Sans détour
Journal Club

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2020/1112
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.08497
Forum Med Suisse. 2020;20(1112):178-181

Publié le 10.03.2020

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur … le stress et le burnout des médecins

– Des stades préliminaires du syndrome et des formes complètement ­développées touchent jusqu’à 50% des médecins établis.
– Des preuves positives montrant qu’une fréquence accrue des erreurs, une qualité de traitement moins bonnes et des coûts plus élevés ­résultent du syndrome existent pour les domaines stationnaire et ambulatoire ainsi que toutes les spécialités examinées.
– Les horaires de travail ne sont pas les principaux facteurs pathogéniques.
– De manière subjective, la prédominance des activités non médicales est déplorée en premier lieu.
– Chez les médecins en formation postgraduée par exemple, une infrastructure informatique fonctionnant mal et ainsi chronophage constitue un déclencheur essentiel.
– Le problème n’est pas d’ordre individuel, mais systémique.
– C’est pourquoi les solutions doivent elles aussi présenter une approche systémique.
Rédigé le 11.02.2020.

Pertinents pour la pratique

Des valeurs seuils trop rigoureuses pour l’hypertension diastolique dans les dernières «guidelines»?

Les valeurs cibles pour une hypertension diastolique isolée sont sur la pente descendante. Les lignes directrices de l’American Heart Association/American College of Cardiology de 2017 recommandent notamment une baisse de la valeur cible de précédemment <90 mm Hg à désormais <80 mm Hg. Dans des cohortes américaines soumises à une analyse longitudinale ainsi que transversale, l’utilisation des nouvelles valeurs cibles préconisées a – conformément aux attentes – révélé une prolifération du diagnostic «hypertension diastolique». Les diagnostics multipliés n’étaient toutefois pas associés à un risque accru d’événement cardiovasculaire.
Rédigé le 03.02.2020.

Ce n’est toutefois pas si simple!

Les infections infantiles à rotavirus (et autres virus) sont susceptibles de déclencher un diabète sucré de type 1 ou sont du moins associées à sa survenue ultérieure. Selon une étude australienne (contrairement à deux autres études finlandaises), une vaccination contre le rotavirus a permis de réduire la survenue d’un diabète sucré de type 1 chez des enfants de moins de 5 ans [1]. Une observation qui n’a malheureusement pas non plus pu être confirmée auprès d’une population d’enfants américains [2]. Le vaccin contre le rotavirus en prévention d’un diabète sucré de type 1 est donc probablement sans bénéfice, ce qui ne va pas à l’encontre des autres avantages de la vaccination.
1 JAMA Pediatrics 2019, doi.org/10.1001/jamapediatrics.2018.4578.
2 JAMA Pediatrics 2020, doi.org/10.1001/jamapediatrics.2019.5513.
Rédigé le 03.02.2020.

Le dépistage par tomodensitométrie volumique réduit la mortalité associée au ­cancer des poumons dans le groupe à risque (étude NELSON)

La valeur d’un tel dépistage est discutée depuis au moins dix ans. Il n’est pas encore recommandé de manière générale même si, au vu d’une étude précédente, des examens tomodensitométriques annuels (au total trois fois) sont justifiables auprès des populations à risque (surtout par rapport à la radiographie normale du thorax), une pratique gérée également de la sorte aux Etats-Unis [1]. En Europe, des réticences persistent face au problème du surdiagnostic (résultats faux positifs) qui implique d’autres examens diagnostiques entraînant également des effets indésirables. Une étude belgo-hollandaise retentissante (NELSON [2]) a réparti par randomisation des patients à risque âgés de 50 à 74 ans (fumeurs ou anciens fumeurs) dans un groupe de dépistage radiologique ou un groupe sans dépistage. Des TDM volumiques ont été réalisées selon une répartition par randomisation au bout de 1, 3 et 5,5 ans, le suivi à partir de la randomisation s’est déroulé sur 10 ans. Au total, 13 000 hommes et près de 3000 femmes, celles-ci ont été soumises à une analyse séparée, ont été randomisés. Dans le groupe de dépistage TDM, un nombre significativement supérieur de carcinomes a été diagnostiqué au bout de 10 ans, la différence s’étant principalement manifestée durant les 3 premières années et ayant disparu à partir de 8 années environ. Le risque de décéder d’un cancer du poumon a été significativement réduit par le dépistage, passant de 3,3 à 2,5 cas de décès pour 1000 patients et par an (par patients-année), ce qui représente un avantage comparable à celui de l’étude précédente qui indiquait une ­réduction de la mortalité de 20% [1]. Au vu de l’analyse volumique des «foyers circulaires» et d’informations plus précises concernant leur forme et l’augmentation de leur taille, nettement moins de résultats faux positifs ont été obtenus. Il semble qu’un dépistage avec cette technique TDM devrait désormais être rendu accessible aux patients à haut risque dans cette tranche d’âge. A la lumière de cette étude, trois examens réalisés sur plus de 5 ans semblent suffire.
Evaluation des foyers circulaires au moyen de la tomodensitométrie à faible dose (cf. flèches). Source: © 2016 Saltybaeva et al., PLoS ONE 2016, doi.org/10.1371/journal.pone.0155722.
Rédigé le 05.02.2020.

Pour les médecins hospitaliers

Facteur de risque de survenue d’une insuffisance rénale aiguë

Il existe une série de biomarqueurs pour le diagnostic et le diagnostic différentiel (principalement distinction entre cause prérénale et intrarénale) de l’insuffisance rénale aiguë. Concernant le SUPAR, acronyme du nom compliqué «soluble urokinase plasminogen activator receptor», il vient d’être montré que des taux plasmatiques ou sériques accrus prévoient une insuffisance rénale aiguë, par exemple avant une coronarographie/chirurgie cardiaque, et peuvent ainsi constituer la base d’une prévention, y compris des tests cliniques de mesures prophylactiques améliorées. Le SUPAR est produit lors de l’activation immunitaire et l’inflammation, et est libéré à partir des granulocytes, macrophages et monocytes. Dans les reins, le SUPAR peut se lier à une intégrine podocytaire et entraîner ainsi la disparition des podocytes (avec protéinurie subséquente) ainsi qu’une fibrose/sclérose glomérulaire.
Rédigé le 10.02.2020.

Scanner coronaire après infarctus myocardique sans sus-décalage de ST

Plus de 1000 patients danois ont été examinés dans un délai d’environ 2 heures après la survenue d’un infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST au moyen d’une tomodensitométrie coronaire puis de manière invasive par coronarographie. La tomodensitométrie était non seulement en mesure d’exclure (valeur prédictive négative de 91%) une sténose coronaire significative (de >50%), mais aussi de la prévoir (valeur prédictive positive de 88%) comme probable. La valeur prédictive négative élevée signifie que le scanner coronaire peut exclure efficacement des sténoses significatives. Ce résultat, lorsqu’il est appuyé par des données de suivi «dures», a des conséquences importantes pour le nombre de coronarographies à effectuer (de manière aiguë) et le choix de la durée du traitement antithrombotique.
Rédigé le 07.02.2020.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Analyse globale de génomes de cancer

Le terme global a ici une double signification: dans le monde entier et de manière complète. Un consortium de quatre continents et en tout 774 (!) institutions a séquencé, pour 38 types différents de tumeurs, un total de près de 2700 génomes de ces tumeurs et les a comparés à l’analyse génomique de cellules non tumorales des mêmes patients. Près de la moitié des tumeurs ­examinées s’accompagnent également d’une analyse détaillée du transcriptome (séquences/quantité des transcrits ARN). La revue Nature a publié les principaux résultats dans une édition composée de six articles ­individuels. Cet énorme nuage de données constitue avec certitude une mine de ressources pour des diagnostics et traitements à l’avenir améliorés et personnalisés. Vous trouverez tous les articles sur le site Internet indiqué ci-dessous.
Rédigé le 10.02.2020.

L’activation du complément essentielle pour la thrombose en cas de syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL)

Les anticorps antiphospholipides, c’est-à-dire les anticorps anti-bêta 2 glycoprotéine, permettent – par un mécanisme encore non élucidé – d’activer le complément. En présence d’un déclencheur adapté tel qu’une inflammation ou une infection, une telle quantité de complément est activé que des thromboses surviennent via une lésion des cellules endothéliales. En cas de forme particulièrement grave du SAPL (CAPS, «­catastrophic anitphospholipid syndrome»), il existe souvent des mutations préexistantes dans les gènes des facteurs du complément (surexpression de gènes régulateurs activateurs ou suppression de gènes régulateurs inhibiteurs). Les anticorps monoclonaux dirigés contre le facteur du complément 5a empêchent les thromboses.
Rédigé le 11.02.2020.

Toujours digne d’être lu

Suites neurologiques d’une carence en ­vitamine B12

En 1991, une série de cas de 143 patients (avec au total 153 épisodes) présentant des effets indésirables neurologiques induits par une carence en vitamine B12 (cobalamine) a été décrite. Paresthésies et ataxie constituaient les symptômes initiaux les plus fréquents, il s’écoulait en moyenne quatre mois entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic, et une anémie pernicieuse était la cause la plus fréquente de la ­carence en vitamine B12. Les manifestations neurologiques hétérogènes qui n’indiquaient pas toutes au premier abord une carence en vitamine B12 étaient particulièrement intéressantes. De même, le fait que, chez un quart des patients présentant des symptômes neurologiques induits par une carence en vitamine B12, le taux d’hématocrite ainsi que le volume globulaire moyen (VGM) étaient normaux nous rappelle qu’une pathologie neurologique pertinente peut aussi être présente sans anémie macrocytaire.
Rédigé le 11.02.2020.

Cela nous a réjouis

Sur la voie vers une vaccination orale contre la grippe

L’administration parentérale est une raison partielle implicite du taux traditionnellement faible de vaccination et – dans le cas d’une pandémie – un sérieux inconvénient pour des vaccinations étendues, surtout dans des régions du monde moins prospères. Un nouveau vaccin fait appel à un adénovirus non réplicable qui exprime une hémagglutinine de la grippe. Une forme de «toll like receptors» est utilisée comme adjuvant afin d’améliorer l’activation des cellules immunitaires. Les comprimés contenant les virus sont physiquement conçus de sorte que les virus ne soient libérés qu’une fois dans l’iléon. Au bout de 90 jours après l’administration d’un vaccin contre la grippe quadrivalent par voie intramusculaire ou du vaccin oral, 0,5 ml d’une suspension du virus grippal H1N1 a été administrée par voie nasale aux quelques 70 sujets respectifs (y compris à un groupe placebo). Le vaccin a significativement réduit la sécrétion du virus de la grippe à partir des voies respiratoires. Des symptômes grippaux sont survenus pour les deux vaccins chez près d’un tiers des sujets exposés, et chez la moitié dans le groupe placebo. Il s’agit d’un progrès pharmacotechnique bienvenu, mais pas encore d’une percée dans l’efficacité de la vaccination. La tolérance du vaccin oral était très bonne, les céphalées constituaient les ­effets indésirables les plus fréquents, comme pour le vaccin traditionnel.
Lancet Infect Dis. 2020, doi.org/10.1016/S1473-3099(19)30584-5.
Rédigé le 06.02.2020.

Cela nous a également interpellés

De nouveaux traitements contre la maladie de Vaquez

Les néoplasies myéloprolifératives, la maladie de Vaquez (MV), les thrombocytoses essentielles et la myélofibrose primaire sont provoquées par des mutations du gène JAK-2, du gène MPL (récepteur de la thrombopoïétine) ou du gène CALR (récepteur de la calréticuline). La tyrosine kinase (JAK-2) du récepteur de l’érythropoïétine ou du récepteur de la thrombopoïétine est alors directement ou indirectement activée et la prolifération cellulaire stimulée. Deux nouveaux résultats [1, 2]: l’interféron alpha s’est révélé initialement à peu près aussi efficace en cas de MV que l’hydroxyurée (Litalir®), mais était capable de contrôler la maladie considérablement plus longtemps (contrôle après 36 mois [1]). En cas de résistance à l’hydroxyurée, le ruxolitinib, un inhibiteur de la tyrosine kinase JAK-2 (et JAK1), s’est avéré significativement efficace. Cela constitue la première alternative pour les patients chez lesquels le traitement par hydroxyurée n’est plus efficace.
Frottis sanguin périphérique dans le cadre de la maladie de Vaquez avec trois stades précurseurs de l’érythropoïèse (normoblastes, érythroblaste), et légère poïkilocytose. Source: The Armed Forces Institute of Pathology (AFIP), Wikimedia Commons.
1 Lancet Haematol. 2020, doi.org/10.1016/S2352-3026(19)30236-4.
2 Lancet Haematol. 2020, doi.org/10.1016/S2352-3026(19)30207-8.
Rédigé le 06.02.2020.
Une version encore plus actuelle du «Sans détour» est disponible «online first» sur medicalforum.ch et dorénavant aussi en podcast (en allemand) sur emh.ch/podcast ou sur votre app podcast sous «EMH Journal Club»!