Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/1516
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08253
Forum Med Suisse. 2019;19(1516):249-252

Publié le 10.04.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Pertinents pour la pratique

Dépistage de la prééclampsie

En Suisse, une prééclampsie survient dans 1–5% des grossesses (jusqu’à trois fois plus chez les patientes de race afro-américaine) et il s’agit d’une cause majeure de morbidité et mortalité maternelles et infantiles. Grâce à l’action protectrice de l’acide acétylsalicylique (Aspirine®, étude ASPRE [1]), un dépistage visant à identifier les patientes avec risque accru de prééclampsie s’avère utile. Les recommandations suisses les plus récentes [2] pour calculer le risque sont les suivantes: les facteurs de risque cliniques (maternels), la pression artérielle maternelle mesurée soigneusement, le flux sanguin dans les artères utérines (à l’occasion de l’échographie du 1er trimestre) et la détermination du PlGF (facteur de croissance placentaire). Le calcul du risque peut alors s’effectuer simplement en ligne [3]. Avec cette stratification du risque, le taux de dépistage positif s’élève à 10%, il est possible de prédire 90% des prééclampsies précoces et 75% des prééclampsies au cours des dernières semaines avant l’accouchement, et la probabilité de prééclampsie peut être significativement réduite par l’administration d’Aspirine®, d’où la recommandation de dépistage.
1 N Engl J Med 2017, doi:10.10.1056/NEJMoa1704559.
Rédigé le 14.03.2019.

Cardiomyopathie dilatée: traitement un jour, traitement toujours?

Le traitement médicamenteux moderne des cardiomyopathies dilatées, en particulier le traitement autrefois appelé «diminution de la post-charge» faisant appel aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) ou aux antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) et la titration soigneuse des bêtabloquants, a permis d’obtenir des améliorations cliniques énormes. Les patients peuvent se sentir tellement bien sur le plan de la qualité de vie et des performances qu’ils souhaitent réduire ou arrêter le traitement. Ce n’est toutefois pas une bonne idée d’après l’étude TRED-HF, qui est certes très petite mais a été menée selon une méthodologie rigoureuse. Chez les patients devenus asymptomatiques avec fonction ventriculaire normalisée (fraction d’éjection et volume télédiastolique) à l’échocardiographie et concentration sérique normalisée de NT-Pro-BNP, un arrêt du traitement était associé à une récidive (définie comme une détérioration à l’échocardiographie, un doublement du NT-Pro-BNP ou des signes cliniquement manifestes d’insuffisance cardiaque) en l’espace de 6 mois dans près de la moitié des cas. Au vu de l’autre moitié de patients restés asymptomatiques, il se pose tout de même la question de savoir s’il n’existerait pas des sous-groupes obtenant une guérison à long terme ou du moins une rémission à long terme. L’identification clinique actuelle de tels patients semble toutefois encore trop imprécise pour tenter l’expérience.
Rédigé le 11.03.2019, sur indication du Prof. P. Rickenbacher (Oberwil, BL).

Traitement de la kératose actinique (solaire)

La kératose actinique se caractérise par une prolifération de kératinocytes épidermiques atypiques, qui peut finalement aussi aboutir à un carcinome mais présenterait également un taux de régression compris en 20 et 30%. De ce fait, il est naturellement difficile de prouver l’efficacité d’un traitement. Aujourd’hui, des traitements photodynamiques et des traitements médicamenteux topiques sont le plus souvent utilisés. Ces derniers sont aussi administrés sous forme de traitement de champ (sur une zone couvrant des lésions ­kératosiques multiples). Dans le cadre d’un traitement de champ (25–100 cm2), 624 patients néerlandais ont été randomisés pour être traités par voie topique par fluorouracile 5% (Efudix®), imiquimod 5% (Aldara®), mébutate d’ingénol 0,015% (Picato Gel®) ou traitement photodynamique (aminolévulinate de méthyle) et ont été contrôlés après 12 mois. Parmi les patients traités par fluorouracile, 75% ne présentaient pas de récidive à 12 mois, un pourcentage qui était deux à trois fois plus élevé que pour les autres options thérapeutiques.
N Engl J Med 2019, doi:10.1056/NEJMoa1811850.
Rédigé le 15.03.2019.

Pertinent pour les premiers secours et le ­service de sauvetage

Aux Etats-Unis, une épidémie d’intoxications aux opiacés avec des taux de mortalité élevés sévit actuellement. Un facteur majeur est la prescription (trop) libérale des opiacés en tant qu’analgésiques. La diabolisation des douleurs (y compris plutôt discrètes) et les standards de qualité (en partie impératifs) pour le contrôle de la douleur y ont malheureusement aussi contribué. On ne sait pour l’heure pas encore si et dans quelle mesure cette épidémie a déjà atteint l’Europe et la Suisse.
Il est possible de détecter une intoxication aux opiacés avec une fiabilité diagnostique élevée (sensibilité et spécificité supérieures à 90%) par smartphone. Le smartphone, ou plutôt l’algorithme qu’il contient, «apprenait» les signes typiques de l’action des opiacés chez les patients avec anesthésie au fentanyl et chez les individus recevant des injections d’opiacés sous supervision dans une institution pour toxicomanes. L’appareil, qui peut être utilisé par le grand public, les secouristes et le ­personnel infirmier dans les services hospitaliers stationnaires, analyse les changements de rythme lors des dépressions respiratoires, les phases d’apnée et les altérations de l’activité motrice.
Sci Transl Med. 2019, doi:10.1126/scitranslmed.aau8914.
Rédigé le 16.03.2019.

Pour les médecins hospitaliers

L’union fait la force

Sans détour, il est parfois réjouissant et rassurant de constater que des choses que nous considérons comme des faits acquis dans notre quotidien et dans notre expérience quotidienne soient également «prouvées». Un échantillon varié composé au total de plus de 2000 chefs de clinique, médecins-assistants et étudiants en médecine a dû résoudre sur le plan diagnostique des problèmes cliniques (n = 1 572). Dans un groupe, les participants à l’étude ont réfléchi individuellement dans une pièce calme en ayant accès à toutes les sources d’information imaginables; dans l’autre groupe, les cas ont été résolus en groupes (2–9 personnes). Le diagnostic correct a été posé dans 62,5% des cas par les participants travaillant seuls contre 85,5% des cas par les groupes (composés de 9 participants), ce qui correspond à un «number needed to diagnose» (donc un diagnostic correct de plus) de seulement env. 4. Voilà à nouveau un ­argument en faveur des discussions de cas pour les cas pas encore résolus (contrairement aux démonstrations de cas) et des visites communes, qui ont malheureusement été abandonnées dans bon nombre d’hôpitaux! Le personnel infirmier n’a pas été inclus dans l’étude, mais il constitue pourtant un pilier majeur (sous-estimé?) du diagnostic clinique.
Rédigé le 12.03.2019.
Poser le diagnostic seul ou en équipe? Nous remercions chaleureusement l’artiste Ruedi Pfirter (Hölstein) pour la mise à dis­position de l’illustration.

Biopsie des organes internes en cas de risque hémorragique élevé

Chez les patients anticoagulés pour une indication vitale et ceux ayant un risque hémorragique élevé lié à une maladie, les biopsies d’organe sont dangereuses. Dans le cas du foie, il est possible de réaliser une biopsie au moyen d’un accès intraveineux transjugulaire, ce qui est une procédure certes fastidieuse mais associée à une sécurité élevée (les éventuelles hémorragies secondaires se produisent dans le système intraveineux). Chez des patients à risque hémorragique dans des unités de soins intensifs, une biopsie rénale a également pu être réalisée de façon sûre au moyen d’un accès transveineux.
Sur la base des données présentées, les inquiétudes antérieures quant à la représentativité du matériel biopsique prélevé de cette façon semblent caduques: dans 96% des cas, un diagnostic pertinent dans le contexte clinique a pu être posé.
Une pose mûrement réfléchie de l’indication reste toutefois essentielle: la biopsie n’avait de conséquences thérapeutiques que dans une bonne moitié des cas. Qui plus est, dans 30% des cas, le diagnostic posé était celui de «nécrose tubulaire aiguë», une affection qu’il est presque toujours possible de diagnostiquer sur la base de l’examen clinique et de mesures non-invasives.
L’étude a été réalisée en France, où des biopsies rénales sont très fréquemment réalisées face à une insuffisance rénale aiguë, ce qui a aussi sans doute amélioré notre compréhension de cette maladie.
Crit Care Med 2019, doi:10.1097/CCM.0000000000003634.
Rédigé le 15.03.2019.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Biomarqueurs pour la démence d’Alzheimer

De nombreuses années avant le diagnostic clinique d’une démence d’Alzheimer, des molécules bêta-amyloïdes commencent à se déposer dans le cerveau. Par la suite, le métabolisme de la protéine tau (sécrétion accrue à partir des neurones) semble changer, et c’est uniquement l’association de ces deux phénomènes qui entraîne le déclin neurocognitif tangible. Bien que cette approche s’avère complexe dans la pratique clinique quotidienne, le dosage du peptide bêta-amyloïde (bêta-amyloïde 40/42) dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), en tant que biomarqueur précoce, peut fournir un diagnostic précoce lorsqu’il est combiné à une tomographie par émission de positons (TEP)-amyloïde. Une nouvelle étude a montré qu’une protéine axonale du cytosquelette, le neurofilament L (L pour «light chain»), dans le LCR et – voilà l’aspect attrayant – dans le sérum constituait un biomarqueur sensible des processus neurodégénératifs [1]. La protéine passe vraisemblablement dans le sang en raison d’une perturbation de la barrière hémato-encéphalique. La perméabilité de cette barrière semble être un mécanisme précoce contribuant à la neurodégénérescence. Il existe également un nouvel indicateur pour cela, à savoir la mise en évidence du récepteur bêta PDGF (récepteur du facteur de croissance dérivé des plaquettes) soluble dans le LCR [2]. Le neurofilament L dans le sérum est un facteur pathogène et probablement un facteur d’activité prometteur pour différentes maladies neurologiques, particulièrement les maladies démyélinisantes, les polyneuropathies inflammatoires et d’autres encore, comme l’a notamment montré un groupe de neurologues bâlois [3]. Peut-être deviendra-t-il un jour la «protéine C réactive» de la neurologie?
Rédigé le 12.03.2019.

Cela nous a donné à réfléchir

Est-ce finalement vrai ou pas?

Dans les années 1990, un effet protecteur contre le développement d’une démence avait été attribué aux œstrogènes administrés durant la postménopause [1], constituant ainsi un motif (parmi de nombreux autres à l’époque) pour l’initiation d’une substitution hormonale. Toutefois, d’après la cohorte populationnelle nationale finlandaise [2], c’est l’inverse qui serait vrai, du moins concernant la démence d’Alzheimer!
En revanche, l’augmentation du risque était si modeste, même pour les œstrogénothérapies à long terme, qu’un effet causal se manifestant à l’échelle individuelle semble pour le moins douteux. L’effet était présent indépendamment du progestatif utilisé concomitamment, mais n’a pas pu être démontré pour les œstrogènes appliqués par voie vaginale.
1 Neurology 1999, doi.org/10.1212/WNL.52.5.965.
Rédigé le 11.03.2019.

Cela ne nous a pas réjouis

Un changement de nom juteux

En 2001, la «American Diabetes Association» (ADA) a délaissé le terme complexe «tolérance au glucose pathologique» au profit du terme plus concis «prédiabète». Depuis lors, le nombre de cas de prédiabète est passé d’env. 12 millions à plus de 80 millions, tandis que durant la même période de 18 ans, les diagnostics de diabète de type 2 ont «uniquement» augmenté de 10 millions (passant de 20 millions à 30 millions). Dans le même temps, l’intensité du traitement d’une maladie qui n’existe pour ainsi dire même pas encore a progressivement été augmentée et le coût de ce traitement a lui aussi augmenté, avec la bénédiction de l’ADA. Une prophylaxie efficace ou alors un business gigantesque au bénéfice incertain, comme l’affirme une analyse brillante soutenue par le «Science Fund for Investigative Reporting» avec une série d’informations contextuelles préoccupantes?
Rédigé le 15.03.2019.

Cela nous a également interpellés

Normes sociales et criminalisation

Dans le DSM («Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders»), l’homosexualité était classée comme une maladie mentale jusqu’en 1973. Les hommes homosexuels (en particulier des milieux sociaux moins privilégiés) risquaient entre autres une peine d’emprisonnement ou la prescription d’une des mauvaises formes de thérapie par aversion. Une étude réalisée en Angleterre a révélé que de telles sanctions étaient beaucoup plus rarement prononcées chez les femmes lesbiennes et bisexuelles. Si l’on part du principe que le taux de femmes avec des penchants homo-érotiques est resté stable au fil des décennies ces 100 dernières années, alors ces femmes étaient largement épargnées par ces persécutions (en réalité) sociales par rapport aux hommes homosexuels. Peut-être qu’elles passaient (et passent) plus inaperçues que les hommes en raison de l’acceptation sociale de certains comportements (baisers sur le quai de gare, promenades bras dessus, bras dessous).
Rédigé le 12.03.2019.

Informations de base sur ... la prééclampsie

– Survenue nouvelle d’une hypertension et protéin­urie ou survenue nouvelle d’une hypertension avec lésions d’organes cibles (reins, foie) avec ou sans protéinurie.
– Hypertension chronique: déjà présente avant la conception.
Hypertension gravidique chez des femmes auparavant normotendues (à partir de la 20e semaine de grossesse [SG]): pression artérielle systolique de ≥140 à <160 mm Hg, pression artérielle diastolique de ≥90 à <110 mm Hg (en cas de valeurs encore plus élevées = prééclampsie sévère).
– Forme particulière: syndrome HELLP («hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets»).
Eclampsie: en plus, convulsions sans pathologie du système nerveux central préexistante.
– Pour le diagnostic, il est essentiel de connaître les valeurs normales durant la grossesse (voir figure).
Evolution normale de la pression artérielle (PA), de la créatinine (Pcr) et des thrombocytes (Tc) durant la grossesse. La figure illustre la chute physiologique significative de la créatinine, de la pression artérielle et des plaquettes sanguines. Si les valeurs de la créatinine et de la pression artérielle sont identiques aux résultats antérieurs mesurés chez la femme non enceinte, il convient de songer à une prééclampsie ou à une autre maladie associée à la grossesse. D’autre part, lors de la grossesse, une thrombocytopénie significative n’est présente que lorsque des valeurs inférieures à 100000/µl sont constatées («Sans détour», Forum Med Suisse 2018, doi.org/10.4414/fms.2018.03360 ). Syst.: systolique; SG: semaine de grossesse.
Après le dépistage: La prophylaxie par Aspirine® dans les groupes à risque (150 mg, prise le soir, initiation entre la 11e et au plus tard la 16e SG et poursuite jusqu’à la 36e SG avec une très bonne observance, >90%!) est très efficace. Pas de prophylaxie par Aspirine® en cas de risque faible.
– Attention: La question de la dose reste ouverte! La biodisponibilité de l’Aspirine® à enrobage gastro-résistant (Cardio) s’élève uniquement à env. 80%. Les 100 mg sont-ils suffisants ou faut-il prendre 2 Aspirine Cardio®? Une «aspirine de grossesse» spécifique ne ­serait pas un luxe …
1 N Engl J Med 2017, doi:10.10.1056/NEJMoa1704559.
Rédigé le 15.03.2019