Hypertension résistante
Déterminer les causes pour pouvoir traiter efficacement

Hypertension résistante

Übersichtsartikel
Édition
2018/50
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03451
Forum Med Suisse. 2018;18(50):1059-1065

Affiliations
a Hypertoniesprechstunde, Medizinische Poliklinik und Abteilung für Klinische Pharmakologie, Universitätsklinik für Allgemeine Innere Medizin, Inselspital, Universitätsspital Bern; b Institut für Pharmakologie, Universität Bern; c Past President, Schweizerische Hypertonie-Gesellschaft, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne; d Allgemeine Innere Medizin, HasliPraxis AG, Langenthal

Publié le 12.12.2018

Si la pression artérielle n’est pas normalisée malgré un traitement optimal incluant trois antihypertenseurs différents, il est question de résistance au traitement.

Contexte

Pour être normalisée, l’hypertension nécessite souvent un traitement médicamenteux combiné. En Suisse, seule près de la moitié des patients hypertendus ­présentent toutefois des valeurs de pression artérielle normalisées sous traitement [1]. Lorsque la pression ­artérielle ambulatoire ne se trouve pas dans le domaine cible <140/90 mm Hg malgré un traitement combiné optimal, il est question de résistance au traitement et les causes doivent être déterminées. La résistance au traitement est associée à un pronostic cardiovasculaire défavorable. Dans cette situation, un schéma diag­nostique structuré aide à vaincre une résistance au traitement en adaptant ou élargissant le traitement de manière ciblée. Il convient alors d’observer quelques règles essentielles.

Définition

Une hypertension artérielle est qualifiée de résistante au traitement lorsque la pression artérielle de consultation reste anormale et se trouve >140/90 mm Hg malgré un traitement à un dosage optimal incluant au moins deux antihypertenseurs de classes différentes ainsi qu’un diurétique (tab. 1) [2, 3]. Un traitement combiné idéal est composé d’un antagoniste calcique, au choix d’un inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine, d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) ou si besoin d’un inhibiteur de la rénine ainsi que d’un diurétique du type thiazidique. Ces classes de substances peuvent être utilisées simultanément comme traitement de première intention de l’hypertension. Par ailleurs, des mesures répétées doivent mettre en évidence une pression artérielle non contrôlée pendant au moins quatre semaines.
Tableau 1: Valeurs normales de la pression artérielle.*
Pression artérielle 
de consultation<140/90 mm Hg
<140/85 mm Hg pour les patients diabétiques et les patients 
atteints d’insuffisance rénale
<150 mm Hg systolique pour les patients >80 ans (<140 mm Hg en cas de bonne tolérance)
Mesures autonomes à domicile<135/85 mm Hg
Mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 h(MAPA)Valeur moyenne sur 24 h<130/80 mm Hg
Valeur diurne moyenne<135/85 mm Hg
Valeur nocturne moyenne
(sommeil)<120/70 mm Hg
* Selon les Sociétés Suisse et Européenne d’Hypertension
Même dans ce cas, il est seulement question d’une résistance apparente tant qu’une pseudo-résistance due à une méthode de mesure défaillante, une ­hypertension dite de blouse blanche ou de cabinet ­(hypertension isolée de consultation) ou un manque d’observance thérapeutique du patient n’a pas encore été exclue. C’est pourquoi toute pression artérielle non contrôlée doit être surveillée par mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) pendant 24 heures afin d’exclure une hypertension de cabinet. Les directives exigent en outre que des mesures thérapeutiques non médicamenteuses aient aussi déjà été initiées pour faire baisser la pression artérielle [2]. Toutefois, aucun objectif n’a été fixé à cet effet. Il est certainement ­essentiel de reconnaître et de documenter, durant l’analyse, les facteurs de risque de résistance au traitement présents afin de pouvoir ensuite les aborder de manière ciblée.

Fréquence

En ce qui concerne la fréquence de l’hypertension ­résistante, il existe uniquement des estimations vagues situées entre 5% et 30% des patients hypertendus traités [2], car les études n’ont pas toujours eu recours à des contrôles de MAPA et utilisent des définitions de la ­résistance au traitement variant d’un pays à l’autre. Une grande étude sur registre espagnole a révélé, au vu de mesures de consultation de la pression artérielle, une prévalence d’hypertension apparemment résistante de 12,2%, ce qui devrait s’approcher de la réalité [4]. Les patients se trouvaient sous trithérapie conforme aux directives et incluant un diurétique. Une hypertension de cabinet a été déterminée au moyen d’une MAPA chez près d’un tiers d’entre eux, de sorte qu’une «véritable» hypertension résistante n’a ­finalement été confirmée que chez 7,6%. Par conséquent, la fréquence de la véritable résistance au traitement se situe probablement de manière globale en dessous de 10% des patients hypertendus traités. L’effet de la blouse blanche et le manque d’observance thérapeutique constituent près de la moitié des cas d’hypertension apparemment résistante [5]. En outre, les patients atteints d’insuffisance rénale chronique présentent une prévalence d’hypertension résistante nettement supérieure allant jusqu’à 40% [6].
Il n’existe jusqu’à présent aucune donnée à l’échelle de la Suisse tout entière. Dans une étude réalisée auprès de cabinets de médecine générale en Suisse orientale, 16,4% des patients hypertendus traités présentant une pression artérielle de consultation non contrôlée recevaient un traitement constitué d’au moins trois antihypertenseur [7]. Après exclusion de la pseudo-résistance, la prévalence de la véritable hypertension résistante se situerait ainsi également en dessous de 10%.

Causes et pronostic

Les causes de la véritable résistance thérapeutique sont diverses [2, 3, 8, 9]: facteurs de risque, causes d’hypertension secondaire dans le cas de maladies typiques (sténose artérielle rénale, hyperaldostéronisme primaire, hyperthyroïdie, etc.) ainsi que maladies concomitantes avec ou sans influence médicamenteuse entrent en jeu. Les mécanismes physiopathologiques sont par conséquents divers et plusieurs facteurs peuvent se cumuler. Chez les patients présentant une résistance au traitement, une rétention volémique latente a toutefois été plus souvent mise en évidence que chez les patients ayant répondu à un traitement combiné. En revanche, seule une faible part des patients atteints d’hypertension résistante présente un système nerveux sympathique activé avec vasoconstriction principalement induite par les catécholamines [10].
La résistance au traitement se retrouve en outre souvent à un âge avancé, en cas de surpoids, d’insuffisance ­rénale chronique, de microalbuminurie, de diabète ­sucré, d’une durée prolongée de l’hypertension et en présence d’une anamnèse de maladies cardiovasculaires [5, 7, 8]. L’augmentation de l’hypertension résistante avec l’âge s’explique par la rigidité croissante des artères et la présence de modifications artériosclérotiques. En revanche, en cas d’insuffisance rénale chronique, des troubles de l’équilibre sodé et de l’équilibre volémique se trouvent au premier plan [9]. Par ailleurs, le surpoids est associé à des taux supérieurs d’aldostérone, ce qui augmente la rétention sodée rénale.
Des facteurs de risque liés au comportement (facteurs dits «mode de vie») tels que la consommation excessive de sel ou d’alcool, la nicotine, le manque d’activité physique, la consommation de réglisse, l’abus de drogues (par ex. cocaïne) ou encore les stéroïdes anabolisants peuvent provoquer une augmentation de la pression artérielle et favoriser ainsi la résistance au traitement (tab. 2). Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) constitue un autre facteur de risque connu.
Tableau 2: Facteurs de risque individuels et objectifs interventionnels 
(adapté selon [3,9,29]).
FacteurObjectif/interventionEffet possible sur 
la pression artérielle
Consommation accrue de sel≤6 g/jour2–5 mm Hg
Consommation d’alcool<30 g/jour (hommes), 
<20 g/jour (femmes)2–4 mm Hg
Consommation de nicotineAbstinence5–10 mm Hg
Alimentation inadaptée Fruits/légumes, poissons, acides gras insaturés, potassium3–6 mm Hg
Manque d’activité physiqueAérobie ≥4/semaine ≥30 minutes4–8 mm Hg
SurpoidsIndice de masse corporelle1
≤25 kg/m25–20 mm Hg/10 kg
StressThérapie de relaxation, yogaVariable, 2–10 mm Hg
Syndrome d’apnées 
obstructives du sommeilVentilation nocturne en pression positive continue (mode CPAP2)4–5 mm Hg
1 Indice de masse corporelle = poids/taille2 2 «Continuous Positive Airway Pressure»
De nombreux médicaments peuvent en outre faire augmenter la pression artérielle [11]. Des exemples sont résumés dans le tableau 3. Ils incluent les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les contraceptifs contenant des œstrogènes et les gouttes nasales décongestionnantes. Toutefois, il convient de mentionner aussi les glucocorticoïdes thérapeutiques, de nombreux antidépresseurs ainsi que les médicaments destinés au ­sevrage nicotinique tels que le bupropion.
Tableau 3:Médicaments et substances avec effets potentiellement hypertenseur ou favorisant la résistance au traitement.
Stéroïdes anabolisants
Glucocorticoïdes stéroïdes
Divers antidépresseurs (par ex. tricycliques)
Neuroleptiques
Inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine A, tacrolimus)
Erythropoïétine
Contraceptifs contenant des œstrogènes
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
α-sympathomimétiques (gouttes pour le nez)
Inhibiteurs de la tyrosine-kinase
Réglisse
Cocaïne
Inhibiteurs du VEGF1 (par ex. bévacizumab)
1 «Vascular Endothelial Growth Factor»
Enfin, des causes d’hypertension secondaire, telles que par exemple insuffisance rénale chronique, sténose ­artérielle rénale congénitale ou acquise, hyperaldostéronisme primaire ou syndrome de Cushing, peuvent être présentes (tab. 4). Globalement, l’insuffisance ­rénale chronique est la plus fréquente. L’hyperaldostéronisme primaire se retrouve chez 5–10% des patients hypertendus. Avec une prévalence d’env. 0,3% des ­patients hypertendus présentant un soupçon de genèse secondaire, le phéochromocytome est en revanche globalement très rare. Les sténoses artérielles rénales sont mises en évidence chez 1–5% des patients hypertendus non sélectionnés, mais chez 20–25% dans le cas de maladies coronariennes et chez les patients âgés de plus de 70 ans [12–15]. Le degré de sténose est alors déterminant.
Tableau 4: Causes d’hypertension secondaire.
Insuffisance rénale chronique (réno-parenchymateuse)
Sténose artérielle rénale
Maladie polykystique des reins
Hyperaldostéronisme primaire
Syndrome de Cushing
Phéochromocytome
Hyperthyroïdie/hypothyroïdie
Syndromes génétiques (par ex. syndrome de Liddle, 
syndrome de Gordon)
Coarctation de l’aorte
Artérite de Takayasu
Acromégalie
Hyperparathyroïdie
Les patients atteints d’hypertension résistante présentent un pronostic à long terme nettement plus mauvais que ceux dont la pression artérielle est ­normalisée sous trithérapie antihypertensive. En seulement quelques années, la résistance au traitement augmente de 2 à 6 fois le risque d’événements et de maladies cardiovasculaires tels qu’AVC, infarctus myocardique, insuffisance cardiaque et artériosclérose. Le pronostic correspondant est en outre particulièrement défavorable chez les patients atteints ­d’insuffisance rénale chronique. Ils développent aussi plus rapidement une insuffisance rénale terminale.

Démarche diagnostique

Au cabinet médical, le point de départ est généralement une pression artérielle non contrôlée malgré un traitement combiné avec la question de savoir quelle est la démarche à suivre. Les étapes représentées à la figure 1 fournissent un plan d’action pratique et apportent une aide pour l’investigation diagnostique et la recherche des causes en s’appuyant sur la liste de contrôle de la Société Suisse d’Hypertension [3]. Les principaux objectifs du diagnostic sont d’exclure une pseudo-résistance et de consigner les causes d’hypertension secondaire. Les premières étapes peuvent généralement être prises en charge par le médecin de famille. Pour ce qui est de la mise au point diagnostique de causes d’hypertension secondaire, de lésions des ­organes terminaux et d’un traitement médicamenteux complexe, il convient d’adresser le patient à un spécialiste ou à une consultation spécialisée en hypertension.
Figure 1: Schéma diagnostique en cas de soupçon de résistance au traitement lors du traitement de l’hypertension. L’ordre peut être adapté individuellement. La consultation de spécialistes est recommandée pour le diagnostic de formes d’hypertension secondaire, de lésion des organes terminaux et pour d’autres questions spécifiques (par ex. observance thérapeutique floue, concentration des médicaments). 
Ca: calcium; ECA: enzyme de conversion de l’angiotensine; ARA: antagoniste des récepteurs de l’angiotensine; MAPA: ­mesure ambulatoire de la pression artérielle pendant 24 heures.
Le médecin de famille doit d’abord recueillir une anamnèse détaillée concernant les troubles cardiovasculaires, toute prise de comprimés, les habitudes ­alimentaires ainsi que la consommation de produits tels que le tabac, l’alcool et la réglisse. Il réalisera également l’examen physique et déterminera les valeurs biochimiques de base (tab. 5). Cela inclut un bilan ­urinaire avec détermination de l’albuminurie. Les ­erreurs survenant lors de la mesure de la pression artérielle sont à exclure. Une MAPA sur 24 heures doit également être organisée par le médecin de famille. L’ordre de la procédure peut être adapté individuellement. Les patients atteints d’hypertension résistante présentent souvent des lésions cardiovasculaires des organes terminaux qui doivent être également recherchées dans le cadre d’un profil de risque cardiovasculaire. En cas de difficulté ou de questions non élucidées, il ne faut en revanche pas hésiter à consulter un spécialiste.
Tableau 5: Laboratoire de base relatif à l’hypertension selon les recommandations de la Société Suisse d’Hypertension [3].
Valeurs sanguines: Hémogramme (hémoglobine, hématocrite), bilan lipidique*, glucose*, sodium, potassium, créatinine, acide urique
Bilan urinaire: Sédiment, albuminurie (par ex. quotient albumine/créatinine)
* Valeurs à jeun

Mesure de la tension artérielle

La mesure de la pression artérielle au cabinet médical ou encore la mesure autonome à domicile sont notoirement sujettes à des erreurs méthodiques. Les appareils semi-automatiques oscillométriques avec brassard sont toujours à privilégier par rapport à la méthode auscultatoire. Il convient de veiller à un instrument calibré, une taille adaptée du brassard et suffisamment de repos lors de la mesure. A partir d’une circonférence du bras de 34 cm, un brassard plus large et nécessaire. En outre, au moins deux répétitions de la mesure au ­niveau du bras sont requises [3, 16]. Dans une étude, il a par exemple été possible, en utilisant un appareil ­semi-automatique avec une largeur de brassard correcte, de réduire la fréquence de résultats faussement positifs de pression artérielle non contrôlée de >25% par rapport à la méthode auscultatoire [17]. De même, une artério­sclérose sévère peut entraîner des mesures erronées du fait d’artères incompressibles et de sténoses.

Combinaison thérapeutique et dosage optimaux

Il convient de vérifier le traitement antihypertenseur pour savoir s’il contient un antagoniste calcique, un ­inhibiteur du système rénine-angiotensine ainsi qu’un diurétique dont les doses doivent être progressivement augmentées. Concernant le diurétique, le standard en vigueur est de 1 × 25 mg d’hydrochlorothiazide par jour. Dans une étude américaine, près de 50% des patients atteints d’hypertension non contrôlée et sous trithérapie n’ont par exemple pas reçu la dose maximale de leur antihypertenseur [18]. Il existe ici souvent une marge de manœuvre.

Observance

La prise fiable des médicaments (observance) doit systématiquement être questionnée et activement encouragée. Le manque d’observance est l’une des principales causes de pseudo-résistance et peut être mis en évidence chez les patients hypertendus avec des méthodes objectives dans 10 à jusqu’à plus de 50% des cas [19]. ­Certains médicaments ou encore tous les antihypertenseurs prescrits ne sont alors pas ou pas régulièrement pris. Un nombre élevé de comprimés, de nombreuses maladies concomitantes ainsi qu’une information ­insuffisante concernant le traitement nuisent à l’observance. Les patients recevant une médication stable à long terme et un accompagnement de longue durée ­régulier présentent une observance thérapeutique ­nettement supérieure par rapport à ceux dont le traitement est fréquemment modifié et ayant peu de contact avec le médecin.
Le manque d’observance peut être dû à diverses raisons telles qu’une faiblesse visuelle, des déficits cognitifs ou moteurs, des troubles de la déglutition, un manque de motivation, l’absence de soutien social, une incertitude thérapeutique ou l’absence de conscience du risque. De même, la polypharmacie, les douleurs chroniques, ­diverses peurs ainsi qu’une dépression peuvent constituer des facteurs significatifs. Les déclarations fournies par le patient lui-même concernant l’observance thérapeutique sont souvent peu fiables. Une anamnèse ciblée dans l’environnement du patient, auprès de parents et du personnel de soins peuvent alors fournir de ­précieuses informations. Les sauts de prise de comprimés peuvent être détectés par des contrôles d’utilisation, des systèmes de dosage électroniques ou encore la non-soumission de prescriptions. De même, l’observation de l’évolution de la pression artérielle et des enregistrements autonomes du patient fournissent éventuellement des indications. Sous trithérapie standard, la pression artérielle doit baisser d’au moins 20/10 mm Hg.
Il existe divers questionnaires validés disponibles sur Internet destinés à l’auto-évaluation des patients [20, 21]. Toutefois, les réponses ne servent qu’à titre ­indicatif, car elles sont susceptibles d’être inexactes. Les procédés objectifs tels que les systèmes de dosage électroniques à fonction vocale ou la détermination de la concentration de médicaments dans le sang ou l’urine sont quant à eux réservés à la consultation avec un spécialiste [22]. En revanche, la prise supervisée de médicaments avec mesure de la pression artérielle avant et 4–6 heures après constitue une bonne solution pour contrôler l’efficacité des médicaments sur la pression artérielle au cabinet médical. Il s’avère également possible de poursuivre avec une MAPA sur 24 heures.

Facteurs de risque individuels et hypertension induite par des médicaments

Les facteurs individuels favorisant une résistance au traitement peuvent être enregistrés au moyen d’une anamnèse et d’un examen physique (tab. 2). Il convient de rechercher des signes cliniques de rétention volémique tels que les œdèmes. La consommation de sel peut être estimée par natriurèse dans les urines ­recueillies pendant 24 heures lorsque la créatininurie est également mesurée pour contrôle. Par ailleurs, la liste des médicaments doit être vérifiée à la recherche de substances hypertensives (tab. 3). Celles-ci doivent si possible être interrompues ou remplacées. Les données correspondantes peuvent si besoin être consultées dans les descriptions des médicaments [23]. De même, il convient toujours de rechercher un SAOS, également fréquente en cas d’hypertension résistante. A cette fin, divers questionnaires disponibles sur Internet tels que l’«Epworth Sleepiness Scale» ou le «Berliner Schlafapnoe-Fragebogen» peuvent constituer une aide. Par ailleurs, l’absence de baisse de pression pendant la nuit ou une hypertension nocturne à la MAPA ­indiquent un SAOS possible.

Mesure de la pression artérielle sur 24 heures

Pour confirmer l’absence de contrôle de la pression ­artérielle, une mesure de la pression artérielle sur 24 heures s’avère indispensable. Outre une valeur moyenne accrue sur 24 heures, une valeur moyenne ­accrue le jour ou la nuit constitue un critère suffisant d’une pression artérielle non contrôlée (tab. 1) [2]. La MAPA permet également de détecter l’absence d’une baisse de pression artérielle pendant la nuit ou une ­hypertension nocturne. Cette dernière présente un pronostic cardiovasculaire particulièrement défavorable.
Comme pour la pression artérielle de consultation, une technique correcte ainsi qu’une évaluation critique sont essentielles lors de la MAPA [24]. Des perturbations du repos nocturne ou une intolérance à l’appareil peuvent empêcher la baisse nocturne et entraîner des interprétations erronées. Dans certains cas, il est ­nécessaire de répéter la procédure. Les mesures de pression artérielle à domicile constituent alors également une méthode adaptée et reconnue [9].

Causes d’hypertension secondaire

Idéalement, les causes d’hypertension secondaire doivent être déterminées par un spécialiste (tab. 4). Le dépistage de l’hyperaldostéronisme s’effectue dans des conditions de laboratoire contrôlées avec détermination des quotients aldostérone/rénine dans le plasma ainsi que natriurèse, kaliurèse et créatininurie dans les urines recueillies pendant 24 heures (norme env. 0,8­–­1,6 g/24 heures). Une hypokaliémie n’est pas régulièrement observée. Une hypothyroïdie ou une hyperthyroïdie peuvent être constatées par la détermination de TSH. En revanche, un phéochromocytome est souvent recherché trop tôt au cabinet médical. En raison de sa rareté, il existe un risque élevé de ­résultats de laboratoire faussement positifs. Son pic d’âge se situe dans la 4e et la 5e décennie et indique un ­tableau clinique typique (céphalées, sudation, tachycardie). Mais seule la moitié des patients présentent ces symptômes. Les paramètres de dépistage recommandés sont la métanéphrine libre dans le plasma ou la métanéphrine fractionnée dans les urines recueillies pendant 24 heures. Une mesure fiable requiert toutefois des conditions de prélèvement rigoureuses.
La recherche de lésions cardiovasculaires des organes terminaux dans le cadre du profil de risque nécessite généralement une imagerie plus étendue. Ces lésions des organes terminaux incluent une hypertrophie ventriculaire gauche, une limitation de la fonction de pompe cardiaque, une maladie coronarienne, une ­artériopathie oblitérante, une augmentation de l’épaisseur intima-média, une macroangiopathie ou microangiopathie cérébrovasculaire et une rétinopathie hypertensive. L’indice tibio-brachial est un test simple qui peut être réalisé par le médecin de famille. Il convient de rechercher une albuminurie et un électrocardiogramme est également recommandé.

Recommandations thérapeutiques

Mesures non médicamenteuses

Les effets des mesures non médicamenteuses sur la pression artérielle sont énumérés dans le tableau 2. Elles doivent toujours être initiées, même si le succès s’avère souvent décevant. Plusieurs mesures peuvent toutefois exercer une action cumulée positive sur la baisse de la pression artérielle. Des réussites partielles peuvent être obtenues dans certains cas à l’aide de techniques de ­relaxation telles que l’entraînement autogène. Il est également essentiel de réduire la consommation de nicotine puisque celle-ci provoque une hausse de la pression artérielle due à la libération de catécholamines et de glucocorticoïdes. Le traitement du SAOS par ventilation en pression positive continue pendant la nuit aide à la régulation du sommeil et réduit la fatigue diurne. Toutefois, l’effet antihypertenseur n’est globalement que modéré avec une moyenne d’env. 4–5 mm Hg systolique [25].

Traitement médicamenteux

L’élargissement d’une trithérapie standard existante est souvent inévitable (voir fig. 1). Au lieu de l’hydrochlorothiazide, un diurétique thiazidique présentant une demi-vie supérieure, comme par exemple l’indapamide ou la métolazone, doit toutefois être d’abord envisagé. Cela vaut particulièrement en présence d’œdèmes. A la dose normale de 25 mg par jour, l’effet diurétique de l’hydrochlorothiazide disparaît rapidement après environ 12 heures. La nuit peut se produire un phénomène de rebond avec rétention sodique et volémique, ce qui réduit l’effet antihypertenseur. Il est possible d’y remédier en utilisant des substances natriurétiques dont la demi-vie est supérieure. La chlortalidone possède certes la demi-vie et la durée d’action les plus longues, mais n’est disponible en Suisse qu’en association avec un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine. En outre, l’hydrochlorothiazide est également disponible en association à dose fixe avec l’amiloride.
Sinon, la spironolactone à une dose cible de 25 mg par jour est en premier lieu recommandée pour élargir le traitement. Elle peut être prescrite jusqu’à un débit de filtration glomérulaire de 30 ml/min [2, 9, 26]. Les risques incluent principalement une hyperkaliémie. Dans une étude clinique récente, la spironolactone avait obtenu les meilleurs résultats par rapport à l’élargissement du traitement à l’aide d’un α-bloquant ou d’un β-bloquant [27]. En cas de survenue d’une gynécomastie, l’éplérénone est une alternative possible. Toutefois, elle ne possède en Suisse aucune indication officielle pour l’hypertension et nécessite une garantie de prise en charge.
Lorsque la spironolactone ne peut pas être prescrite, des β-bloquants en général, l’α-bloquant doxazosine, des sympatholytiques centraux (moxonidine, clonidine) et, comme médicaments de réserve, des vasodilatateurs périphériques tels que le minoxidil et l’hydralazine entrent en jeu. La décision concernant les différentes classes de substances dépend de la situation individuelle, du profil d’effets indésirables et des maladies concomitantes. Les patients présentant de nettes fluctuations sympathicotoniques de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque au profil MAPA peuvent profiter d’un β-bloquant. Les indications se recoupent éga­lement chez les patients atteints d’une maladie coro­narienne. Le traitement combiné optimal ne se trouve parfois que graduellement. Les antihypertenseurs n’ayant aucun effet reconnaissable doivent être interrompus ou remplacés par d’autres.
L’inhibiteur de la rénine aliskirène qui, avec une ­demi-vie très longue de >40 heures et un faible profil d’effets indésirables, garantit l’inhibition régulière et efficace du système rénine-angiotensine et s’avère ainsi être une autre option jusqu’à présent peu observée. Une grande étude sur registre italienne réalisée auprès de plus de 11 000 patients présentant une hypertension artérielle non contrôlée par des médicaments et d’autres facteurs de risque cardiovasculaires a documenté, après initiation du traitement par aliskirène, une baisse durable de la pression artérielle ainsi qu’un nombre décroissant d’antihypertenseurs nécessaires en cours de traitement [28]1. L’aliskirène a également fait ses preuves.
Chez les patients diabétiques, l’utilisation d’inhibiteurs de SGLT2 (inhibiteurs de sodium-glucose co-transporter 2, gliflozines) constitue par ailleurs une nouvelle ­option thérapeutique. Ceux-ci inhibent la réabsorption tubulaire du glucose et provoquent, en plus d’une glycosurie, une diurèse accrue. Cela permet également de bien réduire les œdèmes avec un effet concomitant positif sur la tension artérielle.

Insuffisance rénale

Les patients atteints d’insuffisance rénale de degré moyen ou avancé constituent un groupe particulier [9]. Leur capacité d’excrétion du sodium par voie rénale étant nettement limitée, la réduction de la consommation quotidienne de sel peut déjà à elle seule permettre d’obtenir une meilleure baisse de la pression artérielle que chez les personnes dont les reins sont sains. Chez les patients atteints d’insuffisance rénale, la consommation de sel doit donc particulièrement rigoureusement viser l’objectif <6 g/jour, ce qui correspond à près de la moitié par rapport à la consommation moyenne en Suisse d’env. 12 g/jour. La meilleure façon d’y parvenir consiste en un régime de restriction protidique, ­réduisant simultanément l’ingestion de sel. En cas de fonction rénale altérée ou d’efficacité limitée des diurétiques thiazidiques, il peut en outre s’avérer nécessaire d’avoir recours à un diurétique de l’anse. En règle générale, lorsque l’œdème se résorbe, la pression artérielle s’améliore également.

Traitements interventionnels

Dans le traitement de l’hypertension résistante, de grands espoirs ont récemment été placés dans la ­dénervation artérielle rénale bilatérale, qui n’ont toutefois jusqu’à présent pas pu se concrétiser comme prévu. La baisse réalisable de la pression artérielle ne semble le cas échéant que modérée et les données à long terme font défaut [26]. Les médicaments restent nécessaires. Par ailleurs, la thérapie de stimulation des barorécepteurs du sinus carotidien au moyen d’un ­stimulateur implantable présente également une pertinence clinique. Des problèmes chirurgicaux peuvent entraver l’effet thérapeutique et la technique reste à éprouver. Ces deux procédés sont réservés à des centres expérimentés et à des patients sélectionnés.

Perspectives

La recherche se penche actuellement sur de nouveaux biomarqueurs permettant de mieux prévoir les traitements combinés adaptés. Les possibilités croissantes de détermination des concentrations de médicaments offrent une autre option d’évaluation des patients difficiles à gérer, permettant ainsi d’obtenir une amélioration du résultat thérapeutique. Ces deux éléments ­devraient contribuer à faire baisser à long terme le pourcentage d’hypertension résistante au traitement.

L’essentiel pour la pratique

• Il est question de résistance au traitement lorsque la pression artérielle n’est pas normalisée malgré une trithérapie à dosage croissant incluant un antagoniste calcique, un inhibiteur du système rénine-angiotensine et un diurétique.
• Une pseudo-résistance due à une technique faussée de mesure de la pression artérielle, à une hypertension de cabinet ou à un manque d’observance thérapeutique doit être exclue.
• Le diagnostic inclut une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) pendant 24 heures.
• Pour élargir le traitement, la spironolactone est en premier lieu recommandée.
• Les patients atteints d’insuffisance rénale profitent particulièrement d’une alimentation réduite en sel.
JN a été président de la Société Suisse d’Hypertension (SSH) pendant 3 ans, trésorier pendant 13 ans et membre du comité directeur pendant 20 ans. Les autres auteurs n’ont déclaré aucune obligation financière ou personnelle en rapport avec le présent article.
PD Dr méd.
Jürgen M. Bohlender
Abteilung für Klinische Pharmakologie
Universitätsklinik für
Allgemeine Innere Medizin
Inselspital
Universitätsspital
Freiburgstr. 18
CH-3010 Berne
juergen.bohlender[at]insel.ch
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