Syndrome de la queue de cheval
Syndromes radiculaires: partie 2

Syndrome de la queue de cheval

Übersichtsartikel AIM
Édition
2019/2728
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08297
Forum Med Suisse. 2019;19(2728):449-454

Affiliations
Universitätsklinik für Neurochirurgie, Inselspital, Bern

Publié le 03.07.2019

Le syndrome de la queue de cheval est une rareté absolue et c’est notamment la raison pour laquelle, dans la pratique, il confronte les cliniciens à un défi ne devant pas être sous-estimé.

Contexte

La prévalence vie entière des lombalgies dans la population est estimée à 80%, 85–90% d’entre elles étant non spécifiques [1]. Le syndrome de la queue de cheval (SQC) est en revanche une rareté absolue et c’est notamment la raison pour laquelle, dans la pratique, il confronte les cliniciens à un défi ne devant pas être sous-estimé. La prévalence estimée du SQC chez les patients se présentant chez le médecin de famille en raison de maux de dos s’élève à seulement 0,04% [1]. Aux Etats-Unis, à peine 0,12% de toutes les hernies discales sont responsables d’un SQC [2]. Sur le plan statistique, il est admis qu’un médecin de famille ne rencontrera à son cabinet qu’un seul patient atteint du SQC durant toute sa carrière. Néanmoins, chaque médecin devrait être capable de poser rapidement au minimum le diagnostic de suspicion d’un SQC car, mis à part des déficits sensori-moteurs et des douleurs, ce syndrome provoque généralement aussi des troubles fonctionnels vésicaux, rectaux et sexuels. Si cette affection n’est pas détectée rapidement et traitée de façon adéquate en ­urgence, les patients concernés sont exposés à des séquelles graves. Pour cette raison, une grande importance est accordée au SQC à l’échelle internationale et différentes lignes directrices nationales relatives au traitement des lombalgies soulignent l’importance du dépistage d’un SQC. Le SQC est dans la grande majorité des cas causé par des processus (expansifs) mécaniques, qui entraînent des compressions des fibres de la queue de cheval. Il s’agit classiquement d’une hernie discale lombaire totalement séquestrée (hernie discale massive).
Le SQC est une urgence neurochirurgicale. Par conséquent, les patients avec suspicion clinique de SQC doivent être immédiatement adressés à un spécialiste ou à un hôpital central proposant des soins d’urgence correspondants pour y faire l’objet d’investigations diagnostiques approfondies et y être traités. Il est suspecté que les déficits neurologiques résiduels dans le cadre du SQC sont corrélés avec la durée s’écoulant jusqu’à la pose du diagnostic et à la décompression chirurgicale. Toutefois, le moment optimal pour la résection chirurgicale d’une hernie discale massive en cas de SQC à partir du début des symptômes ne fait pas l’unanimité et est discuté de façon controversée dans la littérature.
Concernant les syndromes de compression radiculaire cervicale et lombaire, nous renvoyons les lecteurs à notre précédent article «Partie 1 – Radiculopathies cervicales et lombaires» paru dans le numéro 25–26/2019 du Forum Médical Suisse.

Rappel: anatomie et physiopathologie

Etant donné qu’à l’âge adulte, le cône médullaire se ­termine généralement à hauteur de la première vertèbre lombaire, les racines nerveuses lombo-sacrées cheminent dans le canal rachidien sur un plus long trajet que les racines nerveuses cervico-thoraciques. Les 9 paires de racines nerveuses (L2–L5, S1–S5), qui parcourent le canal rachidien lombo-sacré distalement par rapport au cône médullaire, forment la queue de cheval (en latin cauda equina) (fig. 1).
Figure 1: Illustration schématique du rachis thoraco-lombaire avec le sacrum. Vue depuis l’arrière, avec coupe coronale à ­travers le pédicule. Sont représentés le cône médullaire, qui se termine à hauteur de la première vertèbre lombaire, et le trajet de la queue de cheval dans le canal rachidien. 
(© Clinique universitaire de neurochirurgie, Inselspital, Berne.)
Dans le cadre du SQC, il se produit une compression aiguë des fibres de la queue de cheval au sein du canal rachidien, sous le cône médullaire, le plus souvent en raison d’une hernie discale volumineuse (massive). En fonction de la hauteur de la lésion, la partie crâniale de la queue de cheval, avec les racines nerveuses correspondantes, peut être épargnée et rester fonctionnelle.

Aspects cliniques

Causes du syndrome de la queue de cheval

La compression des fibres de la queue de cheval peut avoir différentes causes (tab. 1). L’étiologie de loin la plus fréquente est une hernie discale centrale séquestrée, le plus souvent à hauteur de L4/5 ou L5/S1. En cas de hernie discale lombaire, la rupture de l’anneau fibreux entraîne une hernie du noyau pulpeux, qui peut pénétrer dans le canal rachidien sous forme de séquestre libre en traversant le ligament longitudinal postérieur. Cela provoque alors un refoulement et une compression des fibres de la queue de cheval (fig. 2).
Tableau 1: Causes du syndrome de la queue de cheval.
DégénérativesHernie discale
Sténose du canal rachidien
Spondylolisthésis de haut grade
TraumatiquesFractures vertébrales
Hémorragies intrarachidiennes ­­
(péridurales, intradurales)
TumoralesTumeurs rachidiennes primaires ­(extradurales, intradurales)
Métastases
Infectieuses/inflammatoiresEmpyème intrarachidien
Arachnoïdite
Infection virale, avant tout chez les patients immunodéprimés
IatrogènesHémorragie péridurale ou intradurale post-opératoire/post-interventionnelle
Hémorragie spontanée sous anticoagulation
AutresFractures vertébrales ostéoporotiques
Kystes rachidiens, avant tout kystes ­synoviaux
Ischémie spinale
Figure 2: Illustration d’une volumineuse hernie discale médiane séquestrée avec refou­lement et compression des fibres de la queue de cheval. (© Clinique universitaire de neurochirurgie, Inselspital, Berne.)
Par ailleurs, une sténose centrale avancée du canal rachidien lombaire peut également provoquer un SQC. Chez les patients récemment opérés du rachis lombaire ou ayant fait l’objet d’infiltrations lombaires, il convient aussi toujours de songer à une hémorragie péridurale post-opératoire/post-interventionnelle et la situation doit être rapidement clarifiée au moyen d’une IRM en présence de symptômes aigus correspondants.
Parmi les autres déclencheurs potentiels figurent la migration de fragments vertébraux dans le canal rachidien suite à un traumatisme, les fractures vertébrales ostéoporotiques, les tumeurs rachidiennes et les kystes rachidiens, ainsi que les hémorragies intrarachidiennes spontanées et les infections. Des affections ischémiques ou inflammatoires touchant plusieurs fibres de la queue de cheval sont plus rarement en cause.

Symptômes et anomalies neurologiques

Le SQC survient souvent entre l’âge de 31 et 50 ans [3]. Il peut survenir de façon aiguë en l’espace de quelques heures chez des patients sains sans troubles lombo-vertébraux préexistants ou alors, il forme pour ainsi le point culminant chez les patients avec lumbago chronique et/ou lombosciatiques récidivantes. L’ensemble des fonctions neurologiques des racines nerveuses lombo-sacrées peuvent être affectées, avec typiquement un déficit bilatéral des fonctions motrices, sensorielles et végétatives, d’intensité variable. Les signes cliniques typiques incluent une parésie flasque avec une abolition des réflexes ostéotendineux (aréflexie). Dans la mesure où les nerfs périphériques (comprenant le motoneurone inférieur) sont comprimés en cas de SQC, le signe de Babinski (signes pyramidaux) se révèle négatif. Classiquement, les patients présentent en outre une anesthésie en selle, due à la déficience de l’ensemble des fonctions sensitives dans plusieurs dermatomes lombo-sacrés. Il est tout particulièrement essentiel d’évaluer la présence de troubles de la sensibilité dans la région périnéale et périanale. Enfin, le SQC donne lieu à des troubles fonctionnels vésicaux, rectaux et sexuels, avec vessie neurogène (miction par regorgement) et diminution du tonus du sphincter anal. Les signes cliniques typiques et symptômes d’alerte sont présentés dans les tableaux 2 et 3. Pour simplifier, il convient toujours de songer à un SQC lorsque les symptômes unilatéraux classiques d’une hernie discale (douleurs de type sciatique, hypoesthésie, paresthésie, déficits moteurs) s’étendent également à l’autre côté, et une hypoesthésie périanale et une miction par regorgement doivent alors être recherchées de façon ciblée. Pour les autres causes, les symptômes bilatéraux doivent également amener à suspecter un SQC. Les douleurs peuvent faire défaut au stade tardif («mort des racines nerveuses»).
Tableau 2: Symptômes classiques en cas de syndrome de la queue de cheval.
1Lombosciatique bilatérale
2Anesthésie ou hypoesthésie périnéale/périanale ­(anesthésie en selle)
3Trouble fonctionnel vésical: vessie neurogène ­
(miction par regorgement, indolore)
4Tonus du sphincter anal réduit ou aboli, parfois avec incontinence fécale
5Dysfonction sexuelle (par ex. diminution de la sensibilité dans la région génitale, dysfonction érectile)
Tableau 3: «Red flags» publiés à l’échelle internationale pour le syndrome de la queue de cheval (modifié d’après [1]).
Dysfonction vésicale (aiguë) (rétention urinaire, miction par regorgement)
Douleurs irradiant dans les deux jambes
Troubles sensoriels diffus dans les membres inférieurs
Trouble de la marche
Lombosciatique
Parésie progressive dans les membres inférieurs
Tonus du sphincter anal réduit
Anesthésie en selle / anesthésie/hypoesthésie périnéale
Incontinence fécale
Comme déjà mentionné, les symptômes du SQC dépendent de la localisation de la lésion. Il convient de noter qu’une hernie discale médiane massive à hauteur de L5/S1 peut comprimer uniquement les fibres de la queue de cheval en-dessous de L5 ou S1. Cela signifie que «seule» une anesthésie en selle avec des troubles fonctionnels vésicaux et rectaux peut être présente sur le plan clinique, même sans lombosciatique ou parésies dans les jambes, en cas de tableau incomplet.
L’ensemble des paramètres cliniques et neurologiques, en particulier la sensibilité périanale et le statut du sphincter anal, doivent être évalués minutieusement et documentés. Le moment auquel les déficits neurologiques sont survenus pour la première fois est aussi tout particulièrement déterminant. Cela permet au spécialiste de comparer son examen clinique, d’évaluer de façon critique la dynamique des anomalies et de trier en conséquence le patient.
Enfin, il convient de signaler qu’en cas de suspicion de SQC confirmée ou constatée ultérieurement, un médecin peut être attaqué sur le plan médico-légal dans le cadre d’un éventuel procès ultérieur s’il a évalué le statut neurologique de façon incomplète et ne l’a pas suffisamment documenté.

Prise en charge du syndrome de la queue de cheval

Diagnostic radiologique

Lorsqu’un médecin ou une autre personne ayant des qualifications médicales, par ex. un physiothérapeute, suspecte un SQC, le patient doit faire l’objet d’investigations en urgence, encore le même jour. La modalité diagnostique de choix est l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis lombo-sacré, avec recherche d’une compression nerveuse dans la région de la queue de cheval (fig. 3). Si aucune IRM n’est disponible dans un délai opportun, il est alternativement possible de recourir à la tomodensitométrie (TDM) ou à la myélo-TDM. Le corrélat radiologique le plus fréquent est, comme mentionné plus haut, un volumineux séquestre discal remplissant le canal rachidien, avec un refoulement correspondant. En cas de suspicion radiologique d’un processus tumoral ou infectieux, il convient d’obtenir une réponse définitive en réalisant une séquence d’imagerie avec utilisation de produit de contraste.

Evaluation d’un dysfonctionnement vésical neurogène

Dans la mesure du possible, un dysfonctionnement ­vésical doit être quantifié. A cet effet, il est demandé au patient de vider sa vessie, ce qui est souvent impossible chez les patients fortement accablés par la douleur. ­Ensuite, il convient de déterminer la quantité d’urine résiduelle dans la vessie par échographie ou par sonde urinaire, qui est une méthode encore plus précise. Dans une optique d’évaluation rapide, la sonde urinaire doit être privilégiée par rapport à l’évaluation échographique par un radiologique, d’autant plus que les patients souffrant de miction par regorgement d’origine neurogène requièrent dans un premier temps de toute façon une sonde urinaire à demeure. Chez les adultes, une quantité d’urine résiduelle supérieure à 100 millilitres doit être considérée comme pathologique, sachant que des valeurs plus élevées sont également mentionnées dans la littérature.

Traitement

En cas de confirmation clinique-radiologique d’un SQC, il s’agit d’une urgence neurochirurgicale dès lors que les symptômes neurologiques sont survenus de ­façon aiguë au cours des dernières 24 à 48 heures. L’opération a pour objectif de décomprimer les fibres de la queue de cheval en les épargnant le plus possible et le plus rapidement possible. En cas de hernie discale, la décompression est obtenue au moyen d’une séquestrectomie microchirurgicale. En cas de tumeurs ou de séquelles traumatiques, il est parfois nécessaire de pratiquer une laminectomie avec ou sans instrumentation pour stabiliser les segments concernés. Un empyème intrarachidien ou un hématome rachidien est évacué via un abord correspondant.

Discussion

Définition du syndrome de la queue de cheval

Jusqu’à récemment, le SQC n’était pas défini de manière homogène et jusqu’à 17 définitions différentes ont été décrites [4]. En outre, le dysfonctionnement ­vésical et rectal était intégré de façon variable dans la description du SQC. Désormais, il existe un plus grand consensus, et cinq propriétés caractéristiques du SQC sont régulièrement stipulées [5]. Ces dernières sont présentées dans le tableau 2. Cette définition doit servir de standard au clinicien lors de l’évaluation systématique du statut clinique-neurologique chez les patients avec suspicion de SQC. En principe, il convient de songer à un SQC chez tout patient présentant un lumbago aigu et/ou une lombosciatique, des troubles fonctionnels vésicaux et rectaux et une anesthésie/­hypoesthésie périanale concomitante.
Dépendant des articles de la littérature, le SQC est également subdivisé en deux ou quatre stades, qui sont définis par la perte progressive des fonctions de la queue de cheval, en particulier de la fonction vésicale (tab. 4) [5, 6]. Dans ce contexte, la distinction est avant tout faite entre SQC avec rétention urinaire et SQC sans rétention urinaire, d’où l’utilisation de l’abréviation CESI («incomplete cauda equina syndrome») pour désigner un SQC incomplet sans rétention urinaire et de l’abréviation CESR («cauda equina syndrome with retention») pour désigner un SQC avec rétention urinaire.
Tableau 4: Classification en stades du syndrome de la queue de cheval.
CESS («Suspected»)Douleurs radiculaires bilatérales dans les jambes
CESI («Incomplete»)Troubles de la vidange vésicale, mais sans rétention urinaire
CESR («Retention»)Rétention urinaire indolore (vessie rétentionniste neurogène)
CESC («Complete»)Perte totale des fonctions de la queue de cheval

Chirurgie: Quand faut-il opérer?

Les preuves disponibles dans la littérature concernant le moment auquel il faut opérer en cas de SQC sont médiocres, et cet aspect fait l’objet de discussions controversées dans la littérature. Certaines études ont montré une récupération significativement meilleure de la fonction vésicale/rectale et des déficits moteurs et sensoriels en cas d’intervention chirurgicale réalisée dans les 48 heures suivant le début des symptômes. D’autres études n’ont en revanche pas trouvé d’amélioration statistiquement significative de la fonction neurologique en cas d’opération précoce. Les études actuellement disponibles se limitent toutefois à des analyses de séries de cas rétrospectives ou à des méta-analyses de ces dernières (niveau de preuve IV) [7, 8]. Par conséquent, les lignes directrices cliniques de la «North American Spine Society (NASS)», qui ont été publiées en 2012, ne contiennent pas de recommandation relative au moment de l’opération en cas de SQC en raison des preuves insuffisantes. Néanmoins, la grande majorité des auteurs et neurochirurgiens préconisent une opération en urgence en cas de SQC, le plus rapidement possible, ce qui correspond également à l’opinion et à la pratique des auteurs de cet article.
Pourtant, la seule volonté du chirurgien et la mise en œuvre des prérequis logistiques et personnels pour une opération rapide ne suffisent souvent pas à créer les conditions nécessaires pour obtenir le meilleur pronostic possible. En effet, dans la réalité, il n’est pas rare que les patients consultent uniquement un médecin plusieurs jours après le début des symptômes, ce qui peut s’expliquer par diverses raisons. De nombreux patients ne connaissent sans doute pas la portée de leurs symptômes, ils les dédramatisent ou ils attendent d’abord pour voir si les symptômes s’améliorent spontanément. Dans ces situations également, une décompression chirurgicale la plus rapide possible est recommandée en cas d’anomalies radiologiques et cliniques univoques.

Pronostic

Les données relatives au pronostic postopératoire en cas de SQC sont très hétérogènes dans la littérature. Les données les plus récentes issues de séries de cas rétrospectives dressent néanmoins un tableau plutôt sombre. Dans un article néerlandais publié récemment portant sur un total de 75 patients avec SQC, après 9 semaines, 48% de tous les patients présentaient encore des troubles fonctionnels vésicaux, 42% des troubles fonctionnels rectaux et 53% des troubles fonctionnels sexuels, 48% se plaignaient de lombosciatiques persistantes et 57% se plaignaient d’anesthésies en selle [9]. D’après les auteurs, la durée moyenne entre le début des symptômes et l’opération s’élevait néanmoins à 84 heures. Le potentiel de récupération à plus long terme des fonctions mentionnées est également modeste. Dans une autre étude récente, le même groupe de travail a analysé le pronostic à long terme, avec un suivi de près de 14 ans. A ce moment-là, 38% des patients souffraient encore de troubles mictionnels, 43% de troubles défécatoires et 54% de troubles fonctionnels sexuels [10]. Dans une étude observationnelle prospective récente, aucune corrélation n’a été trouvée entre la durée du trouble vésical neurogène préopératoire (durée médiane de 72 heures), la taille du séquestre discal et la persistance postopératoire du trouble fonctionnel vésical. Le moment de la chirurgie (<48 heures vs. >48 heures) n’avait lui non plus pas d’influence statistiquement significative sur ce paramètre [11]. Malgré tout, les auteurs plaident eux aussi en faveur d’une décompression la plus précoce possible en cas de SQC. Dans une autre étude observationnelle rétrospective ayant porté sur 136 patients avec SQC opéré, aucun avantage statistique concernant les troubles fonctionnels vésicaux et rectaux n’a été trouvé en cas d’opération précoce (<24 heures) [12].

Lignes directrices

Comme mentionné au début de cet article, plus de 90% des lombalgies sont non spécifiques, et seule la minorité restante de patients souffrent de pathologies sous-jacentes spécifiques à l’origine des lombalgies. A côté des pathologies dégénératives chroniques le plus souvent incriminées, les lombalgies peuvent être causées par des maladies graves et devant faire l’objet d’investigations, qui sont subdivisées en quatre catégories: tumeurs, fractures, SQC et infections. Afin de répondre aux besoins de ces patients et de ne pas manquer des diagnostics lourds de conséquences, des lignes directrices et des signaux d’alerte («red flags»), qui doivent servir d’orientation au clinicien lors du dépistage des patients, sont publiés. Il est admis que la présence de «red flags» est associée à un risque accru de pathologies graves en tant que corrélat des lombalgies.
Toutefois, de nombreuses lignes directrices contiennent une définition variable des «red flags», et la liste des «red flags» qu’il faut rechercher dans le cadre du diagnostic a une longueur variable en fonction des lignes directrices. Une étude récemment publiée a analysé 16 lignes directrices différentes provenant de différents pays à l’attention des médecins dans la pratique pour la prise en charge des lombalgies [1]. Au total, 46 «red flags» ont été identifiés, dont neuf ont été spécifiquement mentionnés pour le dépistage d’un SQC (tab. 3). Les auteurs critiquent l’absence de consensus entre les lignes directrices existantes, ainsi que le manque de preuves relatives aux «red flags» recommandés. Qui plus est, les «red flags» présentent une très faible spécificité, ce qui signifie que le diagnostic de suspicion ne se confirmera pas dans la ­plupart des cas. Ce rendement négatif est encore davantage accentué par la très faible prévalence du SQC dans la population (faible valeur prédictive positive). Malgré tout, les lignes directrices sont tout à fait utiles dans la pratique et elles servent au recueil systématique de l’anamnèse et du statut neurologique.

Perspectives

Chez les patients souffrant de troubles rachidiens, une collaboration interdisciplinaire étroite et un échange entre notamment les médecins de famille, les physiothérapeutes et les spécialistes s’avèrent absolument ­indispensables pour l’identification et l’évaluation rapides des patients avec suspicion de SQC.
Bien que le SQC survienne plutôt chez des patients jeunes, il convient également d’être attentif au vieillissement croissant de la population. En effet, la prévalence des affections rachidiennes dégénératives, tumorales, mais également traumatiques est en augmentation dans la population gériatrique. L’anamnèse et l’examen musculo-squelettique/neurologique de ces patients, avec une documentation correspondante dans la pratique, gagnera ainsi en importance. Cette population de patients devrait être informée systématiquement au sujet des symptômes et conséquences du SQC afin d’endiguer au maximum la morbidité associée à cette maladie.

L’essentiel pour la pratique

• Le SQC est très rare, mais il s’agit d’une urgence neurochirurgicale. Un retard de diagnostic et de traitement est associé à un risque accru de ­déficits neurologiques graves persistants.
• Les principales caractéristiques du SQC sont la survenue bilatérale des symptômes, qui sont uniquement unilatéraux en cas de hernie discale, ainsi que les troubles fonctionnels vésicaux, rectaux et sexuels avec anesthésie en selle, qu’il convient également de rechercher. Les autres déficits moteurs et sensitifs sont variables.
• En cas de suspicion de SQC, les patients devraient être adressés en urgence dans un centre compétent pour une évaluation rapide et, le cas échéant, une décompression chirurgicale.
• Près de la moitié de tous les patients opérés souffrent encore après des années de troubles fonctionnels des racines nerveuses sacrées. Une opération la plus précoce possible semble être associée à un meilleur pronostic et à moins de déficits neurologiques persistants.
• Tous les patients avec hernies discales lombaires connues devraient être informés des symptômes d’alerte d’un SQC et y être sensibilisés, car une consultation rapide du médecin est déterminante pour éviter les retards dans la pose du diagnostic.
Nous adressons tous nos remerciements à Madame Anja Giger, illustratrice médicale, pour la création des illustrations, au Dr Marco Kläy, FMH médecine interne générale, pour la relecture critique du manuscrit et ses remarques constructives, ainsi qu’à l’équipe de l’institut universitaire de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle pour la mise à disposition des images neuroradiologiques.
Les auteurs n’ont pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en lien avec cet article.
Dr méd. Ralph T. Schär
Universitätsklinik
für Neurochirurgie
Inselspital
Freiburgstrasse 18
CH-3010 Bern
Ralph.Schaer[at]insel.ch
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