Thrombophilie dans la pratique quotidienne (10×)
Liste de vérifications pour les analyses de la coagulation

Thrombophilie dans la pratique quotidienne (10×)

Editorial
Édition
2020/0506
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.08462
Forum Med Suisse. 2020;20(0506):67-68

Affiliations
a Departement für Innere Medizin, Kantonsspital Baden; b Center for Molecular Cardiology, Universität Zürich

Publié le 28.01.2020

Liste de vérifications pour les analyses de la coagulation.

«Rendez les choses aussi simples que possible, mais pas plus simples!» – Cette déclaration d’Albert Einstein s’applique parfaitement à la mise au point diagnostique de la thrombophilie. Dans ce numéro du Forum Médical Suisse, Colucci et Tsakiris ont élégamment élaboré une mise à jour portant sur les causes, les examens d’évaluation et la fonction diagnostique relatives à la thrombophilie [1].
Nous nous voyons confrontés à un nombre toujours croissant de consiliums et de consultations portant sur des questions relatives à la mise au point diagnostique de la thrombophilie [2, 3, 15, 16]. Ces questions proviennent aussi bien des médecins de premier recours et des généralistes (durée de l’anticoagulation orale [ACO], avec quoi, évaluation des risques?) que des spécialistes, notamment des neurologues (thrombophilie en cas d’accident vasculaire cérébral [AVC] et de foramen ovale patent, d’AVC cryptogénique [«cryptogenic stroke»], d’AVC chez les jeunes patients), des cardiologues (causes/pathologies vasculaires thromboemboliques vs locorégionales, syndrome des anticorps antiphospholipides, AVC en cas de fibrillation auriculaire malgré une ACO correcte, patients valvulaires, et de plus en plus fréquemment, infarctus du myocarde avec artères coronaires patentes [13]), des angiologues (ré­cidives de la thromboembolie veineuse [TEV] suite à l’arrêt de l’anticoagulation, taux de D-dimères et leur signification en fonction de l’âge et de l’évolution dans le temps, particulièrement taux de «cut-off» et signification en cas de TEV), des obstétriciens et gynécologues (pilule et thrombose, avortements, thrombose pendant la grossesse), et des rhumatologues (lupus, vasculite, anticorps antiphospholipides et TEV). Ces questions fréquentes conduisent à des dosages extrêmement fréquents [11, 12].
Il n’est pas rare qu’un grand nombre d’analyses de la coagulation menées en externe nous soient présentées au cours d’un consilium faisant suite à un événement thromboembolique. Cela peut concerner le patient lui-même ou, indirectement, un membre de sa famille. La «question concernant l’évaluation et la procédure» en cas de forte incertitude du patient / du médecin adressant le patient suite à l’exposition à différentes opinions de spécialistes diamétralement opposées est une issue classique émanant de la synthèse avec «shared decision making». Les dix points suivants provenant d’une liste de vérifications pratique (cf. également fig. 1), en tant que «distillat» du présent aperçu, peuvent éventuellement s’avérer très utiles:
Figure 1: La cascade de coagulation est représentée, avec la voie extrinsèque, voie intrinsèque et voie commune. Les facteurs actifs ont une forme ronde et les facteurs inactifs une forme carrée. Dans les différentes teintes de vert, les facteurs antithrombotiques que sont l’antithrombine III, la protéine C et la protéine S sont représentés avec leurs cibles et mécanismes. Les différentes anomalies prothrombotiques dans le système de coagulation sont marquées en rouge. Les tests diagnostiques correspondants sont en bleu turquoise. Certains laboratoires déterminent d’autres paramètres comme le facteur VIII ou le facteur von Willebrand, le D-dimère et les sous-types de fibrinogène en cas d’indications ciblées [6].
ATIII: antithrombine III; AC: anticorps; PCa: protéine C activée.
1. Vérifier l’indication: La mise au point diagnostique de la thrombophilie a-t-elle un impact (pour une lecture plus approfondie: [2, 3, 7, 11, 12, 14])? L’indication pour un traitement anticoagulant à long terme en cas de TEV non provoquée n’est-elle par exemple pas déjà de toute façon donnée? Ou son arrêt après trois à six mois (par exemple au regard d’une tendance hémorragique accrue) est-il définitivement envisagé? A cet égard, il convient de tenir impérativement compte des préférences du patient [2, 3]!
2. Connaissez-vous les risques absolus et relatifs des paramètres (tab. 2 et 3 dans [1]) dont vous avez besoin pour le conseil individualisé du patient et pour un «shared decision making»? Ces derniers, intégrés dans la discussion avec le patient aux côtes d’astuces et de conseils, se traduiront directement en une bonne adhésion.
3. Pouvez-vous désigner/quantifier le risque individuel du patient relatif à la thromboembolie et l’hémorragie? Le facteur de provocation actuellement décrit est-il suffisant pour permettre le diagnostic d’une TEV provoquée (tab. 1 dans [1]) [5]?
4. Qu’en est-il du risque sur un an et sur cinq ans (P. 77 dans [1]) [4])? Qu’en est-il du risque à vie probable, risque hémorragique inclus? Avec quels anticoagulants [8–10]?
5. Connaissez-vous les risques hémorragiques additionnels en cas de double et de triple anticoagulation [17]?
6. Quels paramètres doivent réellement être déterminés (tab. 2 dans [1], ne pas oublier l’hémogramme!)?
7. Quel est le coût d’une mise au point diagnostique de la thrombophilie actuelle (P. 77 dans [1])?
8. Quel est le bon ou le mauvais moment pour une mise au point diagnostique de la thrombophilie (par exemple peu de temps après un événement) ou quels éléments devraient-être déterminés directement après la TEV et quels éléments devraient être déterminés plus tard (P. 76 dans [1])?
9. Quels écueils pré-analytiques convient-il de connaître? Quelles sont les interactions d’un traitement avec les tests (tab. 7 dans [1])?
10. Que signifie un éventuel résultat positif pour les membres de la famille? Et inversement, que signifie une TEV chez un membre pour les autres membres de la famille, par exemple pour des membres de la famille en bonne santé et en âge de procréer?
Au cours de la discussion, il en résulte souvent des séries de questions complexes portant sur la procédure individuelle, y compris des décisions prises dans des zones grises, si bien que dans ce type de cas, une discussion dans le cadre d’une consultation de coagulation peut s’avérer utile pour soutenir ou émettre un autre avis relatif à la prise en charge ultérieure et à long terme en méde­cine de famille. Cela vaut naturellement également pour des questions très spécifiques (par exemple, une «légère» thrombophilie héréditaire nouvellement décelée est-elle pertinente dans la prise de décision relative à une fermeture du foramen ovale et sur quoi les analyses de laboratoire peuvent-elles en principe nous renseigner?).
Vous trouverez les réponses dans le présent aperçu, clairement sous forme de tableaux, présentées de façon concise et pertinente pour la pratique. Nous nous réjouissons si nous pouvons contribuer à la prise de décision individuelle basée sur des questions complexes.
JHB reports grants from the Swiss National Foundation of Science, The Swiss Heart Foundation, the Kardio-Foundation, a grant from Bayer, to the CTU.
Prof. Dr méd. Jürg H. Beer
Chefarzt und Departements­leiter Medizin
Kantonsspital Baden
CH-5404 Baden
hansjuerg.beer[at]ksb.ch
 1 Colucci G, Tsakiris DA. Thombophilie. Forum Med Suisse. 2020;20(5–6):73–78.
 2 Connors JM. Thrombophilia Testing and Venous Thrombosis. N Engl J Med. 2017;377(12):1177–87.
 3 Angelillo-Scherrer A, Nagler M. Thrombophilieabklärung: Update Guidelines in den Grauzonen. Therapeutische Umschau. 2016;73(10):626–34.
 4 Franco Moreno AI, Garcia Navarro MJ, Ortiz Sanchez J, Martin Diaz RM, Madronal Cerezo E, de Ancos Aracil CL, et al. A risk score for prediction of recurrence in patients with unprovoked venous thromboembolism (DAMOVES). Eur J Intern Med. 2016;29:59–64.
 5 Crou-Bou M, Harrington LB, Kabrhel C. Environmental and Genetic Risk Factors Associated with Venous Thromboembolism. Semin Thromb Hemost. 2016;42:808–20.
 6 Algahtani FH, Stuckey R. High factor VIII levels and arterial thrombosis: illustrative case and literature review. Ther Adv Hematol. 2019;10:1–10.
 7 Kozak PM, Xu M, Farber-Eger E, Gailani D, Wells QS, Beckman JA. Discretionary Thrombophilia Test Acquisition and Outcomes in Patients With Venous Thromboembolism in a Real-World Clinical Setting. J Am Heart Assoc. 2019;8(22):e013395. doi:10.1161/JAHA.119.013395. Epub 2019 Nov 7.
 8 Alameddine R, Nassabein R, Le Gal G, Sié P, Mullier F, Blais N. Diagnosis and management of congenital thrombophilia in the era of direct oral anticoagulants. Thromb Res. 2019;185:72–7. doi:10.1016/j.thromres.2019.11.008. [Epub ahead of print].
 9 Undas A, Góralczyk T. Direct Oral Anticoagulants in Patients with Thrombophilia: Challenges in Diagnostic Evaluation and Treatment. Adv Clin Exp Med. 2016;25(6):1321–30.
10 Skelley JW, White CW, Thomason AR. The use of direct oral anticoagulants in inherited thrombophilia. J Thromb Thrombolysis. 2017;43(1):24–30.
11 Gupta A, Patel P, Anwar R, Villanueva D, Vasudevan V, Guevara E. Hypercoagulable workup in a community hospital setting: to test or not to test; that is the question. J Community Hosp Intern Med Perspect. 2019;9(5):392–6. doi:10.1080/20009666.2019.1655627. eCollection 2019.
12 Favaloro EJ. Genetic Testing for Thrombophilia-Related Genes: Observations of Testing Patterns for Factor V Leiden (G1691A) and Prothrombin Gene «Mutation» (G20210A). Semin Thromb Hemost. 2019;45(7):730–42.
13 Stepien K, Nowak K, Wypasek E, Zalewski J, Undas A. High prevalence of inherited thrombophilia and antiphospholipid syndrome in myocardial infarction with non-obstructive coronary arteries: Comparison with cryptogenic stroke. Int J Cardiol. 2019;290:1–6.
14 Pruthi RK. Optimal utilization of thrombophilia testing. Int J Lab Hematol. 2017;39(Suppl 1):104–10.
15 Stevens SM, Woller SC, Bauer KA, Kasthuri R, Cushman M, Streiff M, et al. Guidance for the evaluation and treatment of hereditary and acquired thrombophilia. J Thromb Thrombolysis. 2016;41(1):154–64.
16 Montagnana M, Lippi G, Danese E. An Overview of Thrombophilia and Associated Laboratory Testing. Methods Mol Biol. 2017;1646:113–35.
17 Diener HC, Aisenberg J, Ansell J, Atar D, Breithardt G, Eikelboom J, et al. Choosing a particular oral anticoagulant and dose for stroke prevention in individual patients with non-valvular atrial fibrillation: part 1. Eur Heart J. 2017;38(12):852–9.