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L’angine à streptocoques est le plus souvent spontanément régressive. Les antibiotiques ont un effet modeste sur la durée des symptômes. D’après les lignes directrices européennes, la prévention du rhumatisme articulaire aigu et de l’abcès périamygdalien ne constitue plus une indication des antibiotiques. Dans cet article, nous présentons notre point de vue concernant l’angine à streptocoques, qui doit être recherchée par frottis pharyngé en cas de score de McIsaac ≥3 mais doit uniquement être traitée par antibiotiques dans des cas spécifiques.
Introduction
L’angine à streptocoques est le plus souvent spontanément régressive [1, 2]. La recommandation de la traiter par antibiotiques date des années 1950, lorsque les complications purulentes (avant tout abcès périamygdalien) et le rhumatisme articulaire aigu (RAA) étaient encore relativement fréquents en Europe. Aujourd’hui, la prévention du RAA et de l’abcès périamygdalien ne représente plus une indication pour l’administration d’antibiotiques [3] d’après diverses recommandations européennes, comme celles de la Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ESCMID), contrairement aux lignes directrices américaines, canadiennes ou finlandaises [4]. Aujourd’hui, la prescription d’antibiotiques est le plus souvent essentiellement motivée par un raccourcissement de la durée des symptômes [3], mais cet effet antibiotiques est modeste selon les lignes directrices et des analyses Cochrane [1–3, 5]. Par conséquent, les lignes directrices néerlandaises [6–8], belges [9] et écossaises [10] recommandent depuis quelques années un traitement principalement sans antibiotiques de l’angine à streptocoques.
En Suisse, l’initiative «Smarter Medicine» encourage depuis des années à ne plus utiliser d’antibiotiques en cas d’infections des voies respiratoires supérieures («Moins, c’est plus», www.smartermedicine.ch). Ce concept devrait encore mieux être mis en œuvre dans notre pays, car 75% de tous les antibiotiques sont prescrits dans les cabinets et jusqu’à 50% d’entre eux, en fonction du contexte, ne sont pas indiqués [11]. En outre, la Confédération a reconnu l’urgence de lutter contre les résistances aux antibiotiques et en 2015, elle a lancé la stratégie nationale Antibiorésistance (StAR; www.star.admin.ch).
Notre groupe de travail interdisciplinaire s’est constitué face à la situation préoccupante que représentent la médicalisation inutile depuis des décennies d’infections respiratoires le plus souvent inoffensives et l’augmentation inquiétante de l’antibiorésistance, avec la conscience que nous, médecins, devrions plus agir pour y remédier, et la crainte que les antibiothérapies influencent défavorablement le microbiome [12].
Cet article a pour objectif de montrer comment l’angine à streptocoques peut, en Suisse aussi, le plus souvent être traitée avec succès sans antibiotiques. A cet effet, une bonne anamnèse et un examen de qualité, une communication médecin-patient motivante, un soulagement efficace des symptômes et des contrôles de suivi adaptés à l’évolution clinique jouent un rôle clé (fig. 1).

Epidémiologie
Tableau 1: Etiologie du mal de gorge aigu. | |
Manifestations cliniques, contexte épidémiologique | Agents pathogènes, étiologie |
Ulcères oraux, rhume, toux et enrouement → le plus souvent, étiologie virale | Par ex. rhinovirus, coronavirus, adénovirus, influenzavirus (en hiver), coxsackievirus, virus herpes simplex |
Durée des symptômes ou de la fièvre >7 jours | Virus d’Epstein-Barr, mononucléose aiguë → étiologie dans 1–10% des cas de mal de gorge aigu [36] |
Primo-infection par le VIH (contagiosité très élevée) | |
Fièvre élevée, frissons (4–12 jours après le début du mal de gorge) → envisager un syndrome de Lemierre (souvent avec tuméfaction dans la région sous-mandibulaire ou au niveau du muscle sterno-cléido-mastoïdien, arthralgies, toux): envisager un examen d’imagerie. La thrombose veineuse jugulaire, les abcès pulmonaires hématogènes, l’empyème et la méningite sont des complications possibles | |
Rapports sexuels oraux | Gonorrhée, chlamydiose (asymptomatique dans >90% des cas) → mise en évidence par PCR et culture de N. gonorrhoeae dans le frottis pharyngé |
Gingivite ulcéro-nécrotique | Angine de Vincent (rare) |
Absence d’amélioration des symptômes | Envisager des causes non infectieuses |
Lésions des muqueuses | |
Carcinome ou lymphome amygdalien → biopsie amygdalienne | |
Irritation chronique: reflux, exposition à des substances nocives (tabagisme, alcool, gaz irritants, substances chimiques), air sec, respiration par la bouche chronique |
Indication des antibiotiques en cas d’angine à streptocoques: les preuves

Diagnostic
Traitement
L’essentiel pour la pratique
• L’angine à streptocoques a le plus souvent une évolution bénigne: amélioration spontanée en l’espace d’1 semaine, avec ou sans antibiotiques.
• En cas de score de McIsaac ≥3, il est recommandé de réaliser un frottis pharyngé (test de diagnostic rapide des streptocoques du groupe A).
• En cas de test de diagnostic rapide positif, les antibiotiques peuvent le plus souvent être utilisés de façon «retardée», c.-à-d. en cas d’aggravation des symptômes ou d’absence d’amélioration en l’espace de 72 heures.
• D’après les lignes directrices internationales, les antibiotiques ne sont pas indiqués pour prévenir les abcès périamygdaliens ou le rhumatisme articulaire aigu.
• Par rapport au placebo, les antibiotiques réduisent la durée des symptômes d’1–2 jours. D’après une méta-analyse Cochrane, ce bénéfice est modeste; les mesures destinées à soulager les symptômes, telles que les analgésiques, jouent un rôle essentiel.
Image d'en-tête: © Randy DuBurke, Binningen, randyduburke.com
Correspondance:
Prof. Dr méd. Philip Tarr
Medizinische Universitätsklinik
Kantonsspital Baselland CH-4101 Bruderholz
philip.tarr[at]unibas.ch
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