La réadaptation dans toutes les bouches
Highlight anniversaire: médecine physique et réadaptation

La réadaptation dans toutes les bouches

Medizinische Schlaglichter
Édition
2022/0708
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.08951
Forum Med Suisse. 2022;22(0708):124-125

Affiliations
FMH rhumatologie, médecine physique et réadaptation ainsi que médecine interne générale, Thalwil
pour le Comité des médecins spécialistes de la réadaptation

Publié le 15.02.2022

L’avancée décisive des 20 dernières années en réadaptation concerne toutefois la compréhension générale de ce concept et son bénéfice social, ainsi que l’approche scientifique fondée sur les preuves.

L’importance croissante de la ­réadaptation

Tandis qu’au Moyen Âge, la balnéothérapie était considérée comme une fontaine de jouvence et un simple remède non spécifique et que les stations balnéaires constituaient un important point de rencontre sociale, la réadaptation moderne s’est fixée comme objectif le traitement complet et fondé sur les preuves. Ce développement est dû, d’une part, aux approches salutogéniques de la médecine et, d’autre part, à un accès tenant davantage compte des fonctions que du diagnostic de la maladie. La «International Classification of Functioning, Disability and Health» (ICF) (fig. 1) basée sur le modèle biopsychosocial et adoptée en mai 2001 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) constitue le point de départ.
Figure 1: Modèle de la «International Classification of Functioning, Disability and Health» (ICF) (OMS, 2001). Reproduction et traduction avec l’aimable autorisation de l’Institut fédéral pour les médicaments et les dispositifs médicaux.
En Suisse, la réadaptation représente une part significative du système de santé, 13–14% de la population souffrent d’un handicap. Dans ce domaine, une augmentation des journées d’hospitalisation à raison d’un tiers en 5 ans (2012–2017) et d’environ 2 millions au total chaque année, correspondant à 17% des jours hospitaliers en CH, a été enregistrée. L’accompagnement a été assuré par 5600 équivalents temps plein, un diagnostic principal associé en moyenne à six diagnostics secondaires et 82,1% des patientes et patients ont pu être déchargés et rejoindre leur domicile. En 2017, la réadaptation stationnaire a engendré des coûts à hauteur de 1,84 milliards de francs; elle représentait ainsi 9,8% des dépenses sanitaires pour la totalité de l’activité hospitalière stationnaire [1]. Il est donc logique que l’OMS ait lancé un plan d’action actualisé intitulé «Rehabilitation 2030: A Call for Action» [2].

Réadaptation pour le maintien et le rétablissement fonctionnel

Au cours des 20 dernières années, le développement de la réadaptation a non seulement eu trait à de nouvelles options thérapeutiques, mais a aussi entraîné un changement général de mentalité. La réadaptation n’est certainement pas un séjour de repos à la suite d’une opération et pas uniquement un moyen coûteux de recouvrir l’aptitude au travail, mais englobe tous les efforts visant à améliorer la capacité fonctionnelle restreinte. Etant donné que la fonctionnalité n’est pas garantie par une seule structure, mais résulte toujours de l’interaction entre divers composants, le processus de réadaptation est tributaire des offres thérapeutiques interdisciplinaires et interprofessionnelles. Jusqu’à présent, celles-ci étaient classiquement proposées uniquement dans des cliniques. La Suisse dispose d’un excellent réseau de cliniques de réadaptation reconnues qui ont traditionnellement été construites aux abords de sources thermales. Conformément aux besoins et à la pression sur les coûts, des offres de réadaptation de proximité et en ambulatoire ont été développées ces dernières années. Cela illustre l’effort visant à faire profiter de la réadaptation toutes les personnes souffrant d’un handicap.
L’accélération dans tous les domaines de la médecine a également atteint la réadaptation, dont le recours est plus aigu. En 2013, l’introduction des forfaits par cas à l’hôpital de soins aigus a mis en évidence ce développement, tandis que de nouvelles techniques chirurgicales permettent désormais aux patientes et patients de quitter l’hôpital de soins aigus plus tôt pour rejoindre la clinique de réadaptation. Les personnes concernées en tirent profit car un soutien fonctionnel le plus précoce possible aboutit à de meilleurs résultats à long terme.
Par ailleurs, outre la réadaptation musculosquelettique et postopératoire classique, de nouvelles disciplines, telles que la réadaptation gériatrique ou oncologique, se sont développées et différenciées. L’accès multidisciplinaire, comme appliqué en réadaptation, fait parfaitement ses preuves chez les personnes à traiter qui sont de plus en plus souvent concernées par la polymorbidité et la polypharmacie.
Le principe EAE (efficacité – adéquation – économicité) s’applique également en réadaptation, de sorte qu’un système de qualité global, permettant de comparer les offres et prestations et de mesurer le succès thérapeutique, ait été mis en place dans les cliniques suisses de réadaptation. Cette documentation sur la qualité rejoint directement les résultats de travaux scientifiques dans lesquels il est de plus en plus souvent possible, au moyen de systèmes modernes de test et score, de capturer les aspects variés de la réadaptation et de prouver scientifiquement son utilité – y compris son économicité pour divers groupes de patients et types de réadaptation [3, 4]. Depuis l’introduction de l’ICF, la réadaptation est devenue une discipline fondée sur les preuves. Dans les domaines de la réadaptation cardiaque et la réadaptation pulmonaire, le bénéfice et l’efficacité des coûts ont pu être prouvés de manière convaincante, même pour les programmes de réadaptation ambulatoires.
Naturellement, la réadaptation a aussi été enrichie de nombreuses offres thérapeutiques individuelles. Parmi la multitude des nouvelles modalités thérapeutiques, il convient d’en évoquer quelques-unes à titre d’exemple. Ainsi, l’utilisation de la toxine botulique en neuroréadaptation a permis de traiter les contractures des muscles squelettiques auparavant à peine maîtrisables et d’améliorer de manière décisive la capacité fonctionnelle en présence de spasticité et de dystonie.
Dans le domaine de la réadaptation gériatrique en particulier, une alimentation optimisée en termes d’apport énergétique global ainsi qu’une consommation adéquate de protéines présentant un potentiel anabolique ont exercé une influence décisive sur la démarche et la coordination des patientes et patients et ainsi sur leur autonomie.
Les connaissances sur l’influence des exercices moteurs sur les myokines qui agissent directement sur la musculature lisse et aident à restituer la force diminuée de maintien, notamment en raison d’une immobilité ou d’une utilisation réduite de certains muscles, sont désormais établies en cas de maladie d’Alzheimer – y compris d’effets neurocognitifs [5]. Les techniques modernes ont également permis une avancée fulgurante dans le domaine de la paraplégiologie. L’éléctro­stimulation fonctionnelle (ESF) en cas de musculature innervée ou dénervée a été introduite il y a près de 30 ans. Ses impulsions électriques agissent sur les muscles à la place des stimuli nerveux pour entraîner des contractions. Ce principe est mis en application en robotique [6]. Des exosquelettes (Exos) et Softexos ont été conçus et font aujourd’hui déjà partie de la routine. Dans ce domaine, d’autres progrès qui révolutionneront la paraplégiologie sont attendus dans un avenir proche. De même, les «Exergames», la «Virtual Reality» (VR) et la «Augmented Reality» (AR) seront mis en application avec succès.

Avancée technique et changement de mentalité dans la politique

L’idée de la fonctionnalité à la place du concept classique du diagnostic est principalement mise en œuvre de manière résolue par l’OMS avec l’introduction de la nomenclature ICF et le plan actuel «Rehabilitation 2030: A Call for Action» et doit impérativement s’imposer dans les propres conceptions des médecins, mais aussi des hommes et femmes politiques. Elle constitue la base permettant la mise en place de la réadaptation ambulatoire de proximité et l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de handicaps. Par ailleurs, le développement technique, soutenu par les équipes de recherche des hautes écoles techniques (comme l’ETH), continuera certainement de révolutionner la paraplégiologie.
L’auteur a déclaré ne pas avoir d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
KD Dr méd. Marcel Weber
Société Suisse de Médecine Physique
et Réadaptation (SSMPR)
c/o Medworld AG
Sennweidstrasse 46
CH-6312 Steinhausen
Marwebdr[at]gmail.com
1 Département fédéral de l’intérieur (DFI). Les soins de réadaptation dans les hôpitaux suisses en 2017 [Internet]. Office fédéral de la statistique (OFS), éd. Neuchâtel: OFS; 2019 [cited 2021 Dec 31]. Available from: https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/actualites/quoi-de-neuf.assetdetail.9586949.html
2 WHO. Rehabilitation 2030: A Call for Action [Internet]. Genf: WHO; 2017 [cited 2021 Dec 31]. Available from: https://www.who.int/disabilities/care/Rehab2030MeetingReport_plain_text_version.pdf
3 Bachmann S, Wieser S, Oesch P, Schmidhauser S, Knüsel O, Kool J. Three-year cost analysis of function-centred versus pain-centred inpatient rehabilitation in patients with chronic non-specific low back pain. J Rehabil Med. 2009;41(11):919–23.
4 Bachmann S, Pfaundler N, Oesch P, Kool JP. Healthcare costs for older patients before and after discharge from inpatient rehabilitation: a retrospective and prospective cohort study. Phys Med Rehab Kuror 2020;30:160–7.
5 Gupta R, Khan R, Cortes CJ. Forgot to Exercise? Exercise derived circulating myokines in Alzheimer’s Disease: A Perspective. Front Neurol. 2021;12:649452.
6 Mekki M, Delgado AD, Fry A, Putrino D, Huang V. Robotic rehabilitation and spinal cord injury: a narrative review. Neurotherapeutics. 2018;15(3):604–17.