Air et santé en Suisse et ailleurs
La pollution atmosphérique est le principal facteur de risque environnemental

Air et santé en Suisse et ailleurs

Übersichtsartikel
Édition
2019/1314
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08079
Forum Med Suisse. 2019;19(1314):213-218

Affiliations
a Schweizerisches Tropen- und Public Health Institut, Basel; b Universität Basel, Basel

Publié le 27.03.2019

La pollution de l’air diminue depuis des années. Les valeurs limites sont majoritairement respectées. Les répercussions de la pollution atmosphérique sur la santé constituent-elles encore un problème pour la Suisse?

Développement de la qualité de l’air en Suisse

La pollution atmosphérique désigne la libération ou la présence dans l’air de particules ou gaz susceptibles de nuire aux êtres humains, animaux, plantes ou ma­tériaux. Elle est mesurée sur la base de polluants indicateurs tels que les poussières fines (PM10 ou PM2,5), l’ozone, les oxydes d’azote (NOx ou NO2), le dioxyde de soufre, les métaux contenus dans les particules fines ou les composés organiques volatils (COV). En Suisse, les principales causes de la pollution atmosphérique anthropogène encore présente aujourd’hui sont en premier lieu la circulation motorisée (NOx, particules fines), la combustion du bois (particules fines), l’agriculture (NH3, particules fines) et l’industrie (VOC, NOx, particules fines).
Depuis l’introduction de l’ordonnance sur la protection de l’air (OPair) en 1985 [1] et les mesures s’y rattachant, la qualité de l’air en Suisse s’est considérablement améliorée (fig. 1).
Figure 1: Moyenne annuelle de la concentration de poussières fines (PM10) et concentration de NO 2 ainsi que 98e percentile des moyennes semi-horaires de la pollution à l’ozone à divers endroits du réseau suisse de mesure de la qualité de l’air NABEL 1986–2017 (© OFEV 2018; OFEV (éd.) 2018: La qualité de l’air en 2017. Résultats du ­Réseau national d’observation des polluants atmos-phériques (NABEL). Office fédéral de l’environnement, Berne. État de l’environnement no 1825 : 28 p.).
Sur la base de recommandations internationales et d’études épidémiologiques, l’OPair a fixé des valeurs ­limites pour les concentrations moyennes journalières à court terme ainsi que pour la pollution à long terme avec des moyennes annuelles. La valeur limite d’immission à long terme pour les particules fines me­surées, soit les particules PM10 (voir encadré 1), est désormais respectée, la valeur limite pour la pollution au NO2 est encore dépassée sur les sites où le trafic est dense et, globalement, les pics de pollution à l’ozone ­diminuent [2].

Encadré 1: Définition des poussières fines (PM10, PM2,5)


Les poussières fines sont un mélange complexe de minuscules particules pouvant flotter dans l’air pour une durée prolongée. Certaines d’entre elles sont des particules primaires directement expulsées par des processus de combustion (par ex. moteurs diesel, chauffage au bois), formées par l’abrasion mécanique des pneus, freins, revêtements de la chaussée et par tourbillonnement, ou provenant de sources naturelles. Les particules secondaires ne se forment dans l’air qu’à partir des polluants précurseurs gazeux que sont le dioxyde de soufre, l’oxyde d’azote, l’ammoniaque et les composés organiques volatils. La taille, forme et densité des particules en suspension dans l’air varient fortement. Le diamètre aérodynamique de la particule constitue une grandeur importante qui contribue à déterminer sa durée de séjour dans l’air, quelle part se dépose dans les voies respiratoires et comment elle peut en être éliminée. Depuis 1997, le terme PM10 («particulate matter», particules de diamètre max. 10 μm) a été défini en Suisse comme indicateur de masse des particules et une valeur limite a été fixée pour les PM10 à hauteur de 20 μg/m3 en moyenne annuelle (μg/m3 air) dans l’ordonnance suisse sur la protection de l’air (OPair) et, avec la révision de l’OPair, une nouvelle valeur limite pour les PM2,5 (10 μg/m3) a été décidée. Les valeurs limites s’orientent sur l’état de la ­recherche scientifique relative à des rapports confirmés entre les poussières fines et les maladies respiratoires et cardiovasculaires.
Malgré ce succès, la pollution atmosphérique constitue le principal problème environnemental en Suisse, et selon l’étude «Global Burden of Disease» de 2016, elle fait partie du top 10 des facteurs de risque de ma­ladie et décès. En 2016, 2 200 personnes (intervalle de confiance à 95% 1700–2900) sont décédées prématurément en raison de la pollu-tion atmosphérique en Suisse [3]. Ce nombre est 10 fois plus élevé que celui des personnes décédées dans des accidents de la route [4]. Cela s’explique notamment par le fait que des répercussions sur la santé sont également observées en dessous des valeurs limites actuelles [5]. Depuis le 1er juin 2018, une nouvelle valeur limite de 10 μg/m3 pour les PM2,5 a été introduite dans le cadre de la révision de l’OPair [1]. Celle-ci est conforme à la recommandation actuelle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Au cours des prochaines années, l’OMS révisera ses lignes directrices 2010 relatives à la qualité de l’air et établira très probablement de nouvelles valeurs indi­catives s’orientant en fonction des résultats de la recherche actuelle.

Répercussions sur la santé

Conséquences des pics de pollution à court terme

Les conséquences à court terme de la pollution atmosphérique sont bien étudiées et connues. En cas d’augmentation de la pollution due aux poussières fines, au NO2 et à l’ozone, notamment les nombres de décès quotidiens, d’admissions à l’hôpital et de jours de maladie augmentent. L’OMS [7] a élaboré des fonctions pollution-effet pour le calcul des répercussions sur la santé: en cas de hausse de la moyenne journalière de la concentration en PM2,5 de 10 µg/m3, une augmentation des décès par suite de maladie de 1,2% est escomptée. Une hausse de la pollution à l’ozone (se référant à la val­eur pour 8 heures la plus élevée sur une journée) ou de la moyenne horaire supérieure de NO2 de 10 µg/m3 entraîne une augmentation du nombre de décès de 0,3%. Le fait que les admissions d’urgence à l’hôpital constituent un thème d’actualité en Suisse a été démontré par Perez et al. [8]: La pollution due aux particules fines a certes diminué entre 2001 et 2010, mais les admissions d’urgence à l’hôpital en raison de maladies car­diovasculaires et respiratoires continuent toutefois de croître à court terme lorsque la concentration en PM10 augmente.

Conséquences de la pollution atmosphérique à long terme

Les épisodes de pollution à court terme sont souvent cités dans les médias car il est relativement facile de montrer leurs conséquences. La pollution persistante et répétée a toutefois un impact plus important sur la santé, car les effets mesurés à court terme ne constituent qu’une part minime des répercussions et les petits effets s’accumulent au fil du temps. La pollution de longue durée favorise le développement de maladies chroniques [9, 10].
Les conséquences de la pollution à long terme sur l’être humain ne peuvent être analysées que par le biais d’études épidémiologiques. Dans ce cadre, un grand nombre de personnes sont observées pendant une longue période, et les modifications de leur état ou de valeurs cibles relatives à la santé sont mises en relation avec les émissions polluantes, tout en prenant d’autres facteurs pertinents pour la santé en considération, tels que le tabagisme, l’alimentation et d’autres.
A l’origine, la recherche se concentrait sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé respiratoire. Ainsi, SAPALDIA – la grande étude de cohorte suisse mondialement reconnue sur les répercussions de la pollution atmosphérique à long terme sur la santé – a initialement examiné les répercussions sur la santé respiratoire. Entretemps, les chercheurs de l’étude ­SAPALDIA de l’Institut tropical et de santé publique suisse (Swiss TPH) ont également constaté des effets sur le système cardiovasculaire et le métabolisme (diabète). Actuellement, ils étudient encore plus précisé-ment les mécanismes d’action par le biais desquels l’environnement peut agir sur la santé en interaction avec des facteurs individuels (voir encadré 2).

Encadré 2: SAPALDIA – la qualité de vie à un âge avancé


Dans la grande étude à long terme suisse SAPALDIA («Swiss Cohort Study on Air Pollution and Lung and Heart Diseases in Adults»), des épidémiologistes, médecins, biologistes et statisticiens examinent comment l’environnement, le mode de vie, les conditions sociales et les gènes agissent sur la santé de la population suisse. Ils collectent du matériel biologique et recueillent depuis 1991 des données sur la santé de près de 10 000 personnes sélectionnées par hasard ayant vécu à Aarau, Bâle, Davos, Genève, Lugano, Montana, Payerne et Wald en 1991. En même temps, la qualité de l’air est mesurée aux huit endroits qui ont été sélectionnés en fonction de leur localisation (conditions environnementales, météorologie, facteurs socio-démographiques). A des intervalles de 10 ans, les examens sont répétés et en partie complétés auprès des mêmes personnes. Actuellement, les participants sont près d’un quart de siècle plus âgés qu’au début de l’étude et nombre d’entre eux ont atteint l’âge de la retraite. Cela donne l’occasion, dans la 4e phase SAPALDIA entre 2014 et 2017, de concentrer les études sur l’influence du mode de vie, de facteurs sociaux, environnementaux et héréditaires sur la santé des personnes âgées. Ce faisant, SAPALDIA souhaite fournir des fondements scientifiques pour la promotion de la qualité de vie à un âge avancé.
Prof. Dr. phil. II et PhD Nicole Probst-Hensch, MPH, dirige le département d’épidémiologie de l’Institut tropical et de santé publique suisse de Bâle. Elle est la requérante principale et la directrice de l’étude à long terme SAPALDIA.
Le stress oxydatif induit par les particules, les composants des particules et les gaz est un mécanisme d’action central faisant l’objet de recherches intensives. Il est supposé qu’une réaction inflammatoire locale au niveau des alvéoles ou du tissu pulmonaire puisse se développer en une inflammation systémique par le biais de médiateurs de l’inflammation (par ex. interleukines, TNF-alpha, NADPH-oxydase). Cette ­inflammation, quant à elle, se caractérise par la libération d’autres médiateurs (par ex. protéine C réactive, facteurs de coagulation) dans d’autres organes. Par ail-leurs, d’autres effets directs sur le système nerveux autonome sont supposés, avec modifications de la fréquence cardiaque ou de sa variabilité, et inter­action directe des particules ou composants des particules avec le sang et le tissu. Cela pourrait alors entraîner des processus inflammatoires dans les tissus susceptibles d’avoir un impact sur la coagulation sanguine [11, 12].
Compte tenu de la littérature scientifique publiée à l’échelle mondiale, il est aujourd’hui admis que la pollution atmos-phérique exerce une influence né­gative sur la santé respiratoire, la santé cardiovas­culaire, le système immunitaire, le métabolisme, l’enfant in utero ainsi que l’apparition de cancers, et pourrait avoir des répercussions sur la performance et le développement cognitifs durant l’enfance et à l’âge adulte [13] (tab. 1 et fig. 2). Selon l’OMS, une pollution aux parti-cules fines PM2,5 accrue de 10 µg/m3 à long terme est associée à une hausse de la mortalité de 6% [7].
Tableau 1: Conséquences garanties de la pollution atmosphérique accrue à court terme et de la pollution atmosphérique à long terme.
Conséquences aiguës en cas de hausse à court terme de la 
pollution Augmentation globale des décès dus à des maladies
Augmentation des décès dus à des maladies cardiovascu-laires
Augmentation des décès dus à des maladies respiratoires
Augmentation des admissions à l’hôpital et consultations d’urgence en raison de troubles cardiovasculaires
Augmentation des admissions à l’hôpital et consultations d’urgence en raison de troubles respiratoires
Augmentation des absences au lieu de travail ou à l’école
Augmentation des journées avec activité restreinte
Augmentation des symptômes asthmatiques
Augmentation des consultations de médecine générale, de la prise de médicaments, de l’automédication, du comportement d’évitement, des modifications physiologiques par ex. au niveau de la fonction pulmonaire
Conséquences de la pollution à long termeDiminution de l’espérance de vie en raison de maladies 
cardiaques et pulmonaires ou de cancer des poumons
Mortalité accrue en raison de maladies cardiopulmonaires
Fréquence accrue de modifications artériosclérotiques (infarctus du myocarde)
Réduction de la croissance pulmonaire chez les enfants, fonction pulmonaire réduite chez les adultes
Fréquence accrue de maladies respiratoires (asthme, BPCO), infections respiratoires, bronchites chroniques, maladies allergiques des voies respiratoires (émissions dues au trafic)
Prévalence accrue de symptômes des voies respiratoires inférieures: toux, expectoration, dyspnée
Figure 2: Effets nocifs éprouvés et discutés de la pollution atmosphérique sur la santé de l’être humain (Reproduced with permission of the © ERS 2018: European Respiratory Journal. Jan 2017;49(1)1600419; DOI:10.1183/13993003.00419-2016. All rights reserved.).

NO2 et le scandale des gaz d’échappement diesel

Des études de quantification telles que l’étude «Global Burden of Disease» calculent le nombre de cas de décès et de maladies par rapport aux effets indubi­tablement prouvés de l’augmentation de la pollution aux par­ticules fines et à l’ozone. Pendant de nombreuses années, les scientifiques n’étaient pas unanimes quant à la question de savoir si le NO2, toxique à des concentrations élevées, est également à l’origine de dommages pour la santé aux concentrations observées dans l’environnement, ou s’il n’est qu’un indicateur du mélange de polluants lié à la circulation. Dans une analyse très approfondie de la littérature scientifique, l’Agence américaine de protection de l’environnement (US-EPA) [14] a compilé les dommages causés par le NO2 sur la santé qui ont été observés et réévalué l’évidence en ­faveur d’un lien de causalité. Par rapport à l’analyse ­réalisée 8 ans auparavant, les indices de conséquences néfastes d’une augmentation des émissions de NO2 se sont multipliés.
– Une pollution accrue à court terme entraîne cau­salement davantage de consultations d’urgence et d’admissions à l’hôpital de personnes atteintes d’asthme.
– Les enfants atteints d’asthme réagissent de manière plus sensible que les adultes asthmatiques. Ils se rendent jusqu’à 3 fois plus souvent à l’hôpital en raison d’urgences respiratoires que les adultes (causalité). Par ailleurs, les individus préalablement malades et les personnes âgées semblent être particulièrement sensibles (causalité probable).
– Les enfants développent plus souvent un asthme lorsqu’ils habitent à proximité d’une zone de trafic: le risque d’asthme augmente de 15% en présence d’émissions de NO2 accrues de 10 µg/m3 (causalité probable). Un risque ac-cru d’asthme a également pu être mis en évidence pour les adultes.
D’autres dommages sanitaires sont également observés, tels que l’augmentation des décès ou des urgen­ces cardio-vasculaires associés aux variations de pollution à court terme, et l’augmentation des décès ou de l’incidence de can-cers, ou encore une réduction de la croissance pulmonaire chez les enfants en présence d’émissions de NO2 accrues à long terme. Il n’existe encore que trop peu d’études qui montrent que ces rapports ne dépendent pas d’autres polluants tels que les poussières fines ou les particules ultrafines (cf. aussi [15]). L’US-EPA considère donc que les rapports observés ne présentent qu’une «causalité probable». Il convient de partir du principe que les estimations des consé-quences sur la santé réalisées jusqu’à présent ont plutôt tendance à sous-estimer la charge de morbidité de la pollu-tion atmosphérique, puisqu’elles examinent uniquement les effets de la pollution due aux poussières fines et à l’ozone et ne tiennent pas compte des différences de pollution à petite échelle et de la charge du trafic, très bien illus-trée par le NO2.
Les conséquences du scandale des gaz d’échappement diesel ont jusqu’à présent été calculées par le biais des répercussions connues et démontrées de la pollution aux poussières fines et à l’ozone, au moyen de modèles chimiques de transport indiquant la contribution des émissions excédentaires de NOx à la pollution aux poussières fines et à l’ozone. Pour les émissions excédentaires dues aux moteurs diesel 1,2–2 litres du groupe Volkswagen, Chossière et al. [16] sont arrivés au résultat de 500 décès prématurés pour l’Allemagne et 1200 pour l’Europe entre 2008 et 2015. Dans le rapport actuel de l’Office fédéral de l’environnement [17], les chercheurs sont allés plus loin et ont quantifié les ré-percussions sur la santé de la charge totale de NO2 en Allemagne pour les années 2007 à 2014. Avec leurs estimations très prudentes, ils évaluent le nombre de décès prématurés dus à des maladies cardiovasculaires à près de 6 000 et le nombre d’années de vie perdues à près de 50 000 pour l’année 2014. Rappelons que la pollution excessive due aux poussières fines représente une charge de morbidité beaucoup plus importante, avec environ 10 fois plus de décès et d’années de vie perdues. Selon les calculs de l’Agence européenne pour l’environnement, plus de 54 000 décès préma-turés et près de 563 900 années de vie perdues étaient imputables aux émissions de PM2,5 en 2014 en Allemagne [18].1

Mesures pour la protection de la santé

La pollution atmosphérique à court et long terme constitue un facteur de risque pour la santé. Pour certaines personnes, la pollution atmosphérique peut être considérée comme négligeable par rapport à des facteurs de risque pertinents tels que le tabagisme [19]. Toutefois, à l’échelle de la population, les effets de la pollution atmosphérique sur la santé s’accumulent et débouchent sur un fardeau sanitaire de taille. A cela s’ajoute le fait que la pollution atmosphérique est involontaire et généralement inévitable, même s’il existe quelques possibilités de la minimiser. De ce contexte, il en résulte des points de départ pour la consultation dans la pratique [20].

Mesures et traitements médicaux

Il n’existe aucune «maladie due à la pollution atmosphérique» spécifique. Le traitement et la consultation des patients souffrant de problèmes de santé potentiellement liés à l’air ne se distinguent pas des autres. Les polluants inhalés peuvent aggraver des maladies chroniques préexistantes ou encore influencer l’action des médicaments. Pour les groupes de patients ­atteints des maladies suivantes, le risque d’aggravation de l’état de santé par la pollution atmosphérique est accru: asthme, broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), insuffisance cardiaque, ­antécédent d’infarctus myocardique, maladies cardiovasculaires et artériosclérose. Il convient aussi de porter une attention particulière aux groupes sensibles tels que les nourrissons (dès la grossesse), les enfants et les personnes âgées. Les derniers résultats de l’étude SAPALDIA indiquent en outre que les personnes en surpoids sont plus fortement touchées par les polluants [21]. Les patients devraient observer des mesures préventives pour éviter les atteintes, suivre les rapports relatifs à la qualité de l’air, par exemple avec la nouvelle application de MétéoSuisse [22] ou airCHeck, pour obtenir des informations précises, détaillées et locales, et ne pas voyager vers des destinations où la pollution atmosphérique est élevée sans médicaments correspondants (par exemple médicaments antiasthmatiques – même si la maladie ne représente pratiquement aucun problème à la maison).
Il convient d’informer les patients et de mettre la pollution atmosphérique en relation avec d’autres facteurs de risque. L’arrêt du tabagisme doit être conseillé aux fumeurs, et ce plutôt que de proposer le changement de domicile dans des zones où l’air est plus propre, car le tabagisme constitue un facteur de risque largement plus élevé pour la santé que la pollution atmosphérique en Suisse. Un mode de vie sain peut réduire le risque de maladie et renforcer les mécanismes de défense contre les conséquences de la pollution atmosphérique. Un mode de vie actif et social ainsi qu’une alimentation saine contribuent à une meilleure santé. Un régime alimentaire sain et équilibré à base de fruits et légumes frais peut en partie atténuer les répercussions oxydatives des polluants.

Restriction de la charge personnelle

Le propre lieu de séjour et celui des enfants peuvent souvent être personnellement influencés. Il vaut la peine de choisir un lieu de résidence, un lieu de séjour, un itinéraire pour se rendre au travail ou à l’école ainsi que des loisirs, tels que la course à pied, le cyclisme, la promenade et le jeu, qui soient le plus loin possible des routes à forte densité de circulation, ou à distance des cheminées à feu de bois en hiver. Les concentrations de gaz d’échappement toxiques, et ainsi leurs répercussions cardiopulmonaires, diminuent considérablement avec la distance observée entre le domicile et le trafic dès 100–200 m [23]. De même, pour les appartements à proximité de la circulation routière, la charge baisse nettement aux étages supérieurs. Le moment des activités doit également être choisi avec considération. Elles doivent être évitées pendant les épisodes de smog. En présence de valeurs élevées d’ozone en été, les activités physiques extérieures doivent si possible être prévues tôt le matin. Dans tous les cas, les effets bénéfiques pour la santé de l’activité physique l’emportent généralement sur les effets nocifs de la pollution atmosphérique en Suisse [24].
Le port de masques de protection respiratoire est largement répandu dans les pays asiatiques en cas de forte pollution atmosphérique, mais il n’est pas nécessaire en Suisse. Ces masques peuvent protéger, à un certain degré, de la pollution due aux poussières fines dans la mesure où le masque est correctement mis en place et les exigences techniques remplies, ce qui n’est toutefois souvent pas le cas. Les masques respiratoires requièrent une certaine accoutumance et peuvent rendre la respiration difficile. Les filtres d’air ambiant sont également très répandus dans les pays asiatiques. Ils peuvent contribuer à faire baisser la concentration des poussières fines de l’air ambiant. La pollution de l’air extérieur, le bruit, la consommation électrique, les coûts d’acquisition, l’assurance de l’entretien ainsi qu’une émission possible de gaz nocifs tels que l’ozone doivent toutefois être évalués lors de l’achat.

Lutte contre la pollution de l’air extérieur

La mesure la plus essentielle et la plus efficace pour lutter contre la charge de morbidité liée à l’air reste l’amélioration durable de la qualité de l’air en réduisant les émissions. La détermination de valeurs limites obligatoires relatives à la qualité de l’air représente un instrument essentiel. Les pays fortement développés tels que les Etats-Unis et les pays européens ont montré que la protection de l’environnement et ainsi celle de la santé étaient compatibles avec la croissance économique [25]. L’argument de la viabilité économique des mesures doit toujours être évalué dans le contexte global. L’avis des experts sur les questions de santé peut influencer les processus de décision politique. Dans ce sens, les médecins endossent un rôle informatif.
Outre cette prévention structurelle, chaque individu peut contribuer à réduire les émissions par son comportement. Cela passe par la mobilité durable, qui consiste à renoncer aux trajets inutiles en voiture, à adopter les transports en commun ou encore la mobilité «à commande musculaire» bénéfique pour la santé (marcher ou faire du vélo), mais également par la réduction de la consommation énergétique, l’emploi desproduits à faible teneur en solvants, l’achat d’aliments régionaux et saisonniers avec de courtes distances de transport, ou encore le fait d’allumer le poêle-cheminée et de renoncer au feu de bois pendant les épisodes de smog.

Perspectives

La recherche intensive d’autres conséquences de la ­pollution atmosphérique sur la santé, le règlement de la question des répercussions combinées de divers polluants, des mécanismes d’action et des liens de causalité ainsi que l’étude des effets possibles sur la santé en dessous des valeurs limites jusqu’à présent considérées comme sûres confrontent la recherche sur la qualité de l’air à des défis supplémentaires.
Outre de nombreuses autres questions en suspens, celle de la nocivité de la pollution atmosphérique est toutefois globalement élucidée, et les succès de la politique pour la protection de l’air en Suisse doivent être maintenus. Quant à savoir si et à quel moment la qualité de l’air en Suisse s’avère suffisamment bonne, cela relève de la discussion poli-tique et dépend de la possible mise en évidence de répercussions en dessous des valeurs limites actuelles. Le fait est que, malgré des progrès considérables, des personnes continuent de tomber malade et décéder du fait des consé-quences de la pollution atmosphérique en Suisse et, selon l’étude «Burden of Disease», la pollution atmosphérique constitue le principal facteur de risque environnemental.
Il ne faut pas oublier que la Suisse, l’Europe et d’autres pays fortement développés ont atteint une bonne qualité de l’air aux dépens d’autres nations par l’externalisation de branches industrielles «sales» dans des pays dont les exi-gences environnementales sont moins strictes. En tant que pays tirant des bénéfices économiques du traitement et du raffinement de matières premières et de produits, la Suisse a aussi une responsabilité globale. Un grand nombre de nos biens de consommation sont produits dans d’autres régions du monde où ils entraînent une consommation de ressources et une pollution de l’environnement [26].

L’essentiel pour la pratique

Il existe des mécanismes d’action biologiques plausibles à la base des effets observés sur la santé dans les études épidémiologiques.
Les risques que présente la pollution atmosphérique pour la santé sont relativement faibles par rapport à d’autres risques tels que le tabagisme. Cependant, étant donné que la pollution atmosphérique touche tout le monde, l’atteinte à la santé au niveau de la population globale est considérable.
Les personnes âgées, les enfants et les individus déjà malades sont particulièrement sensibles.
La charge individuelle peut être réduite par le choix conscient du lieu de séjour et du moment de la journée.
La lutte contre la pollution de l’air extérieur constitue le moyen le plus efficace pour prévenir les répercussions liées à l’air sur la santé: sur le plan individuel (mode de vie durable) et sur le plan structurel (soutien de la politique et ses mesures).
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Meltem Kutlar Joss,
MSc, MPH
Schweizerisches Tropen- und Public Health Institut
Socinstrasse 57
CH-4051 Basel
meltem.kutlar[at]swisstph.ch
– Künzli N, Perez L, Rapp R. Luftverschmutzung und Gesundheit. Lausanne: European Respiratory Society, 2010, September 2010.
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– WHO. Air quality guidelines. Global update 2005. Copenhagen: WHO Regional office for Europe; 2006.
– Vous trouvez également les résultats des recherches actuelles ainsi que d’autres informations sur le site Internet de LUDOK (lufthygienischen Dokumentationsstelle), un centre de documentation sur l’hygiène de l’air qui livre des informations basées sur l’évidence sur les répercussions sur la santé de la pollution de l’air extérieur sur mandat de l’Office fédéral de l’environnement depuis plus de 30 ans.
1 Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) du 16 décembre 1985 (état au 1er juin 2018), (1985).
2 Office fédéral de l’environnement. La qualité de l’air en 2017. Résultats du Réseau national d’observation des polluants atmosphériques (NABEL). Berne: Office fédéral de l’environnement. 2018.
3 GBD 2016 Risk Factors Collaborator. GBD 2016 Risk Factors Collaborators. Global, regional, and national comparative risk assessment of 84 behavioural, environ-mental and occupational, and metabolic risks or clusters of risks, 1990–2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016 (vol 390, pg 1343, 2017). Lancet. 2017;390(10104):1736.
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