Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/0910
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08083
Forum Med Suisse. 2019;19(0910):149-152

Publié le 27.02.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur … valeurs normales de créatinine durant la ­grossesse

Une analyse d’un peu plus de 240 000 grossesses normales a révélé les ­valeurs normales moyennes suivantes:
Stade de la grossesseCréatinine (μmol/l)
Avant la conception60
Jusqu’à la 16e semaine de grossesse (SG)Baisse à 45
12e–32e SGValeur stable d’env. 45
32e SG jusqu’à l’accouchementRemontée à 60
Post-partumAugmentation jusqu’à une valeur légèrement excessive d’env. 70; normalisation à 60 d’ici la 16e semaine après l’accouchement au plus tard
Une insuffisance rénale peut donc être présente durant la grossesse déjà lorsque la valeur de créatinine est équivalente à la valeur préconception!
JAMA 2019, doi:10.1001/jama.2018.17948. Rédigé le 25.01.2019.

Pertinents pour la pratique

Traitement symptomatique ou modificateur de l’évolution?

Une étude antérieure ayant évalué la lévodopa dans le cadre de la maladie de Parkinson avait suggéré qu’une initiation précoce du traitement pourrait éventuellement ralentir la progression de la maladie [1]. Cette étude avait tout du moins montré qu’une initiation précoce du traitement n’était pas néfaste, car il y avait auparavant des craintes quant à une neurotoxicité ­cliniquement pertinente de la lévodopa. Une étude ­récente [2], randomisée et contrôlée contre placebo, a évalué deux groupes de patients: un groupe de 222 patients ayant reçu 3× 100 mg de lévodopa / 25 mg de carbidopa par jour durant 80 semaines et un groupe ayant reçu un placebo durant les 40 premières semaines, puis le même traitement que le premier groupe durant les 40 semaines suivantes. Cette étude confirme l’effet essentiellement symptomatique de la lévodopa/car­bidopa, étant donné qu’aucun ralentissement de l’évolution, mais fort heureusement aucune accélération non plus, n’a pu être démontré au cours de la période d’observation. L’indication thérapeutique repose dès lors sur les symptômes et le bénéfice clinique. L’introduction de médicaments modifiant l’évolution de la maladie reste toujours urgemment requise.
1 NEJM 2004, doi:10.1056/NEJMoa033447.
Rédigé le 29.01.2019.

Quelle durée d’immobilisation après une fracture de la cheville?

Avec une incidence annuelle d’env. 150 pour 100 000 habitants, les fractures de la cheville sont fréquentes; en Suisse, elles sont classifiées en fonction de leur po­sition par rapport à la syndesmose (classification de Weber, voir figure). La plus fréquente d’entre elles est la fracture de type B, dans le cadre de laquelle la syndesmose (entre le tibia et la fibula) peut être lésée; il existe donc des fractures stables et des fractures instables. Une étude conduite dans deux centres de traumato­logie finlandais a évalué les fractures de type Weber B (n = 247 patients randomisés). Les fractures étaient prises en charge soit par plâtre soit par une méthode de stabilisation de type orthèse. Pour les fractures de type Weber B stables, l’évolution en l’espace de 52 semaines n’était pas meilleure après immobilisation de 6 semaines qu’après immobilisation limitée à 3 semaines.
Les fractures de la cheville: classification de Weber (type A, B, C) (© DrFO.Tn [CC BY 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0 )], from Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Weber_Classification_-_latin.svg ).
BMJ 2019, doi.org/10.1136/bmj.k5432. Rédigé le 25.01.2019.

Pour les médecins hospitaliers

Le nombre minimum de cas par opérateur est-il la solution?

Le directeur de la santé du canton de Zurich a, disons-le comme ça, suggéré que ce ne soit pas le nombre minimum de cas par institution mais par opérateur qui serve de base pour une augmentation (supplémentaire) de la qualité de la médecine suisse. Pas une mauvaise idée, ou bien? Sans détour, nous avons été intéressés d’apprendre que les opérateurs affichant les volumes d’interventions les plus élevés chez les patients de plus de 65 ans obtenaient globalement une plus mauvaise évolution au cours de la première année suivant une intervention coronarienne percutanée (ICP). Cette conclusion s’est appuyée sur les données relatives à plus de 700 000 ­interventions réalisées par près de 9000 médecins. Là aussi, force est de constater que travailler beaucoup ne rime pas forcément avec travailler bien. Toutefois, une correction doit être apportée: les opérateurs ayant réalisé davantage d’interventions ont également traité des patients plus complexes et présentant plus de risques. Après correction pour cette variable, la mortalité hospitalière et l’évolution étaient comparables, mais donc pas meilleures non plus! On peut également se poser la question de savoir si les opérateurs ayant un grand volume d’interventions à leur actif ne prennent d’une manière générale pas plus de risques et représentent donc peut-être eux-mêmes un risque.
Rédigé le 27.01.2019.

Première nouvelle option thérapeutique depuis 20 ans!

Le purpura thrombotique thrombocytopénique acquis est un processus auto-immun aigu déclenché par diverses causes, lors duquel des anticorps inhibent une protéase qui assure normalement le clivage du facteur von Willebrand (ADAMTS13). Il se forme alors des agrégats de thrombocytes avec des molécules du facteur von Willebrand (en grande partie sous forme multi­mérique) et par conséquent des micro-thromboses donnant lieu à des ischémies organiques sévères, à une anémie hémolytique mécanique et à une thrombocytopénie. Les stratégies thérapeutiques actuelles combinent la plasmaphérèse afin de débarrasser le plasma des multimères de von Willebrand et des auto-anticorps et l’inhibition de la production de ces derniers par des anticorps anti-CD20 (rituximab) et des glucocorticoïdes. La simple administration d’un fragment d’immunoglobuline ne présentant que les domaines variables de l’anticorps (caplacizumab), qui inhibe l’adhésion des plaquettes aux multimères de von Willebrand, pourrait améliorer sig­nificativement l’évolution aiguë en termes de survie, d’ischémies et de thrombocytopénie.
NEJM 2019, doi:10.1056/NEJMoa1806311. Rédigé le 30.01.2019.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Classification moléculaire des maladies ­chroniques: le temps est venu

Une maladie rénale chronique affecte env. 10% de la ­population au cours de la vie, et la majorité des patients développent des morbidités liées à l’insuffisance rénale (artériosclérose, maladie osseuse, etc.) et décèdent de ces maladies avant d’avoir atteint le stade terminal de l’insuffisance rénale. Il est dès lors urgent de clarifier les causes de manière beaucoup plus précise afin de pouvoir mieux traiter ces maladies résultant de l’insuffisance rénale et de ralentir la progression de l’insuffisance rénale. Chez plus de 3000 patients le plus souvent âgés de plus de 20 ans (dont les deux tiers étaient d’origine européenne), une cause génétique, souvent insoupçonnée, a été identifiée par analyse de l’exome (analyse des parties des gènes traduites en ARN et finalement en protéines) chez un patient sur 10 (!). Ces diagnostics ont par ex. été trouvés chez 17% des patients avec une néphropathie de cause (jusqu’alors) indéterminée!
Rédigé le 02.01.2019 sur indication du Prof. Michael Morris (Lausanne).

Axe intestin-cerveau: pas directement un effet du microbiome!

Mauvaise surprise: un traitement par un anticorps monoclonal qui inhibe la différenciation et la prolifération des cellules B (dans ce cas concret, via les facteurs de croissance BAFF et APRIL) a conduit à un taux accru de poussées dans la sclérose en plaques (SEP) [1]. Les plasmocytes également supprimés par ce traitement, notamment les plasmocytes producteurs d’IgA et les plasmablastes du tractus gastro-intestinal, sont précisément un facteur de protection contre la neuro-inflammation, comme l’a montré une nouvelle étude [2]. L’encéphalite auto-immune expérimentale (EAE) de la souris est un modèle majeur de maladies démyélinisantes inflammatoires. Probablement suite à une réaction systémique à une poussée d’EAE (mécanisme restant à déterminer), il se produit une diminution de la fonction de barrière gastro-intestinale, qui limite normalement le passage des plasmocytes producteurs d’IgA dans la circulation. En cas d’EAE active, ces cellules de l’intestin s’implantent dans les foyers inflammatoires du système nerveux central (SNC) et y exercent un fort effet anti-inflammatoire via la sécrétion d’interleukine 10. L’étude apporte un éclaircissement du moins partiel quant à l’origine et à la fonction des plasmocytes détectables dans les plaques de SEP, ainsi qu’à l’efficacité si rapide et si bonne des anticorps anti-CD20, qui «laissent en paix» les plasmocytes IgA-positifs, en cas de SEP.
1 The Lancet Neurology 2014, doi.org/10.1016/S1474-4422(14)70028-6.
2 Cell 2019, doi.org/10.1016/j.cell.2018.11.035. 
Rédigé le 26.01.2018.

Pas une idée démente: des bactéries dans le cerveau!

Porphyromonas gingivalis est une bactérie à Gram né­gatif anaérobie et un agent pathogène majeur de la parodontite chronique. A son tour, cette dernière est considérée comme un facteur de risque de démence, notamment de maladie d’Alzheimer. La neuro-inflammation qui accompagne la maladie d’Alzheimer ou en est responsable rappelle les altérations d’origine infectieuse, telles que les altérations réactives des cellules gliales, l’activation du complément et de l’inflammasome, etc. Porphyromonas gingivalis a désormais été détecté dans le cerveau et le liquide céphalo-rachidien de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, et les concentrations des neurotoxines sécrétées par cette bactérie, appelées «gingipaïnes» (= protéases à cystéine), sont en substance corrélées avec les caractéristiques histologiques de la maladie d’Alzheimer (pathologies de la protéine tau). L’infestation orale de souris avec cet agent pathogène a entraîné une augmentation de la production d’amyloïdes du SNC (ABeta1–42), une évolution qui pourrait être prévenue au moyen de substances inhibitrices des neurotoxines gingipaïnes. Outre la prévention/le traitement de la parodontite, une vaccination non pas contre l’amyloïde mais contre Porphyromonas pourrait peut-être être prometteuse? Ou alors des bains de bouche contenant des substances inhibant les gingipaïnes? L’amyloïde (voir figure) a, soit dit en passant, également des propriétés bacté­ricides spécifiques; ainsi, elle pourrait être induite dans une optique de réaction de défense active contre l’invasion bactérienne et ne pas être uniquement néfaste …
Dépôts de bêta-amyloïde dans le cerveau, visualisés par ­coloration à la méthénamine d’argent. Nous remercions ­chaleureusement le Dr Jürgen Hench, service de neuropathologie de l’hôpital universitaire de Bâle, pour cette image.
Science Advances 2019, doi:10.1126/sciadv.aau3333.
Rédigé le 29.01.2019.

Highlights sur …

La diarrhée du voyageur

– Incidence en régression en raison de l’amélioration de l’hygiène dans les régions touristiques.
– Le principe «Boil, cook, peel or forget it!» semble ne pas être basé sur l’évidence.
– Prophylaxie: sous-salicylate de bismuth (Pepto-Bismol™, à commander en Angleterre), désinfection des mains, antibiotiques seulement pour les missions importantes (par ex. Conseillère fédérale pour la conclusion d’un contrat en Egypte), puis rifaximine (Xifaxan®) et plus de fluoroquinolones.
– Traitement: liquide (une gorgée toutes les 3–5 minutes), bismuth, lopéramide, antibiotiques dans les cas sévères: rifaximine (Xifaxan®), un dérivé de la rifamycine qui n’est quant à elle pas disponible en Suisse (toutes deux présentent une faible absorption intestinale); par conséquent, en cas d’infections invasives, azithromycine.
Gastroenterology and Heptatology, volume 14, issue 12, Suppl. 8.
Rédigé le 02.01.2018.

Toujours digne d’être lu

Une recommandation vieille de 50 ans pour le traitement de la gastro-entérite à salmonelle

Chez 185 patients avec infections à Salmonella typhimurium, les traitements par chloramphénicol et ampicilline, qui étaient encore usuels à l’époque, ont conduit à une excrétion fécale significativement prolongée de l’agent pathogène et donc à une probabilité accrue d’infection secondaire chez les personnes en contact avec le patient. En plus, l’antibiothérapie a entraîné un taux élevé de multirésistance acquise in vivo (10%) chez les salmonelles sensibles au début du traitement, tandis qu’aucune résistance n’a été observée chez les sujets contrôles sans antibiothérapie. Phrase finale de l’article: «For these reasons, antibiotic therapy in uncomplicated salmonella gastroenteritis is not recommended».
NEJM 1969, doi:10.1056/NEJM196909182811202. Rédigé le 30.01.2019.

Cela nous a réjouis

Intelligence artificielle au moyen de méthodes de «deep learning»

En 1988, il n’y avait pas le moindre ordinateur à l’Insel­spital et il y avait un seul télécopieur à la réception principale, grâce auquel nous pouvions échanger nos manuscrits en «temps réel». Quelle exaltation c’était! 30 ans plus tard, nous disposons d’énormes performances informatiques sous forme de consoles ou d’ordinateurs connectés («clouds»). Voilà déjà quelques ­années que le «Dr Watson» bat même les «tumor boards» les plus ­distingués. Ces ordinateurs commencent désormais, en suivant des instructions de travail prédéterminées, à réfléchir et complètent ainsi l’intelligence médicale humaine. Le «deep learning», l’intelligentsia arti­ficielle pour ainsi dire, désigne l’enregistrement digitalisé et l’analyse de données d’examen, par ex. de coupes de tissus ou d’images IRM du cerveau, ainsi que l’évaluation itérative (au moyen d’un «deep learningneural network» [DNN]) jusqu’à ce que des modèles individuels caractéristiques et diagnostiques puissent être détectés de manière reproductible. Une étape essentielle en ce sens a été l’analyse Google au moyen de «Google Brain» de 10 millions de vidéos «YouTube», qui a conduit à la reconnaissance biunivoque de chaque chat, même si seules d’infimes parties de ces chats ­apparaissaient sur la vidéo ou si ces chats n’étaient même pas détectables par l’œil humain. Aujourd’hui, ces méthodes sont utilisées dans la radiologie (par ex. détection beaucoup plus rapide d’une ischémie cérébrale), dans la pathologie (diagnostic et classification des maladies néoplasiques, identification de métastases), dans la dermatologie (cancer de la peau, voir Highlight de dermatologie 2018 du Prof. A. Navarini [1]), dans l’ophtalmologie (interprétation des résultats du fond d’œil: diabète, altérations maculaires), dans la gastroentérologie (détection de polypes) et dans la cardiologie (interprétation de l’échocardiographie et de l’ECG) [2]. De nombreuses autres applications suivront!
1 Forum Med Suisse 2019, doi.org/10.4414/fms.2019.03456.
2 Nature Med 2019, doi.org/10.1038/s41591-018-0300-7.
Rédigé le 28.01.2019.

Cela nous a également interpellés

Un autre zoom sur … FOCUS

Une fois de plus: prudence avec les revues systématiques (et les méta-analyses)! Une revue Cochrane (analyse de 52 études randomisées) avait révélé que les ­inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) pouvaient réduire les troubles fonctionnels neurologiques après un accident vasculaire cérébral [1]. Une étude multicentrique (FOCUS, 103 hôpitaux en Grande-Bretagne, plus de 3000 patients), en double aveugle et contrôlée contre placebo, a montré que ­malgré une observance acceptable, l’administration de 20 mg de fluoxétine par jour n’avait pas d’effet sur les fonctions neurologiques 6 mois après un accident vasculaire cérébral (ischémique ou hémorragique) [2]. Toutefois, dans le groupe traité par fluoxétine, il y a eu moins de nouveaux diagnostics de dépressions et d’après un questionnaire, les patients présentaient aussi une meilleure humeur. Dans l’absolu, 1,4% de fractures sont survenues dans le groupe fluoxétine («number needed to harm» env. 70), même s’il n’y avait pas de différence au niveau de la fréquence des chutes (un effet indésirable connu des ISRS). Cela valait aussi pour d’autres effets indésirables, tels que l’hyponatrémie (également un facteur de risque d’ostéoporose/de fractures) et les convulsions.
1 Cochrane Database of Syst Rev 2012, doi: 10.1002/14651858.CD009286.pub2.
Rédigé le 25.01.2019.

Meilleure évaluation du risque de fractures ostéoporotiques

La densitométrie, qui est largement accessible, a une sensibilité relativement limitée pour évaluer le risque réel de fractures. Avant tout chez les sujets âgés, il est très fréquent qu’un pronostic adéquat des fractures ne soit pas établi avec la densitométrie, même en association avec des scores de risque clinique (par ex. FRAX). Au moyen de la détermination de la microarchitecture (par tomodensitométrie) et de méthodes de calcul complexes de la fragilité osseuse («finite element ana­lysis») au niveau des extrémités distales du radius et du tibia, le résultat suivant a été obtenu chez plus de 7000 patients (âgés d’env. 70 ans; au début de l’étude, 92% n’avaient pas d’ostéoporose au niveau du col du fémur d’après la densitométrie!): la densité osseuse ­volumétrique de l’os trabéculaire et de l’os cortical a permis d’obtenir une bien meilleure estimation du risque de fractures ostéoporotiques («hazard ratio» largement supérieur à 2 par écart-type!), indépendamment de la densitométrie classique et du score FRAX. Malheureusement, cette méthode tomodensitométrique n’est pas prise en charge par les caisses-maladie en Suisse et n’est que proposée par quelques rares instituts.
Lancet Diabetes Endocrinol 2019, 
doi.org/10.1016/S2213-8587(18)30308-5. Rédigé le 24.01.2019.