Endocardite infectieuse: prévention et prophylaxie
Recommandations du groupe d’experts «Infective Endocarditis Prevention»

Endocardite infectieuse: prévention et prophylaxie

Richtlinien
Édition
2021/0506
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2021.08717
Forum Med Suisse. 2021;21(0506):84-89

Affiliations
a Klinik für Infektiologie und Abteilung für Spitalhygiene, Universitätsspital Basel und Universität Basel; b Institut für Infektionskrankheiten, Universität Bern; c Klinik für Infektionskrankheiten und Spitalhygiene, Universitätsspital Zürich; d Herzinsuffizienz und Transplantationen, Universitäres Herzzentrum Zürich, Universitätsspital Zürich; e Zentrum für Innere Medizin, Hirslanden Klinik Aarau; f Klinik für Infektiologie und Spitalhygiene, Kantonsspital St. Gallen; g Service des Maladies Infectieuses, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne; h Universitäres Herzzentrum, Universitätsspital Basel und Universität Basel; i Kardiologie, Spital Emmental, Standort Langnau; j Infektiologie, Universitätsklinik für Kinderheilkunde, Inselspital Bern; k Kardiologie, Universitäts-­Kinderspital Zürich; i Angeborene Herzerkrankungen, Universitäres Herzzentrum Zürich, Universitätsspital Zürich

Publié le 02.02.2021

Recommandations du groupe d’experts «Infective Endocarditis Prevention».

Les articles de la rubrique «Recommandations» ne reflètent pas forcément l’opinion de la rédaction. Les contenus relèvent de la responsabilité rédactionnelle de la société de discipline médicale ou du groupe de travail signataire. Cet article présente les recommandations du groupe d’experts «Infective Endocarditis Prevention», qui ont été approuvées par les sociétés de discipline médicale concernées (voir ci-dessus).

Contexte et démarche

En 2017, la Société Suisse d’Infectiologie (SSI) a créé, avec le soutien de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), une plateforme afin d’élaborer des lignes directrices relatives à l’antibiothérapie pour les indications pertinentes pour la pratique, l’objectif étant d’optimiser l’usage des antibiotiques en Suisse [1]. En font partie les lignes directrices relatives à la prophylaxie de l’endocardite. Suite à des modifications substantielles des recommandations par l'«American Heart Association» en 2007, les recommandations suisses relatives à la prophylaxie de l’endocardite ont été adaptées et révisées pour la dernière fois en 2008 [2]. A l’initiative de la SSI, ces lignes directrices ont désormais été adaptées au sein d’un groupe d’experts conjointement avec la Société Suisse de Cardiologie, la Société Suisse de Cardiologie Pédiatrique et le Groupe suisse d’infectiologie pédiatrique. A cet effet, conformément aux directives de la SSI, le groupe d’experts a consulté les lignes directrices internationales déjà ­publiées et a sélectionné une «Guideline de référence». Pour le thème de la prévention de l’endocardite infectieuse (EI), ce sont les recommandations de la Société européenne de cardio­logie (ESC) de 2015 qui ont été ­sélectionnées [3]. Les divergences par rapport à ce Guideline de référence ont été formulées et présentées de façon concise sous forme de «Swiss Guideline Digest» par le groupe d’experts. Elles sont disponibles gratuitement en ligne en version mobile et en version web (https://ssi.guidelines.ch/ → Endocardite infectieuse/Prévention).

Prévention et prophylaxie

Le terme «prophylaxie antibiotique» ou «prophylaxie de l’endocardite» est traditionnellement utilisé. Il ­désigne l’administration unique d’une substance antibiotique avant une intervention (par exemple en médecine dentaire). Cette prophylaxie antibiotique a pour objectif l’élimination rapide de la bactériémie transitoire (pouvant survenir dans le cadre de l’intervention) et donc la réduction du risque d’endocardite. De nombreuses études ont cependant montré que seule une proportion très faible de toutes les endocardites survenait effectivement après des interventions de médecine dentaire. Les bactériémies survenant lors des gestes quotidiens (par exemple brossage des dents, mastication, etc.) jouent un rôle beaucoup plus grand dans la survenue des endocardites. Sur la base de ce constat, les recommandations se focalisent sur une stratégie de prévention générale. Cette dernière englobe notamment l’éducation des patients concernant les risques d’endocardite et des recommandations relatives aux mesures générales d’hygiène cutanée et dentaire. Il est par conséquent ­essentiel d’employer la terminologie «prévention et prophylaxie».

La prophylaxie antibiotique toujours uniquement indiquée dans un groupe

Après la limitation de l’indication d’une prophylaxie antibiotique à un seul groupe (maladies cardiaques à haut risque d’EI), des études conduites en Angleterre ont rapporté une diminution des prescriptions d’antibiotiques et une augmentation de l’incidence de l’EI [4, 5]. Les résultats et réflexions d’une (nouvelle) extension de l’indication ont ainsi fait l’objet de critiques [6, 7], d’autant plus que d’autres études menées durant la même période n’ont pas constaté d’augmentation de l’incidence de l’EI [8, 9]. Sur la base de la maladie cardiaque et de la sévérité d’une valvulopathie éventuelle, il existe différentes catégories de risque de développement d’une EI (risque modéré ou élevé) [10]. Conformément aux lignes directrices européennes, le groupe d’experts limite l’indication d’une prophylaxie antibiotique aux patients ayant un haut risque d’endocardite, c.-à-d. à uniquement un groupe à risque. Cela est déjà recommandé ­depuis 2008 en Suisse.

Nouveautés par rapport aux lignes ­directrices de 2008

Au cours des dernières années, plusieurs grandes études ont confirmé [10] que les patients ayant des ­antécédents d’endocardite et les patients avec prothèse valvulaire ou reconstructions valvulaires avec du ­matériel prothétique présentaient le risque le plus élevé d’EI (voir liste ci-dessous). Par conséquent, les indications dans ce groupe à risque sont volontairement présentées dans un ordre hiérarchique.
Les divergences qui existaient dans les recommandations suisses jusqu’alors en vigueur ont été éliminées faute de preuves et les recommandations suisses ont désormais été adaptées aux recommandations européennes (pas de recommandation de prophylaxie antibiotique chez les patients avec communication interventriculaire non opérée ou persistance du canal artériel).

Indications pour la prophylaxie antibiotique chez les patients à haut risque

1. Patients ayant un antécédent d’endocardite infectieuse.
2. Patients porteurs de prothèse valvulaire (mécanique ou biologique, y. c. implantation d’une prothèse valvulaire aortique transcathéter [«transcatheter valve implantation»]), ou patients chez lesquels du matériel prothétique a été utilisé pour la reconstruction valvulaire.
3. Patients présentant une pathologie cardiaque congénitale:
a) Toute cardiopathie congénitale cyanogène (c.-à-d. non opérée).
b) Toute cardiopathie congénitale opérée avec implantation de matériel prothétique (par chirurgie ou voie percutanée).
→ Haut risque pendant 6 mois après l’intervention.
c) Toute cardiopathie congénitale opérée avec implantation de matériel prothétique (par chirurgie ou voie percutanée), s’il persiste un «shunt» ou un déficit résiduel après l’intervention (par exemple epithélisation incomplète du matériel prothétique).
→ Haut risque à vie ou tant que le déficit résiduel persiste.
4. Il n’existe aucune évidence permettant de recommander une prophylaxie chez les patients transplantés cardiaques. L’indication devrait être discutée au cas par cas. Le patient devrait contacter le spécialiste en transplantation pour évaluer l’indication en amont d’une intervention élective.

Interventions de médecine dentaire et en dehors de la médecine dentaire

Les recommandations relatives à la prophylaxie antibiotique pour les interventions au niveau de la sphère ORL, de la peau, de l’appareil respiratoire, du tractus gastro-intestinal et de l’appareil uro-génital ne font ­volontairement plus partie des recommandations relatives à la prophylaxie de l’endocardite. En particulier les interventions chirurgicales abdominales électives et les interventions gynécologiques électives sont le plus souvent réalisées dans un hôpital. SwissNoso a publié des recommandations relatives à la prophylaxie antibiotique périopératoire pour ces interventions [11]. Ces recommandations s’appliquent en principe aussi aux patients ayant un risque accru d’EI. Les divergences par rapport à ces recommandations générales chez les personnes ayant un haut risque d’EI sont publiées sur le site internet https://ssi.guidelines.ch/ sous «Endocardite infectieuse / Prévention» (voir aussi liste ci-dessous). Cela concerne par exemple l’incision d’abcès cutanés ou le choix de l’antibiotique lors d’interventions abdominales (amoxicilline/acide clavulanique au lieu de céfuroxime ou céfazoline). La Société Suisse de Gastroentérologie a publié des recommandations spécifiques relatives à la prophylaxie antibiotique pour les examens et interventions endoscopiques [12]. Compte tenu de ces aspects, les recommandations relatives à la prophylaxie antibiotique se limitent aux interventions de médecine dentaire dans la carte «Prophylaxie des endocardites» (voir liste ci-dessous). Pour les interventions en dehors de la médecine dentaire, nous renvoyons aux recommandations publiées par les différentes sociétés de discipline médicale (voir liste ci-dessous et https://ssi.guidelines.ch/ → «Endocardite infectieuse / Prévention»).

Interventions de médecine dentaire

• Une prophylaxie antibiotique n’est pas recommandée pour: les injections d’anesthésiants locaux dans un tissu non infecté, le traitement des caries superficielles, l’ablation de points de suture, les examens d’imagerie dentaire, la pose ou l’adaptation de prothèses dentaires amovibles, de dispositifs orthodontiques ou d’appareils dentaires.
• La prophylaxie antibiotique n’est pas recommandée lors de l’exfoliation des dents de lait ni lors de blessures superficielles au niveau des lèvres ou de la muqueuse buccale.
• L’utilisation d’une prophylaxie antibiotique devrait être limitée aux interventions chirurgicales dentaires ayant tendance à saigner suivantes:
– intervention chirurgicale au niveau des gencives ou de la région péri-apicale (endodontie);
– perforation de la muqueuse buccale lors des ­interventions de chirurgie dentaire.
• Pour la prophylaxie antibiotique, il est recommandé de prendre les molécules indiquées dans le tableau 1 une heure avant l’intervention.
Tableau 1: Prophylaxie antibiotiqueavant une intervention de chirurgie dentaire et hygiène dentaire*.
Pour la prophylaxie antibiotique, il est recommandé de prendre les médicaments listés ci-dessous une heure avant l'intervention.
Amoxicilline 2 g Adultes: Amoxicilline 2 g p.o.
Enfants: Amoxicilline 50 mg/kg (maximum 2 g) p.o.
Allergie à la pénicillineAdultes: Céfuroxime axétil 1 g p.o. en cas de réaction allergique de type retardé
Enfants: Céfuroxime axétil 50 mg/kg p.o. (maximum 1 g) en cas de réaction allergique de type retardé
Adultes: Clindamycine 600 mg p.o. en cas de réaction allergique de type immédiat
Enfants: Clindamycine 20 mg/kg p.o. (maximum 600 mg) en cas de réaction allergique de type immédiat
Si le médicament ne peut pas être avaléAdultes: Amoxicilline 2 g i.v.
Enfants: Amoxicilline 50 mg/kg i.v. (maximum 2 g)
Alternative en cas d’allergie à la pénicilline, si le médicament ne peut pas être Adultes: Céfazoline 1 g i.v. ou ceftriaxone 2 g i.v. en cas de réaction allergique de type retardé
Enfants: Céfazoline 25 mg/kg i.v. (maximum 1 g) ou ceftriaxone 50 mg/kg i.v. (maximum 2 g) en cas de réaction allergique de type retardé
Adultes: Clindamycine 600 mg i.v. ou vancomycine 1 g i.v. en cas de réaction allergique de type immédiat
Enfants: Clindamycine 20 mg/kg i.v. (maximum 600 mg) ou vancomycine 20 mg/kg i.v. (maximum 1 g) en cas de réaction allergique de type immédiat
* Une carte distincte est délivrée pour les adultes et les enfants.

Interventions en dehors de la chirurgie dentaire

Chirurgie ORL

• Une prophylaxie antibiotique périopératoire n’est pas recommandée lors d’une amygdalectomie chez les patients sans risque de développer une EI. Il n’existe aucune recommandation pour une prophylaxie antibiotique chez les patients à risque d’EI.
• Une bactériémie est fréquemment associée à l’amygdalectomie. Il n’existe cependant aucune évidence qu’une prophylaxie périopératoire puisse empêcher une bactériémie ou une endocardite chez les patients à risque.
• La majorité des groupes d’experts préconise l’utilisation d’une prophylaxie antibiotique périopératoire lors d’une amygdalectomie chez les patients à haut risque d’EI. L’agent antibiotique utilisé devrait cibler la flore orale.
• Le groupe d’experts catégorise ces propos comme étant des opinions et non pas des recommandations.

Procédures au niveau du tractus respiratoire

• La prophylaxie antibiotique n’est pas recommandée en cas de bronchoscopie, laryngoscopie ni lors d’intubations nasales ou endotrachéales.
• Lors d’actes invasifs nécessaires au traitement d’une infection établie (par ex. drainage d’un abcès), l’emploi d’un traitement antibiotique empirique incluant un agent anti-staphylococcique (Staphylococcus ­aureus) devrait être envisagé.

Procédures au niveau du tractus gastro-intestinal ou uro-génital

• La prophylaxie antibiotique n’est pas recommandée en cas de gastroscopie, coloscopie, laparoscopique biliaire à bas risque d’EI (voir aussi les recommandations Swissnoso 2015 au sujet des prophylaxies périopératoires), en cas de cystoscopie, d’accouchement par voie basse ou par césarienne, ou en cas d’échocardiographie transœsophagienne (ETT).
• Dans le cas où une thérapie antibiotique serait indiquée dans le traitement d’une infection établie, il faut utiliser un agent antibiotique actif sur les entérocoques.
• Dans le cas où une antibiothérapie serait indiquée dans la prévention de l’infection d’une plaie ou d’une bactériémie (prophylaxie antibiotique périopératoire ou péri-interventionnelle), l’utilisation d’un agent antibiotique ciblant les entérocoques devrait être préconisée (tab. 2).
Tableau 2: Médicamentslors d'interventions chirurgicales dans la région abdominale.
Prophylaxie antimicrobienne périopératoirePas d'allergie à la ­pénicillineAllergie à la pénicilline
Adultes
30–60 min avant l'intervention en dosage unique
Amoxicilline/clavulanate 2,2 g i.v.Vancomycine 1 g i.v.
plus gentamicine1 3 mg/kg i.v.
(ou ciprofloxacine 400 mg i.v.)
plus métronidazole 500 mg i.v.
Enfants
30–60 min avant l'intervention en dosage unique
Amoxicilline/clavulanate 50/5 mg/kg i.v.
(max. 2,2 g i.v.)
Vancomycine 20 mg/kg i.v. (max. 1 g i.v.)
plus gentamicine 2,5 mg/kg i.v. (max. 80 mg)
plus métronidazole 10 mg/kg i.v. (max. 500 mg i.v.)
1 La gentamicine peut être remplacée par un autre aminoglycoside (par ex. amikacine). Veuillez contacter votre infectiologue.

Chirurgie de la peau et des tissus mous

• Indépendamment du type d’intervention, en l’absence d’infection, une prophylaxie antibiotique n’est pas recommandée.
• En cas d’interventions chirurgicales nécessaires au traitement d’une infection cutanée ou des tissus mous (par ex. incision d’abcès), une antibiothérapie empirique ciblant les staphylocoques ainsi que les streptocoques bêta-hémolytiques est recommandée.

Chirurgie cardiaque ou vasculaire

• Un dépistage préopératoire du portage nasal de ­Staphylococcus aureus est recommandé avant toute intervention cardiaque élective
→ Décoloniser les porteurs en préopératoire.
• Un traitement local systématique de Staphylococcus aureussans dépistage n’est pas recommandé.
• Les sources potentielles d’infections (par ex. au ­niveau dentaire) devraient être traitées (ex: extraction dentaires) ≥2 semaines avant l’intervention.
• Une prophylaxie antibiotique périopératoire est ­recommandée lors de l’implantation d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur.
• Une prophylaxie antibiotique périopératoire est ­recommandée lors de l’implantation d’une prothèse valvulaire (par voie chirurgicale ou transcathéter), d’un matériel intravasculaire ou d’un autre matériel étranger (par exemple pose d’un implant endovasculaire lors de la reconstruction endovasculaire d’un anévrisme).
• La prophylaxie devrait débuter immédiatement avant l’intervention et devrait être répétée en cas d’intervention prolongée. La durée de la prophylaxie ne devrait pas dépasser les 48 heures.

Indications avec faible niveau de preuve

Au cours du processus d’élaboration des recommandations actuelles, les thèmes suivants ont été intensivement discutés au sein du groupe d’experts:

Transplantation cardiaque

En raison du faible niveau de preuve, l’ESC recommande (2015) de retirer la transplantation cardiaque en soi de la liste des indications de la prophylaxie antibiotique [3]. En revanche, la Société internationale de transplantation cardiaque et pulmonaire (ISHLT) maintient dans ses recommandations (2010) l’indication d’une prophylaxie antibiotique chez les patients transplantés qui développent une valvulopathie [13]. Les ­patients transplantés présentent un risque élevé de ­développer une insuffisance tricuspide [14]. Il n’existe que quelques rares publications (hétérogènes) ayant évalué l’association entre l’insuffisance tricuspide et l’endocardite [15, 16]. La justification de l’ISHLT (avis d’experts et déclarations de consensus) se fonde sur des observations d’évolutions sévères et de mortalité élevée chez les patients transplantés avec EI [17]. Le groupe d’experts estime qu’en raison du manque de preuves scientifiques, il est impossible d’émettre des recommandations pour ou contre une prophylaxie antibiotique. La majorité des membres du groupe d’experts se rallient à la recommandation de l’ESC. En même temps, le groupe d’experts considère qu’il n’est pas judicieux de publier une recommandation générale pour une population de patients relativement petite en Suisse avec des antécédents médicaux complexes et hétérogènes. Etant donné que tous les patients ayant fait l’objet d’une transplantation ­cardiaque sont suivis dans un centre spécialisé, il ­appartient aux spécialistes des centres de transplantation en charge des patients de décider au cas par cas de continuer à recommander ou non une prophylaxie ­antibiotique avant une intervention correspondante.

Amygdalectomie

L’amygdalectomie est fréquemment associée à une bactériémie [18–21]. Néanmoins, une prophylaxie antibiotique périopératoire n’est pas recommandée en cas d’amygdalectomie chez des patients sans risque d’EI [11, 22]. En l’absence de preuves scientifiques du bénéfice d’une prophylaxie antibiotique périopératoire chez les patients avec risque d’EI, aucune recommandation n’est émise dans les lignes directrices européennes. Au sein du groupe d’experts suisses, la majorité des membres du groupe d’experts privilégie l’administration d’une prophylaxie antibiotique périopératoire en cas d’amygdalectomie chez des patients à haut risque d’EI [2, 21, 23]. La substance ­antibiotique doit être active contre les micro-organismes de la flore orale (par exemple amoxicilline/acide clavulanique 2,2 g chez les adultes et 50 mg/kg [dose maximale 2,2 g] chez les enfants, par voie intraveineuse 30 minutes avant l’incision). Compte tenu du manque de preuves, le groupe d’experts suisses catégorise ces propos comme étant des opinions et non pas des recommandations.

Amplification de la communication d’informations et de recommandations

Tandis que seuls quelques rares points des recommandations relatives à la prophylaxie antibiotique à proprement parler pour les patients à haut risque ont changé par rapport aux recommandations de 2008, la révision actuelle s’est axée sur l’élaboration d’une stratégie de prévention globale, qui doit être portée à la connaissance de tous les patients ayant un risque ­accru d’EI (fig. 1).
Figure 1: Toutes les personnes ayant un risque accru (c.-à-d. modéré ou élevé) d’endocardite profitent de la campagne de prévention et d’information. Seules les personnes ayant un risque particulièrement élevé d’endocardite infectieuse doivent se voir remettre la carte «Prophylaxie des endocardites» contenant des informations sur la prophylaxie antibiotique avant des interventions de médecine dentaire et procédures d’hygiène dentaire. © Fondation Suisse de Cardiologie.
La stratégie d’information englobe les thèmes clés ­suivants:
• Transmission des connaissances sur la nécessité d’une bonne hygiène dentaire et cutanée;
• Information sur les symptômes d’une EI et sur la bonne attitude à adopter en cas de survenue de tels symptômes (prise de contact rapide avec le médecin, importance du prélèvement d’hémocultures avant l’initiation d’une antibiothérapie).
Etant donné qu’un diagnostic rapide et l’initiation ­immédiate d’un traitement adéquat peuvent être ­salvateurs en cas d’EI, le groupe d’experts estime que l’amélioration de l’éducation des patients représente une composante centrale d’une stratégie de prévention globale. Pour la mise en œuvre de ces objectifs, le groupe d’experts a élaboré un concept d’information en collaboration avec la Fondation Suisse de Cardiologie. Une composante centrale de ce concept est une brochure d’information sur le thème de l’endocardite, qui peut être remise à tous les patients ayant un risque ­accru d’EI (fig. 1). Elle doit soutenir les médecins et ­soignants dans leur mission d’éducation des patients dans la pratique clinique quotidienne et convient également pour l’auto-apprentissage. Les patients ayant un haut risque d’EI, pour lesquels une prophylaxie antibiotique reste recommandée avant des interventions de médecine dentaire, reçoivent en plus une carte au format carte de crédit, qui remplace la carte «Prophylaxie des endocardites» délivrée jusqu’alors (fig. 1). A la fois pour la brochure d’information et pour la carte «Prophylaxie des endocardites», il existe une variante pour les enfants et les adolescents et une ­variante pour les adultes. Pour les interventions en ­dehors de la médecine dentaire, nous renvoyons aux recommandations publiées par les différentes sociétés de discipline médicale (fig. 2). Des moyens d’information supplémentaires, tels qu’un site internet (www.endocarditis.ch [allemand], www.endocardites.ch [français], www.endocardite.ch [italien]) et un film d’information, sont en cours d’élaboration.
Figure 2: La prophylaxie antibiotique avant des interventions de médecine dentaire et procédures d’hygiène dentaire est notée sur la carte «Prophylaxie des endocardites». Pour les interventions en dehors de la médecine dentaire, il convient de se référer au site internet et aux lignes directrices existantes. © Fondation Suisse de Cardiologie.
Un commentaire en langue anglaise relatif à ces recommandations est paru dans Cardiovascular Medicine (https://doi.org/ 10.4414/cvm.2021.10042).
Nous remercions la Fondation Suisse de Cardiologie pour la bonne collaboration et le généreux soutien dans le travail de relations publiques. Nous remercions le Prof. Dr méd. dent. Michael M. Bornstein, de la clinique Oral Health & Medicine du Centre universitaire de médecine dentaire de Bâle, pour son soutien technique et rédactionnel concernant les aspects ayant trait à la médecine dentaire.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. Parham Sendi
Klinik für Infektiologie und Abteilung für Spitalhygiene
Universitätsspital Basel
CH-4031 Basel
parham.sendi[at]usb.ch

Institut für Infektions­krankheiten
Universität Bern
CH-3010 Bern
parham.sendi[at]
ifik.unibe.ch
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