Encéphalite paranéoplasique liée à un «checkpoint ­inhibitor»
Effets secondaires neurologique des immunothérapies

Encéphalite paranéoplasique liée à un «checkpoint ­inhibitor»

Der besondere Fall
Édition
2022/2122
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.08892
Forum Med Suisse. 2022;22(2122):365-368

Affiliations
a Service de médecine interne, Département de médecine, Réseau hospitalier neuchâtelois, La Chaux-de-Fonds; b Université de Genève, Genève; c Service de neurologie, Département de médecine, Réseau hospitalier neuchâtelois, La Chaux-de-Fonds

Publié le 24.05.2022

Un patient de 64 ans, connu pour un carcinome neuroendocrine à petites cellules médiastinal métastatique, est hospitalisé en raison d’une suspicion de colite secondaire au traitement, débuté deux semaines auparavant.

Contexte

Les récentes immunothérapies en oncologie mettent en lumière des résultats extrêmement prometteurs en terme de survie en lien avec une néoplasie métastatique ou non. Leur utilisation est croissante, la «Food and Drug Administration» (FDA) les préconise pour de nombreux cancers différents [1].
Deux classes de médicaments sont principalement ­utilisées: les anti-CTLA-4 (CTLA: «cytotoxic T-lymphocyte associated protein 4») et les anti-PD1/-PD-L1 (PD1/PD-L1: «programmed cell death protein 1» / «programmed death-ligand 1»).
Les complications possibles de ces nouveaux traitements sont par contre multiples. La peau, le système digestif, les glandes endocrines, le foie, les poumons et les reins sont les organes les plus souvent atteints. Plus rarement, on retrouve des atteintes cardiovasculaires, musculo-squelettiques, du système nerveux central et périphérique puis de type hématologique [2, 3]. L’incidence de l’ensemble des réactions secondaires est ­variable, allant jusqu’à 85% des patients avec 10–27% de stade 3–4 et jusqu’à 2% de décès [2, 4].

Description du cas

Anamnèse et examen clinique

Un patient de 64 ans, connu pour un carcinome neuroendocrine à petites cellules médiastinal métastatique au niveau hépatique, ganglionnaire et osseux est hospitalisé en raison d’une suspicion de colite secondaire à un traitement d’étoposide, de carboplatine et d’atézolizumab (anti-PD-L1), débuté 2 semaines aupa­ravant. Un traitement de prednisone 1 mg/kg de poids corporelle (PC) p.o. est introduit sans antibiothérapie. Après un jour d’hospitalisation, le patient présente un état d’agitation et une perte de contact laissant suspecter une crise épileptique. Cet état se complique après 3 jours d’un état d’agitation justifiant son transfert aux soins intensifs. Les paramètres vitaux retrouvent uniquement une hypotension à 70/45 mm Hg sans focalisation à l’examen neurologique, mais une désorientation marquée.

Résultats

La biologie révèle une hyponatrémie sévère à 114 mmol/l et hypophosphatémie sévère à 0,22 mmol/l présentes depuis l’entrée, des fonctions rénale et hépatique alignées, une CRP à 6,9 mg/l avec une leucocytose à 18,9 G/l, une bicytopénie avec une hémoglobine à 73 g/l et une thrombocytopénie à 122 G/l.
Une tomodensitométrie (TDM) réalisé 2 jours auparavant ne démontre ni colite, ni anomalie cérébrale, mais la présence de fractures costales déjà visualisées précédemment. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale montre un léger hypersignal en séquence FLAIR hippocampique gauche. Un éléctroencéphalogramme (EEG) est sans particularité.
Le bilan infectieux ne démontre pas d’anomalie. La ponction lombaire est sans pléocytose mais avec une hyperprotéinorachie à 767 mg/l sans aucun élément pour une étiologie infectieuse (PCR et sérologies). Une nouvelle IRM à 12 jours montre un léger hypersignal en séquence FLAIR en temporal interne et hippocampique, avec un aspect légèrement tuméfié (fig. 1).
Figure 1: Séquences IRM cérébrale du patient (coupes axiales): A) IRM de bilan avant traitement anti-PD-L1. B) IRM à 12 jours de symptômes. Cercles: aspect légèrement tuméfié des 2 hippocampes en séquence FLAIR. Temps écoulé entre les deux examens: 49 jours.

Diagnostic et traitement

L’évolution du patient est sévère avec un bref arrêt cardiorespiratoire. Il présente ensuite une crise épileptique traitée par levetiracetam, puis par lacosamide et brivaracetam. Une 2ème ponction lombaire retrouve des anticorps anti-Hu dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), présents également dans le sérum. La corticothérapie est modifiée par de la methylprednisolone 1 g i.v. durant 3 jours puis reprise de la prednisone à 1 mg/kg PC p.o.

Evolution

Au vu des anomalies radiologiques et biologiques, le diagnostic d’encéphalite limbique paranéoplasique, à anticorps anti-Hu est retenu. Des étiologies secondaires, notamment l’hyponatrémie sévère, l’anémie, les hypotensions mises sur le compte de la dysautonomie, de même que plus tard l’état infectieux, sont également retenues comme autres causes de l’état confusionnel. L’hyponatrémie est finalement retenue sur un syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone antidiurétique d’origine centrale; l’hypophosphatémie est corrigée, une étiologie claire n’est pas retrouvée. L’arrêt cardiaque est attribué à une dysautonomie dans le cas de l’encéphalite, avec plusieurs apnées centrales objectivées (syndrome d’Ondine). Une atteinte cardiaque n’est pas évoquée au vu du sevrage précoce de la noradrénaline et l’absence d’altération électrocardiographique, d’un status hémodynamique stable par la suite, mais l’objectivation fréquente d’apnées centrales et d’une labilité tensionnelle majeure. L’évolution se péjore avec développement d’un syndrome tétra-ataxique sévère avec troubles de la déglutition. Il présente au total 2 pneumonies nosocomiales, la première en lien avec une bronchoaspiration, 2 jours après l’arrêt ­cardiaque, 3 jours après son admission aux soins intensifs, nécessitant une ventilation mécanique et un ­traitement empirique par antibiothérapie large spectre, la 2ème 16 jours après le premier épisode. Il décède de ces complications respiratoires après 22 jours aux soins intensifs; des immunomodulateurs de 2ème ligne n’ont pas été introduits vu le non contrôle de l’infection.

Discussion

Chez ce patient, le diagnostic retenu est une encéphalite paranéoplasique à anticorps anti-Hu; la précipitation par l’immunothérapie, voire la concomitance d’une atteinte immunitaire non paranéoplasique sur l’immunothérapie reste floue. Une évaluation de la présence d’anticorps avant l’introduction de l’immunothérapie n’a pas pu être effectuée.
Les atteintes paranéoplasiques à anti-Hu peuvent ­varier en présentation: neuropathie, ataxie, encéphalite(-myélite). Plus de 75% sont associées au carcinome à petites cellules. Les thérapies efficaces sont le traitement de la tumeur et les immunomodulateurs (corticoïdes, immunoglobulines, plasmaphérèse, rituximab) [5, 6].
Les effets secondaires neurologiques des immunothérapies vont des céphalées, vertiges, parésthésies ou ­atteintes des petites fibres [7], jusqu’à la méningite, l’encéphalite, la myélite transverse [2], en passant par les neuropathies périphériques sensitivomotrices, les paralysies des nerfs oculomoteurs, les démyélinisations, le syndrome de Guillain-Barré, la myasthénie grave, les crises d’épilepsie, l’aphasie, ainsi que des syndromes parkinsoniens [2, 8]. On retrouve finalement des entités à part, que ce soit l’hypophysite (quasi exclusivement sous anti-CTLA-4), l’exacerbation de la sclérose en plaque ou de maladies auto-immunes ­préexistantes, ou des atteintes de type syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible (PRES), des cas d’encéphalites vasculitiques ou le syndrome de ­Vogt-Harada-Koyanagi [2, 7].
Ces effets secondaires neurologiques pourraient toucher environ 4–6% des patients avec anti-PD1, 4% avec les anti-CTLA-4, jusqu’à 12% en cas de combinaison [2, 9]. Environ 1% des complications neurologiques ont été décrites comme sérieuses ou de stade 3–4 [2, 8]. L’apparition de ces complications est décrite entre 6 et 13 semaines [2] après le début du traitement.
Les études chez l’animal ont démontré une infiltration multiorgane lymphocytaire en cas d’inhibition de CTLA-4, et une atteinte humorale multi-organe en cas d’inhibition de PD-1 ou PD-L1. Une diminution du nombre de cellules T régulatrices par rapport au nombre de lymphocytes T CD4 pourraient ainsi se trouver derrière les effets secondaires observés. Une augmentation globale de production de cytokine est également observée, de même qu’une production d’anticorps par modification des lymphocytes B. Un mécanisme de réactivité croisée antigénique parait également affecter un certain nombre d’effets secondaires. Une atteinte ­directe par l’anticorps administré est également suspectée, mais beaucoup plus rarement [2] (fig. 2).
Figure 2: Schéma d’action des checkpoints inhibitors.
anti-PD1/-PD-L1: «anti-programmed cell death protein 1» / «anti-programmed death-ligand 1»; CD: «cluster of differenciation»; CMH: complexe majeur d’histocompatibilité; CTLA-4: «cytotoxic T-lymphocyte-associated protein 4»; RCT: récepteur des cellules T.
Concernant les encéphalites, on retrouve au moment de la rédaction de l’article dans la littérature 6 cas traités par immunomodulateurs dont un seul a présenté une issue fatale [8]. Deux autres cas ont été décrits d’encéphalite secondaire au pembrolizumab [10, 11]. Concernant l’atézolimumab, on retrouve 4 cas décrits dans une étude de phase III , traités par corticoïdes [12]. Deux autres cas ont été décrits [13, 14].
Les investigations proposées lors de l’apparition de symptômes neurologiques dont ceux évoquant une encéphalite, sont les suivantes: mesure des hormones de l’axe pituitaire, ponction lombaire [15], IRM cérébrale [7, 16], EEG et recherche de diagnostics alternatifs (infectieux, vasculaire, métabolique ou paranéoplasiques [anticorps antineuronaux, intracellulaires et transmembranaires]) [8].
Le traitement des complications sévères de ces immunothérapies, tout organe confondu, consiste en l’administration de corticoïdes topiques ou systémiques, d’infliximab ou rituximab, de mycophénolate mofétil, de cyclophosphamide ou immunoglobulines.
Selon les recommandations de l’«European Society for Medical Oncology» (ESMO), deux algorithmes de prise en charge spécifiques pour les atteintes neurologiques sont proposés [2]. Pour les atteintes neurologiques ­périphériques, le traitement préconisé s’étend de la surveillance simple jusqu’au traitement de corticoïde systémique selon le degré, avec, en cas d’atteinte ­sévère, une durée de 4–8 semaines de traitement [2]. Pour les atteintes neurologiques centrales, l’ESMO ­recommande pour les méningites aseptiques et les ­encéphalites, un traitement de prednisone voire de methylprednisolone intraveineux en cas de sévérité, sans définir de critère strict [2]. D’autres auteurs évoquent également la plasmaphérèse pour les atteintes centrales, la rotation des immunosuppresseurs selon l’évolution, le rituximab, ou l’administration d’immunoglobulines [2, 9]. Les durées de traitement sont de 4–8 semaines [2].
Les recommandations de l’«American Society of Clinical Oncology» (ASCO) proposent l’arrêt définitif de toute immunothérapie en cas de toxicité de stade 4 sauf en cas d’endocrinopathie adéquatement substituée [2]. Celles de l’ESMO proposent un seuil d’arrêt ­définitif même au stade 3 lors de certaines atteintes (notamment hépatique, pulmonaire ou digestive) [2]. L’ASCO propose l’arrêt définitif des immunothérapies en cas d’atteinte neurologique de stade 3–4 hormis pour les encéphalites, les méningites et les syndromes de Guillain-Barré où une balance risque-bénéfice prudente est recommandée avant une éventuelle reprise [2].
Des auteurs évaluent à 3% le risque de récurrence d’événements indésirables majeurs après un premier épisode avec de l’ipilimumab. L’apparition d’autres ­effets indésirables immuns sévères n’étaient eux pas rares, jusqu’à 21% des patients, bien que certaines études ont démontrés des taux de complications identiques avec ou sans préexposition à l’ipilimumab [2].Dans une évaluation de 39 patients sur 5 ans avec effets secondaires de type immunologiques ayant nécessité un arrêt de traitement et ayant bénéficié d’un retraitement, le même effet secondaire est réapparu dans 26% des cas, 23% ont présenté un nouvel effet secondaire et 51% n’en ont présenté aucun [17].
En 2015, la FDA a décrit la nécessité d’obtenir de meilleures données de pharmacovigilance pour évaluer les différents éléments associés aux encéphalites présentées suite à l’administration de nivolumab. Ces résultats sont attendus pour 2021 [8].

L’essentiel pour la pratique

• Les immunothérapies prennent une importance grandissante et sont ­associés à des complications pouvant atteindre n’importe quel organe.
• Les encéphalites sont décrites et les syndromes paranéoplasiques sont un diagnostic différentiel.
• Une prise en charge multidisciplinaire est indispensable.
Les auteurs remercient le département d’imagerie médicale du RHNe pour les images IRM.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
Kevin Mattsson
Service de médecine interne
Département de médecine
Réseau hospitalier ­neuchâtelois
Chasseral 20
CH-2300 La Chaux-de-Fonds
kevin.mattsson[at]hin.ch
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