct du cancer
Adapted with permission of: Springer Customer Service Centre GmbH on behalf of Cancer Research UK, Springer Nature, British Journal of Cancer, Fatigue and cancer: causes, prevalence and treatment approaches, Wagner LI, Cella D, 2004, https://www.nature.com/bjc/ and NCCN Clinical Practice Guidelines in Oncology (NCCN Guidelines®) for Cancer-Related Fatigue V.2.2018. © 2018 National Comprehensive Cancer Network, Inc; all rights reserved, www.nccn.org. The NCCN Guidelines® and illustrations herein may not be reproduced in any form for any purpose without the express written permission of NCCN. To view the most recent and complete version of the NCCN Guidelines, go online to NCCN.org. The NCCN Guidelines are a work in progress that may be refined as often as new significant data becomes available. NCCN makes no warranties of any kind whatsoever regarding their content, use or application and disclaims any responsibility for their application or use in any way.

Traitement

La détermination de l’intensité de la fatigue et de ses étiologies permet la mise en place d’une stratégie thérapeutique, modulée notamment par le stade d’évolution du cancer. Les traitements liés à des causes spécifiques ne sont pas décrits dans cet article, qui se focalise sur la fatigue liée au cancer ou à son traitement. Un traitement en trois paliers est recommandé: (1) information et conseils, (2) traitements non pharmacologiques, puis (3) pharmacologiques (tab. 2).
Tableau 2: Stratégies d’intervention par paliers successifs dans la fatigue modérée 
à sévère (score 4–10) ou interférant avec les activités de la vie quotidienne.
1. Information et conseils pour le patient et son entourage
Se reposer, mais pas trop
Rester actif
Conservation d’énergie (déléguer, fixer des priorités, prévoir les activités importantes au pic d’énergie)
Demander de l’aide
2. Traitements non pharmacologiques
Activité physique adaptée
Interventions psychosociales (TCC, psycho-éducation, méditation…)
Yoga
Massage thérapeutique
Acupuncture
Consultation nutritionnelle
Luminothérapie
3. Traitements pharmacologiques
Psychostimulants (méthylphenidate, modafinil)
Corticostéroides
La recherche d’un facteur causal et des commorbidités (anémie, douleur, …) doit être effectuée 
de manière régulière et traitée en conséquence.
TCC: thérapies de type cognitivo-comportementale

Adapted with permission from the NCCN Clinical Practice Guidelines in Oncology (NCCN Guidelines®) for Cancer-Related Fatigue V.2.2018. © 2018 National Comprehensive Cancer Network, Inc. All rights reserved. The NCCN Guidelines® and illustrations herein may not be reproduced in any form for any purpose without the express written permission of NCCN. To view the most recent and complete version of the NCCN Guidelines, go online to NCCN.org. The NCCN Guidelines are a work in progress that may be refined as often as new significant data becomes available. NCCN makes no warranties of any kind whatsoever regarding their content, use or application and disclaims any responsibility for their application or use in any way.

Patient sous traitement oncologique 
à visée curative ou en rémission

Information et conseils pour le patient 
et son entourage

Les patients devraient être informés que la fatigue peut être une conséquence du traitement et que ce n’est pas forcément un indicateur d’une progression de la maladie ou d’un traitement inefficace [5]. Le patient et l’entourage devraient être informés que la plupart des patients présentera graduellement une diminution de la fatigue avec un retour à la normale de l’énergie [3]. Il peut être utile de proposer à certains patients d’évaluer eux-mêmes leur niveau de fatigue, en notant quotidiennement dans un tableau le score EVA/EN et la gêne occasionnée. Il est nécessaire que le médecin donne les recommandations également à l’entourage proche, pour en faciliter la mise en pratique. Une fiche pour les patients (fig. 1; la version téléchargeable se trouve dans la version en ligne de l'article) peut être distribuée au patient, afin qu’il puisse avoir des recommandations concrètes et fixer ses priorités. Cette fiche peut ensuite servir de support de discussion lors des consultations de suivi.
Figure 1: Fiche pour le patient et son entourage, réalisée en collaboration avec la Ligue suisse contre le cancer (https://www.liguecancer.ch). 
La version téléchargeable se trouve dans la version en ligne de l'article sur https://doi.org/10.4414/fms.2018.03368.
Une manière de gérer la fatigue modérée à sévère est de reporter toute activité non essentielle. En effet, la conservation d’énergie permet une réduction significative de la fatigue chez des patients recevant un traitement oncologique [11]. La conservation d’énergie est une stratégie d’auto-soin dont le but est de maintenir un équilibre entre le repos et l’activité pendant les périodes où la fatigue est importante, afin que les activités jugées prioritaires par le patient puissent être maintenues. Les stratégies de conservation d’énergie doivent tenir compte des aspects suivants: fixer des priorités et attentes réalistes, déléguer des activités de moindre importance, éliminer les activités non indispensables, faire les activités à son rythme, aménager du temps de repos supplémentaire et planifier les activités demandant de l’énergie au moment du pic d’énergie [5].

Traitements non pharmacologiques

L’activité physique régulière améliore la force, l’énergie et l’endurance. Parmi les approches non pharmacologiques, l’activité physique est celle qui a le plus de données démontrant son efficacité. Malheureusement, le message concernant la pratique d’activités physiques n’est dispensé que par 20% des oncologues [12]. La mise en place d’une pratique d’activité physique précoce, dès le diagnostic, apparaît cependant primordiale pour prévenir la fatigue et lutter contre la baisse spontanée de l’activité physique, la sédentarité et le cercle vicieux du déconditionnement. Plusieurs méta-analyses ont montré que l’activité physique diminue la fatigue particulièrement dans des programmes d’endurance modérée à élevée, idéalement associée avec des exercices de renforcement musculaire, tant pendant le cancer que chez les survivants [13–16].
Actuellement, bien qu’il n’existe pas suffisamment de données pour définir quelle durée d’activité physique est la plus bénéfique, il y a un certain consensus concernant les programmes à proposer en ce qui concerne les différents paramètres de la prescription d’activité physique, qui se résume avec l’acronyme FITT, pour fréquence, intensité, type et temps (tab. 3) [17]. Il parait important que ces séances soient supervisées par des professionnels qualifiés pour la prise en charge des patients oncologiques, par exemple issus des sciences du sport, avec la formation en «Activité Physique Adaptée» (APA). Ces derniers sont ainsi compétents pour proposer des activités variées, en lignes avec les exigences «FITT» mentionnées ci-dessus. Cela permet aussi de ne pas interdire des activités qui pourraient paraître inadaptées, alors qu’elles ne le sont pas. Par exemple, la pratique de l’escrime après un cancer du sein a montré, outre un effet sur la fatigue et la dépression, des effets positifs sur le lymphœdème et la réintégration du membre supérieur dans le schéma corporel [18]. Le spécialiste en APA saura adapter les séances selon l’état de fatigue actuel du patient, en proposant une activité plus légère favorisant la détente ou la relaxation, voire en la repoussant. Dans le cas de personnes préalablement très sédentaires, l’objectif sera dans un premier temps de limiter le temps de sédentarité en favorisant l’activité physique non codifiée telle que le jardinage ou la mobilité douce par exemple. A noter qu’il faut être vigilant concernant l’activité physique chez les patients avec des métastases osseuses, une thrombocytopénie, une anémie, de la fièvre, une infection active ou des limitations secondaires dues à des métastases ou à d’autres comorbidités. Les patients peuvent s’adresser à la ligue suisse contre le cancer ou aux ligues cantonales pour obtenir des adresses concernant l’activité physique adaptée.
Tableau 3: Recommandations pour un programme d’activité physique (selon l’acronyme FITT).
FréquenceAu moins 2, idéalement 5 séances par semaine
IntensitéModérée: 55–70% de la FCmax (essoufflement modéré, conversation possible, transpiration modérée);
par exemple: vélo 15 km/h ou montée d’escaliers à vitesse lente
Elevée: 70–90% de la FCmax (essoufflement marqué, conversation difficile, transpiration abondante);
par exemple: vélo 20 km/h ou montée d’escaliers à vitesse rapide
TypePrivilégier les activités «en endurance» mettant en jeu des masses musculaires importantes (marche, natation, gymnastique), idéalement en association avec des exercices de renforcement musculaires concernant les principaux muscles moteurs et posturaux. Pour les muscles moteurs, on proposera des exercices avec charges légères et 10 à 15 répétitions. Pour les muscles posturaux, on privilégiera le travail isométrique (statique) qui peut être réalisé dans le cadre d’exercices proprioceptifs (amélioration de l’équilibre)
TempsObjectif d’au moins 30 minutes d’intensité modérée, 5 fois par semaine, équivalent à 3 fois 20 minutes d’intensité élevée, à atteindre progressivement, ou en fractionnant, en cas de fatigabilité importante.
FCmax : fréquence cardiaque maximale
Une consultation diététique peut également être utile pour pallier aux carences nutritionnelles qui résultent de l’anorexie, de diarrhées, de nausées et vomissements dans le contexte du cancer et de son traitement [19]. Un bon équilibre des électrolytes, ainsi qu’une bonne hydratation sont également essentiels pour prévenir et traiter la fatigue [5]. Bien qu’une étude récente sur le jeûne intermittent court (36 heures avant et 24 heures après la chimiothérapie, 350 kcal par jour sous forme liquide) [20], ainsi qu’une série de 10 cas [21] suggèrent un effet bénéfique du jeûne sur l’amélioration de la fatigue pendant la chimiothérapie, les données actuelles ne sont pas suffisantes pour le recommander. 
Le massage thérapeutique a montré un effet bénéfique sur la fatigue chez les patients sous traitement [22]. Des effets positifs de l’acupuncture sur la fatigue ont été rapportés pendant des radiothérapies non palliatives [23, 24], ainsi qu’après des chimiothérapies [25, 26]. Par exemple, une étude randomisée contrôlée auprès de patientes avec cancer du sein souffrant de fatigue modérée à sévère a montré qu’une séance d’acupuncture par semaine pendant 6 semaines améliore la fatigue (−3,1; 95%CI, –4,0 à −2,3; p <0,001) [26]. Les données ne sont toutefois actuellement pas assez solides pour les recommander de manière systématique. Plusieurs études randomisées contrôlées ont montré un impact positif de la pratique du yoga sur la fatigue liée au cancer [27, 28]. Selon une méta-analyse, le yoga permet une réduction modérée de la fatigue chez des patients avec un cancer, mais le bénéfice du yoga n’est pas supérieur à celui de l’activité physique [29, 30]. La luminothérapie a également montré des effets bénéfiques [31, 32].
Les interventions psychosociales que l’on peut recommander pour la fatigue dans un contexte oncologique incluent notamment des thérapies de type cognitivo-comportementale (TCC), de méditation en pleine conscience et psycho-éducatives [33–37]. Les patients devraient être sensibilisés sur le fait que l’anxiété et la dépression sont souvent associées à la fatigue pendant le traitement du cancer [38].

Traitements pharmacologiques

Il existe quelques données sur certains traitements pharmacologiques contre la fatigue, bien qu’un effet placebo significatif ait été observé avec ce type de patients [39]. Des études sur la paroxétine n’ont pas démontré d’effet positif sur la fatigue chez des patients sous chimiothérapie [40, 41]. Le méthylphénidate est évalué dans plusieurs études avec des résultats contradictoires [42, 43]. Il est donc difficile d’en tirer des conclusions. Le modafinil a également fait l’objet de diverses études dont les résultats suggèrent qu’il pourrait diminuer la fatigue [44], mais la diminution n’a pas été obtenue dans toutes les études [45, 46]. Le coenzyme Q10 ainsi que la L-carnitine n’ont pas montré de bénéfice [47, 48], alors que le ginseng pourrait avoir un effet bénéfique sur la fatigue, avec des dosages entre 1 et 2 grammes par jour [49, 50].

Patient en phase avancée ou terminale

Bien que les principes énumérés ci-dessus pour les patients oncologiques en phase active de leur traitement ou en rémission puissent être appliqués en phase palliative, certains facteurs sont spécifiques à cette dernière population. La baisse de l’état général consécutif à la progression de la maladie, les effets secondaires des traitements oncologiques, la polymédication, les troubles cognitifs, la malnutrition et la déshydratation sont des facteurs souvent associés à la fatigue en phase avancée et terminale. Elle peut être constante et progressive ou apparaître brusquement. Elle est le plus souvent associée à de nombreux autres symptômes physiques et psychologiques. Une étude menée auprès de 1000 patients à un stade avancé de leur cancer rapporte la présence de douleur chez 84% d’entre eux, de fatigue chez 69%, de faiblesse chez 66% et d’un manque d’énergie chez 61% [51].

Information et conseils pour le patient 
et son entourage

Les stratégies de conservation de l’énergie évoquées précédemment sont pleinement indiquées en situation avancée ou terminale de la maladie, pour autant qu’elles soient adaptées à la situation spécifique de chaque patient. Par ailleurs, il est recommandé que ce dernier puisse faire autant de siestes que nécessaires, pour autant que cela n’ait pas d’impact sur son sommeil nocturne [5].

Traitements non pharmacologiques

Les données sur les bénéfices d’une activité physique et/ou une intervention psychosociale telles que celles évoquées pour les patients à un stade plus précoce du cancer ne sont pas aussi solides à ce stade de cancer. De plus, leur adéquation sera déterminée par l’état général du patient, son intérêt pour ce type de démarche et l’estimation de son pronostic. En termes d’activité physique, des études ont montré dans une population oncologique terminale les bénéfices de programmes comprenant divers exercices, avec une amélioration du fonctionnement émotionnel et de la fatigue physique [52, 53]. Néanmoins, il est important que le programme soit adapté à cette catégorie de patients, car bien que ne requérant pas un haut niveau d’activité physique, certaines activités peuvent être inadaptées en raison de leur durée.
Sur le plan psychosocial, diverses interventions proposent une approche ayant comme objectif de favoriser l’acceptation des limitations imposées par la fatigue et la perte d’autonomie, toutefois sans avoir démontré un effet significatif sur la fatigue [54]. Plusieurs visent à valoriser chez la personne malade un sentiment de sens et de dignité, indépendamment de sa condition physique. Elles peuvent par exemple se focaliser sur des thématiques ayant trait à l’histoire de vie, les réalisations existentielles et les liens avec les proches par le biais de sessions de groupe s’organisant sur quelques semaines. Ce type d’approche a démontré une amélioration de la qualité de vie chez les patients, malgré l’altération de leur état général et la présence de symptômes invalidants [55, 56]. Concernant le massage thérapeutique, le yoga et l’acupuncture, il n’existe pas d’étude spécifique à ce stade du cancer.

Traitements pharmacologiques

L’utilisation de psychostimulants semble intéressante, bien qu’à ce jour les études portant sur ce type de médicaments sont non conclusives. Des études pilotes montrent une amélioration de la fatigue sous méthylphénidate [57, 58], alors que des études randomisées ultérieures rapportent une amélioration de la fatigue tant chez les patients sous méthylphénidate que placebo [59, 60]. Les corticostéroïdes (dexaméthasone, prednisone et dérivés) sont fréquemment utilisés en clinique, car ils semblent améliorer la fatigue et la qualité de vie de patients en phase avancée [61]. Des études randomisées ont montré un bénéfice significatif des corticoïdes sur la fatigue [62, 63]. Toutefois, d’autres études sont nécessaires avant de les recommander de manière systématique [64]. La posologie actuellement recommandée est de 25–50 mg de prednisone, 4–8 mg de dexaméthasone ou équivalent une fois par jour, à interrompre après 5 jours si aucun effet bénéfique n’est constaté. La durée du traitement dans l’indication de fatigue ne devrait pas excéder deux à trois semaines, en raison de l’absence de preuve d’efficacité et des risques importants d’effets secondaires (myopathie proximale, complications infectieuses, insulino-résistance, …) [65].

Perspectives

Les patients oncologiques ainsi que leur entourage devraient être bien informés des possibilités de prise en charge de la fatigue, afin de pouvoir la comprendre et la gérer au mieux. L’intensité de la fatigue devrait être évaluée de façon régulière. Les stratégies de conservation de l’énergie sont utiles pour tout patient oncologique ressentant de la fatigue, mais d’autant plus en situation avancée ou terminale. Comme le démontre une récente méta-analyse [66], l’activité physique et les interventions psycho-sociales (thérapie cognitivo-comportementale et méditation notamment) sont des approches à recommander aux patients lors de la prise en charge de la fatigue. Les psychostimulants semblent avoir un effet bénéfique sur la fatigue. Les corticostéroïdes peuvent être envisagés chez les patients avec un cancer à un stade avancé.

L’essentiel pour la pratique

• La fatigue est le symptôme le plus souvent rapporté chez les patients oncologiques sous traitement actif.
• Le dépistage de la fatigue devrait être effectué dès le diagnostic, puis au moins une fois par année.
• Un traitement en trois paliers est recommandé: information et conseils, traitements non pharmacologiques, puis pharmacologiques.
• Les stratégies de conservation d’énergie sont indiquées à tous les stades du cancer.
• Pour les patients sous traitement oncologique à visée curative ou en rémission, l’activité physique devrait être proposée dès le début du parcours de soins.
• Pour les patients en phase avancée ou terminale, l’activité physique et les interventions psycho-sociales sont également recommandées, tout en les adaptant à l’état général du patient. L‘utilisation de psychostimulants ou de corticostéroides semble bénéfique.
Les auteurs auteurs n'ont pas déclaré d'obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd.
Pierre-Yves Rodondi
Université de Fribourg
Rue de Rome 2
CH-1700 Fribourg
Pierre-Yves.Rodondi[at]unifr.ch
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