Appendicite aiguë durant la grossesse
Diagnostic et traitement

Appendicite aiguë durant la grossesse

Übersichtsartikel
Édition
2022/1516
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.08995
Forum Med Suisse. 2022;22(1516):262-267

Affiliations
Kantonsspital Luzern, Luzern: a Abteilung Geburtshilfe und Gynäkologie, Frauenklinik; b Abteilung Allgemein Chirurgie und Viszeralchirurgie

Publié le 12.04.2022

Bien que l’appendicite soit le motif non obstétrical le plus fréquent d’intervention chirurgicale pendant la grossesse, sa prise en charge optimale reste incertaine. Un rapport sur l’approche adoptée à la maternité de Lucerne.

Introduction

La prévalence de l’appendicite aiguë est de 1/800 à 1/1500 grossesses [1, 2]. Il s’agit du motif d’opération non obstétricale le plus fréquent pendant la grossesse (44%) [3]. L’incidence est la plus élevée au cours du deuxième trimestre. La pose du diagnostic et le traitement représentent un défi en raison des symptômes masqués et des complications obstétricales potentielles.

Exemples de cas

Exemple de cas 1

Une femme de 29 ans, deuxième geste primipare, avec une grossesse gémellaire bichoriale biamniotique, nous a été adressée à la semaine de grossesse (SG) 26+5 avec des contractions prématurées et de fortes douleurs au niveau du flanc droit et du dos sous l’arc costal droit.
A son admission, la patiente était afébrile et dans un bon état général. Hormis les contractions prématurées et les douleurs, elle ne présentait aucun autre symptôme. L’échographie a révélé un col de l’utérus raccourci à 7 mm; les reins, le foie et la vésicule biliaire de la mère étaient par ailleurs normaux; la surveillance fœtale était sans particularités. A l’exception de paramètres inflammatoires élevés (leucocytes 13,9 G/l, protéine C réactive [CRP] 57 mg/l), les analyses de laboratoire n’ont révélé aucune autre anomalie. Il n’y avait pas de signe évocateur d’une rupture prématurée de la poche des eaux ou d’un autre foyer infectieux.
La patiente a été hospitalisée pour tocolyse, induction de la maturation pulmonaire et analgésie.
Par la suite, les contractions ont cessé, mais les douleurs se sont intensifiées. Au début de la 28e SG (27+1), l’échographie a montré un appendice rétrocæcal épaissi avec une structure inhomogène adjacente dans la région douloureuse. Le diagnostic d’appendicite ­perforée couverte a ainsi pu être posé (fig. 1).
Figure 1: Vue échographique de l’appendice perforé couvert (17,3 mm).
La patiente était toujours afébrile et la surveillance ­fœtale était toujours sans particularités. Les analyses de laboratoire ont montré une légère augmentation de la CRP (83 mg/l). Nous avons initié une antibiothérapie par amoxicilline 2 g et acide clavulanique 200 mg pour une durée totale de 14 jours (4 jours 3 × 2,2 g/jour i.v., 10 jours 2 × 1 g/jour p.o.). Sous ce traitement, un soulagement rapide de la douleur a été obtenu et les paramètres infectieux de laboratoire se sont normalisés.
A 28+4 SG, la patiente a pu sortir de l’hôpital avec une tocolyse par nifédipine et une antibiothérapie orale.
A la fin de la 33e SG (32+6), la patiente s’est présentée avec une rupture prématurée de la poche des eaux et des contractions et elle a accouché sans complications par césarienne secondaire.
L’appendicectomie initialement prévue après la période d’allaitement n’a pas été réalisée jusqu’à présent en raison de la régression complète des anomalies et de l’absence de symptômes.

Exemple de cas 2

Une femme de 30 ans, deuxième geste primipare, a été admise aux urgences à la fin de la 27e SG (27+0) en ­raison de fortes douleurs dans la partie centrale et droite de l’hypogastre. Elle s’est présentée avec des douleurs abdominales présentes depuis dix jours, qui se sont d’abord manifestées dans la partie supérieure de l’abdomen et se sont déplacées vers la partie inférieure droite de l’abdomen il y a quatre jours. Les symptômes étaient associés à des vomissements, à des selles liquides et à une sensation de malaise.
La patiente était afébrile et présentait une douleur à la pression dans la partie droite de l’hypogastre; les analyses de laboratoire ont révélé une élévation discrète des paramètres inflammatoires (leucocytes 11,8 G/l, CRP 49 mg/l). Le diagnostic de suspicion d’appendicite aiguë a été posé sur la base de l’échographie (fig. 2).
Figure 2: Vue échographique de l’appendice inflammatoire (44 × 56 mm).
Une torsion ovarienne a été envisagée dans le cadre du diagnostic différentiel. La patiente a été hospitalisée à des fins d’analgésie, et la décision de procéder à une intervention chirurgicale a été prise de façon interdisciplinaire.
En intra-opératoire, une perforation couverte de l’appendice a été constatée. La résection du pôle cæcal a été réalisée sous tocolyse par sulfate d’hexoprénaline (Gynipral®) et de l’immunoglobuline humaine anti-D (Rhophylac®) a été administrée chez la patiente rhésus négatif. En postopératoire, un traitement antibiotique par ceftriaxone 2 g/24 heures et métronidazole 500 mg/8 heures a été initié. Par la suite, les paramètres infectieux ont régressé et le traitement antibiotique a pu être interrompu le 6e jour postopératoire. Le 2e jour postopératoire, la patiente a développé un iléus paralytique symptomatique, qui a été traité par métoclopramide, magnésium, sonde intestinale et alimentation parentérale, avec reprise progressive de l’alimentation orale. Le 5e jour postopératoire, une diarrhée est survenue. La coproculture a révélé la présence de Clostridioides difficile, de sorte qu’une antibiothérapie par vancomycine 125 mg/6h a été initiée pour dix jours. Le 7e jour postopératoire, une déhiscence de la suture s’est manifestée. Nous avons procédé à l’induction de la maturation pulmonaire et à un traitement consécutif par bandage VAC («vacuum assisted closure therapy»). La patiente a pu quitter l’hôpital à 28+6 SG, dans un bon état général et avec une surveillance fœtale toujours normale.
Au milieu de la 39e SG (38+3), compte tenu de la présentation par le siège, une césarienne primaire a été réalisée pour la deuxième fois et elle s’est déroulée sans complications.
Comme le montrent les exemples de cas présentés, avec une prise en charge conservatrice dans le premier cas et chirurgicale dans le second, le diagnostic et le traitement d’une appendicite pendant la grossesse constituent un défi et doivent être déterminés individuellement et en fonction de la situation.
Les recommandations présentées ci-après sont disponibles dans la littérature pour le diagnostic et le traitement de l’appendicite aiguë pendant la grossesse.

Diagnostic

Clinique

Les symptômes classiques de l’appendicite surviennent rarement durant la grossesse [1]. Le symptôme le plus fréquent, quel que soit le trimestre, est la douleur dans le quadrant inférieur droit (95%).
L’appendicite aiguë peut être associée à des symptômes non spécifiques, tels que fièvre, frissons, nausées, vomissements (75%), dysurie (8%) et perte d’appétit (65%), et s’accompagner de douleurs abdominales hautes diffuses et péri-ombilicales (20%).
La position anatomique de l’appendice est déplacée de quelques centimètres vers le milieu de l’abdomen ou vers le côté supérieur droit de l’abdomen à un âge gestationnel avancé, en raison de l’augmentation de la taille de l’utérus [4, 5]. Le signe de Rovsing et le signe du psoas, qui sont typiques, ne sont pas appropriés chez les femmes enceintes [5].

Analyses de laboratoire

Les patientes non enceintes présentent typiquement une leucocytose avec déviation à gauche. Pendant la grossesse, le nombre total de leucocytes augmente physiologiquement de manière continue, principalement en raison d’une augmentation des granulocytes neutrophiles. Au cours du 2e et du 3e trimestre, des ­valeurs maximales de 10 000–16 000/µl sont atteintes. Pendant l’accouchement, des valeurs allant jusqu’à 30 0000/µl peuvent s’observer, sans que cela ne soit considéré comme un signe de pathologie. En l’espace d’une semaine après l’accouchement, si l’évolution est physiologique, les valeurs correspondent à nouveau à la plage de référence normale comme avant la grossesse (4000 à 10 000/µl) [6, 7]. En cas de suspicion d’infection ou de processus inflammatoire, les signes habituels à l’hémogramme (leucocytose, neutrophilie, déviation à gauche de la granulopoïèse, signes toxiques des neutrophiles) ne peuvent être utilisés que de manière limitée chez la femme enceinte [8].
Une CRP élevée s’observe en cas d’appendicite, mais il s’agit d’un signe non spécifique d’inflammation. La ­valeur de CRP n’est pas influencée par la grossesse [7].

Imagerie radiologique

En cas de suspicion clinique d’appendicite, une évaluation radiologique est indiquée.
La méthode de choix est l’échographie, qui est facilement disponible et n’implique pas d’exposition aux ­radiations. La pose du diagnostic présuppose une augmentation du diamètre (>6 mm) de l’appendice en coupe transversale et une non-compressibilité de ce dernier [5]. Comme il faut s’attendre à un taux élevé de résultats faussement négatifs à l’échographie, il est nécessaire de procéder à des examens complémentaires en cas d’appendice non visualisable [8, 9].
La tomodensitométrie (TDM) est une méthode diagnostique plus appropriée. Chez les femmes non enceintes, sa spécificité est de 90–98%. La TDM abdominale implique des radiations ionisantes, qui peuvent potentiellement nuire au fœtus. L’utilisation d’un produit de contraste iodé augmente la précision diagnostique, mais peut provoquer des réactions allergiques et des néphropathies induites par le produit de contraste chez les femmes enceintes [8, 10, 11].
En cas d’échographie non concluante et de forte suspicion clinique d’appendicite, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être utile.
Une revue systématique et une méta-analyse réalisées par Kave et al. en 2019 ont montré une sensibilité et une spécificité élevées de l’IRM (91,8 et 97,9%, respectivement). Elle s’est avérée être une méthode diagnostique sûre, sans inconvénients s’agissant des répercussions sur le fœtus [10–12].
En ce qui concerne l’utilisation de l’IRM, les principes suivants s’appliquent en fonction de l’âge gestationnel:
1er trimestre: Au cours du 1er trimestre, les cellules fœtales se divisent rapidement et l’organogenèse a lieu. Il serait donc concevable que certains systèmes d’organes soient endommagés ou qu’un avortement spontané se produise. Cependant, aucune conséquence fœtale spécifique n’a été documentée dans la littérature après l’utilisation de l’IRM.
2e et 3etrimestres: Au cours des 2e et 3e trimestres, les principaux systèmes d’organes sont déjà formés. Il existe un risque résiduel avant tout pour l’audition du fœtus. Cependant, plusieurs études n’ont pas montré d’augmentation significative du risque de perte de la vision ou de l’ouïe, ni d’augmentation du risque de mortinatalité, de décès néonatal, d’anomalie congénitale ou de néoplasie.
Au vu du rapport bénéfice/risque favorable, l’IRM est un choix approprié pour l’évaluation de nombreuses maladies pendant la grossesse [13–15].
Avant la réalisation d’une IRM au gadolinium pendant la grossesse, les personnes responsables de l’obstétrique et de la radiologie doivent mener un entretien d’information approfondi avec la patiente afin de l’informer du risque accru possible de diverses maladies rhumatologiques, inflammatoires ou cutanées infiltrantes, pouvant aller jusqu’à la mort fœtale in utero (MFIU) [10–12, 16].
En résumé, l’IRM est un instrument utile pour l’évaluation de nombreuses pathologies obstétricales et non obstétricales pendant la grossesse. En plus d’être non irradiante, elle offre plusieurs avantages diagnostiques significatifs par rapport à la TDM et à l’échographie.
Malgré les nombreux risques postulés, aucune conséquence fœtale spécifique n’a été décrite dans la littérature après le recours à l’IRM sans produit de contraste au cours des 2e et 3e trimestres.

Diagnostics différentiels

De nombreuses autres causes de douleurs abdominales aiguës doivent être prises en compte pendant la grossesse. Celles-ci incluent des causes obstétricales, mais aussi internes, chirurgicales et urologiques (tab. 1).
Tableau 1: Diagnostic différentiel des douleurs abdominales aiguës pendant la grossesse.
Grossesse extra-utérine
Avortement septique
Torsion ovarienne
Annexite/abcès tubo-ovarien
Nécrose de myome
Foyers d’endométriose (en particulier rectaux et ombilicaux)
Contractions prématurées
Menace de rupture utérine
Décollement prématuré du placenta
Douleurs du ligament rond
Prééclampsie et syndrome HELLP
Thrombophlébite des veines ovariennes durant le ­post-partum, thrombose veineuse pelvienne
Anévrisme vasculaire
Pyélonéphrite, urolithiase
Cholécystite, cholélithiase
Entérocolite infectieuse, pancréatite
Hernie étranglée
Iléus
Ulcère gastrique perforé
HELLP: Haemolysis, Elevated Liver Enzyme Levels, Low Platelet Count.
L’anamnèse avec d’éventuelles opérations abdominales antérieures, les symptômes, la qualité de la douleur et les éventuels symptômes concomitants fournissent des renseignements supplémentaires quant à la cause.
En début de grossesse, il est impératif d’exclure une grossesse extra-utérine. Même après la mise en évidence d’une grossesse intra-utérine, les annexes doivent impérativement être évaluées afin d’exclure une grossesse hétérotopique rare. En outre, d’autres causes pathologiques, telles qu’une rupture de kyste ovarien avec du liquide libre dans le cul-de-sac de Douglas ou des signes de torsion ovarienne avec une diminution de l’irrigation sanguine de l’ovaire, peuvent être détectées au doppler couleur. Il faut également être attentif à d’autres anomalies dans la région de l’utérus, comme par exemple des myomes.
Au cours des 2e et 3e trimestres, il faut penser à des contractions, au décollement prématuré du placenta, à la nécrose de myomes, à la rupture utérine, à la prééclampsie et au syndrome HELLP [17].
En cas de causes non obstétricales, l’abdomen aigu est dû dans 50% des cas à une appendicite ou une cholécystite perforée [3]. Il convient tout particulièrement de tenir compte des causes urogénitales telles que la pyélonéphrite aiguë, qui survient chez 1–2% de toutes les femmes enceintes, avant tout au cours des 2e et 3e trimestres. Les femmes enceintes présentant une bactériurie asymptomatique ont un risque 20–30 fois plus élevé de développer une pyélonéphrite avec comme conséquences possibles un urosepsis, un accouchement prématuré et un enfant petit pour l’âge gestationnel («small for gestational age») [18]. Si ces causes les plus fréquentes sont exclues, des diagnostics plus rares doivent être envisagés.

Appendicite durant le post-partum

Les infections survenant après l’accouchement sont supposées être liées à la grossesse ou à l’accouchement. Comme déjà mentionné, la recherche du foyer infectieux ne doit cependant pas se limiter à la sphère urogénitale, mais doit également prendre en compte d’autres causes non urogénitales.
L’appendicite est l’une des causes non urogénitales les plus fréquentes de morbidité durant le post-partum. Le diagnostic d’une appendicite durant le post-partum, tout comme pendant la grossesse, représente un ­dilemme tant pour les obstétriciens que pour les chirurgiens. Les caractéristiques cliniques sont atypiques et les symptômes se chevauchent souvent avec d’autres infections urogénitales et non urogénitales plus fréquentes dans le post-partum immédiat, telles que l’endométrite puerpérale, les infections urinaires, la torsion annexielle, l’abcès tubo-ovarien, la thrombose veineuse ovarienne et la thrombose pelvienne septique [19, 20].
Pendant l’accouchement, des médiateurs inflammatoires sont libérés et ils peuvent aggraver un processus subclinique existant et conduire à une affection manifeste durant le post-partum précoce. Une physiologie modifiée associée à un retard de diagnostic dans le post-partum est associée à un risque accru de péritonite par perforation, de sepsis et de mortalité [20, 21].

Traitement

Traitement chirurgical vs. conservateur

Ces derniers temps, l’avantage d’un traitement conservateur par rapport à un traitement chirurgical est de plus en plus discuté.
En 2012, une étude prospective randomisée a été ­publiée, montrant que le traitement antibiotique peut constituer une alternative valable à l’appendicectomie en cas d’appendicite non compliquée [22]. La revue systématique réalisée par Ehlers et al. en 2016 a également confirmé que le traitement antibiotique était un traitement sûr chez les patientes non enceintes [23]. Ces études ont consisté en un traitement antibiotique initial par pénicilline ou céphalosporine et métronidazole en milieu hospitalier pendant 48 heures. En l’absence d’amélioration des symptômes, une appendicectomie devait être pratiquée. Cependant, aucune étude prospective randomisée n’a été menée à ce jour avec des femmes enceintes.
La méta-analyse d’Ehlers et al. [23] a montré que 22,5% des patientes traitées par antibiotiques ont présenté une récidive après un an. Le taux d’appendicites compliquées avec péritonite identifiées au moment de l’intervention chirurgicale était de 20% dans le groupe traité par antibiotiques. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne le taux de complications après l’intervention, la durée de l’hospitalisation et l’évolution de la maladie [23–25].
L’«American College of Surgeons» a réalisé une analyse de six études prospectives randomisées majeures ayant comparé l’antibiothérapie et l’appendicectomie chez des adultes en dehors de la grossesse et a conclu que l’antibiothérapie était sûre chez environ «3 adultes sur 4» [23, 26–31].
L’étude de Nakashima et al. [32] a porté sur 169 patients, dont 113 (67%) ont été traités de manière conservatrice et 56 de manière chirurgicale (chirurgie ouverte 25% et chirurgie laparoscopique 8%). Le recours à l’échographie, au scanner et à l’IRM était respectivement de 97%, 17% et 5% pour le traitement conservateur et de 88%, 39% et 13% pour l’appendicectomie. La proportion d’appendicites compliquées était de 6% en cas de traitement conservateur et de 41% en cas d’appendicectomie. En résumé, le traitement conservateur est considéré comme une option acceptable, en particulier en cas d’appendicite non compliquée chez la femme enceinte [22, 32, 33].
Bien qu’il n’existe pas d’études prospectives randomisées et contrôlées pour les femmes enceintes traitées de manière conservatrice, une petite série de cas de femmes enceintes atteintes d’appendicite a montré que le traitement par antibiothérapie seule était efficace [30]. Cela pourrait être intéressant pour les patientes qui ­refusent en premier lieu une procédure chirurgicale ou pour lesquelles une telle procédure est associée à des risques très élevés (fœtaux et maternels), ainsi que lorsqu’un traitement chirurgical n’est pas disponible.
L’appendicite compliquée se caractérise par une perforation ou un abcès pérityphlitique. Dans ce cas, une ­appendicectomie est indiquée. Une méta-analyse [34] a été réalisée sur 19 études rétrospectives et 1 étude prospective, incluant au total 6 210 femmes enceintes. L’appendicectomie laparoscopique était associée à un taux global de complications significativement plus faible et à des durées d’hospitalisation plus courtes, mais à des taux de MFIU plus élevés. Dans le groupe avec appendicectomie ouverte, l’âge gestationnel était prolongé (accouchement à terme) [34].
De nouvelles études chez les enfants et les adultes montrent cependant aussi que l’appendicite perforée peut être traitée de manière sûre par une antibiothérapie ou une combinaison d’antibiothérapie et de drainage percutané [31].
En résumé, outre la procédure chirurgicale, la prise en charge conservatrice par antibiothérapie constitue également une option dans le traitement de l’appendicite non compliquée pendant la grossesse. Dans ce contexte, une surveillance clinique (régression des symptômes douloureux) et de laboratoire (CRP et leucocytes n’augmentant plus) étroite est déterminante pour une éventuelle conversion en traitement chirurgical. Compte tenu des risques et des défis particuliers auxquels les femmes enceintes sont confrontées, l’optimisation du traitement reste un thème majeur pour les études futures dans ce groupe de population.

Surveillance périopératoire

En fonction de l’âge gestationnel (en général >24 SG; à partir de la viabilité fœtale), une surveillance périopératoire doit être assurée avant et après le traitement chirurgical, indépendamment du type d’opération (laparoscopie vs. laparotomie). Le fœtus doit être surveillé par cardiotocographie (CTG) et l’administration périopératoire d’un tocolytique doit être envisagée afin d’éviter un travail prématuré. Le choix du tocolytique (par ex. indométacine, sulfate d’hexoprénaline, atosiban) dépend de l’âge gestationnel, du risque de prématurité et des contre-indications maternelles.
Si une induction de la maturation pulmonaire par bétaméthasone est initiée en raison d’une menace d’accouchement prématuré, il faut savoir qu’elle peut favoriser une accélération de l’infection et qu’il convient donc de procéder à des contrôles cliniques, biologiques et fœtaux étroits (CTG). Il faut en tenir compte avant tout dans le cadre d’un traitement conservateur [1].
D’après les «Guidelines for Diagnosis, Treatment, and Use of Laparoscopy for Surgical Problems during Pregnancy» [5], les aspects suivants doivent être pris en compte:
– après le 1er trimestre, la patiente doit être placée en position de décubitus latéral gauche afin de minimiser la compression de la veine cave;
– insufflation de CO2 de 10–15 mm Hg;
– chez les patientes enceintes, une surveillance peropératoire du CO2 par capnographie doit être assurée pendant la laparoscopie;
– thromboprophylaxie postopératoire.
Chez les patientes rhésus négatif, une prophylaxie rhésus doit être mise en place, car des hémorragies ou des microtraumatismes ne peuvent être exclus du fait de la manipulation utérine peropératoire [1].

Conclusion et perspectives

L’appendicite est une affection fréquente pendant la grossesse. Le traitement optimal reste cependant ­incertain. Il n’existe pas de lignes directrices claires et les quelques études de cohorte rétrospectives disponibles montrent des résultats incohérents. Un concept thérapeutique individuel interdisciplinaire doit être défini pour chaque patiente. Dans des cas sélectionnés et avec l’implication de la femme enceinte par le biais d’un consentement éclairé, un traitement antibiotique conservateur initial est défendable. En l’absence d’amélioration clinique au bout de 48 heures, l’appendicectomie est l’option la plus appropriée.
L’optimisation de la prise en charge de l’appendicite ­aiguë pendant la grossesse nécessitera la réalisation d’études prospectives à l›avenir.

L’essentiel pour la pratique

• La pose du diagnostic de l’appendicite pendant la grossesse et le post-partum est compliquée, car l’affection ne se présente pas avec les symptômes classiques.
• Le traitement de l’appendicite peut être conservateur ou chirurgical. Il est déterminant de penser à une appendicite comme diagnostic différentiel en cas de douleurs abdominales du côté droit pendant la grossesse.
• En cas d’échographie non concluante, l’imagerie par résonance magnétique peut être utile pour la pose du diagnostic.
• Un traitement précoce peut prévenir les complications ultérieures.
• Une approche individuelle et interdisciplinaire impliquant l’obstétrique, la chirurgie et la radiologie est impérative.
Les auteurs remercient le Dr Thomas Treumann et le Dr Ralf Buhmann du service de radiologie de l’Hôpital cantonal de Lucerne pour leur soutien dans le diagnostic radiologique.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir d’obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Angela Vidal
Frauenklinik
Luzerner Kantonsspital
Spitalstrasse
CH-6000 Luzern
angela.vidal[at]luks.ch
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