Sans détour
Journal Club

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2020/1516
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.08508
Forum Med Suisse. 2020;20(1516):246-249

Publié le 07.04.2020

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur ... Maladie coronarienne stable

– Définition: symptômes stables sans infarctus récent ou angor instable
– Diminution des taux de mortalité et d’infarctus:
• 2007: taux de mortalité/d’infarctus dans l’étude COURAGE: traitement invasif: 19%; traitement conservateur: 18,5% (n.s.*)
• 2019: étude ISCHEMIA: traitement invasif: 11,7%; traitement conservateur: 13,9% (n.s.)
Etude ISCHEMIA:
– Pas de différence au niveau du taux global d’infarctus après traitement invasif et traitement conservateur.
– Traitement invasif: sur le plan statistique, les infarctus péri-procéduraux «compensent» le taux légèrement plus faible d’infarctus au cours de l’évolution ultérieure.
– Qualité de vie après un traitement invasif uniquement meilleure en cas de symptômes d’angor lors de la présentation.
– Facteurs n’ayant pas d’influence sur les résultats: diabète, nombre de ­sténoses coronaires, fréquence de l’angor et ampleur de l’ischémie lors de l’inclusion.
– Chez les patients avec insuffisance rénale chronique également, pas de ­différence entre le traitement invasif et le traitement conservateur.
* n.s. = non significatif
JCI 2020, doi.org/10.1172/JCI135959. Rédigé le 12.03.2020.

Pertinents pour la pratique

Fractures du col du fémur: Faut-il opérer immédiatement?

Différentes données suggèrent qu’une opération en l’espace de six heures en cas de fractures du col du fémur serait associée à une meilleure évolution. L’une des conséquences est que les traumatologues ortho­pédistes doivent opérer en pleine nuit, lorsque les capa­cités en termes de blocs opératoires disponibles le ­permettent. Toutefois, d’après l’étude HIP-ATTACK, il serait tout à fait acceptable à l’avenir d’attendre, et les traumatologues orthopédistes pourraient ainsi réaliser l’opération après une bonne nuit de sommeil. Sur un peu plus de 27 000 patients évalués, seuls près de 3000 patients (bien comparables) ont été randomisés pour être opérés soit en l’espace de six heures soit moins rapidement (en moyenne après 24 heures). La mortalité à 90 jours et diverses complications péri-­opératoires étaient identiques dans les deux groupes. Toutefois, dans le groupe opéré rapidement, moins d’états confusionnels sont survenus (9 versus 12%) et la durée d’hospitalisation était (sans surprise) légèrement plus courte (10 versus 11 jours). Opérer rapidement est donc sûr, mais n’est globalement pas supérieur à une opération pratiquée de façon moins hâtive. L’opération pratiquée rapidement est aussi très probablement plus stressante et elle joue peut-être un rôle pertinent dans l’épidémie de burnout parmi les mé­decins. La pression économique favorise néanmoins potentiellement la variante la plus rapide.
Rédigé le 05.03.2020.

L’Aspirine «à faible dose» réduit-il le risque de cancer chez les patients avec hépatite B ou C chronique?

Oui! Telles sont les conclusions d’une analyse réalisée en Suède (registre des hépatites), avec une durée médiane d’observation de près de huit ans. En cas de prise d’acide acétylsalicylique (Aspirine®) à une dose de <160 mg par jour, des carcinomes hépatocellulaires sont survenus durant cette période dans 4% des cas, tandis que cette fréquence était deux fois plus élevée (8,3%) en l’absence de prise d’acide acétylsalicylique. Cette corrélation inverse entre la fréquence des cancers et la prise d’acide acétylsalicylique dépendait également de la durée de prise, avec pour ainsi dire des ­résultats d’autant meilleurs que la durée de prise était longue. Les hémorragies gastro-intestinales n’étaient manifestement pas plus fréquentes sous acide acétylsalicylique. Ces résultats sont impressionnants. Compte tenu du débat qui existe depuis plusieurs décennies au sujet de l’impact de l’acide acétylsalicylique et des autres anti-inflammatoires non stéroïdiens par exemple sur les tumeurs gastro-intestinales, il serait louable de réaliser une étude interventionnelle prospective, même s’il existe certains mécanismes plausibles pour expliquer l’effet thérapeutique.
Prescririez-vous tout de même de l’Aspirine® dans cette indication? Faites-nous part de vos conclusions (office@medicalforum.ch, mot-clé: Sans détour: «Aspirine à faible dose»)! Nous publierons vos avis, peut-être sous forme condensée, dans notre coin des lecteurs.
N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMoa1912035.
Rédigé le 06.03.2020.

A point nommé pour Pâques: la consommation d’œufs réhabilitée

Sans détour, nous avons très récemment attiré l’attention sur la tâche complexe de recherche de preuves dans la médecine nutritionnelle. Notre conseil était de se comporter sur le plan alimentaire comme pour les investissements en actions [1]. La diversification: manger un peu de tout, sans abuser de rien.
D’après des observations dans trois cohortes différentes aux Etats-Unis (au total, plus de 170 000 femmes et plus de 40 000 hommes, tous sans diabète ni ma­ladie coronarienne préexistante connue), aucun effet négatif sur le risque de développer une maladie cardiovasculaire n’a pu être démontré en cas de consom­mation modérée d’œufs (jusqu’à un œuf par jour, plus composants d’œuf cachés dans divers aliments). Le risque pourrait même être diminué chez les Asiatiques. La durée de suivi atteignait jusqu’à plus de 32 ans [2]! En raison de la composition des cohortes, les professions de santé (et donc la sensibilisation à la santé?) étaient surreprésentées.
Pour la population normale, le message est probablement le suivant: ne plus diaboliser, comme c’était souvent le cas autrefois, une consommation modérée d’œufs.
Joyeuse «bataille d’œufs»! Dans la population normale, une consommation modérée d’œufs ne semble pas être associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires (© Sadudee Sittichoke | Dreamstime.com).
1 Forum Méd Suisse. 2020, doi.org/10.4414/fms.2020.08500.
Rédigé le 05.03.2020.

Pour les médecins hospitaliers

Hypotension permissive chez les patients âgés en unité de soins intensifs

Les vasopresseurs sont fréquemment administrés, y compris en association, dans les unités de soins intensifs afin d’atteindre et de maintenir la pression artérielle moyenne de 65 mm Hg (et plus chez les sujets de >65 ans), qui est recommandée dans la plupart des lignes directrices. La question de savoir si la toxicité connue des vasopresseurs pourrait avoir des répercussions contre-productives dans le cadre de la définition de cette valeur cible de pression artérielle n’a pas ­encore été évaluée spécifiquement. Dans une étude britannique prospective, randomisée, multicentrique (n = 65 centres), la mortalité à 90 jours de patients âgés de plus de 65 ans en soins intensifs a été évaluée. Près de 2600 patients ont été randomisés selon un rapport 1:1 pour être traités soit d’après les lignes directrices classiques soit uniquement en ciblant une valeur de pression artérielle de 60–65 mm Hg, avec donc une dose de vasopresseurs plus faible et une durée de traitement plus courte. Dans cette étude non en aveugle, une différence significative n’a été constatée ni au ­niveau de la mortalité à 90 jours ni au niveau d’autres effets indésirables graves. L’hypothèse de l’étude était que l’hypotension permissive réduirait significativement la mortalité. Même si ce n’était pas le cas, des valeurs cibles de pression artérielle moins ambitieuses (60–65 mm Hg) et une exposition plus faible aux vasopresseurs dans ce groupe de patients sont probablement aussi acceptables.
Rédigé le 11.03.2020.

Toujours digne d’être lu

Qu’est-ce qui est moins risqué pour les ­jumeaux: accouchement par voie vaginale ou césarienne?

On assiste actuellement à une augmentation des grossesses gémellaires au vu du recours plus fréquent aux fécondations in vitro. Il est dès lors opportun de se remémorer cette étude, bien qu’elle ne soit pas aussi ancienne que les travaux que nous avons l’habitude de présenter dans cette sous-rubrique.
Environ 1400 femmes enceintes de jumeaux, avec le premier jumeau (autrefois appelé «jumeau A») en présentation céphalique, ont mis au monde leurs enfants par voie naturelle et environ 1400 autres femmes remplissant les mêmes critères ont mis au monde leurs enfants par césarienne. Dans les deux groupes, les accouchements étaient planifiés et ont eu lieu en moyenne à la fin de la 35e semaine de grossesse. Dans le groupe avec accouchement vaginal planifié, un des deux enfants, ou plus souvent les deux enfants, ont finalement tout de même été mis au monde par césarienne au cours de l’accouchement dans deux cas sur cinq. Il restait ainsi encore 783 accouchements par voie vaginale de deux jumeaux (3 sur 5). La césarienne n’était supérieure à l’accouchement vaginal planifié ni en termes de mortalité et morbidité fœtales ni en termes de santé maternelle.
Naissances gémellaires: Un mode d’accouchement est-il moins risqué que l’autre? (© Samfoto | Dreamstime.com)
N Engl J Med. 2013, doi.org/10.1056/NEJMoa1214939.
Rédigé le 12.03.2020.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Progrès dans le diagnostic précoce non invasif de la maladie d’Alzheimer

Le diagnostic actuel de la maladie d’Alzheimer est ­onéreux et invasif, englobant des analyses de l’amyloïde-bêta 42, de la protéine Tau totale et de la protéine Tau phosphorylée dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), ainsi qu’un examen de tomographie par émission de positrons (TEP) des agrégats d’amyloïde-bêta et de protéine Tau dans le cerveau. La mesure d’une forme hyperphosphorylée de la protéine Tau (associée aux microtubules, P-tau181) dans le plasma au moyen d’un test immunologique a montré que déjà en présence d’un léger déficit cognitif, des valeurs accrues étaient retrouvées dans le plasma et que ces valeurs augmentaient graduellement en cas de déficit plus sévère ou de progression de la démence d’Alzheimer. Sur le plan du diagnostic différentiel, l’intérêt de ce test est que les valeurs étaient normales ou nettement plus basses pour les formes de démence non-Alzheimer. Les concentrations plasmatiques de P-tau181 étaient bien corrélées avec les concentrations dans le LCR et ont permis de prédire avec fiabilité la positivité de la TEP pour les agrégats de protéine Tau [1, 2]. Un autre travail a montré au moyen d’une analyse différenciée que les différents types de phosphorylation de Tau étaient ­spécifiquement associés aux caractéristiques structurelles, neurodégénératives et cliniques de la démence d’Alzheimer. Deux types de phosphorylation (P-tau205 et justement P-tau181) augmentent déjà avec le premier dépôt de bêta-amyloïde et sont déjà présents en quantités augmentées jusqu’à 20 ans avant la formation d’agrégats de protéine Tau (qui, de pair avec le bêta-­amyloïde, forment les plaques neurofibrillaires) [3].
Cette dernière observation d’une longue durée de développement donne de l’espoir quant à la mise au point d’un traitement efficace intervenant dans la pathologie Tau. D’une manière générale, ces trois travaux portant sur le diagnostic et le diagnostic différentiel non in­vasifs représentent une lueur d’espoir plus que bien­venue.
Rédigé le 07.03.2020.

Encore controversé

Chez qui faut-il procéder à un «dépistage» de l’hépatite C?

Dans la population générale, la prévalence de l’hépatite C chronique s’élève à environ 1% (en Suisse: 0,7%), avec une tendance à la hausse dans certains pays. Cette maladie représente une cause majeure de cirrhose hépatique et de carcinome hépatocellulaire. Etant donné que la maladie est en principe curable, il se pose la question de la stratégie de dépistage à adopter. D’après les dernières recommandations de la «US Preventive Services Task Force» (USPSTF), tous les sujets de 18 à 79 ans, indépendamment des facteurs de risque, devraient être dépistés une fois par dosage des anticorps anti-virus de l’hépatite C (VHC), suivi, en cas de positivité, de la mise en évidence de l’ARN du VHC au moyen de la méthode de RT-PCR («reverse transcription-polymerase chain reaction»). Aux Etats-Unis, il est estimé que 4,1 millions de personnes présentent une infection par le VHC actuelle ou ancienne (et ont donc des anticorps anti-VHC positifs) et que 2,4 millions d’entre elles pourraient également avoir un ARN du VHC positif. En Suisse, il existe également des réflexions quant à l’adoption d’une telle stratégie. Toutefois, des questions pour lesquelles il n’existe pas encore de réponse objective, telles que la faisabilité dans la médecine ambulatoire et le rapport coût-bénéfice, sont actuellement encore évaluées dans des études. Etant donné que l’hépatite C chronique augmente aux Etats-Unis avant tout dans diverses populations indigènes et après la consommation de drogues par voie intraveineuse, il se pourrait qu’un dépistage au moyen d’une stratégie plus différenciée soit plus fructueux en Suisse.
Rédigé le 12.03.2020.

Cela nous a également interpellés

Dépistage de la démence chez les patients hémodialysés: Quel est le meilleur test?

Malheureusement, les déficits cognitifs sont fréquents chez les patients souffrant d’insuffisance rénale terminale, notamment sous hémodialyse, mais ils ne semblent pas être évalués et recherchés d’une manière générale. Dans une population de 150 patients hémodialysés bien caractérisés sur le plan neurocognitif (entre autres avec des tests de l’attention, des tests de la mémoire cognitive et des tests de la qualité des fonctions d’exécution), le «Montreal Cognitive Assessment» (MoCA) a de loin présenté la sensibilité la plus élevée parmi les cinq tests de dépistage évalués. Il était en particulier meilleur et plus précis que le ­«Mini Mental State».
Le test MoCA est disponible sur https://www.­mocatest.org. Il existe différents sites internet proposant une version allemande, française ou italienne.
J Am Soc Nephrol. 2020, doi.org/10.1681/ASN.2019100988.
Rédigé le 12.03.2020.

Suicidalité en baisse chez les médecins

Par rapport à la période antérieure à 1980 (avec des résultats d’études évalués jusqu’à 2015), la suicidalité a diminué chez les médecins. Une différence considérable de la mortalité par suicide en fonction des sexes, qui existe depuis les années 1950, persiste néanmoins: Par rapport aux femmes non-médecins, le risque est significativement plus élevé pour les femmes médecins («odds ratio» = 1,46), tandis que ce risque est significativement plus faible chez les hommes médecins par rapport aux hommes non-médecins («odds ratio» = 0,67). La suicidalité est une conséquence tragique d’un grand nombre de circonstances et de facteurs. Ces chiffres sont un appel à une prise en compte particulière de la situation spécifique des femmes médecins dans le cadre de l’identification et de la prévention de la suicidalité.
Rédigé le 11.03.2020.

Le saviez-vous?

Quels agents pathogènes sont le plus fréquemment associés à une colite ulcéreuse (plusieurs réponses peuvent être correctes)?
A Enterococcus faecalis
B Amibes
C Cytomégalovirus
D Giardia lamblia
E Clostridioides difficile

Réponse:

Clostridioides difficile (autrefois: Clostridium difficile) est l’agent pathogène le plus fréquemment incriminé dans les maladies inflammatoires de l’intestin et il conduit aussi souvent à une exacerbation de ces dernières. Une colite à cytomégalovirus (CMV) est souvent associée à une colite ­ulcéreuse, et une colite par réactivation du CMV s’observe avant tout après un traitement par glucocorticoïdes en raison d’une colite ulcéreuse. Les réponses correctes sont donc les réponses C et E.
N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMcpc1913476.
Rédigé le 11.03.2020.
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