«Vas-y, raconte-moi …» – un cas (pas si) évident de maux de dos
«Listen to the patient – he has got first-hand experience» (William Osler)

«Vas-y, raconte-moi …» – un cas (pas si) évident de maux de dos

Was ist Ihre Diagnose?
Édition
2019/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08093
Forum Med Suisse. 2019;19(1920):326-331

Affiliations
a Universitätsklinik für Neurologie, Inselspital, und Universität Bern, Bern; b Institut für Infektionskrankheiten, Universität Bern, Bern; c Klinik für Infektiologie & Spitalhygiene, Universitätsspital, Basel

Publié le 08.05.2019

Lorsqu’un patient retraité souffre depuis 3 semaines de troubles du sommeil croissants et gênants en raison de maux de dos. Se lever et faire un tour pendant la nuit améliore les symptômes.

Introduction

Eh oui – il avait raison, tout au début de la conversation, avec son incitation en dialecte bernois «vas-y, raconte-moi» – il s’agit bel et bien d’écouter, ou plutôt de prêter une oreille attentive. D’après mes (moi = Mathias Sturzenegger) 35 années d’expérience clinique, écouter avec attention demeure (sur le plan diagnostique, mais aussi thérapeutique – mais bien moins monétaire) une initiative payante (ou plutôt satisfaisante).

Anamnèse

C’est à l’occasion d’une fête d’anniversaire, durant l’apéritif au vin blanc, qu’un ami a commencé à me décrire ses tourments.
Depuis 3 bonnes semaines, il souffre de troubles du sommeil gênants et croissants en raison de maux de dos. Il doit se lever plusieurs fois par nuit, les douleurs le tirent du lit, il doit ensuite faire quelques pas, puis cela va mieux et il peut se recoucher et se rendormir.
Certes, nous sommes en train de prendre l’apéritif lors d’une fête d’anniversaire, mais êtes-vous alors capable de simplement ignorer le Sherlock Holmes qui sommeille en vous? Moi pas! C’est pourquoi je lui ai posé les «5 questions classiques» de l’anamnèse de la douleur:
– Localisation de la douleur
– Type de douleur
– Aggravation de la douleur
– Soulagement de la douleur
– Symptômes concomitants
La douleur s’est manifestée au niveau du flanc droit, à peine à gauche, avec irradiation intermittente dans la région fessière et la partie dorsale de la cuisse droite. La douleur présente un caractère brûlant, comme un picotement douloureux. En fait, la douleur ne survient que la nuit, au repos – et guère la journée pendant les activités. Il n’existe aucun handicap le jour, aucune faiblesse, aucune paralysie. Il n’a jamais remarqué aucune vésicule sur la peau ni aucune éruption cutanée. Interrogé sur les symptômes B, il n’en mentionne aucun.
Mais depuis quelques jours, il a remarqué une «bosse»/protubérance au niveau du ventre à droite.

De quel type de douleur s’agit-il?

Le caractère brûlant de la douleur, les troubles de la sensibilité, la localisation de type dermatome, l’irradiation dans la région fessière (radiculaire) sont autant de caractéristiques qualifiant une douleur neuropathique (douleur due à une lésion de fibres nerveuses sensitives ou végétatives périphériques).

Quelle pourrait être l’origine de la douleur?

La douleur au repos survenant principalement la nuit doit (aussi) faire penser à une cause inflammatoire.
En raison de la «hernie de la paroi abdominale», une ­tomodensitométrie (TDM) de l’abdomen avait préalablement été réalisée (fig. 1).
Figure 1: Tomodensitométrie de l’abdomen. 
Calculs biliaires asymptomatiques visibles.

Qu’y détectez-vous?

Des calculs biliaires – cela explique-t-il les symptômes? Pas vraiment; ils se trouvent certes du côté droit, mais ce résultat n’explique pas pourquoi les douleurs irradient vers la région fessière et le flanc. Conclusion: la TDM de l’abdomen ne fournit pas l’explication.
Selon les dires de mon ami, cela a également été détecté par le médecin de famille, puis une IRM de la colonne vertébrale a été réalisée (fig. 2).
Figure 2: RM du rachis dorsal et lombaire supérieur (A) et IRM du rachis lombaire et du sacrum (B). Hémangiome vertébral de la 9 e  vertèbre dorsale (flèche épaisse A, B); enfoncement du plateau vertébral de la 12 e vertèbre dorsale (flèche fine A, B); protrusion du disque des vertèbres lombaires 1/2 et 2/3 (2 flèches fines, B); vertébroplastie de la 2 e vertèbre lombaire enfoncée surtout du côté ventral (pointe de flèche, B).

Qu’y détectez-vous?

Un hémangiome vertébral au niveau de la 9vertèbre dorsale (flèche épaisse sur les fig. 2A et B), un enfoncement du plateau vertébral de la 12e vertèbre dorsale (flèche fine, fig. 2A, 2B); des protrusions discales au niveau des vertèbres lombaires 1/2 et 2/3 (flèches fines, fig. 2B) ainsi qu’une vertébroplastie de la 2e vertèbre lombaire enfoncée principalement au niveau ventral (pointe de flèche, fig. 2B). Par ailleurs, le patient explique avoir subi ces fractures vertébrales quelques années auparavant lors d’un «atterrissage brutal» en tant que passager d’un planeur.

Ces résultats expliquent-ils les symptômes?

Pas vraiment.
Résumé: Deux examens d’imagerie avec au moins cinq «incidentalomes», des résultats sans signification pour votre problématique, mais avec le potentiel de vous induire en erreur!
La suite?

Etat et résultats

«Observer le patient sous toutes les coutures», mais ­dévêtu (!), reste souvent utile (malgré l’imagerie!) – ou la description «bosse dans le ventre» vous permet-elle de vous imaginer quelque chose de défini? J’emmène mon ami dans une pièce adjacente et lui demande d’ôter sa chemise. La «bosse» est clairement visible (fig. 3). Mais qu’est-ce que c’est? Ce n’est pas une tumeur (TDM de l’abdomen) et ce n’est pas non plus une hernie (aucun sac herniaire palpable). Un «diastasis abdominal» ­acquis, selon l’anamnèse. Mais comment?
Figure 3: La «bosse» sur la paroi abdominale droite est clairement visible.
«Et l’examiner (malgré tout)» – dans la mesure où l’apéritif le permet.
Dysesthésie de contact au niveau du dermatome de la vertèbre thoracique TH9 environ jusqu’à la vertèbre lombaire L1 à droite ainsi qu’une légère protubérance du flanc droit par rapport au gauche, aucun autre déficit neurologique (radiculaire) (signe de Lasègue négatif des deux côtés, aucune parésie, aucun trouble de la sensibilité des extrémités), réflexes myotatiques des bras faibles, des jambes non déclenchables avec certitude, nerfs cérébraux normaux, signe de Babinski négatif des deux côtés, démarche normale).

Quel est votre bilan provisoire?

Evaluation: Douleur neuropathique inflammatoire du flanc droit jusqu’au fessier droit; dermatomique, c’est-à-dire troubles de la sensibilité d’ordre radiculaire et dysesthésie (env. TH9–L1) à droite; parésie abdominale à droite. Etant donné que la musculature de la paroi abdominale (muscles obliques externes et internes et muscle carré des lombes) est innervée par les branches ventrales des nerfs spinaux thoraciques inférieurs, la parésie abdominale et les dysesthésies correspondent ensemble à un déficit sensorimoteur radiculaire des racines inférieures des nerfs spinaux du côté droit (env. TH9–L1).
Combiné au caractère douloureux inflammatoire, il en résulte ainsi le diagnostic clinique d’une radiculite thoraco-lombaire des racines nerveuses à droite.

Quel est votre diagnostic différentiel et quelles sont les prochaines étapes?

a) Borréliose
b) Zona
c) Diabète sucré
L’ami ne présente aucun diabète connu, ni aucune éruption cutanée.
Ah oui, autre chose?
L’ami vit à proximité de l’Emme. Avec un grand jardin et une forêt. Il est retraité et passe beaucoup de temps «dehors».

Quelle est la prochaine mesure diagnostique la plus pertinente?

La prochaine mesure diagnostique qui s’impose est la ponction lombaire. A cet effet, j’invite le patient à une consultation pour le lendemain.
La pression d’ouverture est de 18 cm H20; le nombre de cellules: 170 cellules/ml; 100% mononucléaires; les protéines dans le liquide céphalo-rachidien (LCS): 1,36 g/l; le glucose dans le LCS: 3,97 mmol/l; le lactate dans le LCS: 1,9 mmol/l.

Comment interprétez-vous ce résultat?

Le résultat de l’analyse du LCS met en évidence une inflammation (pléiocytose, 170 cellules/ml). La présentation clinique ainsi que l’image cellulaire mononucléaire sont compatibles avec une cause virale (par ex. aussi varicelle-zona ou herpès simplex [HSV]), mais également avec une cause bactérienne (par ex. Leptospira ou Borrelia).
La définition clinique d’un cas de neuroborréliose est remplie sur le plan du diagnostic différentiel [1], ce qui justifie alors un examen sérologique (et non pas l’inverse!). Le taux accru de protéines indique une inflammation subaiguë. Au moment de la ponction lombaire, la durée des symptômes était d’environ 3 semaines.
Afin de confirmer le diagnostic suspecté d’une neuroborréliose, vous devez déterminer, parallèlement à la ponction du LCS, la sérologie de Borrelia dans le sang ainsi que l’index d’anticorps (IA) du LCS-sérum. Afin d’exclure une radiculite à zona envisageable en termes de diagnostic différentiel, vous réalisez la recherche du virus varicelle-zona VZV dans le LCS par PCR. Celle-ci s’est révélée négative (fig. 4).
Figure 4: PCR du liquide céphalo rachidien pour le virus varicelle-zona: négatif. L’index liquide céphalo-rachidien/sérum pour les anticorps anti-Borrelia burgdorferi est hautement positif pour les IgG (52,54), et faiblement positif pour les IgM (3,42).
A la figure 5, vous voyez le résultat de la sérologie de Borrelia.
Figure 5: Sérologie sanguine des borrélies. Le test de dépistage des anticorps anti-IgG (test EIA) est positif, tout comme le test de confirmation (test RecomLine).

Comment interprétez-vous ces résultats?

Le test de détection de Borrelia (recomWell Borrelia, Mikrogen Diagnostik, Neurid, Allemagne) est positif ou réactif pour les IgG et négatif pour les IgM. Un test de détection est sensible, mais peu spécifique. C’est pourquoi, une confirmation à l’aide de l’immunoblot plus spécifique (recomLine Borrelia, Mikrogen Diagnostik) est réalisée en cas de test réactif: les bandelettes ­typiques sont positives, le test est clairement positif.
Ces résultats sérologiques vous indiquent que le patient a été, à un moment ou un autre, piqué par une tique et infecté par Borrelia burgdorferi. Cela peut toutefois avoir eu lieu il y a des années. Bien que le résultat de la sérologie corresponde à l’anamnèse et à l’examen clinique, il ne prouve pas que le tableau clinique actuel est dû à une infection aiguë par Borrelia. Même une mise en évidence positive d’anticorps IgM dans le sérum ne le prouverait pas, car les anticorps IgM peuvent rester positifs pendant longtemps, aussi bien dans le sang que dans le LCS. Dans notre cas, l’absence de mise en évidence d’anticorps IgM n’exclut toutefois pas non plus une borréliose aiguë. Généralement, les anticorps en cas de borréliose ne sont pas à évaluer comme paramètres d’activité (d’acuité) – ni dans le sérum, ni dans le LCS. En revanche, la pléiocytose du LCS indique une inflammation aiguë/durable, tout comme le tableau clinique subaiguë et persistant.
Pour prouver que l’inflammation actuelle du LCS est due aux Borrelia, vous devez montrer que des anticorps spécifiques dirigés contre les antigènes de Borrelia sont produits dans le compartiment du LCS. D’où la ­détermination d’un index LCS-sérum.
A la figure 4, vous voyez l’index d’anticorps LCS-sérum de Borrelia burgdorferi (IDEIA Lyme Neuroborreliosis, Oxoid, Hampshire, Royaume-Uni). Cet index IgG LCS-sérum hautement positif (52,54) démontre une production d’anticorps dans le compartiment du LCS, c.-à-d. une réaction immunitaire contre les Borrelia dans le LCS, et ainsi l’entrée des Borrelia dans le LCS. Dans ce cas, l’index IgM LCS-sérum était également positif (3,42).
Vous vous trouvez ainsi à la fin de votre chaîne de preuves: tableau clinique subaigu typique de la neuroborréliose (radiculite, syndrome de Bannwarth), pour une probabilité d’exposition à une tique élevée au niveau épidémiologique et géographique; mise en évidence d’une inflammation aiguë du LCS et mise en évidence de la réaction immunitaire spécifique du LCS contre les Borrelia comme cause de l’inflammation. Selon les définitions cliniques européennes [2] et les directives de la Société allemande de neurologie [1], le diagnostic de la neuroborréliose est certain (tab. 1).
Tableau 1: Neuroborréliose: probabilité diagnostique (selon les lignes directrices «neuroborréliose» de la «Deutsche Gesellschaft für Neurologie», société allemande de neurologie [1]).
Neuroborréliose 
possibleTableau clinique typique (atteintes des nerfs crâniens, méningite/ méningoradiculite, déficits neurologiques focaux)
Anticorps anti-IgG et/ou anti-IgM spécifiques de la borréliose dans le sérum
Résultat de l’analyse du liquide céphalo-rachidien non disponible ou ponction de liquide céphalo-rachidien non réalisée
Exclusion des autres causes possibles pour la symptomatique présente
Neuroborréliose 
probable
En plus
Résultat de l’analyse du liquide céphalo-rachidien positif avec pléiocytose lymphocytaire, troubles de la barrière hémato-liquidienne et/ou synthèse intrathécale d’immunoglobulines.
Exclusion des autres causes possibles pour la symptomatique présente
Neuroborréliose 
certaine
En plus
Synthèse intrathécale d’anticorps spécifiques à la borréliose (anticorps anti-IgG et/ou IgM positifs) dans le liquide céphalo-rachidien
Ou PCR positive / mise en évidence par culture dans le liquide céphalo-rachidien
Exclusion des autres causes possibles pour la symptomatique présente
Comment traiteriez-vous le patient?

Traitement et évolution

Dès réception du résultat d’une pléiocytose du LCS, un traitement antibiotique a été initié: doxycycline, 2 × 100 mg/jour pendant 3 semaines. Au bout de 3 jours, j’ai reçu un SMS: «La nuit dernière, j’ai dormi 10 heures d’affilée, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps – sans aucun antalgique. Merci!» Six mois plus tard, la «bosse sur le ventre» était «encore là».

Discussion

Le diagnostic d’une borréliose nécessitant un traitement constitue depuis des décennies un défi [3]. Les arguments suivants doivent l’illustrer. Une multitude de symptômes sont souvent attribués à tort à une borréliose; de nombreux joggeurs, coureurs d’orientation, visiteurs de la forêt, etc. sont en contact avec des Borrelia, présentent les anticorps correspondants dans le ­sérum, mais sont complètement asymptomatiques; ­divers tests sérologiques sont proposés sur le marché et l’interprétation des résultats doit être effectuée par le clinicien en collaboration avec le médecin de laboratoire (spécialiste en sérologie). Lors de la consultation des ouvrages de référence, il est important de faire la distinction entre les données issues d’Europe et celles d’Amérique du Nord. Le chef de file de l’établissement du diagnostic est le tableau clinique. La formulation de définitions de cas cliniques doit notamment aider à cerner les symptômes (devant être) imputés à une borréliose [2]. La détermination de la sérologie est pertinente après que la correspondance avec une définition de cas est établie, car elle permet également d’obtenir une problématique claire. Le diagnostic de la neuroborréliose est établi par une triade: phénoménologie clinique typique, pléiocytose du LCS et mise en évidence de la synthèse intrathécale d’anticorps spécifiques (index LCS-sérum positif) [4]. La présentation clinique est indispensable pour assurer la fiabilité du diagnostic d’une neuroborréliose: si le tableau clinique correspond à la présentation clinique connue d’une neuroborréliose, la valeur prédictive positive de la sérologie est élevée. Autrement, la sérologie est inexploitable même si elle est positive. Sur la base d’une grande étude prospective suédoise réalisée auprès de 1 471 patients atteints de borréliose symptomatique, nous savons que 16% (235) d’entre eux avaient une neuroborréliose, 77% un érythème chronique migrant, 7% une arthrite, 6% des manifestations multiples [5]. Parmi les 235 patients atteints de neuroborréliose, 116 (49%) présentaient une névrite crânienne, principalement une paralysie faciale; 93 (40%) une méningo-radiculite; et seulement 6 (2,6%) une encéphalite. Les douleurs en cas de paralysie du VII doivent faire penser à une borréliose – contrairement à la paralysie de Bell. Les douleurs sont tout particulièrement typiques en cas de méningo-radiculite, comme dans le cas présent: début subaigu, souvent la nuit; maximales au niveau du tronc (dos), avec irradiation vers les extrémités et à proximité du tronc; intense, avec exacerbation nocturne et perturbation du repos nocturne (le patient se lève de manière répétée); douleurs brûlantes avec dysesthésies et hyperesthésies [6].
La pléiocytose du LCS prouve une inflammation aiguë ou persistante. Etant donné que les cultures de sang et de LCS sont rarement fructueuses et que la PCR est peu sensible dans le LCS, la sérologie est déterminante pour confirmer avec certitude le diagnostic d’une neuro­borréliose – elle s’accompagne toutefois de quelques pièges: (1.) En cas de manifestations cliniques typiques d’un érythème migrant, aucune sérologie n’est nécessaire car les signes cliniques apparaissent avant la séroconversion. Par conséquent, la sérologie est dans ces cas souvent négative malgré la présentation clinique. Typiquement, les anticorps IgM ne peuvent être mis en évidence que 2 à 5 semaines après le contact avec les Borrelia (piqûre de tique avec transmission de l’agent pathogène), et les anticorps IgG au bout de 4 à 8 semaines; (2.) La réponse immunitaire (anticorps contre les antigènes des Borrelia et titrage) peut être très variable d’un individu à l’autre; (3.) Des anticorps positifs (IgG et IgM) restent positifs pendant des années, même après le succès du traitement. Cette observation est également valable pour les anticorps intrathécaux et l’index LCS-sérum. C’est pourquoi les titres d’anticorps (IgG comme IgM), aussi bien dans le sérum que dans le LCS, ne conviennent ni comme paramètres d’activité, ni pour la surveillance de l’effet du traitement. Les contrôles de suivi des sérologies sont inutiles; (4.) Des IgM isolés dans le sérum sont souvent des résultats faussement positifs; (5.) Des réactions croisées sont observées en présence d’anticorps dirigés contre d’autres spirochètes, par exemple la syphilis.
Pourquoi les anticorps IgM étaient-ils dans notre cas négatifs dans le sérum bien que la symptomatique ait duré env. 3 semaines et que nous parlions d’une neuroborréliose aiguë? En principe, la sensibilité des anticorps IgM est plus faible que celle des IgG. La sensibilité est en outre influencée par la manifestation clinique et le test utilisé. Ainsi, le fabricant du test de dépistage employé dans notre cas (recomWell Borrelia, Mikrogen Diagnostik, Neurid, Allemagne) indique par exemple une sensibilité de 99% pour les IgG et 64% pour les IgM en présence de neuroborréliose. L’absence de mise en évidence d’anticorps IgM n’exclut ainsi pas non plus une neuroborréliose aiguë dans notre cas. Les anticorps IgG intrathécaux spécifiques peuvent faire défaut au début de la maladie, mais devraient toutefois pouvoir être mis en évidence chez tous les patients atteints de neuroborréliose 6 à 8 semaines après le début des symptômes.
La synthèse intrathécale d’anticorps spécifiques est déterminée par un index LCS-sérum. Cela nécessite d’analyser les anticorps en parallèle dans le LCS et dans le sérum en adaptant la concentration en conséquence (dilution) afin de pouvoir calculer l’index.
Pourquoi, dans notre cas, l’index LCS-sérum des anticorps IgM était-il positif tandis que les IgM dans le sérum étaient négatifs et pourquoi – contrairement à l’index LCS-sérum – aucune dilution n’a eu lieu dans le sérum au test de dépistage? Différents tests ont été utilisés pour le dépistage et pour l’index LCS-sérum. Ceux-ci font en partie appel à différents antigènes immunodominants. Pour cette publication – et pour soutenir notre hypothèse dans le cas présent – nous avons exceptionnellement également réalisé un immunoblot IgM, même si la sérologie était négative. Il n’a été obtenu qu’une bandelette pour l’antigène de la protéine p41 de Borrelia non spécifique. Pour un résultat positif, plusieurs bandelettes, notamment aussi spécifiques, doivent être positives. Toutefois, justement cet antigène p41 a également été utilisé dans le test autrefois employé pour l’index LCS-sérum (IDEIA Lyme Neuroborreliosis, Oxoid, Hampshire, Royaume-Uni), ce qui peut alors expliquer l’index IgM positif.
La borréliose ainsi que la neuroborréliose peuvent être traitées facilement et très efficacement. En règle générale, les symptômes disparaissent en quelques jours. Lorsque le traitement est réalisé à temps, le pronostic est excellent et aucun symptôme persistant n’est attendu. Une neuroborréliose «chronique» apparaît lorsque le diagnostic a été manqué pendant des mois et qu’aucun traitement n’a été initié. Même dans ce cas, la réponse thérapeutique est encore bonne – mais les dommages déjà établis peuvent alors persister (symptômes résiduels). En 1996, cela a mené Alan Steere à la déclaration suivante: «There is a widespread misconception that successful treatment of neuroborreliosis is difficult to achieve and that chronic symptoms are common. In fact, the most common reason for failure of treatment is misdiagnosis!»
Il existe diverses options thérapeutiques et recommandations qui ne reposent pas sur des études contrôlées (ni même comparatives) et qui sont probablement toutes aussi efficaces: doxycycline 2 × 100 mg par voie orale, amoxicilline 3 × 500 mg par voie orale, ceftriaxone 1 × 2 g par voie intraveineuse, céfotaxime 3 × 2 g par voie intraveineuse. [4]. Pour une parésie isolée d’un nerf crânien, une méningite ou une méningo-radiculite, la doxycycline ou l’amoxicilline sont généralement recommandées. En cas d’atteinte (très rare) du parenchyme (encéphalite, myélite, vasculite), un traitement intraveineux est généralement conseillé, bien qu’il existe des indications suggérant que la doxycycline orale soit tout aussi efficace [7, 8].
Depuis 2010, la durée de traitement recommandée pour le syndrome de Bannwarth est de 2 semaines [4]. Rétrospectivement, nous constatons, dans notre cas, avoir traité le patient une semaine de trop. Rien n’indique que des traitements antibiotiques prolongés ou répétés n’apportent un quelconque avantage, les risques d’effets indésirables sont au contraire élevés. Les symptômes persistants après le traitement adéquat d’une neuroborréliose confirmée sont réunis sous le terme de «Post-treatment Lyme Disease Syndrome» (PTLDS). Il n’existe aucune indication d’infection persistante [9].

L’essentiel pour la pratique

• Chez les adultes, la neuroborréliose se présente principalement sous forme de méningo-radiculite, la douleur radiculaire nocturne au repos étant tout à fait typique.
• Chez les enfants, la paralysie faciale, avec ou sans méningite concomitante, constitue la phénoménologie la plus fréquente.
• L’encéphalite, la myélite ou la vasculite cérébrale (manifestations dites parenchymateuses) sont des manifestations rares (<3%).
• La neuroborréliose peut être traitée facilement et très efficacement par des antibiotiques. Sauf pour les formes parenchymateuses, les antibiotiques oraux sont le premier choix.
• Les infections chroniques ou persistantes sont rares.
Nous remercions le Dr Désirée Mathys, FAMH microbiologie, de l’Institut des maladies infectieuses de l’Université de Berne, pour la réalisation des tests sérologiques et des immunoblots, et son expertise professionnelle dans l’interprétation des résultats sérologiques. Nous remercions l’institut de radiologie RODIAG Diagnostic Centers, Berthoud, pour les tomodensitométries abdominales et les IRM rachidiennes.
Les auteurs n’ont pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en lien avec cet article.
Prof. em. Dr méd.
Mathias Sturzenegger
Diesbachstrasse 3
CH-3012 Bern
mhst[at]bluewin.ch
1 Rauer S, Kastenbauer S. Neuroborreliose. Deutsche Gesellschaft für Neurologie [état au 21 mars 2018, en ligne depuis le 13 avril 2018]. Disponible sur: https://www.dgn.org/leitlinien/3567-ll-030-071-2018-neuroborreliose
2 Stanek G, Fingerle V, Hunfeld KP, Jaulhac B, Kaiser R, Krause A, et al. Lyme borreliosis: Clinical case definitions for diagnosis and management in Europe. Clin Microbiol Infect. 2011;17:69–79.
3 Shapiro ED. Lyme Disease. N Engl J Med. 2014;370:1724–31.
4 Mygland A, Ljøstad U, Fingerle V, Rupprecht T, Schmutzhard E, Steiner I. EFNS guidelines on the diagnosis and management of European Lyme neuroborreliosis. Eur J Neurol. 2010;17:8–16.
5 Berglund J, Eitrem R, Ornstein K, Lindberg A, Ringér A, Elmrud H, et al. An epidemiologic study of Lyme disease in southern Sweden. N Engl J Med. 1995;333:1319–27.
6 Hansen K. Lebech AM. The clinical and epidemiological profile of Lyme neuroborreliosis in Denmark 1985–1990. A prospective study of 187 patients with Borrelia burgdorferi specific intrathecal antibody production. BRAIN. 1992;115:399–423.
7 Ljøstad U, Skogvoll E, Eikeland R, Midgard R, Skarpaas T, Berg A, et al. Oral doxycycline versus intravenous ceftriaxone for European Lyme neuroborreliosis: a multicentre, non-inferiority, double-blind, randomised trial. Lancet Neurol. 2008;7:690–5.
8 Bremell D, Dotevall L. Oral doxycycline for Lyme neuroborreliosis with symptoms of encephalitis, myelitis, vasculitis or intracranial hypertension. Eur J Neurol. 2014,21:1162–7.
9 Nemeth J, Bernasconi E, Heininger U, Abbas M, Nadal D, Strahm C, et al. for the Swiss Society for Infectious Diseases and the Swiss Society for Neurology. Update of the Swiss guidelines on post-treatment Lyme disease syndrome. Swiss Med Wkly. 2016;146:w14353.