Hyperthermie maligne
Potentiellement fatale, mais traitable ...

Hyperthermie maligne

Übersichtsartikel
Édition
2021/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2021.08725
Forum Med Suisse. 2021;21(1920):316-321

Affiliations
a Departement Anästhesie, Notfall, Intensivmedizin, Rettung, Kantonsspital Graubünden, Chur; b Anästhesiologie, Universitätsspital Basel; c Maligne Hyperthermie Diagnostik Zentrum, Universitätsspital Basel
*Ces auteurs ont contribué à part égale à la réalisation de cet article.

Publié le 11.05.2021

La décompensation métabolique déclenchée par l’exposition à des anesthésiques volatils et/ou à la succinylcholine peut uniquement être corrigée par une détection rapide, un arrêt des agents déclenchants et un traitement immédiat.

Vignette de cas

Nous décrivons le cas d’un patient de 22 ans, qui a été admis pour une mastectomie sous-cutanée et liposuccion électives en raison d’une gynécomastie vraie. Le patient ne présentait pas de maladies préexistantes, d’allergies ou d’autres facteurs de risque pertinents pour l’anesthésie. Il était originaire du canton des Grisons, mais il n’avait pas d’antécédents familiaux d’évènements en lien avec des anesthésies et d’après son nom de famille, il n’était pas issu d’une famille grisonne ayant un risque connu d’hyperthermie maligne (HM; prédisposition génétique familiale à l’HM suspectée dans l’Oberland grison; cf. texte), si bien que rien n’indiquait un risque périopératoire accru d’HM. Pour l’intervention chirurgicale, le patient a fait l’objet d’une anesthésie avec intubation, qui a été induite par propofol, lidocaïne i.v. (pour la prévention de la douleur liée à l’injection du propofol), fentanyl et rocuronium. Après l’intubation réussie, l’anesthésique volatil desflurane a été utilisé pour le maintien de l’anesthésie. Environ 45 minutes après l’induction de l’anesthésie, une élévation inexplicable du dioxyde de carbone (CO2) en fin d’expiration jusqu’à une valeur maximale de 57 mm Hg (norme: 33–45 mm Hg) a été constatée en l’espace d’une demi-heure. Presque simultanément, le patient a présenté une élévation de la température corporelle d’1,6 °C (jusqu’à 37,7 °C au maximum) et une instabilité hémodynamique croissante avec une baisse de la pression artérielle à 75/40 mm Hg, sans tachycardie concomitante. Face à une forte suspicion d’HM, le desflurane en tant qu’agent déclenchant potentiel a été interrompu, le système circulatoire du respirateur a été rincé avec de l’oxygène à haut débit et des filtres à charbon actif ont été installés sur la branche inspiratoire et sur la branche expiratoire. Nous sommes passés à une anesthésie intraveineuse par propofol et avons immédiatement administré au patient un bolus de 2,5 mg/kg de poids corporel de dantrolène. La gazométrie artérielle initiale a montré une acidose respiratoire-métabolique mixte avec un pH de 7,32 (norme: 7,35–7,45), une pression partielle de CO2 (PaCO2) dans le sang artériel de 50 mm Hg (norme: 35–48), une pression partielle d’oxygène (PaO2) dans le sang artériel de 260 mm Hg (norme: 83–108), un excès de base de -0,8 (norme: -2,0–3,0), une concentration de lactate de 2,4 mmol/l (norme: 0,5–1,6), ainsi qu’une concentration de créatine kinase d’au maximum 154 U/l (norme: 39–308), avec des valeurs normales d’électrolytes. Le patient a pu être stabilisé hémodynamiquement avec de faibles doses d’éphédrine et un bolus de soluté de remplissage. Après l’administration de dantrolène, les signes cliniques d’hypermétabolisme ont régressé et une assistance circulatoire n’était plus nécessaire. En postopératoire, le patient a été transféré en unité de soins intensifs pour y faire l’objet d’une surveillance continue et il a pu y être extubé avec succès encore le même jour. Des déterminations en série de la créatine kinase n’ont pas été réalisées en raison de l’amélioration rapide de l’état clinique du patient. L’évolution ultérieure était sans particularités. Lors des investigations ultérieures réalisées au centre de diagnostic de l’HM à Bâle, la suspicion clinique d’une susceptibilité à l’HM a été confirmée.

Introduction

L’HM est une maladie pharmacogénétique subclinique des muscles squelettiques. Chez les patients concernés, l’utilisation d’anesthésiques volatils et/ou du myorelaxant dépolarisant succinylcholine peut ­entraîner une contraction musculaire massivement exacerbée (spasme du masséter, rigidité musculaire pathognomonique), avec une élévation rapide de la température corporelle. L’hypermétabolisme avec un besoin accru en oxygène peut conduire à une acidose lactique, à une hyperkaliémie et à une rhabdomyolyse pouvant aller jusqu’à une défaillance multiviscérale [1]. Depuis l’introduction de l’antidote dantrolène, le taux de létalité de ces évolutions fulminantes a pu être abaissé de 80% à moins de 5% [2]. Au cours des dernières années, une augmentation de la mortalité a cependant été observée. La sensibilisation répétée du personnel soignant aux symptômes et aux concepts thérapeutiques de l’HM est dès lors d’une importance capitale pour la sécurité périopératoire des patients. L’évitement des agents déclenchants chez les patients vulnérables et le traitement ciblé précoce d’une crise d’HM sont les seuls moyens d’éviter les issues létales de l’anesthésie.

Epidémiologie

Dans le cadre d’une maladie subclinique (sans exposition aux agents déclenchants, les patients sont asymptomatiques), l’incidence de l’HM peut uniquement être estimée. Les patients prédisposés ont en moyenne trois anesthésies générales se déroulant normalement jusqu’à ce qu’une réaction fulminante survienne et qu’une HM soit suspectée [1, 3]. Avec une prévalence génétique estimée de 1:2 000 à 1:3 000 dans la population générale, l’incidence des évolutions fulminantes est comprise entre 1:10 000 et 1:100 000 de toutes les anesthésies générales [4–6]. Dans environ la moitié des cas, une crise d’HM survient chez des personnes âgées de moins de 15 ans. Les hommes sont environ deux fois plus souvent touchés que les femmes [5]. A l’échelle mondiale, l’HM se rencontre dans toutes les ethnies. Il existe cependant de grandes différences régionales, avec des incidences accrues documentées par exemple dans le Vorarlberg (Autriche) et à Palmerston (Nouvelle-Zélande) [7]. En Suisse, une fréquence accrue de l’HM est connue chez environ une douzaine de familles grisonnes. L’hôpital cantonal des Grisons tient par conséquent une liste de noms afin d’éviter d’exposer les patients de ces familles aux agents déclenchants. L’incidence accrue de l’HM dans ces familles grisonnes n’a toutefois jamais été étudiée intégralement, si bien que ces mesures de précaution reposent uniquement sur des valeurs empiriques.
Aujourd’hui, une anesthésie intraveineuse totale par propofol est de plus en plus souvent privilégiée par rapport aux anesthésiques volatils, ce qui élimine le risque de crises d’HM fulminante, à condition qu’il n’y ait pas d’administration supplémentaire de succinylcholine. En particulier l’anesthésique volatil halothane, un déclencheur particulièrement puissant d’HM, n’est plus utilisé dans la plupart des pays occidentaux. Le ­sévoflurane, l’isoflurane et le desflurane, qui sont des anesthésiques volatils que nous utilisons couramment, peuvent également déclencher une crise d’HM fulminante [8].
La succinylcholine est uniquement encore utilisée de manière très restrictive dans de nombreuses cliniques en raison de ses effets indésirables potentiellement graves (entre autres risque d’hyperkaliémie) et des bonnes alternatives disponibles.

Physiopathologie

En l’absence de signes phénotypiques, cette myopathie de transmission autosomique-dominante est dans la majorité des cas due à un défaut au niveau du récepteur de la ryanodine de type 1 (RYR1). Les mutations se trouvent dans le gène RYR1 localisé sur le chromosome 19. Environ 70% des familles avec susceptibilité à l’HM sont porteuses de mutations dans ce gène spécifique.
Le RYR1 est un canal ionique de la cellule musculaire squelettique, qui contrôle physiologiquement la libération de calcium à partir du réticulum sarcoplasmique de la cellule musculaire squelettique vers le cytosol après stimulation par un potentiel d’action. La concentration accrue de calcium dans le cytosol consécutive à la stimulation entraîne ensuite une réticulation des myofilaments et une contraction de la cellule musculaire squelettique (fig. 1A). Chez les personnes concernées, certains variants génétiques altèrent les propriétés du RYR1 de sorte à ce que le contact avec un agent déclenchant de l’HM (tab. 1) entraîne une libération massive et incontrôlée de calcium à partir du réticulum sarcoplasmique vers le cytosol, ce qui provoque une contraction continue de la cellule musculaire squelettique (fig. 1B). L’hypermétabolisme se traduit par une consommation d’oxygène fortement augmentée, avec glycolyse anaérobie croissante. On assiste en outre à une lactatémie progressive, à une hyperthermie et à une production excessive de CO2. A la fois la contraction musculaire continue et la réabsorption du calcium dans le réticulum sarcoplasmique sont des processus consommateurs d’énergie. Durant une crise d’HM, de grandes quantités de l’accumulateur d’énergie cellulaire adénosine triphosphate (ATP) sont utilisées à cet effet. Etant donné que l’ATP, en tant que fournisseur d’énergie, joue un rôle essentiel dans le maintien du potentiel de membrane, des réserves vides d’ATP menacent finalement l’intégrité des membranes cellulaires musculaires. Il peut en résulter une destruction cellulaire avec rhabdomyolyse, ainsi qu’une hyperkaliémie, hyperphosphatémie et myoglobinurie consécutives avec insuffisance rénale aiguë [1].
Figure 1: Physiopathologie. Processus cellulaires lors du couplage électromécanique dans une (A) cellule musculaire normale par rapport à une (B) cellule musculaire susceptible à l’HM (modifié d’après [11]; © Deborah Blättler, reproduction avec l’aimable autorisation de l’auteur). HM: hyperthermie maligne; ATP: adénosine triphosphate; ADP: adénosine diphosphate; Ca2+: ion calcium; SERCA: ATPase du réticulum sarcoplasmique/endoplasmique; CO2: dioxyde de carbone; O2: oxygène; RYR1: récepteur de la ryanodine de type 1; DHPR: récepteur des dihydropyridines; RS: réticulum sarcoplasmique.
Tableau 1: Aperçu des agents déclenchants de l’HM/ agents sûrs.
Agents déclenchants de l’hyperthermie maligne (HM)
Anesthésiques volatilsSévoflurane, desflurane, isoflurane, enflurane
Halothane
Ether
Chloroforme
Myorelaxants dépolarisantsSuccinylcholine/suxaméthonium
Agents sûrs
Anesthésiques injectésBenzodiazépines
Barbituriques
Etomidate
Propofol
Kétamine
Protoxyde d’azote 
Myorelaxants non dépolarisantsAtracurium, mivacurium, rocuronium
AnalgésiquesOpiacés
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Paracétamol, métamizole
Anesthésiques locaux de type ester et amide 
Caféine (dans le cadre de la consommation normale de café) 

Manifestations cliniques

Une HM peut survenir à tout moment d’une anesthésie générale et jusqu’à une heure après l’administration du dernier agent déclenchant de l’HM [9]. Les premiers signes d’un épisode d’HM peuvent être une tachycardie inexpliquée, une élévation du CO2 en fin d’expiration, un spasme du masséter, ainsi qu’une rigidité musculaire (en dépit du blocage neuromusculaire). En cas de spasme du masséter, il se produit typiquement un trismus prolongé directement après l’administration de succinylcholine qui, par définition, doit durer plus de deux minutes [10]. L’hyperthermie peut atteindre des valeurs très élevées (jusqu’à 44 °C), sachant que l’augmentation de la température à partir de 1 °C/15 minutes a une plus grande importance diagnostique que la température maximale [11]. Sur le plan biochimique, il se produit une acidose métabolique-respiratoire mixte, avec élévation considérable du lactate et du CO2 en tant que signe du métabolisme anaérobie augmenté. Une rhabdomyolyse qui se développe peut également donner lieu à une hyperkaliémie, à une myoglobinémie et à une élévation de la créatine kinase. La myoglobinémie peut être responsable d’une insuffisance rénale aiguë pouvant aller jusqu’à la nécessité de dialyse. Outre les arythmies malignes provoquées par l’hyperkaliémie, un syndrome des loges par gonflement musculaire, une insuffisance cardiaque aiguë ou une coagulation intravasculaire disséminée avec défaillance multiviscérale peuvent également survenir. La combinaison de ces mécanismes se renforçant en partie mutuellement explique la mortalité élevée associée à une crise d’HM fulminante [4]. Globalement, la sévérité d’une crise aiguë d’HM peut être très hétérogène [3].

Mesures immédiates et traitement (fig. 2)

Figure 2: Algorithme en cas de suspicion d’hyperthermie maligne (modifié d’après [21]: www.malignehyperthermie.ch, traduction et reproduction avec l’aimable autorisation du Prof. Thierry Girard, hôpital universitaire de Bâle). HM: hyperthermie maligne; FiO2: fraction inspirée en oxygène; CO2: dioxyde de carbone; PC: poids corporel; benzod.: ­benzodiazépines; Ca2+: ion calcium; OP: opération; CD: cathéter à demeure; CVC: cathéter veineux central; NaCl: solution de chlorure de sodium; NaBic: bicarbonate de sodium.
En cas de suspicion d’une crise d’HM, l’administration des anesthésiques volatils doit être interrompue immédiatement et le système de ventilation doit être rincé en augmentant le débit de gaz frais avec une concentration en oxygène inspiratoire de 100%. En vue de la décontamination rapide de l’anesthésique volatil et de l’expiration du CO2 augmenté, le volume respiratoire par minute devrait au minimum être doublé. Un filtre à charbon actif, qui est uniquement disponible depuis quelques années, est placé sur la branche inspiratoire et sur la branche expiratoire du ventilateur. Du dantrolène (antagoniste spécifique du récepteur de la ryanodine) doit être administré immédiatement (2,5 mg/kg de poids corporel actuel en bolus), et l’administration doit être répétée toutes les 10 minutes jusqu’à la stabilisation clinique (PaCO2 <6 kPa avec ­volume respiratoire par minute normal et baisse de la température corporelle). Des doses élevées, qui dépassent la dose totale de >10 mg/kg de poids corporel mentionnée par le fabricant, peuvent s’avérer nécessaires [12]. Une administration continue de dantrolène au cours des 24 premières heures n’est plus recommandée dans les lignes directrices européennes actuelles [12]. En cas de réapparition de symptômes d’HM par la suite, les administrations en bolus devraient être répétées. Il convient de garder à l’esprit que la dissolution du dantrolène, qui présente une mauvaise solubilité, nécessite beaucoup de personnel et de temps et que le stock de dantrolène peut rapidement être épuisé chez les patients obèses [13]. Outre les analyses de laboratoire (gazométrie artérielle, créatine kinase, potassium, myoglobine dans le sang et l’urine), des instrumentations supplémentaires peuvent être indiquées en fonction de la situation clinique (mesure invasive de la pression artérielle, cathéter veineux central, sonde urinaire). Le traitement symptomatique se concentre sur le refroidissement actif au moyen de ­solutions électrolytiques complètes équilibrées froides et de méthodes de refroidissement externes avec une température cible de <38,5 °C [10] et sur la correction des éventuels troubles électrolytiques et de l’équilibre acido-basique. Pour la suite de la prise en charge, le ­patient devrait être transféré dans une unité de soins intensifs qui a de l’expérience avec cette affection [21].

Diagnostic différentiel d’une crise d’HM

La détection précoce d’une crise d’HM peut s’avérer difficile en raison des symptômes non spécifiques et souvent incomplets. L’HM peut être interprétée à tort comme une profondeur d’anesthésie insuffisante, un dysfonctionnement du système de ventilation ou une hypercapnie dans le cadre d’un capnopéritoine. En ­intra-opératoire, il convient de songer à une hyperthermie iatrogène, à une réaction anaphylactique, à un phéochromocytome ou à une crise thyréotoxique dans le cadre du diagnostic différentiel. Outre les intoxications à la cocaïne ou à la 3,4-méthylènedioxyamphétamine (MDMA, «ecstasy»), un syndrome sérotoninergique ou un syndrome malin des neuroleptiques (SMN) suite à la prise de neuroleptiques doivent également être envisagés en dehors du bloc opératoire. Malgré des symptômes similaires, avec hyperthermie, ­rigidité musculaire, acidose et rhabdomyolyse, le SMN résulte d’un blocage des récepteurs dopaminergiques. Il n’y a dès lors pas de susceptibilité à l’HM.
Après l’utilisation de succinylcholine chez les garçons, un arrêt cardio-circulatoire soudain dû à une hyperkaliémie peut à tort être interprété comme une crise d’HM. Une myopathie occulte (par ex. Duchenne) en est toutefois le plus souvent à l’origine. Tandis que les myopathies avec mutations au niveau du récepteur de la ryanodine, telles que la myopathie congénitale à cores centraux, le syndrome de King-Denborough, la myopathie à némaline et la myopathie à multi-minicores, sont associées à un risque accru de susceptibilité à l’HM, les dystrophies musculaires de type Duchenne ou Becker ne sont pas associées à une telle susceptibilité. L’administration de succinylcholine chez les patients concernés peut néanmoins déclencher une rhabdomyolyse avec une hyperkaliémie potentiellement fatale. Etant donné que ces maladies peuvent uniquement devenir cliniquement manifestes à l’âge de 6–8 ans, la succinylcholine devrait uniquement être utilisée avec une grande prudence chez les enfants et les adolescents [2].

Diagnostic d’une susceptibilité à l’HM (fig. 3)

Figure 3: Etapes diagnostiques en cas de suspicion d’une crise d’HM passée (traduction et reproduction à partir du British Journal of Anaesthesia [14]: Hopkins PM, Rüffert H, Snoeck MM, Girard T, Glahn KP, Ellis FR, et al. European Malignant Hyperthermia Group guidelines for investigation of malignant hyperthermia susceptibility. Br J Anaesth. 2015;115(4):531–9. doi: 10.1093/bja/aev225. © 2015, avec l’aimable autorisation d’Elsevier. https://www.sciencedirect.com/journal/british-journal-of-anaesthesia). HM: hyperthermie maligne; MHShc: hyperthermie maligne sensible in vitro à l’halothane et à la caféine; MHSh: hyperthermie maligne sensible in vitro à l’halothane; MHSc: hyperthermie maligne sensible in vitro à la caféine. MHN (HM négatif): classification in vitro, si tous les tests de contracture sont négatifs.
Lorsqu’il est suspecté qu’un patient a été victime d’une crise d’HM, la probabilité de présence effective d’une HM peut être évaluée plus précisément au moyen d’une «Clinical Grading Scale» (CGS). Dans la pratique clinique quotidienne, la CGS n’a cependant qu’une utilité limitée, car une crise d’HM ne peut pas être exclue avec certitude. En cas de suspicion justifiée, le patient devrait être adressé à un centre de diagnostic de l’HM pour des investigations approfondies [14]. En Suisse, ce centre se trouve à l’hôpital universitaire de Bâle. En cas d’indication correspondante, le test de l’HM représente une prestation obligatoire de l’assurance-maladie. Le diagnostic de génétique moléculaire peut être réalisé par test sanguin, le prélèvement sanguin pouvant être effectué au cabinet de médecine de famille [15]. Lorsque la personne à tester est issue d’une famille ayant une susceptibilité à l’HM avec mutation connue, il est possible de rechercher directement la mutation en question. Dans la mesure où une HM peut uniquement être mise en évidence mais ne peut pas être exclue, une biopsie musculaire avec test de contracture in vitro (TCIV) est réalisée en cas de résultat négatif du test ­génétique ou de nouveau cas. A cet effet, environ 4 g de muscle quadriceps fémoral sont prélevés au moyen d’une biopsie musculaire ouverte au cours d’une intervention ambulatoire sous anesthésie régionale. Immédiatement après, les préparations musculaires sont ­exposées à des concentrations croissantes d’halothane et de caféine en laboratoire. Si la préparation musculaire présente une contracture pathologique suite à l’application d’une substance test, le patient est affecté à l’un des groupes diagnostiques de laboratoire suivants: MHSh, MHSc, MHShc («MH susceptible» [= susceptible à l’HM] avec contraction pathologique par exposition à l’halothane et/ou à la caféine) ou MHN (HM négatif); par ailleurs, un certificat correspondant lui est remis. Le TCIV présente une sensibilité de 100% et une spécificité de 94% [14]. En cas de susceptibilité à l’HM diagnostiquée, la famille devrait bénéficier d’un conseil génétique (la mutation est transmise sur un mode autosomique-dominant) et les membres de la ­famille devraient également être testés. En cas de susceptibilité à l’HM, les futures anesthésies doivent impérativement consister en une anesthésie régionale ou en une anesthésie générale sans agents déclenchants.

Perspectives

Avec l’utilisation croissante des anesthésies intraveineuses totales et l’utilisation plus restrictive de la succinylcholine, l’incidence des crises d’HM fulminante pourrait continuer à diminuer. Malheureusement, nous avons assisté à une augmentation de la mortalité associée aux crises d’HM aiguës, atteignant jusqu’à 14%, au cours de la première décennie du 21e siècle [16]. Cette hausse de la mortalité pourrait s’expliquer par une utilisation accrue d’anesthésiques volatils en dehors des cliniques conventionnelles (par ex. cabinets dentaires, services ambulatoires, cliniques de jour) ou par l’information erronée répandue selon laquelle les anesthésiques volatils modernes ne peuvent pas déclencher de crise d’HM [17]. En raison de la proportion croissante d’anesthésies intraveineuses, il se pourrait aussi que le niveau de connaissances sur l’HM ait diminué au cours des dernières années [4].
A côté des succès continus de la recherche en génétique moléculaire avec la découverte de nouvelles mutations déclenchant l’HM, un déclenchement potentiel des crises d’HM suite à un effort physique important est actuellement discuté. Il s’est avéré que certains sous-groupes d’individus susceptibles à l’HM pouvaient être victimes de dommages musculaires sévères et d’hyperthermies causés par l’effort physique, raison pour laquelle une HM devrait également être envisagée dans le cadre du diagnostic différentiel chez les patients avec hyperthermie en dehors du bloc opératoire [10, 18].
Avec l’introduction de Ryanodex®/dantrolène (Eagle Pharmaceuticals, Woodcliff Lake, NJ, Etats-Unis), une suspension nanocristalline de dantrolène sodique qui se dissout plus rapidement avec des ressources en personnel moindres, le traitement d’urgence de l’HM pourrait être nettement facilité à l’avenir [19, 20].

L’essentielle pour la pratique

• L’hyperthermie maligne (HM) est une complication rare et potentiellement fatale de l’anesthésie, qui peut être déclenchée par des anesthésiques volatils et/ou le myorelaxant dépolarisant succinylcholine.
• Les signes d’une HM incluent rigidité, tachycardie, élévation du CO2 en fin d’expiration, hyperthermie et acidose.
• La prise en charge réside dans l’arrêt immédiat des agents déclenchants, dans l’administration immédiate de l’antidote dantrolène et dans le traitement symptomatique de l’hyperthermie, de l’hyperkaliémie et de la rhabdomyolyse.
• En cas d’utilisation d’agents susceptibles de déclencher une HM, le CO2 en fin d’expiration doit être mesuré en continu et une réserve suffisante de dantrolène doit être disponible. En cas de durée de l’anesthésie de >30 minutes, la température corporelle doit en outre être mesurée en continu.
• Chez les patients suspectés d’avoir été victimes d’une crise d’HM et chez les membres de la famille des patients avec HM confirmée, un bilan de l’HM devrait être réalisé au centre de diagnostic de l’HM de l’hôpital universitaire de Bâle.
• En cas d’urgence: www.malignehyperthermie.ch ou +41 (0)61 265 44 00 (ligne téléphonique d’urgence accessible 24 heures/24).
Les auteurs ont déclaré de ne pas avoir des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Thomas. J. Sieber
Departement Anästhesie, Notfall, Intensivmedizin, Rettung,
Kantonsspital Graubünden
Loëstrasse 170
CH-7000 Chur
thomas.sieber[at]ksgr.ch
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21 www.malignehyperthermie.ch, besucht am 15.10.2020.