Méthodes diagnostiques non invasives de l’Helicobacter pylori
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Méthodes diagnostiques non invasives de l’Helicobacter pylori

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Édition
2022/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.08865
Forum Med Suisse. 2022;22(1920):329-331

Affiliations
a Service de médecine, Hôpital fribourgeois (HRF), Riaz; b Policlinique de médecine générale, Centre universitaire de médecine générale et santé publique – Unisanté, Lausanne; Service de gastro-entérologie et d’hépatologie, Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne 
* Co-premiers auteurs

Publié le 10.05.2022

Un patient de 32 ans consulte pour des épigastralgies intermittentes apparues progressivement il y a 3 mois, associées occasionnellement à des nausées et des vomissements.

Description du cas

Un patient de 32 ans vous consulte pour des épigastralgies intermittentes apparues progressivement il y a 3 mois, associées occasionnellement à des nausées et des vomissements (3 épisodes au total). Il ne rapporte pas de relation des douleurs avec la prise alimentaire, de dysphagie ni de perte pondérale. Il n’a pas de trouble de transit, de rectorragies ni de méléna. Aucune prise d’anti-inflammatoires n’est retrouvée. Il relate avoir été traité il y a 10 ans pour une bactérie dans l’estomac. Tant l’examen physique que le laboratoire sont sans particularités. Une échographie abdominale effectuée lors d’une consultation aux urgences il y a 2 mois en raison des vomissements a permis d’écarter une cholélithiase.
Vous concluez à un premier épisode de dyspepsie sans drapeaux rouges et vous initiez un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) pour une durée de 4 semaines. A la fin du traitement le patient décrit une persistance des symptômes. Un test respiratoire à l’urée marquée au carbone 13 (C13) est alors effectué 5 jours plus tard et revient négatif.

Question: Quelle prise en charge proposez-vous à ce stade?


a) Le patient doit reprendre un traitement de 4 semaines d’IPP vu la persistance des symptômes.
b) Une recherche d’antigènes dans les selles aurait dû être effectuée à la place du test respiratoire.
c) Le test respiratoire à l’urée-C13 n’est pas indiqué dans cette situation.
d) Une sérologie de l’infection par l’Helicobacter pylori aurait été plus indiquée que le test respiratoire.

Réponse:


La réponse correcte est c.

Discussion

La prise d’IPP entraine une diminution de la concentration d’Helicobacter pylori (Hp) dans l’estomac et peut générer des faux négatifs au test respiratoire à l’urée C13. Ceci dit, cet examen n’est pas indiqué dans cette situation particulière. Les patients doivent suspendre la prise d’IPP 2 semaines (voire 4 semaines pour les antibiotiques [AB] ou le bismuth) précédant un test respiratoire à l’urée-C13 ou un test de détection d’antigènes dans les selles. Dans notre cas, interpréter ce résultat comme un vrai négatif fait courir le risque à ce patient d’écarter faussement une infection par Hp comme cause de la dyspepsie. En outre, l’indication à une gastroscopie est retenue à ce stade en raison de la persistance des symptômes.
Si après 2 semaines d’arrêt de l’IPP, le résultat du test respiratoire à l’urée C13 est positif, un diagnostic de gastrite à Hp peut être retenu et un traitement éradicateur instauré. Un contrôle d’éradication par un nouveau test respiratoire à l’urée-C13 doit être prévu 1 mois après la fin du traitement éradicateur. Le test de recherche d’antigènes dans les selles présentant les mêmes caractéristiques que le test respiratoire, il n’est pas non plus indiqué. Le patient ayant présenté une probable infection à Hp par le passé, la sérologie n’a pas sa place dans ce contexte.

La dyspepsie

La dyspepsie est définie par la présence d’un ou plusieurs des symptômes typiques (réplétion postprandiale, satiété précoce, douleur ou brûlure épigastrique et, selon les définitions, remontées acides) depuis un mois ou plus. L’incidence annuelle de cette symptomatologie est estimée selon une étude récente d’environ 2% chez des patients auparavant asymptomatiques [1]. Les causes de la dyspepsie sont variées. En 2010, une revue systématique et méta-analyse étudiant une population de patients souffrant de dyspepsie et investiguée par une gastroscopie (oesophago-gastro-duodénoscopie [OGD]), a retrouvé comme diagnostics les plus fréquents l’œsophagite érosive (13,4%) devant l’ulcère peptique (8%), l’œsophage de Barrett (1%), et enfin le cancer gastrique ou de l’oesophage (0,35%) [2]. Il est important de relever que dans cette dernière étude, plus de 70% des sujets avaient une OGD normale, indiquant de fait une dyspepsie fonctionnelle.

L’Helicobacter pylori

L’Hp est un bacille Gram négatif flagellé qui survit dans le mucus gastrique. Il possède plusieurs mécanismes de résistance aux acides, notamment une uréase hautement exprimée qui catalyse l’hydrolyse de l’urée pour produire de l’ammoniac, qui agit comme tampon de l’acidité. La prévalence d’Hp en Suisse n’est pas connue, mais elle rejoindrait celle des pays développés, à savoir supérieure à 30% de la population. Elle serait de 60 à 90% dans les pays en voie de développement. L’infection est, en général, acquise dans l’enfance, essentiellement dans le milieu familial et par voie oro-orale. Un niveau socio-économique faible ou une grande fratrie sont décrits comme des facteurs de risque [3].
L’infection à Hp provoque des lésions chroniques progressives de la muqueuse gastrique qui, chez 20 à 25% des individus, entraînent des conséquences cliniques potentiellement mortelles comme un ulcère gastroduodénal ou un cancer gastrique [4].

Indications au dépistage d’Helicobacter pylori

En règle générale, toute personne chez qui une infection à Hp est documentée devrait bénéficier d’un traitement d’éradication. L’approche «test and treat» est privilégiée par les deux principaux consensus de prise en charge (tab. 1).
Tableau 1: Indications au dépistage d’Helicobacter pylori (Hp) selon le consensus de Maastricht ou l’«American College of Gastroenterology» (ACG).
IndicationMaastricht VACG
Dyspepsie non investiguée chez des patients de <60 ans et sans drapeaux rougesN/AOui
Ulcère peptique actif ou antécédent d’ulcère peptique sans ­recherche d’HpOuiOui
Lymphome de type MALT ou antécédent de résection d’un ­cancer gastrique OuiOui
Traitement d’acide acétylsalicylique au long coursOuiOui
Traitement d’anti-inflammatoires non stéroïdiens au long coursOuiOui
Anémie ferriprive d’origine indéterminée après investigationsOuiOui
Carence en vitamine B12OuiN/A
Purpura thrombotique idiopathique de l’adulte OuiOui
MALT: «mucosa associated lymphoid tissue»; N/A: «not available».

Méthodes diagnostiques d’Helicobacter pylori

La connaissance des tests diagnostiques de l’Hp par le médecin traitant est cruciale. Elle implique l’utilisation de tests non invasifs et test invasifs. Les méthodes diagnostiques non invasives (faisant opposition ici aux méthodes invasives représentées par l’OGD) sont indiquées lorsqu’une OGD avec histologie n’est pas jugée nécessaire par le médecin traitant dans un premier temps, soit, de manière générale, chez des patients qui se présentent avec une nouvelle apparition de dyspepsie de moins de 50 ans ou qui ne présentent pas de drapeaux rouges. Il est cependant important de souligner que la dyspepsie d’origine non-ulcéreuse est un diagnostic d’exclusion et ceci peut être formellement établi après exclusion d’une néoplasie, d’un reflux gastro-œsophagien ou des ulcérations gastroduodénales par OGD.
Les tests non-invasifs incluent: test respiratoire («breath test») à l’urée, la recherche d’antigène dans les selles et la sérologie IgG de l’Hp. A noter qu’une recherche d’Hp ne doit être entreprise qu’à condition qu’un traitement peut être administré en cas de positivité (tab. 2). Il est également à noter que le traitement d’une dyspepsie en lien avec une gastrite chronique associée à l’Hp améliore les symptômes chez seulement 7% des patients traités («number needed to treat» de 14) [5].
Tableau 2: Tests diagnostiques non-invasifs d’Helicobacter pylori (les sensibilités et spécificités sont comparées à l’histologie comme «gold standard»).
Tests non-invasifsSensibilité (%)Spécificité (%) Prix (CHF)§Commentaires
Test respiratoire à l’urée C1390–9590–95110 A jeun (le patient ne doit ni boire, ni manger, ni fumer 2 heures avant le test); absence de prise d’IPP, de bismuth, d’AB ou lors de saignement actif dans les 2–4 semaines précédentes
Antigène dans les selles90–9590–9545 Absence de prise d’IPP, de bismuth, d’AB ou lors de saignement actif dans les 1–4 semaines précédentes
Sérologie80–95 80–9529–42 Peu fiable chez les patients âgés et les cirrhotiques
§ Le prix mentionné est indicatif pour le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
AB: antibiotiques; IPP: inhibiteurs de la pompe à protons.

Test respiratoire à l’urée

Ce test est souvent considéré comme le gold standard des tests non-invasifs. Le patient se voit administrer par voie orale de l’urée marquée avec un isotope de carbone (C13 non radioactif). L’urée ainsi hydrolysée forme du CO2 marqué qui est détecté dans l’air expiré. Les tests peuvent être effectués en 15 à 30 minutes, or il s’agit du test non-invasif le plus couteux [6].
Il représente le test de choix, avec la détection d’antigène dans les selles, pour le diagnostic non invasif de Hp ainsi que pour confirmer son éradication après traitement. Le test bénéficie d’une excellente sensibilité (90–95%) et spécificité (90–95%). Ainsi, les résultats faussement positifs sont rares. Néanmoins, dans les situations où la concentration de Hp gastrique diminue (prise d’IPP, de bismuth ou d’AB trop récente) ou lors du saignement d’un ulcère peptique actif, des résultats faussement négatifs peuvent être observés [7]. Pour le patient, l’inconvénient principal de ce test consiste à se rendre dans un laboratoire équipé pour l’effectuer.

Test fécale de détection d’antigènes dans les selles

La détection de l’antigène d’Hp dans les selles est une méthode de détection apparue plus récemment et est utilisée aussi bien pour le diagnostic initial de Hp que pour confirmer l’éradication. La sensibilité et la spécificité du dosage immunoenzymatique monoclonal en laboratoire est de 93 à 95% et 96 à 98%, respectivement [8]. Tout comme pour le test respiratoire, l’utilisation récente de composés du bismuth, d’AB et d’IPP a une influence sur le dépistage de l’antigène dans les selles. Certaines données suggèrent que le test d’antigène dans les selles permet de prédire l’éradication sept jours seulement après la fin du traitement mais, dans le but de réduire les résultats faussement négatifs, les patients ne doivent pas prendre d’antibiotiques pendant quatre semaines ni d’IPP pendant deux semaines [9]. En cas d’hémorragie active d’ulcères peptiques, la spécificité du test antigène des selles peut diminuer. Cependant, la sensibilité reste élevée. Sur le plan technique, l’analyse se fait sur des selles fraîches récoltées dans les dernières 24 heures, qui doivent être réfrigérées si l’analyse n’est pas effectuée immédiatement. A noter que ce test est plus pratique à effectuer dans la population pédiatrique au vu de l’absence de manipulation de dispositifs comme lors du test respiratoire.

Test sérologique de détection d’IgG

Le test ELISA effectué en laboratoire pour détecter les anticorps IgG de l’Hp est peu coûteux et sa sensibilité et la spécificité (qui varie selon les méthodes utilisées et les laboratoires) peut atteindre plus de 90% respectivement. Cependant, il ne fait pas de distinction fiable entre une infection active et une infection passée et ne devrait pas être utilisée pour monitorer la réponse à un traitement d’éradication.
La sérologie, à l’inverse des autres tests non invasifs, n’est pas influencée dans les situations d’atrophie gastrique, d’hémorragie récente, de lymphome gastrique de type MALT («mucosa associated lymphoid tissue») ou de cancer gastrique, où l’on observe des diminutions de charge bactérienne dans le tractus digestif. Comme mentionné précédemment, ces situations peuvent mener à des faux négatifs lors de l’utilisation de test respiratoire à l’urée C13 ou de recherche d’antigènes dans les selles.
Il n’est pas recommandé d’utiliser les tests sérologiques en dépistage dans les populations à faible prévalence (moins de 30%) car le taux de faux positifs entraînerait un traitement inapproprié chez un nombre important de patients. A l’inverse, dans les populations ou la prévalence de l’infection ou dans les cas où la probabilité est élevée (par exemple un ulcère peptique) la sérologie est indiquée [10]. Cependant, un test négatif chez un patient présentant une probabilité d’infection au test préalable faible est utile pour exclure l’infection. De plus, les tests sérologiques inexacts sont plus fréquents chez les personnes âgées et chez les patients atteints de cirrhose chez qui la spécificité peut être diminuée.

Conclusion

La connaissance des différents tests non-invasifs à la recherche d’une infection à Hp est importante dans la prise en charge des patients ambulatoires avec une dyspepsie sans drapeaux rouges. Le test respiratoire reste le plus utilisé et ce, probablement, à juste titre. Or, il faut toutefois compter avec certaines limitations, dont l’usage récent de médicaments qui augmentent les faux négatifs. Le test de recherche d’antigène dans les selles, bien que moins accepté en clinique, reste un test avantageux notamment sur les plans pratique et financier, et pourrait être proposé plus fréquemment. Ceci notamment pour des patients chez qui le facteur coût est important et chez ceux ne souhaitant pas se déplacer pour effectuer le test respiratoire. Les tests respiratoire et fécaux disposent des mêmes performances quand ils sont réalisés dans de bonnes conditions, mais sont limités dans certaines situations lors desquelles, le test sérologique pourra jouer un rôle intéressant.

Messages principaux

• Le test respiratoire à l’urée est le test non-invasif de choix lors de la recherche d’une infection à Helicobacter pylori chez les patients ambulatoires avec une dyspepsie sans drapeaux rouges.
• Les tests fécale et sérologique sont aussi utiles en médecine ambulatoire mais doivent être utilisés dans des situations spécifiques importantes à connaître par le médecin interniste généraliste.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
Dr méd. Alexandre Gouveia
Policlinique de médecine générale
Centre universitaire de médecine générale et santé publique
Unisanté
Rue du Bugnon 44
CH-1011 Lausanne
alexandre.gouveia[at]unisante.ch
1 Ford AC, Forman D, Bailey AG, Axon AT, Moayyedi P. Initial poor quality of life and new onset of dyspepsia: results from a longitudinal 10-year follow-up study. Gut. 2007;56(3):3217.
2 Ford AC, Marwaha A, Lim A, Moayyedi P. What is the prevalence of clinically significant endoscopic findings in subjects with dyspepsia? Systematic review and meta-analysis. Clin Gastroenterol Hepatol. 2010;8(10):8307, 837.e1-2.
3 Valle J. Peptic Ulcer Disease and Related Disorders. In: Jameson J, Fauci AS, Kasper DL, Hauser SL, Longo DL, Loscalzo J. eds. Harrison’s Principles of Internal Medicine, 20e. McGraw Hill; 2018. Accessed February 07, 2022.
4 El-Serag HB, Kao JY, Kanwal F, Gilger M, LoVecchio F, Moss SF, et al. Houston Consensus Conference on Testing for Helicobacter pylori Infection in the United States [published correction appears in Clin Gastroenterol Hepatol. 2019;17(4):801.
5 Moayyedi P, Soo S, Deeks J, Delaney B, Harris A, Innes M, et al. Eradication of Helicobacter pylori for non-ulcer dyspepsia. Cochrane Database Syst Rev. 2006;(2):CD002096.
6 Ricci C, Holton J, Vaira D. Diagnosis of Helicobacter pylori: invasive and non-invasive tests. Best Practice & Research: Clinical Gastroenterology. 2007;21(2):299313.
7 Howden CW, Hunt RH. Guidelines for the management of Helicobacter pylori infection. Ad Hoc Committee on Practice Parameters of the American College of Gastroenterology. Am J Gastroenterol. 1998;93:23308.
8 Gisbert JP, de la Morena F, Abraira V. Accuracy of monoclonal stool antigen test for the diagnosis of H. pylori infection: a systematic review and meta-analysis. Am J Gastroenterol. 2006;101(8):192130.
9 Gatta L, Vakil N, Ricci C, Osborn JF, Tampieri A, Perna F, et al. Effect of proton pump inhibitors and antiacid therapy on 13C urea breath tests and stool test for helicobacter pylori infection. Am J Gastroenterol. 2004;99:823–9.
10 William D. Chey. ACG clinical guideline: treatment of Helicobacter pylori infection. Am J Gastroenterol. 2017;112:21238.