La sleeve gastroplastie endoscopique
Une nouvelle procédure mini-invasive pour le traitement de l’obésité

La sleeve gastroplastie endoscopique

Innovationen
Édition
2021/3536
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2021.08806
Forum Med Suisse. 2021;21(3536):606-608

Affiliations
a Gastroenterologie, Luzerner Kantonsspital; b Gastroenterologie, Stadtspital Zürich Waid und Triemli; c Gastroenterologie, Universitätsspital Bern; d Adipositaszentrum, Luzerner Kantonsspital

Publié le 01.09.2021

Depuis huit ans, le système de suture endoscopique «OverStitch™» est disponible sur le marché et continue de combler la lacune entre endoscopie et chirurgie en élargissant considérablement le spectre de l’endoscopie interventionnelle.

Introduction

Dans le domaine de l’endoscopie bariatrique, l’utilisation du système de suture «OverStitch™» (Apollo Endosurgery, Etats-Unis) (fig. 1) permet de réaliser une sleeve gastroplastie ou de resserrer une anastomose (gastro-jéjunale) devenue trop large au fil des années après une chirurgie de bypass gastrique (avec prise de poids secondaire consécutive et/ou symptômes de dumping postopératoires).
Figure 1: Deux des composants du système OverStitch™ sont le système de suture (ici monté sur un endoscope) avec porte-aiguille ouvert (au-dessus) et l’unité de commande fixée sur le manche de l’endoscope (au-dessous).
© Apollo Endosurgery, apolloendo.com ; reproduction avec l’aimable autorisation.
Dans cet article, nous nous limitons à la pose d’une sleeve endoscopique («endoscopic sleeve gastroplasty» [ESG]). Il convient de mentionner qu’il existe entre-temps d’autres procédés endoscopiques de rétrécissement de l’estomac (notamment POSE®, Endomina®, ACE, EndoZip™). Nous nous concentrerons toutefois exclusivement sur l’ESG, qui représente la procédure de réduction de l’estomac la plus reconnue et la mieux documentée du point de vue scientifique [1].

L’obésité et ses approches thérapeutiques

L’obésité (indice de masse corporelle [IMC] >30 kg/m2) et les maladies qui en découlent constituent une épidémie croissante au niveau global, à l’origine d’une charge considérable pour le patient ainsi que, du point de vue économique, pour le système de santé.
Chez la majorité des patientes et patients, les approches thérapeutiques conservatrices et médicamenteuses ne permettent pas d’obtenir une perte durable de poids [2]. En revanche, il est scientifiquement prouvé que la chirurgie bariatrique représente une méthode efficace et définitive de réduction pondérale ayant un effet positif sur les comorbidités et la mortalité [3, 4].
Après des années de discussions intenses concernant la procédure bariatrique optimale, le bypass gastrique (avec anse de Roux en Y) et la sleeve gastrectomie représentent actuellement les deux techniques établies pour la réduction de poids [5]. Ces deux interventions permettent également d’escompter une perte de poids corporel total (TBWL) de 20–25% à long terme (>10 ans) [6].
Les procédures chirurgicales bariatriques sont (en Suisse) accessibles aux personnes morbidement obèses présentant une anamnèse de tentatives conservatrices de réduction pondérale cumulées de 2 ans et un IMC >35 kg/m2 [7].
Les techniques endoscopiques se sont placées entre les traitements conservateurs médicamenteux et les options thérapeutiques chirurgicales, alors que le système endoscopique de suture décrit en introduction a désormais permis de revaloriser considérablement l’importance jusqu’à présent plutôt faible de l’endoscopie bariatrique. Ce système permet en effet la pose endoscopique mini-invasive d’une sleeve gastrique et les données sur 2 ans jusqu’à présent disponibles sont du moins très prometteuses [8].
En principe, il faut toutefois retenir que le succès de toutes les méthodes thérapeutiques de l’obésité mentionnées ci-dessus peut être garanti uniquement par une prise en charge interdisciplinaire dans le cadre d’un programme thérapeutique multimodal. Une équipe de spécialistes expérimentés qui accompagne et soutient le patient à long terme est la «condition sine qua non».

Sleeve gastroplastie endoscopique

A la différence de la sleeve gastrectomie chirurgicale, la variante endoscopique ne consiste pas à retirer une partie de l’estomac, mais à réduire de 70–80% le volume gastrique au moyen de plusieurs sutures transmurales réalisées par endoscopie au niveau du corps de l’estomac (les sutures sont effectuées entre l’angulus et le fundus de l’estomac) (fig. 2). En même temps, l’intervention raccourcit l’estomac dans la longueur [9], ce qui freine probablement le péristaltisme et ainsi la vidange gastrique. Contrairement à la variante chirurgicale, le fundus de l’estomac reste inchangé lors de l’ESG, de sorte que la sleeve mise en place par endoscopie avec réduction éventuelle du péristaltisme permet à la nourriture consommée d’y rester plus longtemps, ce qui assure une sensation durable de satiété et une réduction pondérale consécutive [10]. Cela explique probablement l’action non exclusivement restrictive, mais aussi certains effets humoraux de l’ESG [10].
Figure 2: La sleeve gastroplastie endoscopique (ESG) ne consiste pas à retirer une partie de l’estomac, mais à réduire de 70–80% le volume gastrique au moyen de plusieurs sutures transmurales réalisées par endoscopie au niveau du corps de l’estomac (la suture est effectuée entre l’angulus et le fundus de l’estomac).
© Christoph Bieri; reproduction avec l’aimable autorisation.
Le fait que l’ablation complète du fundus gastrique soit décisive pour le résultat de la procédure, tandis que cette portion de l’estomac reste intacte lors de l’ESG, demeure aujourd’hui encore inexpliqué. D’autant plus que la quasi-totalité de la ghréline y est produite.
Les avantages possibles de l’ESG (par rapport à la procédure chirurgicale) incluent l’invasivité moindre accompagnée d’un taux inférieur de complications (2–5%), des coûts plus faibles (intervention, matériel et hospitalisation pour une nuit coûtent environ 9000–11 000 CHF) et la possibilité de pratiquer l’intervention en ambulatoire, ce qui pourrait avoir des répercussions économiques positives.
Les premiers résultats relatifs à cette nouvelle méthode sont très prometteurs: ainsi, le groupe de Lopez-Nava a présenté une réduction de poids corporel total (TBWL) de 18,6% au bout de 24 mois pour un taux de complications de 2% [8]. Parmi les cinq complications publiées dans ce travail se trouvent deux collections de liquide péri-gastrique, une hémorragie extra-gastrique autolimitante, une embolie pulmonaire et un pneumopéritoine/pneumothorax. Aucune complication n’a nécessité une intervention chirurgicale. Deux méta-analyses récemment publiées comptant 1815 et 1542 participants à l’étude ont pu confirmer ces résultats en ce qui concerne aussi bien la réduction pondérale que le taux de complications [11, 12].
Aucune étude prospective de longue durée relative à cette nouvelle méthode n’est jusqu’à présent disponible, c’est pourquoi elle doit d’abord être proposée en Suisse uniquement dans le cadre d’une étude multicentrique (dans les trois centres des auteurs).
Il n’existe pour le moment aucune étude comparative randomisée examinant la sleeve gastrectomie chirurgicale par rapport à la sleeve gastroplastie endoscopique. Une étude de cohorte «case-matched» rétrospective avec au total 137 patientes et patients a certes pu déterminer une TBWL significativement supérieure (17 vs 23%) pour la sleeve gastrectomie chirurgicale, mais la survenue de complications était en revanche plus rare après une ESG (5,2 vs 16,9%). Il reste à savoir s’il est pertinent d’avoir notamment inclus la déshydratation (2×), les douleurs abdominales (2×) ainsi que les nausées et vomissements (3×) parmi les complications à la suite d’une sleeve gastrectomie chirurgicale. Les complications post-chirurgicales «significatives» consistaient en une hémorragie gastro-intestinale et deux pancréatites aiguës. Les complications après ESG nécessitant une hospitalisation incluaient deux hémorragies gastro-intestinales supérieures et une collection de liquide péri-gastrique, sachant qu’aucune de ces trois complications n’a requis une intervention chirurgicale [13].
Par ailleurs, une nouvelle survenue de maladie de reflux gastro-œsophagien a moins souvent été diagnostiquée après ESG par rapport à la sleeve gastrectomie chirurgicale (1,9 vs 14,5%). Cela pourrait s’expliquer par la modification de l’angle de His avec dysfonctionnement du sphincter œsophagien inférieur; ces deux points ne sont pas applicables pour l’ESG puissent que la série de suture débute au niveau distal.
L’analyse d’une grande cohorte d’Arabie Saoudite comprenant 1000 patientes et patients après ESG avec 18 mois de suivi a récemment été publiée, cette étude ayant permis de mettre en évidence une réduction de la TBWL de 14,8% pour un faible taux de complications de 2,4%. L’ESG a en outre été suivie d’une amélioration impressionnante des maladies consécutives que sont le diabète sucré, l’hypertension artérielle et la dyslipidémie [14]. Dans une autre méta-analyse actuelle, une TBWL de 17,2% a pu être obtenue au bout de 18–24 mois après ESG [15].
Pour l’instant, l’ESG est principalement envisagée pour les patientes et patients non admissibles pour une méthode chirurgicale en raison de comorbidités ou refusant celle-ci pour d’autres motifs. Une chirurgie bariatrique à la suite d’une ESG primaire est en principe possible, mais éventuellement rendue plus difficile par l’intervention endoscopique préalable [16].
En Suisse, la condition requise pour une ESG est – comme pour toute procédure bariatrique chirurgicale actuelle – la prise en compte et le respect des directives en vigueur de la «Swiss Society for the Study of Morbid Obesity» (SMOB), qui exigent notamment un IMC d’au moins 35 kg/m2, un examen interdisciplinaire préalable dans un centre reconnu du traitement de l’obésité ainsi qu’un précédent traitement conservateur d’au moins 2 ans. En dehors de la Suisse, l’option thérapeutique de l’ESG est parfois déjà proposée à des patientes et patients dont l’IMC se trouve entre 30 et 35 kg/m2.

Résumé

D’après les données actuelles, la sleeve gastroplastie endoscopique semble être une technique efficace, sûre et bien tolérée – du moins au vu d’un suivi à court terme (2 ans) – pour le traitement de l’obésité, et peut être utilisée comme alternative chez des patientes et patients ne souhaitant pas une intervention bariatrique chirurgicale ou non admissibles pour celle-ci (p. ex. du point de vue anesthésiologique).
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Correspondance
Dr méd. Patrick Aepli
Gastroenterologie
Luzerner Kantonsspital
Spitalstrasse
CH-6000 Luzern 16
patrick.aepli[at]luks.ch