Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/5152
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08436
Forum Med Suisse. 2019;19(5152):829-832

Publié le 18.12.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur … Œsophagite médicamenteuse

Médicaments
– Bisphosphonates oraux
– Tétracyclines et clindamycine
– Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
– Chlorure de potassium (KCl) et, dans de rares cas, autres médicaments (rapports de cas)
Facteurs de risque
– Anomalies fonctionnelles et structurelles de l’œsophage préexistantes
– Prise en position allongée
– Age
Pathogenèse
– Médicaments en tant qu’acides
– Hyperosmolalité locale (KCl)
– Lésions des parois cellulaires (AINS)
Un cas impressionnant d’œsophagite induite par la tétracycline a été publié dans: ­Lancet 2019, doi.org/10.1016/S0140-6736(19)32565-6.
Rédigé le 11.11.2019.

Pertinents pour la pratique

Antidépresseurs au cabinet du médecin de famille

Les antidépresseurs se trouvent dans une situation ­difficile s’agissant de leur indication principale. Ils exercent un effet statistiquement significatif, quoique modeste, en cas d’épisodes dépressifs sévères. Malheureusement, ils n’agissent pas du tout chez un tiers à la moitié des patients. Une personnalisation du traitement antidépresseur s’avère dès lors urgente. Mais qu’en est-il de leur effet chez les patients non sélec­tionnés pris en charge au cabinet du médecin de famille? Dans l’étude PANDA, des médecins de famille (sans sponsoring pharmaceutique) ont traité de façon contrôlée contre placebo leurs patients atteints de dépression et de troubles anxieux par l’antidépresseur sertraline. Le diagnostic a pour l’essentiel été posé au moyen d’un questionnaire (PHQ-9). Après 6 semaines, aucun effet sur la dépression n’a été constaté à la fois sous placebo et sous antidépresseur; après 12 semaines, une amélioration légère mais significative a été constatée sous antidépresseur. Toutefois, une amélioration considérable et significative des symptômes anxieux et de la «qualité de vie générale» évaluée subjectivement a été observée sous sertraline.
Faut-il dès lors prescrire plus souvent des antidépresseurs au cabinet du médecin de famille, comme le préconisent les auteurs? Quoi qu’il en soit, ils agissent davantage sur les symptômes anxieux que sur les symptômes dépressifs, et l’effet doit uniquement être évalué après 2 à 3 mois. Une fois qu’ils ont été prescrits, les antidépresseurs doivent continuer à être pris durant 6 mois après la disparition (l’atténuation) des symptômes, d’après les recommandations. De nombreux patients poursuivent néanmoins le traitement, notamment en raison de l’effet rebond ou de l’effet de sevrage. La prescription d’antidépresseurs reste donc toujours une décision difficile et littéralement de longue portée …
Lancet Psychiatry 2019, doi.org/10.1016/S2215-0366(19)30366-9.
Rédigé le 21.10.2019.

Pas uniquement dans le football américain

A quoi ressemblerait la version anglaise du sport de balle le plus pratiqué au monde sans jeu de tête? Le football serait-il toujours aussi intéressant? Nous le saurons peut-être bientôt, car d’après des informations issues du registre de la santé portant sur près de 8000 anciens footballeurs professionnels écossais (nés avant 1977), ces derniers présentaient une probabilité significativement accrue de développer une maladie dégénérative du système nerveux central (par rapport à des individus contrôles trois fois plus nombreux). Les causes de décès, un indice d’isolement social et la fréquence des prescriptions de médicaments anti-démence ont servi de base pour l’analyse. Les gardiens de but semblaient relativement protégés contre cette évolution, ce qui suggère que les traumatismes récidivants consécutifs à des coups de ballon sur la tête sont la cause la plus probable. Toutefois, la mortalité liée à la démence n’était pas plus faible chez les gardiens de but. Dans l’ensemble, la mortalité globale jusqu’à l’âge d’env. 70 ans était plus faible chez les footballeurs professionnels (avant tout en raison de causes cardiovasculaires moindres), mais elle augmentait significativement par rapport au groupe contrôle au-delà de cet âge, en lien avec la démence.
N Engl J Med. 2019, doi.org/10.1056/NEJMoa1908483.
Rédigé le 08.11.2019.

«Vaping illness»: une vitamine toxique?

Les tocophérols (alpha, bêta, gamma, «vitamine E») sont intégrés dans la membrane cellulaire à double couche composée de phospholipides et de cholestérol et ils y augmentent la phase gel aux dépens de la phase solide de la membrane, induisant ainsi pour ainsi dire une liquéfaction de la membrane (phénomène bien connu pour les thrombocytes humains dans les tests in vitro [1]). Dans le liquide du lavage broncho-alvéolaire de patients atteints de «vaping illness», de l’acétate de vitamine E a été retrouvé, mais pas les autres additifs incriminés (huiles végétales, pétrole, terpènes, etc.) [2]. De la vitamine E a été trouvée dans l’ensemble des 29 échantillons de malades analysés; dans 28 des 29 échantillons, du tétrahydrocannabinol (THC) a également été mis en évidence, y compris chez trois patients ayant nié avoir consommé du THC. De la vitamine E est ajoutée au THC, du moins aux Etats-Unis. L’acétate de vitamine E pourrait endommager directement les membranes cellulaires dans les alvéoles ou le surfactant. Il serait essentiel de mener une étude interventionnelle, probablement sur un modèle animal. Le nom officiel de cette maladie, qui est important pour trouver des informations complémentaires, est au demeurant: «e-cigarette, or vaping, product use associated lung injury», en abrégé EVALI. Au 11 novembre 2019, plus de 2100 cas d’EVALI avaient été signalés; la mortalité s’élevait à env. 2%.
1 Biochem Biophys Res Com 1982, doi.org/10.1016/0006-291X(82)91787-9.
2 MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2019, doi.org/10.15585/mmwr.mm6845e2.
Rédigé le 11.11.2019.

Pour les médecins hospitaliers

Immunoglobulines: pas de bénéfice dans la grippe de type A, mais dans la grippe de type B?

Dans une étude conduite durant cinq saisons grippales (2013/14–2017/18) dans différents pays, des patients âgés de plus de 18 ans (et sans grossesse pour les femmes) ­atteints de grippe de type A ou de grippe de type B ont été randomisés de façon prospective en double aveugle pour être traités à une reprise soit par immunoglobulines (0,25 g/kg de poids corporel, n = 168) soit par placebo (n = 161) [1]. La plupart des patients ont en outre reçu l’inhibiteur de la neuraminidase oseltamivir. Bien que les immunoglobulines aient induit une élévation des titres significativement plus prononcée (mesurée au moyen de l’inhibition de l’hémagglutination), ­aucun bénéfice clinique (décès, hospitalisations, besoin en oxygène, nécessité d’hospitalisation en unité de soins intensifs) n’a pu être mis en évidence dans le cadre de la grippe de type A. La probabilité de survenue de ces critères en cas de grippe de type B était toutefois significativement plus faible sous immunothérapie («odds ratio» de 3,2 pour tous les critères confondus). Une deuxième étude, qui s’est concentrée sur l’effet en cas de grippe de type A, est parvenue à la même conclusion pour cette infection [2].
Evolution de la grippe 2019/2020 en Suisse: Nombre de consultations hebdomadaires dues à une affection grippale, extrapolé pour 100 000 habitants (Semaine 48/2019). Source: Office fédéral de la santé publique (OFSP). Grippe saisonnière – Point de la situation 48/2019, © OFSP. www.bag.admin.ch/rapport-grippe .
1 Lancet Respir Med. 2019, doi.org/10.1016/S2213-2600(19)30253-X
2 Lancet Respir Med. 2019, doi.org/10.1016/S2213-2600(19)30199-7.
Rédigé le 08.11.2019.

Prévention de la pneumonie associée à la ­ventilation mécanique

Contrairement à une précédente étude monocentrique de (trop) petite taille, l’administration contrôlée contre placebo d’amoxicilline/acide clavulanique (3 × 1,2 g/jour durant 2 jours) chez des patients avec réanimation après arrêt cardiocirculatoire survenu en dehors de l’hôpital a entraîné une réduction de près de moitié de l’incidence de la pneumonie associée à la ventilation mécanique de survenue précoce (7 premiers jours), avec toutefois une signification statistique modeste (p = 0,03). Dans cette étude multicentrique française, une hypothermie artificielle de 32–34 oC faisait partie du protocole dans les deux groupes, comprenant chacun 99 patients. Les autres infections, telles que les infections sur cathéter ou les infections urinaires, n’ont pas été influencées significativement.
N Engl J Med. 2019, doi.org/10.1056/NEJMoa1812379.
Rédigé le 08.11.2019.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Génétique des génomes de cancers: indications d’efficacité pour des médicaments connus

Cette étude attire à nouveau l’attention sur l’utilisation trop limitée et insuffisante des possibilités offertes par la génétique tumorale: lors de l’analyse du génome entier (toutes les séquences d’ADN traduites en ARN/protéines, «whole exome sequencing») de carcinomes du col utérin, plusieurs mutations ont été retrouvées dans différents processus cellulaires (régulation de la croissance, apoptose, mécanismes du cycle cellulaire, etc.). La voie mTOR s’est révélée particulièrement prometteuse pour une intervention, et les mutations au niveau de cette voie expliquent au minimum 70% du développement d’un carcinome cervical. Les médicaments qui inhibent de façon irréversible le récepteur muté du facteur de croissance épidermique (HER, connu dans le cancer du sein), en combinaison avec des substances inhibitrices des transmissions de signaux intracellulaires également mutées suite à l’action du récepteur, se sont avérés hautement efficaces pour l’induction et le maintien d’une rémission du cancer cervical (expérience chez l’animal, xénogreffes, voir figure).
Substances inhibitrices contre les mutations activantes dans le carcinome du col utérin.
L’AKT, aussi connue sous le nom de protéine kinase B, est une sérine/thréonine kinase. Les kinases ajoutent un phosphate à leur substance cible (phosphorylation).
Proc Natl Acad Sci U S A. 2019, doi.org/10.1073/pnas.1911385116.
Rédigé le 11.11.2019.

Toujours digne d’être lu ... ou de préférence laissé aux oubliettes?

Undercover dans la psychiatrie

Entre 1970 et 1972, huit personnes «normales» (dont l’auteur unique de la publication) ont accepté d’être internées dans huit différentes cliniques de psychiatrie avec comme symptôme principal des hallucinations auditives. Mise à part une certaine tension nerveuse au début, qui s’expliquait par le fait qu’elles avaient peur d’être démasquées, elles se sont senties bien à la clinique. Elles ont été étonnées par la simplicité avec laquelle l’internement volontaire a été mis en œuvre. Immédiatement après l’admission, les huit volontaires ont expliqué que les symptômes avaient disparu et se seraient comportés comme à leur domicile (ils aidaient pour les tâches du service et recherchaient le dialogue avec les autres patients et le personnel). Le personnel du service n’est manifestement dans aucun cas parvenu à discerner la santé mentale de ces personnes. Cette étude largement citée est toujours encore considérée comme une preuve que le diagnostic différentiel «normal» ou «fou» («sane or insane») était difficile et l’est peut-être encore toujours [1]. Après avoir mené une recherche d’envergure, une journaliste a décelé des inexactitudes et des informations manquantes, qu’elle vient de publier sous forme de livre [2]. La question de savoir si les conclusions centrales de la publication s’en trouvent invalidées reste indéterminée. L’auteur ne peut plus se défendre, car il est décédé il y a quelques années. Toutefois, son travail pourrait au minimum avoir exagéré la problématique. Au début des années 1970, il y a en effet eu un grand mouvement «anti-psychiatrie», ce qui aurait pu influencer de façon partiale la manière dont l’étude a été accueillie par les réviseurs et les lecteurs. D’un point de vue littéraire, son titre est relativement frappant («On being sane in insane places») …
2 Callahan S. «The Great Pretender». 1st ed. New York: The Grand Central Publishing; 2019.
Rédigé le 12.11.2019.

Cela nous a également interpellés

Infections orales à HPV et effet de la vaccination chez les adolescentes

Les infections orales par les papillomavirus humains (HPV) peuvent notamment être transmises via les rapports sexuels oraux. Env. 10% des hommes sexuellement actifs et près de 4% des femmes sexuellement actives présentent une infection orale à HPV, la fréquence augmentant avec l’âge (au sein de la période de vie d’activité sexuelle). Le plus souvent, l’infection disparaît spontanément après 1–2 ans. On ignore pourquoi elle persiste chez un sous-groupe d’individus et est alors responsable de 70% (probablement le plus souvent en association avec le tabagisme et la consommation d’alcool) des carcinomes de l’oropharynx. La vaccination anti-HPV est également dirigée contre les types d’HPV tumorigènes dans l’oropharynx; on peut s’attendre à ce que la fréquence des carcinomes oropharyngés s’en trouve réduite, mais cela n’est pas encore prouvé [1]. Sur 1259 adolescentes sexuellement actives d’après leurs dires provenant de New York (Bronx; env. une moitié étaient afro-américaines et l’autre moitié hispaniques), 92% ont rapporté avoir/avoir eu des rapports sexuels oraux. Plus de 6% d’entre elles étaient positives pour l’HPV oral au début de l’étude. Cette positivité a diminué de moitié environ en l’espace de 4 ans. Les adolescentes vaccinées contre l’HPV avaient un risque cinq fois plus faible d’infection par les types d’HPV couverts par le vaccin (HPV 6, 11, 16, 18; [2]).
Rédigé le 22.11.2019.

Un «nouvel» antibiotique pour la pneumonie communautaire

La pleuromutiline est un antibiotique connu depuis les années 1950, qui est issu du champignon Pleurotus mutilus (d’où son nom) et qui inhibe la synthèse des protéines bactériennes par liaison à l’ARN ribosomal. Des dérivés semi-synthétiques de la pleuromutiline ont pour l’instant été utilisés dans la médecine vétérinaire et en application topique pour l’impétigo (rétapamuline 1% [Altargo®]). Un autre dérivé, la léfamuline (autorisation par la «Food and Drug Administration» en août 2019), a été évalué en administration orale par rapport à la moxifloxacine pour le traitement des pneumonies communautaires (étude LEAP2) et il a montré un effet comparable («non-infériorité»). Toutefois, les diarrhées étaient env. dix fois plus fréquentes (12%) et les nausées presque trois fois plus fréquentes (plus de 5%) que sous moxifloxacine. Aux Etats-Unis, la léfalumine (Xenleta™), qui n’est pas encore autorisée en Suisse, est commercialisée sous forme intraveineuse et orale pour des coûts de traitement journaliers de plus de 200 dollars américains. Ainsi, cet antibiotique pourrait en premier lieu se voir attribuer un statut de médicament de réserve.
Rédigé le 08.11.2019.

En cette période chargée précédant Noël: soyons encore plus directs!

Entraînement vestibulaire en ligne

Pour la récupération des fonctions vestibulaires, un entraînement de plusieurs mois est essentiel. Aux Pays-Bas, moyennant un entraînement vestibulaire en ligne, l’entraînement a pu être amélioré grâce à un accès plus simple pour les patients et le traitement manifestement trop peu prescrit a également pu être appliqué.
BMJ 2019, doi.org/10.1136/bmj.l5922. Le site en question pour l’entraînement est: https://balance.lifeguidehealth.org.
Rédigé le 11.11.2019.

Deuxième tentative pour les anticorps ­monoclonaux en cas de maladie d’Alzheimer

Après une étude clinique jugée négative (chute du prix des actions de 320 à 220 dollars américains), l’anticorps anti-bêta-amyloïde humaine (aducanumab) développé en Suisse est désormais tout de même soumis par l’entreprise Biogen à la «Food and Drug Administration» (ré-augmentation du prix des actions de 80 dollars américains). En cas d’utilisation prolongée et à dose élevée (d’où un coût thérapeutique certainement plus élevé), certains patients (données non publiées séparément, analyse en sous-groupes) présenteraient une évolution ralentie.
Rédigé le 11.11.2019.

La cytomégalie en tant que précurseur de la ­tuberculose chez les enfants

La réponse immunitaire à une primo-infection à cytomégalovirus peut conduire à une vulnérabilité accrue des enfants à la tuberculose. L’activité des «natural killer cells» et la réponse immunitaire cellulaire (CD3-CD4-CD8) sont réprimées par l’infection à cyto­mégalovirus et pourraient expliquer une partie des ­infections tuberculeuses.
Rédigé le 12.11.2019.

Le saviez-vous?

Un homme de 78 ans atteint d’un myélome multiple (IgG-kappa) présente une valeur de calcium de 2,23 mmol/l, une créatinine normale et une hyperphosphatémie sévère de 12,9 mmol/l.
La cause la plus probable de l’hyperphosphatémie est:
A) Hypoparathyroïdie secondaire (dans le cadre d’un syndrome POEMS: polyneuropathie, organomégalie, endocrinopathie, protéine monoclonale, altérations cutanées)
B) Anémie hémolytique
C) Pseudohyperphosphatémie

Réponse


La réponse correcte est la réponse C. Les protéines monoclonales du myélome peuvent (dans de rares cas) présenter des propriétés de liaison du phosphate (et du calcium). Dans le cadre des analyses diagnostiques de routine, le phosphate total est déterminé. Le patient ne présentait pas de symptômes d’hyperphosphatémie. Après déprotéinisation, le phosphate s’était normalisé.
Rédigé le 12.11.2019.