Consultation de contraception basée sur l’évidence
Situations à risque fréquentes dans la pratique

Consultation de contraception basée sur l’évidence

Übersichtsartikel AIM
Édition
2019/1718
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08065
Forum Med Suisse. 2019;19(1718):286-291

Affiliations
a fertisuisse Olten und Basel, Zentrum für Kinderwunschbehandlung, Frauen- und Männermedizin; b Frauenklinik, Universitätsspitals Basel; c ­Frauenpraxis Buchenhof, Praxis für Mädchen und Frauen

Publié le 24.04.2019

La consultation de contraception peut constituer un défi, notamment en présence de maladies concomitantes ou de facteurs de risque. Les manuels de l’OMS en ligne offrent une aide utile dans la pratique médicale quotidienne.

Introduction

Au cours des 60 dernières années, le développement de contraceptifs efficaces a eu une influence positive énorme sur la santé sexuelle et reproductive des couples en âge de procréer. De nos jours, une multitude d’options contraceptives sont sur le marché, ce qui nous permet, à nous médecins, de proposer à chaque patiente / chaque couple le meilleur choix de méthodes contraceptives. L’effet contraceptif optimal ne peut être atteint que si l’utilisatrice est impliquée dans la sélection et la prise de décision (le «shared decision making» améliore l’observance). A cet égard, il convient aussi en particulier de comparer le profil de risque spécifique de l’utilisatrice avec le profil de risque de la méthode contraceptive afin de faire le choix optimal.
L’offre d’une large palette de méthodes contraceptives, les connaissances basées sur l’évidence relatives à l’efficacité, aux risques et aux bénéfices des différentes méthodes, ainsi qu’une relation respectueuse et confidentielle entre le médecin et l’utilisatrice constituent les caractéristiques de qualité d’une bonne consultation de contraception, permettant à l’utilisatrice de prendre une décision informée. Les contraceptifs ne cessent d’être améliorés en termes de confort d’utilisation, d’efficacité et de sécurité. En outre, de nouvelles méthodes basées sur des principes actifs ou mécanismes d’action innovants ou sur des formes d’application ou dosages différents sont développées. En parallèle, des études cliniques de qualité variable produisent une abondance confuse de résultats, conclusions et recommandations. Des lignes directrices cliniques obsolètes et un manque de connaissances des nouvelles preuves limitent aussi bien la qualité de la consultation de contraception que l’accès de l’utilisatrice à une contraception efficace et sûre. Cet article a pour but de fournir une brève introduction sur la consultation de contraception, l’accent étant mis sur les situations à risque fréquentes. Les risques contraceptifs en présence de maladies spécifiques peuvent être consultés dans les «Critères de recevabilité médicale pour l’adoption et l’utilisation continue de méthodes contraceptives» de l’Organisation mondiale de la santé (CRM-OMS) [1, 2], ce qui est particulièrement pertinent pour les patientes atteintes de maladies rares.

Efficacité des contraceptifs

L’efficacité d’une méthode contraceptive dépend en grande partie de son utilisation correcte. L’efficacité d’un contraceptif est nettement supérieure en cas d’utilisation correcte par rapport à une utilisation typique, qui correspond toutefois à la réalité. Le tableau 1 présente une comparaison des indices de Pearl des méthodes contraceptives pour une utilisation optimale et typique. L’indice de Pearl permet de mesurer la fiabilité des modes contraceptives. Il correspond au nombre de grossesses non planifiées survenant chez 100 femmes au cours d’une année malgré l’utilisation d’un contra­ceptif. Plus l’indice de Pearl est faible, plus la protection contre une grossesse non planifiée est élevée.
Tableau 1: Probabilité d’une grossesse non planifiée en % au cours de la première année d’utilisation d’une méthode contraceptive (indice de Pearl) (adapté d’après [2]).
MéthodeUtilisation typiqueUtilisation optimale
Pas de méthode8585
Spermicides2818
Méthode du calendrier, méthode de la température et méthodes basées sur la détection de l’ovulation24 0,4 (symptothermie)1
– 5 (calendrier)
Coït interrompu22 4
Préservatifs pour les hommes18 2
Préservatifs pour les femmes21 5
Diaphragme12 6
Contraceptifs oraux 9 0,3
Patch contraceptif (Evra®) 9 0,3
Anneau contraceptif (NuvaRing®) 9 0,3
Injection trimestrielle (Depot Provera®) 6 0,2
Dispositif intra-utérin au cuivre 0,8 0,6
Dispositif intra-utérin au lévonorgestrel (Mirena®) 0,2 0,2
Implant contraceptif (Implanon®) 0,05 0,05
Stérilisation tubaire 0,5 0,5
Vasectomie 0,15 0,10
1 La sécurité de ces méthodes est uniquement garantie en cas d’abstinence périodique et requiert une bonne formation et des auto-examens rigoureux. L’utilisation de préservatifs (ou d’autres ­méthodes) durant la phase fertile du cycle au lieu de l’abstinence réduit la sécurité.

Contraception et sexualité

Le choix du contraceptif adapté inclut naturellement aussi une discussion portant sur le comportement sexuel de l’utilisatrice. Ainsi, il est important de savoir si des méthodes barrières (généralement préservatifs) doivent être utilisées pour protéger des maladies sexuellement transmissibles ou s’il existe une relation sexuelle stable et fidèle permettant de choisir des ­méthodes sans protection barrière. Pour les couples stables souhaitant une contraception définitive, il convient d’envisager également la stérilisation masculine comme option en situation de risque.
La question de l’effet des contraceptifs hormonaux sur la libido féminine revient toujours dans les discussions, notamment aussi en rapport avec les effets andro­géniques/anti-androgéniques partiels des progestatifs. Sur la base de la littérature disponible, il est possible d’affirmer que les contraceptifs hormonaux ne semblent globalement pas avoir d’effet négatif pertinent sur la ­libido [3]. Dans des cas individuels, une adaptation du contraceptif peut être judicieuse. Avant de passer à des méthodes non hormonales, il est parfaitement possible d’opter d’abord pour un autre contraceptif hormonal.

La contraception est largement répandue en Suisse

Actuellement, les contraceptifs hormonaux représentent en Suisse la méthode contraceptive la plus fréquente chez les femmes de moins de 40 ans. Dans l’enquête suisse sur la santé 2012, 80% des personnes entre 15 et 49 ans ayant eu au moins un(e) partenaire au cours des 12 derniers mois ont déclaré utiliser un contraceptif (fig. 1). En comparaison internationale, le nombre d’interruptions de grossesse est relativement faible: en 2013, ce taux s’élevait à 6,4‰ pour les femmes domiciliées en Suisse. Chez les jeunes femmes de moins de 20 ans, ce taux était même encore inférieur: en 2013, il s’élevait à 4,0‰ pour les jeunes femmes résidant en Suisse.
Figure 1: Enquête suisse sur la santé 2012 (source: Office fédéral de la statistique, 2014). 1  Anneau, patch ou implant contraceptif ou injection contraceptive trimestrielle.

Risques pour la santé en cas de grossesse non planifiée

En principe, il convient de distinguer deux situations à risque: les femmes et/ou fœtus dont la santé serait affec­tée par une grossesse non planifiée et les femmes qui seraient exposées à un risque de santé par la méthode contraceptive elle-même. Les maladies s’accompagnant d’un danger pour la mère et/ou l’enfant en cas de grossesse sont listées dans le tableau 2. En présence de risques graves pour la santé de la mère et de l’enfant, il convient de recommander des moyens de contraception présentant une efficacité maximale. La simple ­utilisation de méthodes barrières (préservatifs, diaphragmes) est insuffisante. Toutefois, l’emploi correct de préservatifs peut prévenir efficacement les infections sexuellement transmissibles et doit être recommandé d’une manière générale. Les femmes prenant des médicaments tératogènes doivent également uti­liser une méthode contraceptive très sûre. En cas de maladies malignes, l’aménorrhée induite par la chimiothérapie ne constitue pas une protection sûre contre une grossesse non planifiée.
Tableau 2: Maladies pouvant s’accompagner d’un risque pour la mère et/ou l’enfant en cas de grossesse (adapté d’après [1]).
Valvulopathies compliquées
Accident vasculaire cérébral
Thrombophilie
Hypertension artérielle (systolique >160 mm Hg ou diastolique >100 mm Hg)
Coronaropathie
Diabète sucré insulino-dépendant avec néphro-, rétino-, neuro- ou autres angiopathies ou présence de la maladie depuis >20 ans
Cardiomyopathie du péripartum
Drépanocytose
Lupus érythémateux systémique
Cancer du sein
Cancer de l’endomètre
Cancer de l’ovaire
Maladies trophoblastiques malignes
Tumeurs hépatiques malignes (hépatomes) et carcinome hépatocellulaire
Bilharziose avec fibrose hépatique
Cirrhose hépatique avancée
VIH/SIDA
Tuberculose
Epilepsie
Antécédent de transplantation d’organe au cours des 2 ­années précédentes
Antécédent de chirurgie bariatrique au cours des 2 années précédentes
Traitements avec des médicaments tératogènes

Risque de cancers sous contraceptifs hormonaux combinés

Dans la «Royal College of General Practitioners’ Oral Contraception Study» [4], 46 022 femmes recrutées entre 1968 et 1969 ont été observées pendant une durée allant jusqu’à 44 ans. Le risque de développer un carcinome colorectal, endométrial ou ovarien était réduit chez les utilisatrices de la pilule, même après l’arrêt de cette dernière. L’effet protecteur semblait persister pendant plus de 30 ans. De même, les cancers lymphatiques et hématologiques sont survenus moins souvent dans la cohorte. Globalement, le taux de mortalité dans cette étude était inférieur à celui de la population générale, principalement parce qu’aucune participante atteinte de maladie chronique n’avait été recrutée. Parmi les autres limites de l’étude figurait le manque d’informations relatives aux facteurs confondants potentiels, notamment l’indice de masse corporelle (IMC), la consommation d’alcool, l’alimentation et l’activité sportive, ainsi que les modifications du tabagisme au fil du temps.
En revanche, il existe éventuellement un risque légèrement accru de carcinome mammaire et cervical. Les études relatives au risque accru de cancer du sein sont controversées. De manière générale, une légère augmentation du risque peut être présumée. Par rapport aux femmes n’ayant jamais utilisé une contraception hormonale, le risque relatif des utilisatrices de développer un cancer du sein est 20% supérieur. Le risque relatif atteint jusqu’à 38% chez les femmes utilisant une contraception hormonale pendant plus de 10 ans. Il n’est jusqu’à présent pas encore clairement établi dans quelle mesure l’augmentation du risque vaut également pour les nouvelles pilules faiblement dosées, la pilule progestative et le dispositif intra-utérin (DIU) hormonal. Du fait de la rareté du cancer du sein dans cette tranche d’âge, le risque absolu reste faible (1 cas pour près de 8000 utilisatrices) [5].

Contraceptifs hormonaux combinés et maladies thromboemboliques

En particulier les contraceptifs hormonaux combinés (CHC) contenant de l’éthinylestradiol (EE) et un progestatif sont associés à un risque accru de maladies cardiovasculaires [6, 7].
Le premier contraceptif hormonal (Enovid®) a été autorisé en 1960 aux Etats-Unis, et contenait 150 μg de mestranol et 9,85 mg de noréthynodrel. Depuis, des œstrogènes synthétiques ont continué à être développés, ce qui a entraîné une réduction considérable de la dose et des effets indésirables. Aujourd’hui, les CHC contiennent le plus souvent de l’EE à des doses de ­15–35 µg ainsi qu’un progestatif. L’EE a une longue demi-vie et est, indépendamment de la forme galénique (orale, vaginale ou transdermique), sans doute principalement responsable des modifications du système hémostatique. Par rapport à l’EE, l’estradiol (œstrogène naturel de l’organisme) et le valérate d’estradiol (ester synthétique du pentanoyl-17 de l’hormone sexuelle naturelle estradiol) sont plus rapidement métabolisés en estrone et influencent considérablement moins les facteurs de coagulation. L’effet procoagulant de l’EE s’explique par la concentration réduite de protéine S, l’activation de la résistance à la protéine C, la concentration accrue des facteurs de coagulation VII et VIII et du fibrinogène ainsi que, indirectement, par la concentration accrue des D-dimères (produits de dégradation de la ­fibrine et ainsi marqueurs de la fibrinolyse). Toutefois, une corrélation directe entre les marqueurs hémostati­ques de substitution mentionnés ci-dessus et le risque d’une complication thromboembolique n’a pas pu être prouvée.
Les contraceptifs hormonaux contenant uniquement des progestatifs ne sont pas associés à un risque accru de thromboembolie. Les progestatifs de première génération développés dans les années 1960 possèdent une structure similaire à la testostérone. Les progestatifs ­androgéniques, c.-à-d. les progestatifs de deuxième génération (par ex. lévonorgestrel), inhibent le plus fortement l’effet procoagulant de l’EE sur les facteurs de coagulation. Comparativement, les progestatifs sans effet androgénique partiel, c.-à-d. les progestatifs de troisième génération (par ex. désogestrel, gestodène et norgestimate), ou encore les progestatifs avec effet anti-andro­génique partiel (par ex. diénogest, drospirénone et acétate de cyprotérone) sont des antagonistes de l’EE plus faibles. Il est donc possible que la composante progestative des inhibiteurs oraux combinés de l’ovulation joue un rôle secondaire dans l’incidence de complications thromboemboliques. Les résultats de grandes études observationnelles sont toutefois contradictoires, de sorte qu’au vu des données actuelles, la Société Suisse de Gynécologie et d’Obstétrique (SSGO) [6] ne voit aucun motif de préférer des préparations de deuxième génération pour de premières prescriptions chez de jeunes femmes saines sans facteur de risque, ni de prescrire une autre pilule aux femmes utilisant déjà une pilule de troisième génération ou une pilule contenant de la drospirénone ou de l’acétate de cyprotérone.

Maladies thromboemboliques veineuses

L’incidence des maladies thromboemboliques veineuses (MTEV) dépend de l’âge et s’élève, chez les femmes qui n’utilisent aucun CHC, à 1–2 pour 10 000 femmes-années entre 15 et 35 ans, et à 3–8 pour 10 000 femmes-années entre 35 et 44 ans. En cas d’utilisation d’une pilule faiblement dosée (<50 µg EE), l’incidence double et passe à 5,5–10 pour 10 000 femmes-années (20–24 ans 3,5/10 000; 30–34 ans 7,2/10 000; 40–44 ans 15,7/10 000). Comparativement, le risque que présentent les femmes saines de développer une MTEV pendant la grossesse ou le post-partum s’élève à 8–30 pour 10 000 grossesses. En cas de MTEV, la mortalité est estimée à 1–2%. L’administration non orale (anneau vaginal, patch) ne réduit pas le risque. Le risque est ­accru principalement chez les utilisatrices novices et pendant la première année d’utilisation (spécialement durant les 3 premiers mois), ce qui montre l’importance de la prédisposition. Au bout de 3 mois après interruption, le risque accru redescend au risque de base correspondant à l’âge [6]. La SSGO recommande pour les premières prescriptions la remise de la «Fiche d’information destinée aux utilisatrices de contraceptifs hormonaux combinés» (disponible sur www.sggg.ch), ainsi qu’un contrôle clinique de suivi au bout de 3 mois. En présence d’une anamnèse ­familiale de MTEV positive, un bilan de thrombophilie doit avoir lieu [6].

Contraception intra-utérine

Le DIU au cuivre en forme de T avec au moins 380 mm [2] de cuivre fait partie des méthodes contraceptives non hormonales les plus efficaces. Le fil de cuivre, qui est fixé par un nœud au myomètre, et la boule de cuivre intra-utérine libre sont plus petits, mais plus souvent expulsés que les DIU en forme de T [8, 9].
L’effet contraceptif des DIU au cuivre repose principalement sur l’action spermicide des ions de cuivre, ainsi que sur la réaction au corps étranger de l’endomètre, qui empêche l’implantation d’un embryon. Les DIU contenant du lévonorgestrel (DIU-LNG) entraînent en outre une atrophie de l’endomètre et un épaississement de la glaire cervicale. Ils sont disponibles dans deux tailles – 32 × 32 mm et 28 × 30 mm. Les petits ­DIU-LNG sont de dimensions égales (28 × 30 mm), contiennent 13,5 mg ou 19,5 mg de LNG et agissent pendant respectivement 3 et 5 ans. Les DIU-LNG de dimensions 32 × 32 mm ont une ­teneur totale de 52 mg de LNG et durent 5 ans.
Avant la pose d’un DIU, une grossesse doit être exclue. Il convient de recueillir l’accord écrit de la femme. A cet effet, la SSGO met à disposition un protocole de consentement éclairé téléchargeable en ligne.
Lors de la pose du DIU, le bénéfice des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), de la lidocaïne topique à des fins analgésiques et du misoprostol destiné à la préparation cervicale pour modifier la consistance du col de l’utérus (le rendre «plus souple») n’est pas prouvé. Par ailleurs, l’utilisation du misoprostol est «off label» et la patiente doit en être informée. Lorsque la pose du DIU s’annonce difficile, un bloc cervical peut être envisagé. Les douleurs survenant après la pose répondent généralement bien aux AINS.
Une expulsion du DIU survient dans env. 5% des cas, le plus souvent durant les 3 premiers mois [9]. C’est pourquoi les femmes doivent régulièrement contrôler la présence des fils de retrait.
Les principaux avantages du DIU-LNG incluent l’atténuation de la dysménorrhée associée à une endométriose et la réduction de la perte de sang en cas d’hyperménorrhée. En présence de saignements intermédiaires survenant au début, l’administration supplémentaire d’un inhibiteur combiné de l’ovulation pendant 3 mois peut être utile. Le taux d’oligoménorrhée/aménorrhée dépend de la dose de LNG, du flux de règles préexistant, et de l’IMC, et s’élève à près de 60 et 16%, respec­tivement, un an après la pose de grands DIU-LNG, et à 10–25% pour les petits DIU en fonction de la dose de LNG [10, 11].
Les kystes ovariens surviennent plus souvent en ­présence de DIU-LNG et disparaissent en règle générale spontanément. Aucun contrôle échographique routinier n’est nécessaire en l’absence de douleur. Le risque d’une grossesse ectopique est certes plus faible en cas d’utilisation de DIU que sans contraception, mais lorsqu’une grossesse survient en présence d’un DIU, le risque de développement extra-utérin est accru [12].

Implants progestatifs et injections de progestatifs retard (injection tous les 3 mois)

Tout comme les DIU, les implants progestatifs (étonogestrel) et les injections de progestatifs retard (acétate de médroxyprogestérone) font partie des méthodes contra­ceptives à long terme très efficaces. Les progestatifs empêchent l’ovulation et, du fait de la modification de la glaire cervicale, la pénétration de spermatozoïdes.
L’utilisation d’implants progestatifs et de progestatifs retard n’augmente guère le risque de complications cardiovasculaires. Les implants progestatifs modifient souvent le schéma menstruel, les saignements surviennent généralement moins souvent, de manière irrégulière ou pas du tout, et sont moins douloureux. Près de 25% des femmes présentent toutefois des menstruations prolongées ou fréquentes. Aucun lien de causalité n’a pu être mis en évidence entre l’utilisation d’implants progestatifs et l’augmentation des céphalées, les variations de poids, les fluctuations de l’humeur et le manque de libido [13]. La nouvelle génération d’implants contient, en plus de l’étonogestrel, du sulfate de baryum radio-opaque afin de faciliter la recherche d’implants qui ne sont plus palpables.
Les progestatifs retard (injection tous les 3 mois) entraînent plus souvent une aménorrhée. Ils conviennent donc au traitement des douleurs associées à une endométriose. Une légère diminution de la densité osseuse peut survenir et est réversible après interruption des progestatifs retard. Une mesure de la densité osseuse avant et pendant l’utilisation n’est pas indiquée. Les utilisatrices doivent veiller à un apport suffisant en calcium et vitamine D, ainsi qu’à une activité physique. Les adolescentes (<18 ans) présentant un IMC >30 kg/m2 [2] sem­blent avoir un risque accru de prise de poids [14]. Il convient d’informer qu’après arrêt de la contraception à base de progestatifs retard, il peut s’écouler jusqu’à un an avant la reprise des cycles ovulatoires [15].

Critères médicaux de sélection

Depuis 1996, l’OMS publie, en collaboration avec les «Centers of Disease Control and Prevention» (CDC) américains, un manuel basé sur l’évidence contenant des critères médicaux de sélection de méthodes contraceptives efficaces, appelés «Critères de recevabilité médicale pour l’adoption et l’utilisation continue de méthodes contraceptives» (CRM). Il s’agit d’une classification à quatre niveaux de risque des diverses méthodes contraceptives dans certaines situations physiologiques (par ex. post-partum, allaitement), mais également en présence de maladies concomitantes. La sélection inclut des méthodes efficaces réversibles et dont l’indice de Pearl est faible, à savoir:
– CHC: contraceptifs hormonaux combinés (pilule, patch, anneau);
– PPP: pilule progestative pure (minipilule);
– Implant: implant progestatif;
– DMPA: injection tous les 3 mois;
– DIU-Cu: DIU au cuivre;
– DIU-LNG: DIU hormonaux.
Le tableau 3 contient une description des 4 classes de risque (exemples de classifications du risque: tab. 4 a/b). Pour certaines maladies, il existe en outre une recommandation indiquant si la méthode contraceptive peut être initiée ou poursuivie. L’association de maladies et la présence de facteurs de risque sont également prises en compte dans le manuel.
Tableau 3: Classification des risques des méthodes contraceptives (adapté d’après [1]).
CatégorieExplication
1Pas de restriction pour l’emploi de la méthode contraceptive (méthode de premier choix).
2Les avantages de la méthode contraceptive ­prévalent sur ses risques.
3Les risques de la méthode contraceptive ­prévalent sur ses avantages (contre-indication relative).
4Risque inacceptable pour la santé. La méthode contraceptive est contre-indiquée.
Tableau 4a: Classification des risques des méthodes contraceptives chez les fumeuses en fonction de l’âge.
 CHCaPPPbImplantcDMPAdDIU-CueDIU-LNGf
Femmes <35 ans211111
Femmes >35 ans 
 <15 cigarettes/jour311111
 >15 cigarettes/jour411111
a Contraceptif hormonal combiné; b Pilule progestative pure; c Implant progestatif; d Injection ­trimestrielle; e Dispositif intra-utérin au cuivre; f Dispositif intra-utérin hormonal.
Tableau 4b: Classification des risques des méthodes contraceptives en cas de ­thromboembolie veineuse (TEV).
 CHCaPPPbImplantcDMPAdDIU-CueDIU-LNGf
Antécédent de TVPg / EPh422212
TVP / EP aiguë433313
TVP / EP aiguë sous ACOi422212
Apparenté au premier degré avec TVP*211111
Intervention chirurgicale avec immobilisation prolongée422212
Thrombophilie héréditaire422212
Syndrome des antiphospho­lipides433313
* Si le dépistage de la thrombophilie de l’utilisatrice est sans particularités.
a Contraceptif hormonal combiné; b Pilule progestative pure; c Implant progestatif; d Injection trimestrielle; e Dispositif intra-utérin au cuivre; f Dispositif intra-utérin hormonal; g Thrombose veineuse profonde; h Embolie pulmonaire; i Anticoagulation orale.

Contraception chez les femmes >40 ans

Les femmes au-delà de 40 ans représentent un groupe à risque particulier, car la baisse de fertilité ne protège pas d’une grossesse non planifiée. Bien que la contraception reposant sur la stérilisation par ligature des trompes ou vasectomie soit la méthode la plus fréquente dans cette tranche d’âge, des données issues des Pays-Bas et de Grande-Bretagne montrent que le taux d’interruptions de grossesse dans cette tranche d’âge est 3 à 4 fois plus élevé que chez les femmes entre 31 et 35 ans. S’y ajoute le risque accru de fausses couches, d’anomalies chromosomiques fœtales ainsi que de complications maternelles et néonatales pendant la grossesse. La probabilité d’une fausse couche avant la 20e semaine de grossesse s’élève 10% à l’âge de 20 ans et passe à 50% à l’âge de 40–44 ans et à 90% à partir de 45 ans [16].
A partir de 40 ans, les contraceptifs oraux combinés pour les femmes non fumeuses et de poids normal passent de la catégorie de risque 1 à la catégorie 2. Il convient d’informer la femme de cette augmentation du risque et d’envisager avec elle des alternatives, telles que la pilule progestative, le DIU-LNG, le DIU au cuivre, les progestatifs retard et les implants progestatifs (tous dans la catégorie de risque 1). Avec le consentement de la femme, les contraceptifs oraux combinés peuvent continuer d’être prescrits en l’absence de risques supplémentaires (tabagisme, obésité). Une consultation ouverte abordant toutes les options est préalablement requise. Comme l’a révélé une enquête en ligne récemment réalisée en langue allemande, la majorité des participantes utilisent certes des contra­ceptifs oraux, mais souhaitent, contrairement à ce que pensent les gynécologues traitants, plus d’informations sur les méthodes contraceptives à long terme [17].
Selon des données épidémiologiques, 96% des femmes âgées de 55 ans sont post-ménopausées, d’où la recommandation de la «Faculty of sexual and reproductive health» anglaise d’interrompre les méthodes contraceptives à l’âge de 55 ans [18].

Les avantages de la contraception hormonale l’emportent sur les inconvénients

Les contraceptifs hormonaux présentent également des avantages non contraceptifs. Ils sont utilisés avec succès dans le traitement du syndrome des ovaires polykystique, de l’endométriose, de l’acné sévère, de la dysménorrhée et des saignements utérins anormaux. La prise de contraceptifs hormonaux est associée à un risque réduit de carcinome ovarien, endométrial et colorectal. En revanche, les CHC augmentent le risque de thrombose veineuse, cancer du sein et carcinome cervical [4, 5, 7].
Même aujourd’hui, la grossesse et l’accouchement ne sont pas sans danger. Dans les pays très développés, 2–3 mères décèdent pour 10 000 naissances vivantes, un nombre relativement faible. Dans les pays en développement, la mortalité des mères est 10 fois plus élevée.
Dans la pratique, les avantages et inconvénients de toutes les méthodes contraceptives doivent être soupesés avec la femme en prenant en compte les maladies concomitantes, le mode de vie et les préférences.

Perspectives

Beaucoup de questions soulevées concernant le risque et le bénéfice des diverses méthodes contraceptives restent teintées d’incertitude, car il n’existe aucune étude idéale exempte de biais et de facteurs confondants, et des études cliniques classiques ne sont pas ­réalisables lorsqu’il s’agit d’effets indésirables rares. Une surveillance post-commercialisation à grande échelle reste nécessaire et il serait souhaitable que les autorités, les organisations de médecins, l’industrie pharmaceutique et les associations de patients collaborent encore plus étroitement à des projets relatifs à l’efficacité et la sécurité pratiques, afin que nous puissions retirer un bénéfice maximal des possibilités modernes de la collecte de données.
En même temps, nous avons besoin de recherches sur le développement de préparations combinées transdermiques et vaginales à base d’estradiol ainsi que de recherches sur les nouveaux œstrogènes, tels que l’estétrol, et également sur de nouveaux progestatifs et de nouvelles formes galéniques, tout comme sur les nouveaux modes de planification familiale naturelle faisant appel à des techniques numériques innovantes.
Nos patientes ont besoin d’une consultation de contra­ception fondée et individualisée, capable de montrer que, pour chaque décision relative à une méthode contra­ceptive, les avantages et inconvénients doivent être soupesés et discutés de manière individuelle.

L’essentiel pour la pratique

• En présence de maladies concomitantes pouvant entraîner un risque important pour la mère et l’enfant en cas de grossesse non planifiée, une méthode contraceptive présentant une efficacité maximale est nécessaire. Les «Critères de recevabilité pour l’adoption et l’utilisation continue de méthodes contraceptives» de l’OMS constituent une aide pratique pour le choix de la bonne méthode contraceptive.
• Les femmes de plus de 40 ans, qui sont souvent concernées par les grossesses non désirées/non planifiées, constituent un autre groupe à risque. Elles nécessitent elles aussi une méthode contraceptive sûre bien que leur fécondité diminue.
• Les contraceptifs hormonaux combinés augmentent le risque de thromboses veineuses. D’une part, le risque de cancer du sein est potentiellement légèrement accru, et de l’autre, le risque de cancer du côlon, de l’endomètre et de l’ovaire est réduit.
Les auteurs n’ont pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Rebecca Moffat
Universitätsspital Basel
Spitalstrasse 21
CH-4031 Basel
rebecca.moffat[at]usb.ch
1 Organisation mondiale de la Santé. (2015). Critères de recevabilité médicale pour l’adoption et l’utilisation continue de méthodes contraceptives; 5e édition. https://www.who.int/reproductivehealth/publications/family_planning/MEC-5/fr/
2 Organisation mondiale de la Santé. (2016). Une sélection de recommandations pratiques relatives à l’utilisation de méthodes contraceptives; 3e édition. https://www.who.int/reproductivehealth/publications/family_planning/fr/
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