Désir d’enfant tardif: (im)possibilités de la médecine?
Des connaissances étonnamment faibles

Désir d’enfant tardif: (im)possibilités de la médecine?

Editorial
Édition
2018/43
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03397
Forum Med Suisse. 2018;18(43):874

Affiliations
Praxis für Gynäkologie und Geburtshilfe, spez. Reproduktionsmedizin, IVF Lindenhofspital, Bern

Publié le 24.10.2018

En Europe, cela fait des années que la maternité est reportée à plus tard. Les connaissances sur ce thème que possèdent la population générale mais aussi les professionnels de la santé sont étonnamment faibles.

En Europe, cela fait des années que la maternité est reportée à plus tard et la Suisse fait partie du peloton de tête sur ce point. Les connaissances sur ce thème que possèdent la population générale mais aussi les professionnels de la santé sont étonnamment faibles.
Les causes de la maternité tardive sont multiples; des raisons socio-économiques et des changements de la conception des rôles, avec en parallèle la disponibilité de moyens de contraception, ont abouti à cette situation. Aucun renversement de tendance n’est en vue. La médiatisation de plus en plus fréquente de personna­lités qui sont devenues mères à un âge avancé, dans la grande majorité des cas suite à un don d’ovocytes, est sans aucun doute contre-productive et laisse à penser qu’une grossesse à un âge avancé ne pose aucun problème.
Ce numéro du Forum Médical Suisse contient un article détaillé sur le sujet rédigé par Moffat R et al. [1].
La fertilité réduite et l’élévation parallèle du taux d’avortements spontanés sont dues à une augmentation des ovocytes aneuploïdes. Ce phénomène dépend strictement de l’âge chronologique et il n’existe aucune so­lution prometteuse pour l’empêcher. Chez une femme de 40 ans, 80% des ovocytes sont déjà aneuploïdes.
Il existe différentes approches afin d’augmenter les chances de grossesse chez les femmes âgées. De nombreux pays, mais pas la Suisse, autorisent le don d’ovocytes et certains pays autorisent même la maternité de substitution. Ces méthodes permettent de contourner la problématique des ovocytes aneuploïdes. Une autre possibilité réside dans la congélation d’ovocytes non fécondés à un âge jeune (dans l’idéal, sans doute avant 35 ans). Cette pratique, que l’on nomme le «social freezing», est autorisée en Suisse et permet de reporter la maternité à plus tard tout en réduisant les risques mentionnés précédemment.
Les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) ont fait naître l’espoir d’une amélioration de la situation. Même avec la PMA, il n’est pas systématiquement possible d’augmenter la fertilité, et les inconvénients de l’âge maternel demeurent. Avec l’introduction, en septembre 2017, de la nouvelle Loi sur la procréation médicalement assistée [2], l’examen des embryons avant l’implantation est également possible en Suisse. Grâce au test des embryons à la recherche d’aneuploïdies («preimplantation genetic testing for aneuploidies» [PGT-A]), il est possible de détruire les embryons aneuploïdes et de transférer uniquement les embryons offrant une chance élevée de grossesse.
Ce procédé entraîne une augmentation du taux de grossesse par transfert et ainsi, une réduction de la contrainte temporelle et peut-être aussi de la pression psychique pour les couples concernés. Il n’a toutefois pas pu être montré de façon convaincante que cette méthode permettait d’aider un plus grand nombre de couples à avoir un enfant. Le taux cumulatif de grossesse n’augmente pas. Ce procédé est complexe et coûteux, mais il trace la voie vers l’avenir. Chez de nombreuses femmes à la fin de leur vie reproductive, ces procédés n’entrent malheureusement souvent pas en ligne de compte, car trop peu d’ovocytes sont produits au cours d’un cycle de PMA en raison d’une réserve ovarienne insuffisante.
Dans l’article de Moffat et al., un autre thème essentiel est abordé: les complications de la grossesse et de l’accouchement en cas de maternité tardive. La morbidité et la mortalité à la fois maternelles et infantiles augmentent avec l’âge de la mère. Des taux de complications extrêmement élevés s’observent pour les grossesses après don d’ovocytes chez des femmes âgées ménopausées, situation qui se rencontre aussi de plus en plus souvent en Suisse.
Je recommande à tous cette lecture passionnante. Vous plongerez dans un monde qui livrera sans doute de nouvelles connaissances à la majorité d’entre vous.
Dr méd. R. Moser
Facharzt für Gynäkologie und Geburtshilfe,
spez. Reproduktionsmedizin und gyn. Endokrinologie
Bremgartenstrasse 119
CH-3012 Bern
ruedi.moser[at]hin.ch
1 Moffat R, Raggi A, Sartorius G, Conrad B, Lapaire O, De Geyter C. Maternité tardive et report de la fondation d’une famille. Forum Med Suisse. 2018;18(43):875–80.