Contraception chez les adolescentes
Enjeux et défis

Contraception chez les adolescentes

Übersichtsartikel
Édition
2019/2122
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08067
Forum Med Suisse. 2019;19(2122):354-360

Affiliations
Gynécologie de l’enfant et de l’adolescente, Département femme-mère-enfant, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)

Publié le 22.05.2019

La prescription contraceptive comme sa poursuite au long cours chez les adolescentes présente des enjeux et défis spécifiques à cette population que nous présentons dans cet article.

Introduction

En Suisse le taux de fécondité des adolescentes est un des plus bas du monde avec 2,1 grossesses pour 1000 adolescentes âgées de 15 à 19 ans en 2017. Le taux d’interruptions de grossesse dans cette population est de 3,5 interruptions pour 1000 adolescentes. Malgré ces données encourageantes qui témoignent non seulement de la pertinence et de l’efficacité de l’éducation sexuelle en ­milieu scolaire mais aussi d’un bon accès à la contraception, le mandat prioritaire en santé sexuelle auprès des adolescentes reste la prévention de grossesses non désirées. Les complications d’une grossesse imprévue sont multiples: médicales (risque d’anémie, prématurité, …) et surtout psychosociales en lien avec l’interruption d’une formation professionnelle et la rupture de liens sociaux à court et long terme.
Dans les pays occidentaux l’âge moyen du 1er rapport sexuel est de 17 ans [1]. Si l’intérêt pour la sexualité s’éveille tôt dans l’adolescence, des relations sexuelles avant 14 ans sont rares et doivent attirer l’attention du professionnel sur une situation possiblement à risque [2].
A l’adolescence, le préservatif et la pilule oestroprogestative sont les moyens contraceptifs les plus utilisés malgré leur dépendance élevée à l’adhérence de l’uti­lisatrice et le taux important d’usage incorrect ou inconstant. Une étude américaine publiée en 2011 démontre le faible taux de poursuite couplé à un taux élevé de grossesses non planifiées chez les adolescentes utilisatrices de méthodes dites à courte durée d’action telles que la pilule et le préservatif, contrairement aux méthodes dites à longue durée d’action («long acting reversible contraception» [LARC]) [3]. Nous avons réalisé une étude sur le même sujet en Suisse où nous retrouvons la pilule comme une des méthodes les moins poursuivies sur le long terme avec toutefois un taux de poursuite nettement supérieur à ceux identifiés aux Etats-Unis [4].
La santé sexuelle comme indicateur de santé globale de l’adolescente, et en particulier la contraception, doit être abordée avec chaque patiente adolescente que ce soit chez le pédiatre, le médecin généraliste ou le gynécologue. Il est donc souhaité que tout médecin en charge d’adolescentes acquiert suffisamment d’aisance pour aborder systématiquement les questions liées à la sexualité et qu’il connaisse le choix des contraceptifs disponibles.
Un cadre confidentiel et exempt de jugement offre le climat de confiance indispensable pour construire le lien thérapeutique avec l’adolescente et aborder ces thématiques.

Patiente adolescente: quelles particularités?

L’adolescence est une période de développement et de transition marquée par la survenue de changements majeurs tant sur le plan physique que psychologique et social. Elle est caractérisée par la découverte de la sexualité et la découverte d’un corps en transformation associée à une méconnaissance relative de l’anatomie mais aussi des réactions somatiques et psycho-émotionnelles. La maturation cérébrale, nécessaire à l’aboutissement du processus d’autonomisation propre à cet âge de transition, explique certaines difficultés spé­cifiques telles que la projection dans le futur ainsi que les prises de risque, notamment sur le plan sexuel. Une approche ciblée sur leurs besoins et adaptée à leur stade de développement est par conséquent nécessaire à la prise en charge des patientes adolescentes.
Le HEADSSS («home, education, activities, drugs, sexuality, security, suicide»)est un outil permettant d’explorer la sphère psychosociale de l’adolescente en cours d’entretien (tab 1). Il contribue à acquérir la connaissance du contexte de vie de l’adolescente et permet de s’intéresser à elle dans sa globalité, toujours dans le respect de la confidentialité. Un conseil individualisé est alors possible. Finalement, l’utilisation du HEADSSS favorise l’établissement d’une relation médecin-patient de confiance.
Tableau 1: Modèle HEAADSSS: les thèmes à aborder.
Habitat (lieu de vie et avec qui, situation familiale …)
Education (scolarité, situation actuelle, projets d’avenir …)
Activités / Alimentation (sports et activités de loisirs, meilleur-e ami-e, image corporelle, habitudes alimentaires …)
Drogues (usage et mésusage: tabac, alcool, cannabis, drogues illicites …)
Sexualité (identité/orientation, attentes, relations amoureuse/sexuelle, violences, contraception …)
Sécurité (prises de risque, prévention des accidents)
Santé mentale / Suicide (humeur, moral, anxiété, idées noires, conduites suicidaires …)
La population adolescente est caractérisée par une ­fertilité élevée tandis que le désir de grossesse est ­rarement présent à court terme. Ainsi, la contraception chez les adolescentes constitue un enjeu à long terme vu que le désir de grossesse, même lorsqu’il est exprimé, est souvent différé de plusieurs années. Les ­médecins prescripteurs de contraceptifs ont donc une responsabilité dans le suivi de l’observance à la méthode choisie. Des données romandes prospectives ­récentes nous permettent d’attester d’un taux de poursuite contraceptive élevé dans notre population adolescente en comparaison avec les données de la littérature internationale. Ce taux varie néanmoins en fonction de la méthode contraceptive choisie(fig. 1). Comme ­décrit plus haut, la projection sur le long terme est un exercice difficile pour les adolescentes et constitue donc un défi à relever par tout professionnel de la santé accompagnant ces patientes.
Figure 1: Taux de poursuite à 1 an par méthode: 0% anneau/patch, 60% pilule progestative, 75% injection, 75,2% pilule oestroprogestative, 100% «long acting reversible contraception» (LARC).

Confidentialité

Il est fondamental de rappeler le cadre confidentiel lors d’un entretien abordant la contraception avec une adolescente. Il convient de clarifier la notion de confidentialité en début de consultation mais également ses ­limites. En effet, dans le canton de Vaud par exemple, il est du devoir légal de tout professionnel de la santé de signaler au Service de Protection de la ­Jeunesse une mineure en danger dans sa santé et son développement.
Lorsqu’un adulte référent est présent, un entretien en deux temps est préconisé; un temps en présence de l’adulte et un temps seul avec l’adolescente. Structurer la consultation de cette manière favorise l’autonomie et permet de conserver le lien de confiance tout en ­respectant l’implication de l’adulte. Une demande de contraception par une mineure est à considérer comme un acte raisonné dans la mesure où il s’agit d’une affirmation légitime de se protéger lors d’activité sexuelle. Dans ce contexte, il est généralement admis que la ­capacité de discernement nécessaire au choix éclairé est atteinte au plus tard vers l’âge de 14 ans. Selon le code civil suisse, les personnes capables de discer­nement mais privées de l’exercice des droits civils exercent leurs droits strictement personnels de manière autonome. Rappelons que la majorité sexuelle est fixée à 16 ans. Il est de la responsabilité du médecin d’exclure toute emprise émotionnelle ou relation sexuelle abusive chez une mineure.

Quelles méthodes contraceptives ­privilégier chez les adolescentes?

Toutes les méthodes contraceptives disponibles sur le marché suisse peuvent être prescrites à une patiente adolescente. Nous recommandons d’effectuer des entretiens personnalisés au cours desquels les différentes méthodes sont présentées et discutées. Les critères d’acceptation suivants doivent être remplis par la ­méthode contraceptive idéale chez l’adolescente. Elle doit être accessible, fiable, facile d’utilisation, réversible, ­financièrement abordable et présenter un minimum d’effets indésirables. L’acceptation de la méthode contraceptive est la base requise à son maintien au long cours et à une prévention efficace de grossesses non désirées.
Les méthodes disponibles en Suisse sont regroupées par catégories et présentées dans le tableau 2. Chaque méthode contraceptive présente des avantages et des inconvénients qui lui sont propres, d’éventuelles contre-indications médicales ainsi qu’une efficacité mesurée par l’indice de Pearl. Cet indice correspond au nombre de grossesses non désirées survenant chez 100 femmes durant un an d’utilisation de la méthode. Ces différents éléments figurent dans le tableau 2.
Tableau 2: Les méthodes contraceptives disponibles en Suisse regroupées par catégories.
 AvantagesInconvénientsIndice Pearl
théorique/pratique
Contre-indications
Contraception ­hormonale ­combinée (œstroprogestative)• Menstruations tous les 28 jours
•  Dysménorrhée/hyperménorrhée
• Possible effet anti-androgénique
Augmentation risque TE • Migraine avec aura
• ATCD perso ou familial pour TE
• Evènement TE aigu
• Tabac (selon consommation)
• Thrombophilie connue
• Hypercholestérolémie ou ­hypertriglycéridémie sévère
• HTA avec altération vasculaire
• Diabète avec altération vasculaire
• Fonction hépatique diminuée
• Cancer du sein
• Saignement vaginal inexpliqué
• Tumeur hépatique
• Lupus erythémateux disséminé
PiluleFacilité d’accès• Compliance exigée
• Inducteurs enzymatiques, 
vomissement/diarrhées: efficacité
0,3/8
PatchAdministration facilité (oublis)• Surpoids et inducteurs enzymatiques: efficacité
• Poursuite chez les ados?
0,3/8
Anneau• Administration facilité (oublis)
• Discrétion
• Utilisation vaginale, possible ­augmentation des pertes ­vaginales
• Inducteurs enzymatiques: efficacité
• Poursuite chez les ados?
0,3/8
Contraception 
progestative seule• Pas de risque TE
•  Dysménorrhée/hyperménorrhée
• Aménorrhée possible
• Perte de la régularité du cycle
• Aménorrhée possible
  
Pilule Compliance exigée0,3/8• Saignement vaginal inexpliqué
• Evènement TE aigu
• Dysfonctionnement hépatique grave
• Ictère cholestatique
• Tumeur hépatique
• Tumeur hormonodépendante
Injection• Taux d’aménorrhée élevé
• Efficacité
• Injection intra-musculaire ou ­sous-­cutanée (douleur, dépendance aux service médicaux)
• Prise de poids
• Diminution densité osseuse
• Retour fécondité et régularité cycle plus lente
0,3/3
Implant• LARC
• Efficacité
• Corps étranger
• Irrégularité de saignements
0,05/0,05
DIU-LNG• LARC
• Efficacité
•  hyperménorrhée
• Corps étranger
• Examen gyné­cologique lors de la pose
• Acné possible
• Kystes ovariens occasionnels
0,2/0,2• Infection pelvienne aiguë
• Malformations utérines
• Saignement vaginal inexpliqué
• Immunodéficience
• Dysfonctionnement hépatique grave
• Ictère cholestatique
• Tumeur hépatique
• Tumeur hormonodépendante
• Evènement TE aigu
• Tumeur maligne utérine/cervicale
Contraception non ­hormonalePas d’effets indésirables
hormono-induits
   
DIU cuivre• LARC
• Efficacité
• Contraceptif ­d’urgence
• Corps étranger
• Examen gyné­cologique lors de la pose
•  Hyperménorrhée/dysménorrhée
• Anémie possible
0,6/0,8• Infection pelvienne aiguë
• Malformations utérines
• Saignement vaginal inexpliqué
• Immunodéficience
• Tumeur maligne utérine/cervicale
• Risque accru de saignement (ex: ­anticoagulation)
• Allergie au cuivre
• Maladie de Wilson
Préservatif• Protection IST
• Disponibilité
• Sans prescription médicale
• Interaction avec sexualité
• Dépendance du partenaire
• Moindre efficacité contraceptive
• Allergie latex préservatif sans latex
2–15 
TE: thrombo-embolique. ATCD: antécédent. HTA: hypertension arterielle. Fct: fontion. LARC: «long acting reversible contraceptive». DIU: dispositif intra-utérin. DIU-LNG: Dispositif intra-utérin au lévonorgestrel. CE: corps étranger. IST: infections sexuellement transmissibles.
Les indices de Pearl rendent compte de l’efficacité de la méthode contraceptive, les valeurs ici représentées proviennent de Organisation mondiale de la santé, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Agence des Etats-Unis pour le développement international. Plani cation familiale. Un manuel à l’intention des prestataires de services du monde entier. Genève: OMS; 2011. www.who.int/reproductivehealth/publications/family_ planning/9780978856304/fr/
Les critères de recevabilité médicale pour l’adoption et l’utilisation continue de méthodes contraceptives ­publiés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2015 s’appliquent à toute patiente requérant une contraception, indépendamment de son âge. L’OMS définit ainsi 4 catégories de risque, la catégorie 1 étant corrélée à aucune restriction tandis que la catégorie 4 représente un risque jugé inacceptable pour la santé de la femme. Aucune raison médicale ne justifie donc d’exclure une méthode du choix contraceptif sur le seul critère du jeune âge. Le préservatif est la seule méthode qui protège contre les infections sexuellement transmissibles (IST). Pour des raisons biologiques et de développement évoquées plus haut, l’adolescente est à haut risque d’IST. Il est donc fondamental de discuter ce risque dans tout entretien contraceptif avec des adolescents. En Suisse, le préservatif est le moyen de contraception le plus utilisé chez les adolescentes et le seul accessible sans prescription médicale. Néanmoins, son indice de Pearl pratique en fait une mauvaise méthode contraceptive, en particulier pour cette tranche d’âge où la fertilité est élevée. Ainsi une double contra­ception est recommandée: le préservatif pour la protection des IST associé à une contraception hormonale ou un stérilet au cuivre dans le but d’améliorer la protection contre les grossesses non désirées.
Selon les données de l’office fédéral de la statistique, la pilule (oestroprogestative combinée ou progestative seule) est le 2ème moyen contraceptif le plus utilisé par les filles entre 15 et 24 ans, après le préservatif mas­culin.
L’adolescence est une période critique de croissance et minéralisation osseuse influencées par les hormones sexuelles. Le taux de masse osseuse maximale est un facteur prédictif du risque ostéoporotique ultérieur. De nombreuses études ont donc recherché l’impact sur la densité osseuse de la contraception hormonale prescrite à la puberté. Le risque osseux de la contraception progestative est faible. Une contraception oestroprogestative contenant 15 μg d’éthinylestradiol (EE) ne permet pas de compenser la suppression de la production d’oestrogènes endogènes et d’assurer l’acquisition d’une densité osseuse optimale. Le premier choix contraceptif combiné chez les jeunes adolescentes devrait contenir 30 μg d’EE, en l’absence de contre-indication médicale. Une controverse à ce sujet persiste cependant car la dose d’oestrogènes garantissant le développement de la masse osseuse optimale n’est en réalité pas défini. De plus, au vu du climat de méfiance à l’encontre des méthodes oestroprogestatives lié au risque de complications thromboemboliques, un conseil individualisé et une information exhaustive sont indispensables [5].
Les méthodes LARC sont actuellement largement reconnues comme méthodes contraceptives adaptées aux besoins des adolescentes et sans danger pour ces patientes. Leur force principale est de ne pas dépendre d’une administration régulière et répétée de l’utili­satrice. Elles comprennent l’implant sous-cutané et les dispositifs intra-utérins (DIU) hormonaux ou au cuivre. Les injections trimestrielles d’acétate de medroxyprogestérone sont parfois comprises dans cette catégorie de contraceptifs. Il convient d’insister sur le fait que les DIU peuvent être proposés en toute sécurité à une adolescente nullipare, même virgo, et que c’est une des méthodes contraceptives recommandées en première intention dans cette population par l’«American College of Obstetricians and Gynecologists» (ACOG)comme par l’OMSen raison de sa très grande fiabilité. Néanmoins, chez une patiente virgo un examen gynécologique minutieux est requis au préalable évaluant la perméabilité hyménale et la tolérance à l’examen par la patiente afin de juger de la possibilité de poser un DIU dans de bonnes conditions ou, si tel n’est pas le cas, de différer cet acte et proposer une contraception alternative dans l’intervalle. De nombreuses idées erronées circulent toujours à propos des risques d’infections génitales et d’infertilité chez les adolescentes porteuses de DIU, y compris parmi les professionnels, malgré l’évidence scientifique qui démontre l’innocuité de ces méthodes. Informer les patientes de façon objective ­favorise leur accès à ces méthodes contraceptives plus fiables. Le taux d’infections gynécologiques n’est pas augmenté et le retour à la fertilité n’est pas altéré chez les utilisatrices de DIU. Le DIU peut être posé à n’importe quel moment du cycle à condition d’exclure une grossesse en cours. La douleur ressentie à l’insertion du DIU est décrite comme acceptable par la majorité des femmes, y compris par les adolescentes [2]. Les taux d’expulsion publiés varient entre 3,3 et 10% pour la population adolescente. Ces taux ne doivent pas décourager l’utilisation de cette méthode car ils demeurent inférieurs au taux d’arrêt des méthodes à courte durée d’action. De même l’expulsion d’un DIU ne contre-indique pas la pose d’un nouveau DIU selon l’ACOG [6, 7]. De manière générale, le DIU hormonal est mieux toléré que le DIU au cuivre, particulièrement chez les adolescentes. L’explication pour les adolescentes est assurément en lien avec la fréquence élevée de troubles du cycle dans cette population.
Finalement, les méthodes dites naturelles de planning familial, basées sur l’observation du cycle menstruel et les modifications corporelles induites (méthode du ­calendrier, symptothermie) ne sont à priori pas adaptées à la population adolescente en raison de la discipline très stricte nécessaire, de l’abstinence sexuelle partielle qu’elles imposent à des jeunes filles dont les cycles sont souvent irréguliers et qui ont encore beaucoup de méconnaissance sur le fonctionnement de leur propre corps. Sans oublier qu’à l’adolescence la sexualité est habituellement vécue sur un mode imprévisible. Par analogie, le coït interrompu est à proscrire. Il limite le plaisir sexuel mais ne prévient ni les IST ni les grossesses non désirées [1].

Mythes et représentations

Les représentations et croyances en lien avec la contra­ception sont nombreuses. Une exploration de ces représentations est recommandée afin d’offrir des informations professionnelles objectives et compréhensibles par l’adolescente puis de déconstruire d’éventuelles représentations erronées qui influenceraient négativement le choix de la patiente. Le dialogue instauré permet alors d’aborder les appréhensions pour mieux accom­pagner l’adolescente dans son choix. L’identification et la discussion d’éventuelles inquiétudes et résistances auprès des parents offre un soutien complémentaire à l’adhérence au contraceptif choisi. De fait, l’implication d’un parent améliore l’observance au contraceptif et devrait être encouragée lorsque possible [2].
A titre d’exemple, nous avons déjà évoqué plus haut les idées erronées et anxiogènes suscitées par la question des DIU prescrits chez les patientes adolescentes. Une autre crainte fréquemment exprimée par les adolescentes et/ou leurs parents est la peur que la pilule prise dès un jeune âge entraine une infertilité ultérieure. L’évidence scientifique infirme cette hypothèse permettant ainsi de rassurer les patientes et leurs proches quant à cette représentation. Parfois, la crainte est difficile à exprimer par les patientes et appartient à leur agenda caché, d’où l’importance d’explorer les possibles représentations en cours d’entretien.

Guide pratique lors de la consultation

Comme déjà évoqué, le respect d’un cadre confidentiel est une condition absolue au bon déroulement d’une consultation de contraception avec l’adolescente. L’objectif de cette consultation est d’aboutir à un choix éclairé de l’adolescente et de l’accompagner dans ce choix.
Des questions ouvertes sont privilégiées afin d’obtenir des informations les plus complètes sur la sexualité ­vécue par l’adolescente, incluant ses orientation et identité sexuelles, mais aussi sa compréhension de certains aspects de prévention. Une formulation per­tinente peut être: «Comment te protèges-tu/vous protégez-vous d’une grossesse et des IST lorsque tu as/vous avez une relation sexuelle?».
La population adolescente est dans la majorité des cas en bonne santé et ne présente que rarement des contre-indications formelles aux méthodes contraceptives (voire chapitre suivant). Cependant, l’entretien médical veillera à rechercher ces contre-indications dans le respect des bonnes pratiques en matière de prescription par une anamnèse personnelle et familiale soigneuse. La présence d’un parent en consultation est précieuse pour compléter ce dernier point.
Lorsque le choix se porte sur une méthode comme la pilule, le patch ou l’anneau vaginal, dont l’efficacité est entièrement dépendante de l’utilisation correcte par l’adolescente, l’entretien visera à identifier si l’adolescente a les compétences à adhérer à cette contrainte. L’examen gynécologique n’est pas contributif et n’est donc pas recommandé pour instaurer une contraception, à l’exception bien sûr du DIU, au plus tard au moment de la pose [8].
Lors d’une 1ère prescription contraceptive, il est recommandé de systématiquement exclure une grossesse en cours par un test urinaire. Habituellement, cette prescription est suivie d’une consultation de contrôle après 1 à 3 mois qui permet de vérifier l’utilisation correcte de la méthode et sa tolérance. En cas d’effets secondaires indésirables, un changement de la méthode contraceptive doit être discuté afin d’éviter un arrêt inopportun ou une mauvaise observance à long terme exposant l’adolescente au risque d’une grossesse non désirée.
D’un point de vue pratique, les techniques du «quick start» ou du «bridging» sont utiles afin d’améliorer ­l’observance à court terme. Elles permettent de pro­fiter du moment de motivation présent lors de la consultation, de reconnaître le besoin contraceptif immédiat et de permettre à la patiente la mise en pratique rapide des informations transmises lors de l’entretien. Le «quick start» consiste à initier la contraception im­médiatement sans tenir compte du cycle en cours. Elle nécessite l’utilisation du préservatif pendant les 7 premiers jours de l’utilisation avant d’atteindre l’efficacité contraceptive et d’attester de l’absence de grossesse par un test urinaire au préalable (à répéter après 21 jours). Cette technique a montré des avantages en termes ­d’adhérence et de poursuite sans modification du profil de sécurité ni augmentation des effets secondaires. Le «bridging»concerne les méthodes qui ne sont pas immédiatement disponibles comme, par exemple, le DIU ou l’implant (nécessité d’une consultation gynécologique; information, prescription et organisation préalables). Il consiste à introduire une méthode à courte durée d’action dans l’intervalle séparant la prescription et la consultation de mise en place du contraceptif. La proposition d’une ­injection sous-cutanée ou intramusculaire d’acétate de medro­xyprogestérone est intéressante dans ce but, ­surtout si l’adolescente a besoin à la fois d’une pro­tection contraceptive immédiate et d’un temps de ­réflexion pour la méthode choisie. Actuellement il n’existe pas d’évidence quant à un impact sur la densité minérale osseuse chez les adolescentes de moins de 18 ans sous acétate de medroxyprogestérone à court terme.
La prise de la pilule oestroprogestative en continu pendant 3 à 4 cycles est une alternative à la prise tra­ditionnelle possible et souvent appréciée par les adolescentes. Elle ne comporte pas de risque supplémentaire, augmente l’efficacité contraceptive et permet d’espacer les épisodes de saignements à 3 ou 4 par ­année [1]. Elle est particulièrement appréciée en cas de troubles du cycle associés à la demande contraceptive tels que dysménorrhée ou hyperménorrhée.

Effets secondaires et contre-indications à la contraception hormonale

Le tableau 2 présente les avantages, inconvénients et contre-indications absolues de chaque méthode. Il constitue un outil pratique à l’accompagnement du choix contraceptif chez une patiente adolescente.
La question de la densité osseuse est abordée dans le chapitre «Patiente adolescente: quelle particularité?»; les autres effets indésirables ne sont pas particuliers aux adolescentes, l’âge jeune étant plutôt un facteur protecteur du point de vue cardio-vasculaire et oncologique.
Toutes les contraceptions hormonales sont susceptibles de provoquer des effets secondaires variables sur le plan individuel. Certains symptômes sont transitoires et disparaissent au cours des premiers mois d’utilisation. Une attention particulière est portée à l’apparition d’une prise de poids, de troubles de l’humeur ou de la libido, d’acné, de céphalées ainsi que de leur impact sur la qualité de vie [9]. Un changement de composition hormonale permet parfois de supprimer l’effet secondaire. L’évaluation de la tolérance est l’objectif principal de la consultation 1 à 3 mois après la prescription. Cibler une satisfaction optimale de l’adolescente assure une adhérence à long terme.
Les préparations oestro-progestatives modifient le ­métabolisme. Elles augmentent les facteurs de coagulation et de fibrinolyse dans le foie, engendrent une augmentation du cholestérol et des triglycérides ainsi que de la glycémie, et nombreuses sont celles qui provoquent une augmentation discrète de la tension artérielle par augmentation de la synthèse de l’angiotensine. Les risques de complications thrombo-emboliques qui en découlent doivent être discutés avec la patiente avant la prescription de ce type de méthode. A cet effet, il est utile de savoir que l’incidence d’un événement thrombotique veineux est de 1,84/10 000 adolescentes âgées de 15 à 19 ans chaque année. Le risque relatif lié à l’utilisation d’une telle contraception est estimé à 3,5. Il est plus élevé au cours de la 1ère année d’utilisation (RR 4,17) et diminue ensuite (RR 2,76 au-delà de 4 ans d’utilisation). Le choix du progestatif influence également ce risque puisqu’il est augmenté de 50 à 80% avec les pilules dites de 3ème ou 4ème génération selon le progestatif contenu [5, 10, 11]. Ces dernières pilules ne devraient donc pas être prescrites en 1ère intention. Identifier les facteurs de risque individuels (tabac, migraine avec aura, obésité, prédisposition familiale …) permet de discuter la balance bénéfice-risque avec la patiente et si nécessaire d’orienter le choix contraceptif vers une méthode progestative seule ou un stérilet au cuivre [5]. Nous profitons de rappeler que la migraine sans aura n’est pas une contre-indication à la contraception oestroprogestative avec les doses actuelles d’éthinylestradiol inférieures à 35 μg [12].
La prise d’une contraception hormonale augmente ­discrètement le risque absolu de cancer du sein, et ce d’autant plus que la durée d’exposition est longue; un cancer du sein supplémentaire a été observé pour 7690 femmes qui utilisent une contraception hormonale pendant un an ou plus [13]. Un diagnostic actuel ou antérieur de cancer du sein est une contre-indi­cation à la contraception oestroprogestative. Les patientes porteuses de mutations BRCA 1 ou 2 ont une contre-indication relative à toute contraception hormonale. Au contraire du cancer du sein, les risques de cancer de l’ovaire et de l’endomètre sont diminués sous contraception hormonale [9, 12].
L’adolescence est une période à risque d’IST mais le stérilet n’est pas associé à un risque augmenté d’in­fection ­pelvienne, comme évoqué plus haut. Une infection non traitée contre-indique la pose mais une ­infection qui survient ultérieurement ne justifie pas le retrait du stérilet [2]. Les stérilets en cuivre augmentent habituellement la quantité des menstruations et sont donc contre-indiqués en cas de trouble du cycle anémiant [9].
Finalement, il est fondamental de souligner que les risques liés à la contraception chez les adolescentes sont incontestablement inférieurs aux risques liés à la grossesse elle-même, surtout lorsqu’elle est non dé­sirée; de plus, outre l’effet contraceptif, plusieurs méthodes hormonales offrent des bénéfices secondaires intéressants pour les patientes, comme le traitement de l’anémie ou de la dysménorrhée par exemple. 

Situations particulières à risque de ­grossesses non désirées

Chez les adolescentes en post-partum immédiat ou après une interruption de grossesse, les méthodes LARC doivent être privilégiées car elles limitent significativement la récurrence de grossesses non désirées.
La proportion d’adolescentes en surpoids ou obèses est de plus en plus importante dans notre pays. Ce facteur a un impact sur le profil de sécurité du contraceptif mais également sur son efficacité. Le risque relatif de complication thromboembolique lié au facteur obésité est de 2–4 [6]. La majorité des études prospectives n’indiquent pas de diminution de l’efficacité de la ­pilule oestroprogestative avec le poids, les données manquent néanmoins pour les patientes dont l’IMC (Indice de Masse Corporelle) dépasse 35. Le patch semble avoir une efficacité diminuée lors de poids dépassant 90 kg. Il n’existe pas de données concernant l’efficacité de l’anneau chez les patientes obèses [6]. La pilule progestative ne présente pas de diminution d’efficacité chez les patientes obèses et son profil de sécurité vis-à-vis du risque thromboembolique en fait une méthode de choix. C’est également le cas pour les autres méthodes progestatives et les DIU.

Conclusion

La prescription contraceptive est un enjeu important de la consultation avec l’adolescente qui a ou va débuter une activité sexuelle. Il est essentiel d’explorer les représentations individuelles et possibles résistances afin d’améliorer l’observance à la méthode choisie et ainsi d’éviter les complications majeures, tant somatiques que psychosociales, liées à une grossesse non planifiée à cet âge. Toutes les méthodes contraceptives peuvent être prescrites aux adolescentes. Les LARC sont à privilégier en raison de leur simplicité d’utilisation, de leur fiabilité et de leur excellent taux de poursuite. Le préservatif est la seule méthode qui protège également des IST mais dont l’efficacité contraceptive en pratique est nettement inférieure à celle des autres méthodes. Son utilisation est recommandée en complément à une méthode contraceptive fiable.
Le médecin prescripteur porte une grande responsabilité dans l’examen des éventuelles contre-indications à une méthode contraceptive mais aussi dans l’exposition objective et exhaustive du choix contraceptif ainsi que l’accompagnement de l’adolescente dans ce choix. Une approche centrée sur la patiente, bienveillante et sans jugement, en plus d’un cadre confidentiel sont requis pour mener à bien cette tâche et permettre un choix éclairé.

L’essentiel pour la pratique

• Toutes les méthodes contraceptives peuvent être prescrites aux adolescentes, après exclusion d’éventuelles contre-indications médicales individuelles.
• Les méthodes contraceptives LARC («long acting reversible contraception»: DIU cuivre, DIU hormonal ou implant) sont à privilégier en raison de leur efficacité et taux de poursuite excellents.
• L’utilisation systématique du préservatif, indépendamment de la méthode contraceptive choisie, doit être incitée pour assurer la protection contre les infections sexuellement transmissibles.
• Le cadre confidentiel de la consultation garantit le climat de confiance essentiel à l’accompagnement des adolescentes dans leur choix contra­ceptif.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. ­
Martine Jacot-Guillarmod
Gynécologie de l’enfant
et de l’adolescente
Département
femme-mère-enfant
Centre Hospitalier ­Universitaire Vaudois
CH-1011 Lausanne
martine.jacot-guillarmod[at]chuv.ch
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 8 Merki-Feld GS, et al. European Society of Contraception Statement on Contraception in Obese Women. The European Journal of Contraception and Reproductive Health Care. 2015;20:19–28.
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