Quand une méniscectomie arthroscopique devrait-elle être réalisée?
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Quand une méniscectomie arthroscopique devrait-elle être réalisée?

Kurz und bündig
Édition
2018/46
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03420
Forum Med Suisse. 2018;18(46):937-938

Publié le 14.11.2018

Pertinent pour la pratique

Quand une méniscectomie arthroscopique devrait-elle être réalisée?

Deux faits semblent incontestés: 1. les lésions méniscales dégénératives obstructives, c.-à-d. qui entravent le mouvement du genou (dé­chirures en «anse de seau»), devraient être opérées; 2. en cas de gonarthrose sévère et de ­lésions méniscales dégénératives (non obstructives), le patient ne retire pas de bénéfices d’une opération. Pour toutes les autres formes moins sévères d’arthrose, les études randomisées ont montré que la méniscectomie chirurgicale présentait un avantage, mais une méta-analyse a suggéré que l’avantage ne persistait que durant 6 mois à peine. L’étude à laquelle nous nous intéressons a désormais montré que chez les patients âgés de 25–70 ans, 16 séances de physiothérapie (d’une durée de 30 minutes, limitées aux 8 premières semaines) procuraient, après 2 ans, un résultat fonctionnel tout aussi bon que la méniscectomie arthroscopique. Ont été exclus de cette étude les patients avec blocages du genou, instabilités (ruptures des ligaments croisés antérieurs ou postérieurs), IMC >35 kg/m2 et arthrose sévère (correspondant à un score de Kellgren et Lawrence de 4, voir tab. 1). Nous disposons ainsi d’une très bonne preuve qu’il convient de recourir en premier lieu à la physiothérapie et non pas à la chirurgie en cas d’arthroses ­légères à modérées et de lésions méniscales dégénératives non obstructives. Quel est l’impact sur la progression à long terme de l’arthrose: est-elle accé­lérée ou ralentie par une opération?
Tableau 1: Grades de la gonarthrose selon Kellgren et Lawrence.
GradeAltérations
0Aucune
1Pincement douteux de l’interligne articulaire, ostéophytes possibles
2Pincement possible de l’interligne articulaire, ostéophytes nets
3Pincement franc de l’interligne articulaire, ostéophytes multiples, sclérose osseuse, ­déformations possibles du tibia et du fémur
4Pincement sévère de l’interligne articulaire (quasi-oblitération), ostéophytes prononcés, ­sclérose osseuse sévère, déformations certaines du tibia et du fémur
Rédigé le 03.10.2018.

Pour les médecins hospitaliers

Hémorragie inexpliquée ou perturbation de l’INR: les cannabinoïdes synthétiques en cause?

Les cannabinoïdes synthétiques, qui ont été synthétisés pour la première fois en Europe en 2000, activent le récepteur cannabinoïde CB1. Ils ne peuvent pas être décelés par les tests de dépistage de drogues actuels. Parmi leurs effets indésirables potentiels figurent l’agitation, les psychoses, les limitations cognitives, la dépression respiratoire, la tachycardie et l’hypertension. D’après les analyses de laboratoire, une hyperglycémie et une leucocytose sont souvent présentes. Dans le cadre d’une petite épidémie de personnes ayant consommé des cannabinoïdes synthétiques (substances fumées ou inhalées après éva­poration de la solution aqueuse), des perturbations massives de l’INR et des hémorragies (le plus souvent macro-hématuries) mais également un décès ont été constatés dans l’Etat américain de l’Illinois. La cause réside dans l’adjonction de coumarines de longue durée d’action («super-coumarines») ayant une très longue demi-vie d’élimination (par ex. 2–12 mois pour le brodifacoum!). Il semblerait qu’il existe un réservoir hépatique à ­partir duquel ces coumarines sont encore libérées même lorsqu’elles sont indétectables dans le sang. Les coumarines sont ajoutées afin de ralentir la dégradation des cannabinoïdes (interaction avec le cytochrome P450) et/ou renforcer l’action (les coumarines pourraient faire office de «passerelle» et renforcer l’interaction entre le cannabinoïde synthétique et le récepteur CB1). Il est en outre admis que ces super-coumarines inhalables et pénétrant par voie percutanée peuvent (pourraient) également être utilisées comme armes chimiques et armes bioterroristes.
Rédigé le 03.10.2018.

Toujours digne d’être lu

Atteindre le succès avec beaucoup de travail et malgré un refus

Le chercheur argentin Adolfo de Bold, qui travaillait à Toronto, a passé 12 années à décrypter la fonction des organelles intracellulaires (évoquant des granules sécrétoires) des myocytes des oreillettes cardiaques. Même des sommités mondiales de la biologie cellulaire, telles que George Palade et Christian de Duve, ne sont pas parvenues à élucider la fonction de ces granules. Après l’élaboration d’une méthodologie complexe pour l’époque, de Bold a isolé en 1980 le surnageant de tissus auriculaires quasiment broyés et a constaté après injection intraveineuse chez des rats que, contrairement au surnageant des muscles ventriculaires, il provoquait une diurèse immédiate (augmentée de 10×) et un accroissement de 30 fois de l’excrétion de NaCl dans l’urine. Le «atrial natriuretic ­factor» ou ANF (comme il avait été baptisé à l’époque) que de Bold et son équipe ont alors isolé et séquencé était pour ainsi dire le membre fondateur du groupe des peptides natriurétiques. Ce travail a été rejeté (sans même avoir été revu) par le Journal of Clinical Investigation. Les nouveaux concepts physiopathologiques fondamentaux d’un axe endocrinien cœur-reins ont malgré tout réussi à se frayer un chemin bien qu’ils aient initialement été publiés dans un journal relativement peu lu.
Life Sciences 1981, 
doi.org/10.1016/0024-3205(81)90370-2.
Rédigé le 03.10.2018.

Nouveautés dans le domaine de la ­biologie

Vaccinations contre le zona: pourquoi de telles différences?

Pour la prévention de l’infection à Herpes zoster (zona) chez les personnes de plus de 50 ans, il existe aujourd’hui un vaccin vivant atténué (Zostavax®, conférant une protection chez 50–60% des personnes vaccinées) et depuis peu aussi un vaccin recombinant (HZ/su, signifie «Herpes zoster/subunit», Shingrix®, efficacité d’env. 90%). Le nouveau vaccin est dirigé contre une sous-unité d’une protéine du virus (glycoprotéine E) et par rapport au vaccin vivant, il entraîne une immunité de plus longue durée. Même en cas d’âge avancé, la réponse immunitaire ne semble pas sensiblement amoindrie. Qui plus est, étant donné qu’il ne contient pas de virus intact, il peut/pourrait également être utilisé chez les personnes immunodéprimées. Quelles raisons expliquent ces différences d’efficacité? Comme l’illustre la figure 1, la réponse immunitaire primaire est comparable chez les patients ayant reçu le vaccin vivant et chez ceux ayant reçu le vaccin avec sous-unité virale (glycoprotéine E). Les cellules mémoires restent cependant actives beaucoup plus longtemps en cas d’utilisation du vaccin HZ/su. Elles sont activées beaucoup plus longtemps en cas de réexposition à la glycoprotéine E et par l’interleukine 2. Outre l’utilisation d’une sous-unité immunogène spécifique, l’utilisation d’un adjuvant particulier (dans ce cas de figure, ASO1B) semble aussi jouer un rôle majeur. Ces découvertes pourraient également se révéler importantes pour le développement de vaccins contre d’autres virus Herpes. Par ailleurs, les résultats d’études suggèrent que la mobilisation rapide des cellules mémoires et la production d’interleukine pourraient prévenir une réactivation (symptomatique) du virus varicelle-zona (voir également «Zoom sur ...»).
Figure 1: Réponse des cellules T et activation des cellules mémoires après l’administration de vaccins contre le zona. En rouge, la réponse chez les patients ayant uniquement reçu une sous-unité de la ­glycoprotéine E (en combinaison avec l’adjuvant ASO1B). En bleu, la réponse immunitaire en net déclin chez les patients ayant reçu la glycoprotéine E intacte dans le cadre du vaccin vivant. 
De: Gershon AA. Tale of two vaccines: differences in response to herpes zoster vaccines. J Clin ­Invest. 2018;128(10):4245–7, doi.org/10.1172/JCI123217. Copyright © 2018 American Society for Clinical Investigation, reproduction avec l’aimable ­autorisation de l’ASCI.
Rédigé le 02.10.2018.

Plume suisse

Hypothyroïdie subclinique: 
traiter ou pas?

La définition de l’hypothyroïdie subclinique englobe l’élévation de la TSH avec des taux normaux de T4 libre et l’absence de symptômes, mais ces derniers ne peuvent typiquement pas être clairement distingués d’éventuels symptômes d’hypothyroïdie (par ex. manque d’entrain) étant donné qu’ils sont difficilement quantifiables. Un moyen d’y parvenir consiste à analyser prospectivement si un traitement par thyroxine dans l’objectif de normaliser la TSH procure un bénéfice symptomatique. Comme c’était déjà le cas dans une étude prospective contrôlée contre placebo réalisée chez des volontaires âgés [1], une méta-analyse réalisée dans la même institution (clinique universitaire médicale de l’«Insel­spital» de Berne) est désormais aussi arrivée à la conclusion que la substitution par thyroxine n’apporte pas de bénéfice manifeste en termes de qualité de vie et de symptômes thyroïdiens, le plus souvent mesurés au moyen de scores [2]. Toutefois, cette recommandation de renoncer au traitement par thyroxine ne vaut explicitement pas pour les femmes enceintes ou celles envisageant une grossesse. La situation pourrait aussi être différente pour les fumeuses*, chez lesquelles des endocrinologues bâlois avaient mis en évidence une ­action moindre de la thyroxine [3]. En outre, les répercussions à long terme de la baisse du cholestérol LDL in vivo induite par la thyroxine, qui avait également été montrée par les endocrinologues bâlois [4], doivent elles aussi être prises en compte.
* Le sevrage tabagique est bien entendu la première mesure à recommander.
4 J Clin Endocrinol Metab 2001, doi:10.1210jcem.86.10.7973.
Rédigé le 03.10.2018.

Cela nous a également interpellés

Boire plus en cas de cystites récidivantes

En cas de colonisation bactérienne de la vessie, env. 99% de tous les germes sont éliminés par le flux urinaire. Les germes restants, qui sont le plus souvent des bactéries adhérant à l’urothélium, doivent alors être détruits notamment par des antibiotiques endogènes présents au niveau des muqueuses, qui s’appellent «défensines». Ainsi, il paraît intuitivement judicieux de «rincer» les voies urinaires inférieures pour prévenir les infections. Chez des femmes âgées d’env. 36 ans avec plus de trois épisodes de cystite par an et des apports liquidiens limités (moins d’1,5 litre par jour en tant que critère d’inclusion [mais en réalité, consommation moyenne de seulement 0,9 litre par jour] et osmolalité urinaire de plus de 700 mosm/kg), les apports liquidiens accrus dans le groupe interventionnel (qui se sont traduits par une augmentation de la production d’urine d’1,3 litre par jour) ont entraîné une diminution significative des épisodes de cystite (1,7 évènement par rapport 3,2 chez les sujets contrôles, p <0,001). Il s’agit d’une étude importante sur le plan pratique, même si elle était de relativement petite taille (70 patientes dans chaque groupe, selon le principe «en intention de traiter»).
JAMA Internal Medicine 2018, 
doi:10.1001/jamainternmed.2018.4204.
Rédigé le 03.10.2018.