EbM-Flash: Sclérose en plaques

EbM-Flash: Sclérose en plaques

EBM-Flash
Édition
2019/1314
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08062
Forum Med Suisse. 2019;19(1314):241-242

Publié le 27.03.2019

Cet article est une traduction de la version en ligne des «EbM-Guidelines»: www.ebm-guidelines.ch.

L’essentiel en bref

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune d’étiologie inconnue, qui touche la substance blanche du système nerveux ­central (SNC). Les symptômes de la SEP sont multiples, et ils dépendent de la localisation et de la taille des foyers inflammatoires dans le SNC (plaques). On distingue différents sous-types de SEP: forme rémittente-récurrente, forme secondaire progressive et forme primaire progressive; la forme rémittente-récurrente est la plus fréquente. Le diagnostic est posé sur la base du tableau clinique, de l’examen du liquide céphalo-rachidien (LCR) et de l’IRM. Les poussées aiguës sont traitées par cortisone à dose élevée. Les immunomodulateurs les plus adaptés pour le traitement de fond à long terme sont l’interféron bêta-1, ­l’acétate de glatiramère, le tériflunomide et le diméthyle fumarate. Le natazulimab, le fingolimib et l’alemtuzumab sont utilisés dans les formes particulièrement agressives. Il n’existe pas de traitement curatif et l’évolution de la maladie varie selon les individus.

Epidémiologie

Dans les zones géographiques à haut risque (Scandinavie, Amérique du Nord, Canada et Australie du Sud), la prévalence s’élève à ­30–120/100 000 et la SEP représente la maladie invalidante du système nerveux la plus fréquente chez les sujets jeunes. Elle est aussi la maladie démyélinisante la plus fréquente. La SEP survient dans le monde entier, mais son incidence varie considérablement. La prévalence mondiale de la SEP est d’env. 2,1 millions.Les femmes sont deux fois plus touchées par la SEP que les hommes. Le diagnostic est le plus souvent posé entre 20 et 40 ans, en moyenne à l’âge de 30 ans.

Etiologie et pathogenèse

A l’heure actuelle, on part du principe que les lymphocytes T et B, qui peuvent reconnaître les structures de myéline, sont déjà synthétisés durant l’enfance. Une tolérance immunologique normale vis-à-vis des antigènes du SNC ne se développe par conséquent pas. Une infection ultérieure peut activer ces lymphocytes circulants, qui peuvent franchir la barrière ­hémato-encéphalique. Lorsque les lymphocytes T activés ou les anticorps produits par les lymphocytes B atteignent le SNC, ils détruisent la myéline, qui est synthétisée par les oligodendrocytes. Différentes formes de lésions ­tissulaires ont été décrites, par ex. la démyélinisation médiée par les anticorps et le com­plément, la démyélinisation médiée par les lymphocytes T CD4+/la microglie et la démyé­lini­sation médiée par les lymphocytes T CD8+. La loca­lisation et l’ampleur de la perte de myéline, ­autrement de la démyélinisation, déterminent le type de symptômes cliniques.
Au cours des stades précoces de la maladie, les oligodendrocytes sont préservés et il se produit une remyélinisation. Les altérations neuropathologiques sont avant tout liées au processus inflammatoire. La maladie se trouve en phase rémittente-récurrente. Plus tard, la destruction des oligodendrocytes débute et la remyélinisation est de plus en plus lente, ce qui est à l’origine de dommages moteurs et fonctionnels plus persistants. Au stade avancé, la réaction inflammatoire ne joue plus qu’un rôle minime et l’affection est alors dominée par la dégénérescence des neurones et des cellules gliales, qui aboutit à des dommages permanents. Des facteurs environnementaux et des facteurs génétiques jouent un rôle dans la susceptibilité à la maladie. Le risque de SEP est par ex. accru en cas de faibles apports en vitamine D durant l’enfance, ainsi qu’en cas d’infection par le virus d’Epstein-Barr (EBV) à l’âge adulte. Le principal facteur génétique est un complexe HLA sur le chromosome 6. L’haplotype HLA-DR15-DQ6 est associé à un risque 3–4 fois plus élevé de développer la maladie. Les frères et sœurs d’un patient atteint de SEP ont un risque 25 fois plus élevé de développer la SEP par rapport à la population générale. Chez env. 30% des jumeaux monozygotes et env. 5% des jumeaux dizygotes, les deux ­enfants sont atteints de la maladie.

Tableau clinique

Dans la SEP rémittente-récurrente, la démyélinisation se produit au sein des foyers inflammatoires ou plaques dans la substance blanche du cerveau, le nerf optique ou la moelle épinière. Les manifestations cliniques dépendent de la localisation et de la taille des lésions. L’évolution rémittente-récurrente résulte de l’activation et de l’inactivation de foyers existants et de la formation de nouveaux foyers. Habituellement, il y a plusieurs foyers de démyélinisation situés à différents endroits de la substance blanche du SNC, raison pour laquelle les symptômes peuvent être très variables. Tout facteur activant le système immunitaire, comme par ex. les infections, les opérations, les accouchements, les interventions chirurgicales, les traumatismes et le stress, peut déclencher une exacerbation.
Dans la SEP secondaire progressive, des dommages moteurs et fonctionnels permanents se sont déjà produits dans le cadre de l’atteinte du faisceau pyramidal. Le processus évolue alors de manière lentement progressive, des poussées occasionnelles peuvent encore survenir. La SEP primaire progressive est caractérisée par une progression continue dès le départ des déficits moteurs et fonctionnels (lésions typiques du faisceau pyramidal), sans poussées perceptibles.

Symptômes

Vision floue au niveau d’un œil ou des deux yeux (névrite optique); parésie spastique au niveau d’une ou de plusieurs extrémités; démarche ataxique, tremblement d’intention; troubles somatosensoriels; troubles fonctionnels vésicaux et intestinaux; diplopie, due à une parésie des muscles oculaires ou à une ophtalmoplégie internucléaire; vertiges et nausées; troubles du langage, habituellement dysarthrie; grande fatigabilité.
Symptômes moins fréquents: troubles cognitifs; névralgie trigéminale et autres névralgies; dysarthrie-ataxie paroxystique; signe de Lhermitte (sensations de décharges électriques dans le dos et les extrémités, qui sont accentuées par les mouvements du rachis cervical). La simple fatigue, l’abattement, les symptômes psychiatriques, les paresthésies et les autres troubles sensoriels qui ne tirent pas clairement leur origine du SNC (syndromes cliniques isolés) ne sont pas considérés comme des symptômes précoces évocateurs d’un diagnostic de SEP.

Diagnostic

Les critères de McDonald sont utilisés pour la pose du diagnostic. Le diagnostic de la SEP rémittente-récurrente est posé sur la base du ­tableau clinique, d’un examen du LCR et de l’IRM. La principale différence entre ces critères et les anciens critères est la plus grande importance accordée à l’IRM pour la pose du diagnostic. En outre, des critères plus clairs sont utilisés pour l’évaluation de l’IRM. Le diagnostic de SEP peut déjà être posé après le ­premier épisode si une activité actuelle de la maladie est mise en évidence à l’IRM. L’IRM montre les lésions typiques de la SEP dans le cerveau et la moelle épinière. L’élévation du nombre de leucocytes et l’augmentation de la concentration d’immunoglobulines dans le LCR sont en faveur du diagnostic de SEP (index IgG et bandes monoclonales). L’examen du LCR reste essentiel pour le diagnostic différentiel et il doit être réalisé chez tous les patients chez qui une SEP est suspectée. A l’aide des potentiels évoqués, il est possible de mieux évaluer les voies visuelles, ­auditives et somatosensorielles. L’électroneuromyogramme ne présente pas d’intérêt dans le diagnostic et l’exclusion de la maladie. Cet examen est employé pour évaluer les racines nerveuses et les nerfs périphériques, alors que la SEP est une maladie du SNC. Les découvertes fortuites à l’IRM sans signes cliniques ni symptômes d’une SEP (par ex. chez un patient avec céphalées à l’anamnèse) ne justifient pas le diagnostic de SEP. Elles doivent être classifiées en tant qu’«autres résultats anormaux dans le cadre de l’imagerie diagnostique du SNC». Une analyse du LCR n’est pas pertinente dans ces cas.

Traitement

Les meilleurs résultats sont obtenus en combinant traitement médicamenteux, réadaptation et adaptation du mode de vie. Le traitement agressif des infections bactériennes est décisif. Les infections entrant le plus souvent en ligne de compte sont les infections urinaires, les sinusites et les granulomes dentaires. Si elles ne sont pas traitées, elles peuvent déclencher une poussée de SEP. Le tabagisme augmente le risque de survenue de la maladie et il est responsable d’une progression plus rapide de la SEP. La méthylprednisolone i.v. est employée pour le traitement d’une poussée, en particulier si la poussée déclenche des altérations fonctionnelles, c.-à-d. une altération de la mobilité, de l’activité ou de l’acuité visuelle (en cas de névrite optique). La méthylprednisolone peut éventuellement aussi être administrée par voie orale. Des infections bactériennes doivent être exclues ou traitées avant la corticothérapie (en cas d’infections urinaires non compliquées, une administration concomitante d’antibiotiques et de stéroïdes est possible). Pour le traitement des poussées, des ­corticostéroïdes à faible dose ne devraient pas être utilisés. Les immunomodulateurs privilégiés sont les interférons bêta, l’acétate de glatiramère, le tériflunomide B et le diméthyle ­fumarate. Remarque: Des leucoencéphalopathies multifocales progressives (LEMP) sont ­occasionnellement rapportées sous diméthylefumarate. Des contrôles étroits de l’hémogramme sont dès lors recommandés. Le ­natalizumab ou l’alemtuzumab par voie intraveineuse ou le fingolimod par voie orale sont des options en cas de survenue de poussées sous interférons bêta et/ou acétate de glatiramère. En cas d’évolutions particulièrement agressives, le natalizumab et l’alemtuzumab peuvent toutefois être utilisés en tant que traitement de première ligne. Dans certains cas, une chimiothérapie cytotoxique (mitoxantrone, azathioprine) peut devenir nécessaire. Il convient de veiller à un traitement adéquat des symptômes. Une spasticité peut représenter un appui majeur pour les membres inférieurs et leurs muscles affaiblis et faciliter les mouvements. Les médicaments myorelaxants incluent entre autres le baclofène, la tizanidine, le clonazépam, le diazépam et la gabapentine. La physiothérapie représente la principale stratégie pour le traitement des troubles moteurs et de la spasticité. Les troubles fonctionnels ­vésicaux surviennent sous différentes formes. Le traitement devrait être précédé d’un examen urologique. En cas de troubles fonctionnels ­vésicaux, les infections urinaires sont plus fréquentes. Des symptômes d’infections urinaires doivent dès lors être activement recherchés. Les anticholinergiques constituent le traitement de choix lorsque le volume d’urine résiduel est inférieur à 100 ml et que le patient présente une incontinence ou une impériosité mictionnelle permanente. Les substances les plus ­courantes sont la toltérodine, la solifénacine et le trospium. Elles sont associées à moins d’effets indésirables que les préparations plus anciennes. Les exercices du plancher pelvien sont utiles en cas d’incontinence d’effort. Les alpha-bloquants (alfuzosine, tamsulosine) sont parfois efficaces en cas de trouble de la vidange vésicale. Une tentative de traitement avec ces substances vaut la peine avant d’opter pour une vidange par cathétérisme intermittent. Si le volume d’urine résiduel excède sans cesse 100 ml, un cathétérisme intermittent (2–4× par jour) est indiqué. Il réduit les symptômes, prévient les infections ascendantes et améliore la qualité de vie. Une prophylaxie médicamenteuse (à long terme) contre les infections urinaires n’est pas indiquée. En cas de persistance des symptômes de vessie hyperactive, un anticholinergique peut être administré en plus. En cas d’incontinence urinaire sévère, de la toxine botulique peut être injectée directement dans le détrusor. Ce traitement rend nécessaire un cathétérisme unique régulier pour la vidange de la vessie. La constipation peut être traitée par des mesures médicamenteuses et diététiques. Les patients boivent souvent très peu parce qu’ils souffrent de troubles vésicaux. ­L’alimentation devrait contenir suffisamment de liquide et de fibres alimentaires. L’activité physique améliore la motilité intestinale. Un programme régulier favorisant la vidange intestinale est essentiel et peut être mis en œuvre par le patient lui-même. Les laxatifs qui augmentent la quantité de selles ou stimulent le péristaltisme peuvent être utilisés; dans les cas sévères, des lavements ou des suppositoires peuvent néanmoins s’avérer nécessaires. Le métoclopramide augmente la motilité de l’ensemble du tractus gastro-intestinal.
L’abattement (fatigue) est l’un des symptômes les plus fréquents de la SEP, et certains patients rapportent que la fatigue serait le principal problème pour la gestion de la vie professionnelle et quotidienne. L’amantadine D et certains antidépresseurs (par ex. bupropion, ­venlafaxine, milnacipran, duloxétine et réboxétine) peuvent être efficaces sur la fatigue. La fatigue augmente généralement au fur et à mesure de la journée et elle peut être aggravée par l’épuisement physique, le stress et la chaleur. Le sommeil, les pauses régulières au travail et un environnement frais réduisent la fatigue. Un patient atteint de SEP sur quatre se plaint de douleurs. Les troubles sensoriels douloureux peuvent être atténués par des antiépileptiques: la prégabaline, la gabapentine et la lamotrigine sont les préparations les plus courantes, car elles sont mieux tolérées que les substances plus anciennes. La carbamazépine et l’oxcarbazépine sont toujours utilisées en cas de névralgie trigéminale. Les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline, nortriptyline) et certains des nouveaux stabilisateurs de l’humeur (venlafaxine, duloxétine) peuvent également soulager les douleurs neuropathiques chroniques en cas de SEP.
La SEP est une maladie chronique dans laquelle le mode de vie et les facteurs psychologiques jouent un rôle déterminant. Le traitement d’une dépression améliore le pronostic. Afin de prévenir l’isolement social, l’activité physique et les ­loisirs sont recommandés C. L’influence de l’alimentation, notamment de la teneur en acides gras D, sur l’évolution de la maladie n’a pas pu être démontrée. Il est néanmoins ju­dicieux de recommander une alimentation équilibrée, riche en fibres, renfermant une ­teneur élevée en acides gras insaturés, et un apport suffisant en vitamine D. Pour les patients, il est difficile au début d’accepter la maladie et les ­recommandations thérapeutiques. Il est essentiel de véhiculer une image correcte de la SEP au patient et à ses proches. Une consultation au sujet du traitement et de la réadaptation en présence de la famille est ­recommandée. Un bon timing pour les conseils et la réadaptation est particulièrement important. Le patient devrait être informé à propos des organisations de soutien et des structures de réadaptation. Des programmes conçus individuellement, incluant physiothérapie, ­réadaptation neuropsychologique, ergothérapie et moyens auxiliaires nécessaires, aident à gérer le quotidien.