Thoracotomie axillaire pour la correction des cardiopathies congénitales
Petit mais efficace

Thoracotomie axillaire pour la correction des cardiopathies congénitales

Innovationen
Édition
2020/1718
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.08474
Forum Med Suisse. 2020;20(1718):300-302

Affiliations
a Zentrum für Angeborene Herzfehler, Departement für Herz- und Gefässchirurgie, Inselspital Bern

Publié le 21.04.2020

La mini-thoracotomie offre une alternative attractive à la sternotomie médiane pour la correction des cardiopathies congénitales fréquentes dans tous les groupes d’âge.

Contexte

Parallèlement au développement de voies d’accès moins invasives en chirurgie cardiaque adulte, des efforts croissants sont également déployés en chirurgie cardiaque pédiatrique en vue de pratiquer des interventions mini-invasives. Le principal avantage de ces techniques réside avant tout dans la préservation des tissus (pas de section du sternum, section limitée des muscles), la cicatrisation des plaies et la convalescence plus rapides, ainsi que les résultats bien plus avantageux sur le plan cosmétique.
L’accès standard pour la correction chirurgicale des cardiopathies congénitales est la sternotomie médiane, à quelques rares exceptions près comme par exemple la thoracotomie latérale gauche pour le traitement de la sténose isthmique de l’aorte. Notamment chez les patients pédiatriques, la cicatrice très visible résultant de l’opération peut conduire à une stigmatisation en tant que «patient cardiaque».
La mini-thoracotomie axillaire représente une alter­native attractive, qui permet d’accéder aux structures cardiaques par le côté droit via une incision cutanée verticale de 4–5 cm de long dans la ligne axillaire moyenne. Par rapport à la sternotomie, les avantages de la mini-­thoracotomie axillaire sont la préservation de la structure osseuse du thorax avec un accès épargnant les muscles moyennant simplement un écartement des côtes, la cicatrisation et la récupération physique complète de ce fait plus rapides, ainsi que le camouflage de la cicatrice qui reste entièrement cachée quand le bras est le long du corps. Qui plus est, une petite incision dans la région de la paroi thoracique latérale n’est que rarement ou pas ­associée à une intervention cardiaque.

Technique

Le patient est placé en décubitus latéral gauche. Une incision cutanée d’environ 4–5 cm de long est réalisée au milieu de la ligne axillaire droite (fig. 1).
Figure 1: Décubitus latéral gauche avec le bras levé. Flèche: incision cutanée de 4–5 cm de long.
Après une large mobilisation du tissu sous-cutané, la cavité thoracique est ouverte au niveau du 5e espace ­intercostal. Ensuite, le péricarde est ouvert 1–2 cm au-dessus du nerf phrénique, parallèlement à sa trajectoire. La connexion à la machine cœur-poumon se fait via un cathétérisme direct de l’aorte ascendante et des deux veines caves.
Chez les patients de plus de 5 kg de poids corporel, le drainage de la veine cave inférieure via une canule ­posée par voie percutanée dans la veine fémorale est avantageux. Concernant le cathétérisme artériel des vaisseaux de l’aine, il existe un risque de complications vasculaires (avant tout thrombose et sténose) en raison du diamètre limité (fig. 2).
Figure 2: A) Site opératoire. B) Cathétérisme pour la circulation extracorporelle dans la région du thorax.
Abréviations: RA = oreillette droite; SVC = veine cave supérieure; AoC = canule aortique; CL = tubulure de cardioplégie; IVC = canule percutanée pour la veine cave inférieure (via la veine fémorale).
La suite de la procédure chirurgicale correspond à la procédure après une sternotomie médiane et est fonction de la cardiopathie congénitale sous-jacente.
Après réalisation de l’opération de correction, deux drains thoraciques sont posés avec une évacuation au niveau de la région axillaire supérieure, ce qui est également avantageux sur le plan cosmétique. La pose d’un cathéter analgésique intercostal, généralement laissé en place pendant 72 heures, est également utile. Les côtes sont réadaptées et la fermeture du thorax est réalisée avec du matériel de suture résorbable pour éviter de devoir retirer des fils (fig. 3).
Figure 3: Résultat final: suture intracutanée après mini-thoracotomie. Couverture ­complète de la cicatrice lorsque le bras est le long du corps.

Spectre des opérations

Un large spectre de cardiopathies congénitales peuvent être corrigées via mini-thoracotomie axillaire, aussi bien chez les nouveau-nés que chez les patients d’âge adulte.
En principe, les cardiopathies qui sont corrigées via une incision au niveau de l’oreillette droite sont bien abordables par cet accès. Il s’agit de cardiopathies ­fréquentes, telles que les communications interauri­culaires (CIA), les retours veineux pulmonaires anormaux partiels / communications de type sinus venosus, les communications interventriculaires (CIV), les valvulopathies tricuspides et mitrales, ainsi que les formes partielles et simples de canal atrioventriculaire (AV) complet (tab. 1).
Tableau 1: Spectre des cardiopathies pouvant être corrigées via mini-thoracotomie.
Communication interauriculaire de type I
Canal atrioventriculaire (AV) partiel
Communication de type sinus venosus
Cœur triatrial
Communication interventriculaire
Ventricule droit à double chambre
Canal AV complet de type A selon la classification de Rastelli
Valvulopathies tricuspides
Valvulopathies mitrales

Discussion

La sternotomie médiane est toujours l’accès standard pour les interventions de chirurgie cardiaque. Elle permet une exposition optimale de toutes les structures cardiaques et des gros vaisseaux, ainsi que la correction de l’ensemble du spectre des cardiopathies congénitales. Toutefois, l’accès via le sternum implique une convalescence de plusieurs semaines jusqu’à cicatrisation osseuse complète et, chez les patients âgés, jusqu’à récupération physique complète, ainsi qu’une cicatrice permanente très visible.
Ces dernières années, des voies d’accès alternatives ont été recommandées, mais elles présentent toutes des inconvénients manifestes. La thoracotomie sous-xiphoïdienne est par exemple également associée à une localisation désavantageuse de la cicatrice. Un inconvénient majeur de la thoracotomie antérolatérale, un accès qui a été privilégié pendant des années, est le risque de troubles de la croissance mammaire en raison de la lésion des tissus des glandes mammaires chez les patientes prépubères [1]. Enfin, en cas de thoracotomie postérolatérale, il existe un risque de développement de scolioses et de déformations thoraciques en raison des lésions musculaires inhérentes à l’accès.
A cet égard, la mini-thoracotomie axillaire offre des avantages décisifs. L’accès s’effectue via un faible nombre de couches musculaires, qui sont bien mobilisables au niveau de leurs attaches et conservent ainsi toute leur fonction. La peau sous l’aisselle se détache facilement des tissus sous-jacents et une incision relativement ­petite peut donc permettre un accès très dégagé. Le tissu glandulaire mammaire reste intact, et le risque de ­déformations thoraciques est faible.
Il convient de noter que seules les cardiopathies corrigeables via une ouverture de l’oreillette droite peuvent être opérées via cet accès. Toutefois, ces cardiopathies sont des malformations fréquentes, qui représentent une grande proportion de l’ensemble du spectre des cardiopathies dans tous les groupes d’âge. Ainsi, via cet accès, il est possible de procéder aussi bien à la fermeture d’une CIV chez le nouveau-né qu’à la correction d’une valvulopathie mitrale chez l’adulte. Sur le plan technique, des instruments spécifiques ou coûteux ne sont pas nécessaires. L’opération de correction peut être effectuée au moyen des méthodes établies.
Les résultats des corrections via mini-thoracotomie axillaire sont équivalents à ceux des corrections via sternotomie médiane en termes de résultats immédiats de l’opération (mortalité et morbidité) et d’évolution à long terme [2–4]. Dans une étude prospective ­appariée conduite par Yan et al. chez 104 patients avec CIA, CIV ou canaux AV partiels, aucune différence significative n’a été constatée en termes de durée de perfusion avec la machine cœur-poumon, durée du clampage aortique, durée de ventilation postopératoire, durée de séjour en unité de soins intensifs et durée d’hospitalisation. Pour les résultats opératoires également, aucune différence n’a été observée et les résultats globaux étaient excellents [5].
Ces données ont été confirmées par une autre étude de Wang et al. conduite avec 274 patients ayant fait l’objet d’une fermeture de CIV. Les résultats péri- et postopératoires de la mini-thoracotomie n’étaient pas signi­ficativement différents de ceux de la sternotomie médiane, mais les résultats cosmétiques et la satisfaction des patients étaient toutefois meilleurs suite à la mini-thoracotomie [6]. Ces résultats ont également été confirmés dans le cadre d’une étude de suivi à long terme de Dave et al.: après mini-thoracotomie axillaire, ni déformations mammaires, ni déformations thoraciques, ni développement de scolioses ne sont survenus [4].
Une récente étude rétrospective de notre équipe indique qu’il est également possible de corriger des cardiopathies plus complexes, telles que les canaux AV complets, via mini-thoracotomie. Ici encore, aucune différence significative n’a été trouvée en termes de temps de connexion à la machine cœur-poumon, ­durée de clampage aortique, durée de séjour en unité de soins intensifs, durée d’hospitalisation et résultats de l’opération [2].

Résumé

La mini-thoracotomie offre une alternative attractive à la sternotomie médiane pour la correction des cardiopathies congénitales fréquentes dans tous les groupes d’âge. Le résultat de l’opération et les résultats à long terme sont équivalents. Concernant la satisfaction des patients, l’accès mini-invasif est très apprécié en raison de la mobilité précoce, de l’aspect cosmétique avan­tageux, avec une cicatrice pratiquement invisible, et du faible risque de déformations thoraciques ou de troubles de la croissance mammaire. Il convient toutefois de noter que l’expérience faite avec cet accès est encore limitée, et qu’il n’est établi et proposé en tant qu’accès de premier choix que dans certains centres.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Hannah Widenka
Klinik für Herz- und Gefässchirurgie
Inselspital
Freiburgstrasse 18
CH-3010 Berne
hannah.widenka[at]insel.ch
1 Bleiziffer S, Schreiber C, Burgkart R, Regenfelder F, Kostolny M, Libera P, et al. The influence of right anterolateral thoracotomy in prepubescent female patients on late breast development and on the incidence of scoliosis. J Thorac Cardiovasc Surg. 2004;127(5):1474–80.
2 Heinisch PP, Wildbolz M, Beck MJ, Bartkevics M, Gahl B, Eberle B, et al. Vertical Right Axillary Mini-Thoracotomy for Correction of ­Ventricular Septal Defects and Complete Atrioventricular Septal Defects. Ann Thorac Surg, 2018;106(4):1220–7.
3 Prêtre R, Kadner A, Dave H, Dodge-Khatami A, Bettex D, Berger F. Right axillary incision: a cosmetically superior approach to repair a wide range of congenital cardiac defects. J Thorac Cardiovasc Surg. 2005;130(2):277–81.
4 Dave HH, Comber M, Solinger T, Bettex D, Dodge-Khatami A, Prêtre R. Mid-term results of right axillary incision for the repair of a wide range of congenital cardiac defects. Eur J Cardiothorac Surg. 2009;35(5):864–9; discussion 869–70.
5 Yan L, Zhou ZC, Li HP, Lin M, Wang HT, Zhao ZW, et al. Right vertical infra-axillary mini-incision for repair of simple congenital heart defects: a matched-pair analysis. Eur J Cardiothorac Surg. 2013;43(1):136–41.
6 Wang Q, Li Q, Zhang J, Wu Z, Zhou Q, Wang DJ. Ventricular septal defects closure using a minimal right vertical infraaxillary thoracotomy: seven-year experience in 274 patients. Ann Thorac Surg. 2010;89(2):552–5.