Sans détour
Journal Club

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2021/1112
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2021.08760
Forum Med Suisse. 2021;21(1112):173-176

Publié le 16.03.2021

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur ... Diabète sucré et cancers

– Les maladies cardiovasculaires restent les principales comorbidités en cas de diabète sucré, avec une prévalence estimée de 27%.
– Les cancers sont toutefois devenus la principale cause de mortalité.
– L’incidence du cancer atteint son point culminant 8 ans après le diagnostic de diabète sucré.
– Mortalité associée aux cancers solides: 4,2 cas pour 1 000 patients diabétiques par an.
– Augmentations du risque de:
•  cancers du foie et du pancréas: 2×
•  cancers de l’endomètre et de la vésicule biliaire (des voies biliaires): 1,5–2,0×
• cancers rénaux, colorectaux et mammaires: 1,1–1,4×
– Les régimes alimentaires de réduction des risques destinés à prévenir le diabète sucré sont également associés à une réduction de certains cancers solides, en particulier des cancers du sein.
Lancet Diabetes Endocrinol. 2021, doi.org/10.1016/S2213-8587(21)00016-4 et doi.org/10.1016/S2213-8587(20)30431-9, rédigé le 06.02.2021.

Pertinents pour la pratique

Antagonisme de l’aldostérone et progression de la néphropathie diabétique

Nous nous intéressons ici à un article qui date encore de l’Avent: il existe des antagonistes des récepteurs de l’aldostérone stéroïdiens (spironolactone, éplérénone, canrénone) et depuis peu aussi un antagoniste des ­récepteurs de l’aldostérone non stéroïdien (finérénone, voir figure). Les antagonistes stéroïdiens et non stéroïdiens se lient au récepteur nucléaire des minéralocorticoïdes et l’inhibent tous deux; ils se distinguent toutefois par un spectre de transcription qui certes se chevauche en partie, mais qui diverge notamment en ce qui concerne la sécrétion rénale de potassium. Provoquent-ils aussi moins d’hyperkaliémies limitant le traitement en cas d’insuffisance rénale?
Chez plus de 5 700 patients atteints de diabète de type 2 avec néphropathie (albuminurie et/ou fonction rénale limitée, ainsi qu’inhibition médicamenteuse préexistante de l’axe rénine-angiotensine-aldostérone) qui ont été traités en double aveugle et de façon prospective, la finérénone est parvenue, après 2,6 ans, à réduire encore davantage ou à ralentir l’albuminurie, la baisse du débit de filtration glomérulaire, la pression artérielle, ainsi que la probabilité de développer des complications cardiovasculaires. La contrepartie (hyperkaliémie) était relativement modeste (élévation moyenne de la kaliémie par rapport au placebo: 0,2–0,25 mmol/l) et a uniquement été responsable d’un arrêt du traitement dans 2,3% des cas (placebo: 0,9%).
Voilà des résultats intéressants, qui font naître le désir d’évaluer également ce principe thérapeutique dans d’autres indications, comme l’insuffisance cardiaque ou l’hypertension.
N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMoa2025845.
Rédigé le 06.02.2021.
Formules structurales des agonistes naturels des minéralocorticoïdes et glucocorticoïdes aldostérone et cortisol (à gauche), avec les formules structurales des antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes stéroïdiens (spironolactone, ­canrénone, éplérénone) et du nouvel antagoniste non stéroïdien finérénone à droite (sources d’images: Public domain, via Wikimedia Commons [NEUROtiker: S/E/Ca/Co; The Titou: F; Ben Mills/Fvasconcellos: A]).

Consommation de céréales, maladies ­cardiovasculaires et mortalité

Les aliments à base de céréales contiennent soit des grains de céréales intacts («whole grain») soit des grains raffinés, dont la couche protectrice (son) et éventuellement aussi le germe ont été éliminés («refined grain»).
Près de 150 000 participants ont été observés durant 9,5 ans dans une étude* menée dans 21 pays, qui étaient bien répartis à l’échelle mondiale et également en termes de contexte économique, au moyen de questionnaires sur les habitudes alimentaires. Il s’est avéré que la consommation de produits céréaliers raffinés était associée de façon dose-dépendante à une probabilité accrue de développer une maladie cardiovasculaire ou même d’en décéder. Pour la consommation de produits céréaliers ou de riz non raffinés, une telle corrélation n’a pas été observée. L’association était hautement significative, mais il convient néanmoins de signaler que la statistique centrale a été réalisée entre deux extrêmes, à savoir entre une consommation de moins de 50 grammes par jour et une consommation de plus de 350 grammes (= 7 portions!) par jour.
La puissance statistique, l’élévation progressive linéaire du risque parallèlement à la quantité consommée et la compatibilité avec des preuves déjà existantes laissent cependant à penser qu’il pourrait y avoir là quelque chose d’important sur le plan épidémiologique à en tirer.
* Il s’agit de l’étude PURE («Prospective Urban and Rural Epidemiology»).
Rédigé le 04.02.2021.
Selon une étude internationale, la consommation de produits céréaliers raffinés, contrairement aux produits à grains entiers, est associée de façon dose-dépendante à un risque cardiovasculaire accru (© Elena Elisseeva | Dreamstime.com).

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Transplantations de microbiote fécal et ­immunothérapie oncologique

Dans des observations faites dans des modèles murins et chez des patients, certaines compositions de microbiote fécal étaient corrélées à l’efficacité des immunothérapies oncologiques (notamment des thérapies anti-­­PD-1*).
Deux publications [1, 2] décrivent comment, chez une partie des patients avec mélanome malin très avancé et résistance thérapeutique au blocage de PD-1, la ­réponse au traitement a pu être rétablie par le biais d’une transplantation de microbiote fécal. Les échantillons fécaux provenaient de patients chez lesquels la réponse à cette forme d’inhibition de point de contrôle immunitaire était maintenue. Dans une des études, une réponse au moins partielle au traitement a été réobtenue dans 6 cas sur 15; dans l’autre étude, cette proportion s’élevait à 3 cas sur 10.
Le nombre considérable de non-répondeurs apparents tempère les émotions qui ont été véhiculées dans les médias à propos de ces résultats. D’ici à ce que la question du bénéfice soit mieux clarifiée, il reste encore beaucoup à faire, entre autres concernant les questions suivantes: Comment le traitement anti-PD-1 en soi modifie-t-il le microbiote? Quelle espèce de bactéries intestinales est responsable? Quels métabolites de ces bactéries modulent la réponse et la résistance au traitement?
* «programmed cell death-1 protein»
Rédigé le 07.02.2021.

Epidémiologie génomique de la super-­propagation

La super-propagation, ou superspreading, désigne un phénomène encore largement incompris, lors duquel le SARS-CoV-2 peut ponctuellement actionner une chaîne de contamination beaucoup plus dynamique alors que les conditions environnementales sont apparemment identiques.
Sur la base de 850 analyses de génomes du SARS-CoV-2, il est apparu qu’entre mars et mai 2020, le virus avait été importé 120 fois dans la région de Boston. Toutefois, moins d’un tiers des virus étaient responsables de la grande majorité, c.-à-d. 85%, des transmissions locales ultérieures. Même les épidémiologistes classiques n’auraient eu aucune chance d’entrevoir qu’un virus introduit à l’occasion d’une conférence d’affaires internationale conduirait à une explosion des cas parmi les sans-abri ... et continuerait par la suite à se propager à l’intérieur des Etats-Unis et à l’échelle internationale.
Cela signifie que durant une pandémie, des franges de la société en apparence séparées peuvent, d’un point de vue infectiologique, appartenir à une même population. Dans la mesure où il n’est pas certain que les vaccinations qui ont désormais débuté empêchent plutôt une infection clinique que la transmission du virus, de telles données génomiques sont également importantes prospectivement au sens d’une surveillance. Y compris pour la Suisse!
Rédigé le 08.02.2021.

Pour les médecins hospitaliers

Quel sédatif pour les patients intubés avec sepsis?

Les patients septiques avec défaillance multiviscérale nécessitent une intubation/ventilation dans environ 20% des cas. La sédation classique alors nécessaire faisant appel aux agonistes de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), tels que les benzodiazépines et le propofol, a été remise en question, parce qu’un agoniste du récepteur alpha-2 (dexmédétomidine) a présenté des effets immunomodulateurs dans un contexte expérimental et que moins de déliriums, moins de comas et une plus courte durée d’intubation ont été rapportés lors de son utilisation dans un contexte clinique.
L’agonisme du récepteur alpha-2 est-il supérieur au propofol? Non, d’après une étude contrôlée contre placebo qui a comparé la dexmédétomidine au propofol chez des patients septiques et intubés (n = 422): aucune différence significative entre les deux groupes de traitement n’a été observée pour le critère d’évaluation primaire (survie à 14 jours sans délirium ou coma) et pour les critères d’évaluation secondaires (jours sans respirateur en l’espace de 4 semaines, mortalité à 90 jours et fonctions cognitives évaluées au moyen de questionnaires). Les médecins intensivistes ont ainsi le choix!
N Engl J Med. 2021, doi.org/10.1056/NEJMoa2024922.
Rédigé le 03.02.2021.
Aperçu des principales afférences qui contribuent à la régulation respiratoire (ventilatoire). Outre les cellules glomiques, des cellules ayant une fonction de capteur pour l’oxygène sont également présentes dans l’arc aortique (Glomera aortica). Leur signal est transmis au tronc cérébral via le nerf glossopharyngien. Le réflexe de Hering-Breuer est déclenché par l’expansion pulmonaire vers la fin de l’inspiration et est transmis au niveau central par l’intermédiaire du nerf vague. Il inhibe l’inspiration en préparation de l’expiration. Source: © physiologie.cc, http://physiologie.cc/VIII.6.htm, reproduction et traduction avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

Comment cela pourrait-il fonctionner? La rubrique des hypothèses du «Sans détour»

Le SARS-CoV-2 infecte-t-il les glomus ­carotidiens?

Durant les vagues de COVID-19, les cliniciens se sont rendus compte qu’il existe des patients avec hypoxémie prononcée (pression partielle d’oxygène [pO2] ≤50 mm Hg) qui ne présentent pas la tachypnée et la sensation de dyspnée auxquelles il faut s’attendre.
Normalement, une hypoxémie est identifiée par les ­cellules détectant l’oxygène (cellules glomiques) des glomus carotidiens. Consécutivement, le centre respiratoire et les centres autonomes dans le tronc cérébral sont ­régulés par des afférences sensorielles. Tout comme les capillaires fenestrés qui les entourent, ces cellules ­glomiques présentent l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ECA-2), le récepteur du SARS-CoV-2. L’hypoxémie associée au COVID-19, qui survient souvent même avant les modifications dynamiques et statiques de la fonction pulmonaire, pourrait donc s’expliquer par une perturbation de l’arc réflexe de la régulation respiratoire, par exemple du fait de la localisation primaire du virus dans les glomus carotidiens.
Existe-t-il des résultats d’autopsie? En ce sens, la régulation respiratoire est-elle également encore altérée durant la convalescence?
Function (American Journal of Physiology). 2021,
Rédigé le 06.02.2021.

Toujours digne d’être lu

Le test de Guthrie fête ses 60 ans

La phénylcétonurie, qui est liée à un déficit en phénylalanine hydroxylase, survient à une incidence de 1:10 000 en Europe et, en l’absence d’éviction alimentaire de la phénylalanine, elle est responsable entre autres de dommages intellectuels irréversibles.
Dans une «letter to the journal» d’à peine une page, ­Robert Guthrie (Buffalo, NY) a exposé son analyse de laboratoire du sang de nouveaux-nés (prélevé par ponction cutanée et transféré sur du papier-filtre). Les taches de sang ont été découpées à l’emporte-pièce et déposées sur une plaque de gélose. In vitro, Bacillus subtilis ne peut pas se développer dans un milieu nutritif minimal, mais cette inhibition peut être supprimée par la L-phénylalanine. Après une incubation d’une nuit, une croissance bactérienne a pu être mise en évidence chez les nouveaux-nés atteints de phénylcétonurie (et donc ayant des valeurs sanguines élevées de phénylalanine). Une laborantine réalisait jusqu’à 200 analyses par jour. La nouvelle méthode s’est aussi avérée être plus sensible que la méthode de mise en évidence de la phénylalanine (test au chlorure de fer) dans l’urine, qui était jusqu’alors usuelle et était utilisée depuis 1935 [1]. La marche triomphale du «dry blood spot» dans le dépistage des nouveaux-nés était ainsi amorcée.
Aujourd’hui, la question de réaliser également un ­dépistage universel sur sang ombilical à la recherche d’une infection congénitale à cytomégalovirus au cours des 3–4 semaines après la naissance est en discussion [2].
2 JAMA Pediatr. 2021, doi.org/10.1001/jamapediatrics.2020.5441
Rédigé le 02.02.2021.

Cela nous a également interpellés

Boris Johnson avait-il raison?

Le Premier ministre britannique avait jeté un pavé dans la mare lorsqu’il a déclaré que la mortalité causée par le mutant britannique (B.1.1.7) était plus élevée que celle causée par le type sauvage «européen» du SARS-CoV-2. Cela avait été contesté jusque-là.
Sa déclaration est à présent soutenue par une étude, sur laquelle ses propos se sont d’ailleurs probablement appuyés. Chez les patients d’environ 85 ans, la mortalité pourrait augmenter de 17 à 22%.
Rédigé le 06.02.2021.

Faut-il vacciner avec deux vaccins?

Sur la base d’une étude préliminaire chez la souris, qui a montré une immunité cellulaire accrue (réponse des cellules CD8), une étude vaccinale chez l’être humain a été initiée en Grande-Bretagne le 4 février pour évaluer la vaccination contre le SARS-CoV-2 au moyen de deux vaccins (vaccin à ADN avec vecteur adénoviral de AstraZeneca et vaccin à ARNm de BioNTech/Pfizer).
Rédigé le 06.02.2021.

A nouveau la vitamine D

Une carence manifeste en vitamine D a un impact pronostique négatif documenté sur diverses maladies, y compris infectieuses et cardiovasculaires. La valeur de concentration sérique considérée comme normale dans ce contexte est toutefois trop élevée ou trop vaste. Des valeurs supérieures à 50 nmol/l sont associées à une suppression totale de la parathormone (PTH) et sont donc suffisantes du point de vue d’un mécanisme de rétroaction endogène.
Dans le cadre du COVID-19 également, le débat de la ­vitamine D s’est ré-enflammé et il vient à nouveau de s’éteindre. Citons par exemple une étude prospective en double aveugle et contrôlée contre placebo, dans ­laquelle 200 000 unités de vitamine D3 (une seule ­administration) ont été administrées par voie orale versus placebo chez des patients SARS-CoV-2-positifs hospitalisés (n = 240). La concentration sérique de 25-OH-D a certes augmenté de façon hautement significative (de 60 nmol/l) dans le groupe expérimental par rapport au groupe placebo, mais l’évolution de la maladie ne s’en est pas trouvée influencée.
Au-delà de la prévention ou de la correction d’une ­carence, la vitamine D pourrait aujourd’hui être devenue le médicament pour lequel les études interventionnelles se sont le plus souvent révélées négatives, et ce dans de nombreux domaines de la médecine.
medRxiv. 2021, doi.org/10.1101/2020.11.16.20232397. ­Rédigé le 08.02.2021.
Le «Sans détour» est également disponible en pod­cast (en allemand) sur emh.ch/podcast ou sur votre app podcast sous «EMH Journal Club»!