Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/1718
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08262
Forum Med Suisse. 2019;19(1718):281-284

Publié le 24.04.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur … le CCR5: controverses éthiques, mais aussi opportunités

– Le CCR5* est une protéine transmembranaire située sur les cellules immunitaires (y compris sur les lymphocytes CD4 et CD8 et sur les macrophages).
– De pair avec la molécule CD4, il est un corécepteur pour la liaison du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
– En 2018, le gène CCR5 a été muté au moyen de «ciseaux génétiques» chez des embryons, qui deviennent ainsi résistants au VIH.
– L’inhibition de ce récepteur dans le système nerveux central entraîne une amélioration des capacités d’apprentissage et de la plasticité neuronale (adaptation de l’anatomie et de la fonction neuronales).
– Suite à un accident vasculaire cérébral ischémique, l’expression de CCR5 est accrue.
– Les patients présentant des mutations de CCR5 pourraient se rétablir plus rapidement et mieux après un accident vasculaire cérébral ischémique.
– L’administration d’un antagoniste du récepteur CCR5 (autorisé dans le traitement anti-VIH, Maraviroc) améliore la récupération neurologique chez les souris avec lésion cérébrale traumatique.
*Récepteur à C-C chimiokine de type 5
Cell 2019, doi.org/10.1016/j.cell.2019.01.044. Rédigé le 02.04.2019.

Pertinents pour la pratique

Des temps difficiles pour l’ablation par cathéter de la fibrillation auriculaire

A l’âge de 75 ans, env. 10% de la population présentent une fibrillation auriculaire, avec une mortalité accrue (×2) et un taux accru d’accidents vasculaires cérébraux. Plus de 2200 patients (âge moyen de 68 ans, env. ⅓ de femmes), la plupart du temps avec fibrillation auriculaire établie depuis plusieurs années (souvent préalablement traitée par médicaments) et symptomatiques dans 90% des cas, ont été randomisés pour être traités soit par ablation par cathéter (qui a dû être répétée ­à court terme dans près d’1 cas sur 5) soit par médicaments. L’ablation par cathéter n’a malheureusement pas entraîné d’amélioration significative du critère d’évaluation combiné sélectionné (décès, accidents vasculaires cérébraux invalidants, hémorragies, arrêt cardiaque; [1]), mais elle était néanmoins associée à une qualité de vie légèrement meilleure [2] que le traitement médicamenteux. Toutefois, dans le cadre d’un traitement non en aveugle, ce bénéfice modeste est difficile à évaluer. Il s’agit là certes d’un résultat décevant, mais l’étude a également apporté une bonne nouvelle: dans le groupe de traitement conservateur, les avantages du traitement médicamenteux anticoagulant et cardiaque moderne sont ressortis clairement, avec une mortalité après 4 ans de seulement 5,3% (jusqu’alors, une mortalité de 5–10% au cours de la 1ère année était ­admise) et une fréquence des accidents vasculaires céré­braux sévères de seulement 0,7%. Comme dans toutes les études avec un bras «invasif», le chassé-croisé était également un problème dans cette étude. Toutefois, env. 50% des patients du groupe ayant subi une ablation ont également présenté une récidive, ce qui pourrait potentiellement accroître le nombre d’interventions pour récidive dans la pratique et ainsi rendre encore plus onéreux le traitement global.
Rédigé le 22.03.2019.

Prévention de la décompensation en cas de cirrhose hépatique

Chez les patients avec cirrhose hépatique et varices œsophagiennes volumineuses ou hypertension portale significative, les bêtabloquants peuvent significativement réduire la probabilité d’hémorragie. Les bêtabloquants sont-ils également à même de prévenir une décompensation (qui en soi détériore le pronostic ­vital) par réduction de l’hypertension portale? Dans une étude, 201 patients (sur plus de 600 évalués) qui présentaient une hypertension portale cliniquement significative de >10 mm Hg confirmée par mesure invasive ont été randomisés pour recevoir soit du propranolol (jusqu’à 2× 160 mg) soit du carvédilol (jusqu’à 25 mg) soit un placebo. Les patients n’avaient encore jamais été victimes d’une décompensation de leur cirrhose; dans près de 60% des cas, la cause était une hépatite C chronique, non traitée durant l’étude. Après un suivi allant jusqu’à 54 mois, des décompensations (le plus souvent ascites) ou des décès d’origine hépatique sont survenus chez 16% des patients du groupe sous bêtabloquant, contre 27% dans le groupe placebo («number needed to treat» = 9). Les auteurs eux-mêmes ont ­souligné que cette indication pourrait dépendre de la disponibilité d’une mesure non invasive de la pression portale ou d’un biomarqueur de substitution. Face à une bonne tolérance des bêtabloquants, le traitement à l’aveuglette pourrait-il être une alternative très (trop?) pragmatique?
Rédigé le 25.03.2019.

Encore plus de preuves en faveur de l’anticoagulation prolongée après thromboembolie (provoquée)

Des résultats de précédentes études avaient montré qu’une durée de l’anticoagulation (rivaroxaban) supérieure à la durée recommandée dans la plupart des lignes directrices réduisait significativement le taux de récidives (voir [1, 2]). Après l’arrêt de l’anticoagulation, le risque de récidive des thromboembolies provoquées (c.-à-d. associées à au minimum un facteur de risque connu) s’élève à 10% au cours de la première année et à 30% après 5 ans. La majorité des lignes directrices recommandent d’arrêter l’anticoagulation après 3 mois si le facteur causal a pu être éliminé durablement.
A quel point une anticoagulation prolongée prévient­-elle efficacement ce risque et qu’en est-il alors du risque hémorragique? Une anticoagulation (rivaroxaban) de plus de 3 mois (4900 patients) a réduit de 44% le risque de récidive par rapport à une absence d’anticoagulation ou à un traitement par Aspirine® seule [3]. En ­raison de sa méthodologie, l’étude ne permet pas de ­répondre à la question de savoir de combien de temps le traitement anticoagulant doit être prolongé. Dans l’étude, il n’y a manifestement pas eu davantage d’effets indésirables hémorragiques chez les patients anticoagulés, ce qui semble uniquement transposable avec prudence à la pratique quotidienne. Une question reste donc ouverte: Combien de temps en plus (jusqu’à ce que le risque l’emporte sur le bénéfice)?
1 N Engl J Med 2010, doi.org/10.1056/NEJMoa1007903.
2 N Engl J Med 2017, doi.org/10.1056/NEJMoa1700518.
Rédigé le 29.03.2019.

Pour les médecins hospitaliers

Fibrillation auriculaire: chapitres 2 et 3

Faut-il immédiatement procéder à une cardioversion chez les patients symptomatiques avec fibrillation ­auriculaire de survenue récente documentée ou vaut-il la peine d’adopter une attitude attentiste pour observer l’évolution spontanée? Cela vaut la peine d’après une étude néerlandaise conduite avec 437 patients chez lesquels une nouvelle fibrillation auriculaire a été documentée au cours des 36 dernières heures. Après 4 semaines, le groupe d’intervention précoce (cardioversion électrique ou flécaïnide) présentait la même fréquence de fibrillations auriculaires que le groupe conservateur. En revanche, la cardioversion aiguë a ­allongé le séjour au service des urgences d’env. 40 minutes [1].
Chez les patients avec fibrillation auriculaire qui ont été victimes d’un syndrome coronarien aigu ou ont subi une angioplastie, l’anticoagulation s’avère complexe: inhibition de la coagulation plasmatique et inhibition plaquettaire, mais avec quelles substances? La combinaison d’un anticoagulant d’action directe (apixaban) et d’un inhibiteur du récepteur P2Y12 (dans plus de 90% des cas, clopidogrel) sans acide acétylsalicylique n’a pas entraîné d’augmentation des évènements ischémiques (sur 6 mois), mais elle était associée à moins d’hémorragies et de ré-hospitalisations.
Rédigé le 25.03.2019.

Technique chirurgicale alternative à la dérivation gastrique classique

L’alternative chirurgicale à la dérivation («bypass») gastrique classique (dérivation gastrique Roux-en-Y [DGRY], fig. 1) la plus fréquente et qui a été abordée ­plusieurs fois dans le «Sans détour» est la gastrectomie en manchon («sleeve»). Hormis une augmentation possible de la fréquence du reflux gastro-œsophagien et de l’œsophage de Barrett, la gastrectomie en manchon est au minimum non-inférieure à la DGRY, qui est une ­intervention plus complexe. Une autre simplification, mais moins rigoureuse, de la technique opératoire semble également être équivalente à la DGRY (fig. 2): dans une étude randomisée réalisée en France, les ­résultats de 129 patients ayant subi un mini-bypass gastrique, ou «one anastomosis gastric bypass» (OAGB), ont été comparés à ceux de 124 patients ayant subi une DGRY. Après 2 ans, la perte de poids et les améliorations métaboliques étaient identiques dans les deux groupes. Les patients avec une anse biliopancréatique longue (200 cm) semblaient toutefois présenter davantage de symptômes de malabsorption (stéatorrhée et diarrhée). Il existe ainsi de plus en plus d’options dans la chirurgie de l’obésité, et des adaptations techniques suivront sans doute. Pour mémoire, la gastrectomie en manchon est également illustrée (fig. 3).
Figure 1: Bypass gastrique classique (dérivation gastrique Roux-en-Y [DGRY]). © Alila07 | Dreamstime.com.
Figure 2: Mini-bypass gastrique («one anastomosis gastric bypass» [OAGP]). © Alila07 | Dreamstime.com.
Figure 3: Technique chirurgicale de la gastrectomie en manchon («sleeve»). © Alila07 | Dreamstime.com.
Rédigé le 01.04.2019.

Cela nous a réjouis

Meilleur traitement pour les enfants atteints de la maladie de Kawasaki

Aujourd’hui encore, le rédacteur du «Sans détour» reste toujours impressionné par une autopsie, lors de laquelle il avait détecté un anévrisme de l’artère interventriculaire antérieure avec embolie artério-artérielle consécutive chez un garçon de 7 ans décédé subitement [1]. Les investigations ultérieures avaient abouti au diagnostic de maladie de Kawasaki, une vascularite d’origine indéterminée touchant préférentiellement les artères coronaires des enfants (en bas âge) et des adolescents. Tous les ­patients ne répondent pas au traitement par immunoglobulines intraveineuses (IGIV). Chez 175 patients ­japonais (âgés de 4 mois à 15 ans) présentant un risque accru de résistance aux IGIV, le traitement supplémentaire par un inhibiteur de la calcineurine (ciclosporine) au cours des 7 jours après la pose du diagnostic a significativement diminué la survenue ultérieure d’altérations au niveau des artères coronaires. La dose de ciclosporine s’élevait à 5 mg/kg de poids corporel/jour durant 7 jours (plus acide acétylsalicylique et IGIV).
1 Helv Paediatr Acta 1981, PMID:6120921.
Rédigé le 21.03.2019.

Prise de position quant à la meilleure méthode diagnostique d’une fracture vertébrale

Dans le «Sans détour», il a été souligné à plusieurs reprises qu’il n’existe toujours pas de méthode de référence pour le diagnostic des fractures vertébrales (ostéoporotiques), ce qui représente un véritable état d’urgence au vu du pronostic négatif associé à ces fractures. Un groupe de travail international est désormais parvenu à la conclusion qu’il fallait utiliser préférentiellement les critères morphologiques (évalués en incidences latérales soit par radiographie conventionnelle soit par absorptiométrie biphotonique à rayons X [DXA]). Les discontinuités des faces supérieures et des bords antérieurs et postérieurs constituent des critères décisifs. Les analyses purement morphométriques (par ex. bord antérieur plus petit de plus de 25% par rapport au bord postérieur) avec une structure vertébrale au demeurant intacte sont plutôt des sources de surdiagnostic. L’article contient également des informations méritant d’être lues quant à la manière de rédiger un rapport radiologique adéquat.
Rédigé le 01.04.2019.

Toujours digne d’être lu

Le prédiabète, un diagnostic pertinent?

Face à la question soulevée par le journalisme scientifique d’investigation quant à savoir si le diagnostic ­«prédiabète» (posé chez 90 millions d’Américains) ne serait pas plutôt un argument commercial qu’un point de départ judicieux pour une prévention efficace (cf. «Sans détour» du dernier numéro [1]), il est essentiel de se repencher brièvement sur les preuves existantes. Chez des patients qui avaient été sélectionnés en raison d’une tolé­rance au glucose pathologique, l’étude «diabetes prevention program outcome study» (DPPOS) avait montré une plus faible survenue du diabète de type 2 après un traitement par metformine et des modifications du style de vie [2]. Désormais, un suivi d’une durée allant jusqu’à 20 ans est disponible pour ces patients: env. 50% des patients non traités ne présentent toujours pas de diabète [3]. Une étude très citée ayant évalué l’intensification du traitement du prédiabète, avec recours aux glitazones et aux agonistes du GLP-1 (par rapport à des modifications du style de vie seules), a conclu à un bénéfice de cette stratégie, mais cette étude était de courte durée (30 mois), de petite taille et rétrospective et n’était dès lors pas probante [4]. Des étapes supplémentaires sont dès lors encore nécessaires pour parvenir à une prévention (secondaire) individualisée et évitant les éventuels sur-traitements.
1 Forum Med Suisse 2019, doi.org/10.4414/fms.2019.08253.
2 N Engl J Med 2002, doi.org/10.1056/NEJMoa012512.
3 Diabet Med 2017, doi.org/10.1111/dme.13453.
4 Lancet Diabetes Endocrinol 2018, doi.org/10.1016/S2213-8587(18)30234-1.
Rédigé le 18.03.2019.

Cela nous a également interpellés

Carcinome à cellules rénales métastatique

Chez les patients atteints de carcinome à cellules rénales métastatique, le traitement par un inhibiteur du VEGF* (le plus souvent sunitinib) était associé à un avantage de survie significatif. Le traitement d’association primaire par un inhibiteur de point de contrôle immunitaire et un inhibiteur du VEGF a amélioré la survie sans progression de 3–5 mois par rapport au suni­tinib (d’env. 8 à env. 11–13 mois).
* VEGF = vascular endothelial growth factor
Rédigé le 25.03.2019.

Pas très sérieux, ou alors?

La démocratie favorise la santé

Une analyse supplémentaire du projet «Global Burden of Disease» a révélé que sur la base des observations dans 170 pays sur une période de 46 ans, la mortalité variait de jusqu’à 25% (selon la maladie étudiée) en fonction du niveau de démocratie. Une politique démocratique (modeste) avait un impact beaucoup plus grand sur la survie que le produit national brut! Est-ce la raison pour laquelle nous avons une longévité aussi élevée en Suisse, avec notre système de démocratie ­directe? Gardons cela à l’esprit, penchons-nous durablement sur les questions de fond et les questions électorales (2019 est une année d’élections fédérales), ­exprimons nos opinions et discutons-en!
Rédigé le 21.03.2019.

Plus de sel ou moins?

Une discussion intéressante et amusante, essentiellement alimentée par des partisans d’un régime très pauvre en sel, critique une étude dont nous avions également discuté de façon relativement positive dans le «Sans détour» [1]: il s’agit de l’étude PURE («prospective urban rural epidemiology») [2], qui avait trouvé qu’une réduction de la consommation de sel était uniquement bénéfique chez les individus des populations ayant des apports >12,5 g de sel (ou >5 g de sodium). L’étude est avant tout critiquée à cause des mesures dans les urines du matin de la natriurèse, qui sont connues pour être imprécises. Elle reste néanmoins l’étude observationnelle la plus impressionnante (près de 8 ans de suivi, 135 000 patients, nombreux pays, 200 centres) et la meilleure preuve dont nous disposons. Le fait que cette étude présente des lacunes est illustré de façon divertissante dans les courriers des lecteurs [3].
1 Forum Med Suisse, doi.org/10.4414/fms.2018.03394.
3 Lancet 2019;393(10178):1293–5.
Rédigé le 01.04.2019.

Agence télégraphique médicale

Lutte contre les infections sur stimulateurs cardiaques

Une enveloppe auto-résorbable en l’espace de 9 semaines placée autour des dispositifs cardiaques implantables (par ex. stimulateurs cardiaques, défibrillateurs, etc.) et contenant des antibiotiques (minocycline et rifampicine) qui se diffusent dans les tissus en l’espace d’env. 7 jours a entraîné une réduction significative des infections sur implant. Dans une étude avec près de 3500 patients dans chacun des deux groupes, une infection bactérienne est survenue chez 25 patients du groupe avec enveloppe et chez 42 patients du groupe sans enveloppe. Dans l’absolu, cela représente une différence significative de 0,5%, correspondant à un «number needed to treat» de 200.
N Engl J Med 2019, DOI:10.1056/NEJMoa1901111.
Rédigé le 02.04.2019.