Sans détour
Lire le «Sans détour» de façon encore plus actuelle: «online first» sur www.medicalforum.ch

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08276
Forum Med Suisse. 2019;19(1920):309-312

Publié le 08.05.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Pertinents pour la pratique

Correction de l’acidose métabolique dans le cadre de l’insuffisance rénale chronique

L’acidose métabolique chronique est fréquente dans les stades avancés de l’insuffisance rénale chronique. Les patients présentent une rétention d’acide (protons) due à une sécrétion tubulaire de protons restreinte, par ex. lorsque la maladie rénale touche majoritairement le tubule distal, et – avant tout – en raison de la synthèse et de l’excrétion réduites d’ammoniaque (NH4+). L’acidose métabolique dans le cadre des maladies rénales chroniques constitue un facteur pathogène central pour la maladie osseuse (ostéoporose) et la perte de masse musculaire (sarcopénie), et elle accélère en soi la progression de la maladie rénale à son origine. Jusqu’à présent, nous pouvons corriger l’acidose au moyen d’un apport basique (avant tout bicarbonate de sodium [NaHCO3]). Toutefois, la charge en sodium (expansion volémique) et la formation de dioxyde de carbone (CO2) dans l’estomac sont problématiques. Dans le cadre d’une étude comparative en double aveugle, un polymère liant l’acide chlorhydrique (HCl) dans le tractus gastro-intestinal administrable par voie orale ­(Veverimer, dose: 6 g/jour) a permis de corriger l’acidose métabolique du moins partiellement (augmentation du bicarbonate de >4 mmol/l) sur 12 semaines chez 124 patients ([HCO3]p 12–20 mmol/l) atteints d’acidose contre 89 patients pour le placebo (n = 89). Des effets indésirables gastro-intestinaux (diarrhées, flatulences) sont survenus chez 13% des patients traités par Veverimer, contre 5% pour le placebo. Il s’agit là de résultats très encourageants!
Rédigé le 06.04.2019.

Compléments alimentaires: (pas) judicieux?

Les compléments alimentaires sont fréquemment pris et souvent, il est impossible de dissuader les patients de leur effet positif, et ce malgré leur coût. Les essais cliniques sont toutefois difficiles à mener, si bien que les médecins se retrouvent facilement dans des situations où la nécessité de disposer de preuves devient ­urgente. Quelques études ont toutefois montré des indices suggérant des dommages plus importants que les bénéfices (une liste est disponible dans la référence). Chez près de 31 000 citoyens américains qui ont été ­interrogés sur la prise de compléments alimentaires allant des vitamines aux acides aminés en passant par les minéraux, aucun effet de ces compléments (y compris de la vitamine D) sur la mortalité (totale, cardiaque, induite par le cancer) n’a été trouvé après une période d’observation de 6,1 ans. La mortalité induite par le cancer semblait toutefois accrue en cas d’apport en calcium excessif par le bais, majoritairement, de suppléments. Chez la majorité des Suisses qui se nourrissent de manière suffisante et diversifiée (donc tous sans états de carence définis), il convient donc de continuer à déconseiller la prise de suppléments nutritionnels. Même si les essais cliniques s’avèrent complexes, il y a à nouveau un petit morceau d’évidence de plus pour ce conseil.
Ann Intern Med 2019, doi:10.7326/M18-2478.
Rédigé le 10.04.2019.

Ce patient est-il dépressif?

Les médecins de premier recours jouent un rôle décisif dans la détection précoce de la dépression. A cette fin, le questionnaire PHQ-9 (voir figure) reste un instrument fiable. Pour les scores >10, il présente une sensibilité respectable de 74% (c.-à-d. que ¾ de tous les patients malades sont détectés) et une bonne spécificité de 91% (c.-à-d. que dans 10 cas de résultats positifs au test sur 11, une dépression est effectivement présente). Sous une autre perspective, ¼ des patients avec résultat ­«négatif» présentent en réalité tout de même une forme de trouble dépressif, qui pourra ensuite probablement être identifiée par les médecins de famille ou les psychiatres au cours de l’évolution et dans le cadre de discussions plus longues.
Rédigé le 09.04.2019.
Questionnaire de santé pour les patients (PHQ-9) (© Pfizer, https://www.phqscreeners.com/select-screener/36 ).

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Corps cétoniques et fonction cardiaque

Les inhibiteurs du SGLT2 (co-transporteur sodium/glucose de type 2) sont largement utilisés dans le traitement du diabète de type 2 et ils abaissent la glycémie via la glycosurie. Des études de sécurité avaient montré que ces médicaments réduisaient considérablement la mortalité/morbidité cardiovasculaires, avant tout en raison d’une réduction de la décompensation de l’insuffisance cardiaque. Comment ces médicaments réduisent-ils ce risque? Par le biais de la natriurèse et de la diminution du volume extracellulaire? Ou bien via une stimulation de la cétogenèse qui, dans les cas extrêmes, peut conduire à une acidocétose induite par les inhibiteurs du SGLT2? Cette hypothèse est soutenue par le fait qu’en cas d’insuffisance cardiaque progressive, le cœur dépend de plus en plus des corps cétoniques en tant que substrat énergétique, si bien qu’en cas d’insuffisance cardiaque de classe IV NYHA, l’énergie myocardique provient exclusivement des corps cétoniques (acétoacétate, bêta-hydroxybutyrate). La perfusion de bêta-hydroxybutyrate (résultant en des concentrations plasmatiques à un niveau physiologique) a conduit à une amélioration significative et impressionnante du débit cardiaque chez les patients ­atteints d’insuffisance cardiaque et les contrôles sains, un indice indirect en faveur de l’hypothèse «cétogène» de la cardioprotection conférée par les inhibiteurs du SGLT2. Aucune étude n’a encore analysé l’effet du régime cétogène sur les symptômes de l’insuffisance ­cardiaque et la fonction myocardique. Une telle étude serait pourtant urgente et facilement justifiable.
Circulation 2019, doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.118.036459, («ahead of print»).
Rédigé le 06.04.2019.

Pour les médecins hospitaliers

Perfusion de fer en cas d’insuffisance cardiaque: musculature cardiaque ou squelettique?

Il y a environ 10 ans, il a été montré qu’une perfusion de fer pouvait améliorer les symptômes et la résistance à l’effort en cas d’insuffisance cardiaque et d’anémie ferriprive [1, 2]. Etant donné que ces changements n’étaient pas corrélés avec les (faibles) augmentations de l’hémoglobine, on a émis l’hypothèse d’un effet de l’apport en fer spécifique et indépendant de l’hémoglobine. Ce mécanisme reste toutefois peu étudié. Dans le cadre d’une petite étude prospective en double aveugle menée auprès de patients atteints d’insuffisance cardiaque (NYHA >II) et de carence en fer (dont 50% avec une anémie), il a été constaté, 14 jours après une unique perfusion de fer isomaltoside (avec correction documentée des réserves en fer), que la consommation d’énergie dans les muscles squelettiques et la fonction mitochondriale des muscles squelettiques (mesurée par spectroscopie par résonance magnétique au 31P) s’étaient améliorées, et ce sans modifications significatives de l’hémoglobine [3]. L’amélioration des symptômes de l’insuffisance cardiaque par le biais de l’apport en fer pourrait donc s’expliquer, du moins en partie, par des causes extracardiaques, c.-à-d. musculo-squelettiques. Sans détour, cette étude ne chasse pas les inquiétudes relatives à une supplémentation en fer trop libérale. Compte tenu du rôle que joue le fer par rapport aux facteurs de progression de l’insuffisance cardiaque (radicaux libres, déséquilibres redox, processus inflammatoires), la prudence est toujours de mise.
2 New Engl J Med 2009, doi: 10.1056/NEJMoa0908355.
Rédigé le 09.04.2019.

Controverse médicale

La valeur p doit-elle uniquement encore avoir une valeur indicative dans les essais cliniques?

Une proposition vient d’être publiée avec une très bonne visibilité: celle de s’écarter de la décision dichotomique simple «significatif» ou «non significatif» (sur la base d’une valeur p) [1]. Cette proposition est également décrite en tant que «guerre contre la significativité» et elle a été amplement signée (n = 854!). Les ­valeurs p ne devraient pas être complétement abandonnées, mais l’analyse des résultats d’une étude devrait plutôt contenir une discussion autour d’un «effet compatible» afin de sortir de la problématique du tout ou du rien. Une éminente voie divergente [2] indique qu’en s’écartant de la décision «significativité», on ouvre la porte aux interprétations subjectives et liées à des intérêts. L’auteur serait d’accord pour durcir la ­valeur p (déjà discuté dans le «Sans détour» [3]) et soutient cette exigence, mais il ­signale qu’une bonne statistique reste indispensable. Les critères de qualité à cet égard sont:
– L’étude doit comprendre des critères d’analyse prédéfinis (y compris critères d’évaluation) avant son commencement.
– La méthode statistique doit, en se basant sur ces derniers, être définie et consignée au préalable.
– Les règles de «lecture» des données doivent également être transparentes et définies au préalable.
Apparemment, ce rythme n’est respecté que dans un petit nombre d’études (enquête auprès de plus de 300 statisticiens cliniques) [4].
3 Forum Méd. Suisse 2018, doi.org/10.4414/smf.2018.08018.
4 Annals of Internal Medicine 2018, doi:10.7326/M18-2516.
Rédigé le 05.04.2019.

Toujours digne d’être lu

Dysfonction du sphincter d’Oddi: à qui profite la sphinctérotomie?

Le sphincter d’Oddi est une structure musculaire de forme annulaire dans la région de la partie terminale du canal pancréatique et du canal cholédoque. En cas d’absence de mise en évidence de calculs ou d’une tumeur, les symptômes d’obstruction biliaire (douleurs biliaires ou pancréatite idiopathique) sont notamment attribués à une dysfonction («crispation») de cette structure musculaire. Si les enzymes biliaires sont accrues et la voie biliaire dilatée à l’échographie, on parle de type 1; en cas de présence de seulement l’un de ces deux signes, il est question de type 2; en cas d’absence de signes objectifs avec «seulement» des manifestations cliniques (attention!), il est question de type 3. ­L’efficacité des traitements médicamenteux spasmolytiques (antagonistes calciques, nitrates) est incertaine. Le traitement par acides biliaires avec acide ursodésoxycholique (2× 300 mg) semble présenter un bénéfice. Dans le cadre d’une étude prospective randomisée, le bénéfice de la sphinctérotomie endoscopique en cas d’augmentation du tonus du sphincter d’Oddi (d’après la classification actuelle, probablement types 1 et 2) ­documentée à la manométrie a été montré il y a dé­sormais 30 ans. En cas d’absence de mise en évidence d’une augmentation locale de la pression, l’intervention placebo était équivalente à la sphinctérotomie.
N Engl J Med 1989, DOI:10.1056/NEJM198901123200203.
Rédigé le 08.04.2019.

Cela nous a réjouis

Une diminution du cancer du col de l’utérus qui dépasse les espérances

Deux études publiées en parallèle apportent des nouvelles très positives quant à l’effet du dépistage cytologique et de la vaccination contre les virus du papillome humain (VPH): Les femmes suédoises qui respectent les intervalles de dépistage recommandés peuvent réduire leur risque d’adénocarcinome du col de l’utérus à un cinquième, et pour les formes invasives plus rares de carcinome, à un tiers [1]. Les jeunes filles écossaises qui ont été vaccinées avec un vaccin bivalent contre les VPH (VPH 16 et 18) à l’âge de 12–13 ans présentaient une réduction de 90% des lésions cervicales pré-invasives de haut grade à l’âge de 20 ans, et plus le vaccin était ­réalisé tôt, plus l’effet protecteur augmentait [2].
1 BMJ 2019, doi:10.1136/bmj.l1207.
2 BMJ 2019, doi:10.1136/bmj.l1161.
Rédigé le 09.04.2019.

Cela nous a également interpellés

Anti-inflammatoires non stéroïdiens pour la guérison des fractures?

La régénération des tissus, et donc également la guérison des fractures, diminue avec l’âge. La diminution aussi bien du nombre que de l’activité des cellules souches squelettiques joue un rôle central à cet égard. Cela est du moins en partie la conséquence d’une activité inflammatoire accrue. Pour désigner ce phénomène, on emploie un jeu de mots: «age-associated inflammation» est condensé en «inflamm-aging». Dans des expériences menées avec élégance, il a désormais pu être montré que l’activité/le nombre des cellules souches squelettiques ne dépendent pas de l’âge chronologique mais de cette activité inflammatoire. La désactivation du gène d’un régulateur de l’inflammation central, le facteur NF-kappaB, ou son inhibition par le biais d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) a conduit à un «rajeunissement» de ces cellules précurseurs ainsi qu’à une production accrue de tissu osseux dans le cadre d’un modèle ectopique de fracture (transplantation sous une capsule rénale). Etant donné que chez les personnes âgées, les fractures entraînent, entre autres, une morbidité prolongée avec une récupération de l’autonomie fortement compromise, une évaluation approfondie de l’effet des AINS ou d’analogues plus puissants/présentant moins d’effets indésirables en termes de prévention du vieillissement squelettique et de stimulation de la guérison des fractures vaut la peine.
Rédigé le 09.04.2019.

Agence télégraphique médicale

Des chiffres inexpliqués

En Europe, environ 100 patients pour 100 000 habitants sont admis dans une clinique psychiatrique contre leur volonté chaque année, avec des différences énormes entre les différents pays. Avec plus de 280 admissions, l’Autriche est à la tête du palmarès. L’Italie, avec 15 admissions, est la lanterne rouge, et la Suisse se situe dans le tiers inférieur avec environ 60 admissions. A l’échelle de l’Europe, aucune corrélation n’a été trouvée avec les différences concernant la législation et son application ou avec les principaux facteurs socio-économiques. Le nombre d’admissions augmentait toutefois dans les grandes populations issues de la migration (en Suisse, 25% de toutes les admissions).
Lancet Psychiatry, 2019, doi.org/10.1016/S2215-0366(19)30095-1.
Rédigé le 05.04.2018.

Le saviez-vous?

Lesquelles des affirmations suivantes relatives à l’infection par Helicobacter pylori sont exactes (plusieurs réponses possibles)?
A) Pour le diagnostic, la recherche d’antigènes dans les selles, le test respiratoire (à l’urée marquée au 14C) et la mise en évidence histologique sont équivalents.
B) Un test est recommandé en cas de traitement à long terme par glucocorticoïdes.
C) Un contrôle du traitement n’est pas nécessaire en raison du taux élevé d’élimination d’Helicobacter.
D) Helicobacter pylori favorise la survenue des adénocarcinomes gastriques et des lymphomes du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT).
E) Une transmission intrafamiliale d’Helicobacter est possible

Réponse:


Les propositions A, D et E sont correctes. Tous les tests diagnostiques ont une sensibilité/spécificité d’env. 95%. Si une endo­scopie est réalisée, il est logique de privilégier la mise en évidence histologique; sinon, la recherche d’antigènes dans les selles est le test le moins onéreux et le plus simple. Un test n’est pas recommandé en cas de traitement par glucocorticoïdes, mais est recommandé en cas de traitement à long terme par anti-inflammatoires non stéroïdiens. Il est nécessaire de contrôler le résultat thérapeutique et de traiter une deuxième fois avec d’autres antibiotiques en cas de persistance d’Helicobacter («test, treat, test»).
N Engl J Med 2019, DOI:10.1056/NEJMcp1710945.
Rédigé le 01.04.2018.