20 ans de pneumologie: les progrès et leur prix
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20 ans de pneumologie: les progrès et leur prix

Medizinische Schlaglichter
Édition
2022/1112
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09005
Forum Med Suisse. 2022;22(1112):188-189

Affiliations
Löwenpraxis, Luzern

Publié le 15.03.2022

Différents groupes de personnes présentant des affections pulmonaires tirent des bénéfices des progrès de la pneumologie. Une analyse de la balance coût/bénéfice doit être réalisée lors de l’utilisation de ces thérapies parfois onéreuses.

Introduction

A l’échelle mondiale tout comme en Suisse, le cancer du poumon reste la cause de décès dû à un malignome la plus fréquente, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. La survie moyenne à 5 ans des variantes non à petites cellules – qui constituent la majeure partie de ces carcinomes – s’est améliorée au cours des dernières années. Cela a été possible grâce aux traitements néoadjuvants et adjuvants des stades pouvant bénéficier d’une résection chirurgicale ainsi que grâce au recours aux immunothérapeutiques même pour les stades avancés – en tenant compte d’un nombre constamment croissant de marqueurs tumoraux moléculaires.

Cancer du poumon

Il y a 10 ans, une vaste étude américaine a montré que le dépistage au moyen de la tomodensitométrie thoracique à faible dose permettait de réduire de 20% la mortalité du cancer du poumon. Ce résultat positif a été confirmé dans une étude menée aux Pays-Bas et en Belgique («NELSON Trial») [1]. Pour la Suisse, le coût du dépistage chez environ 10% des personnes qui y seraient éligibles en raison de leur profil de risque (55–74 ans, >30 ans, >1 paquet de cigarette/jour) est estimé à environ 16 millions de CHF. Un groupe de travail cherche actuellement à savoir si les processus d’examen seraient applicables dans le pays avec une qualité comparable à cette étude.

Bronchopneumopathie chronique ­obstructive

Peu de progrès sont à noter dans le traitement médicamenteux de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) [2]. Une double bronchodilatation – c’est-à-dire l’inhalation d’un bêta-adrénergique associé à un anticholinergique – réduit plus la dyspnée d’effort que l’utilisation d’une seule classe de substances. Les stéroïdes inhalés restent réservés aux personnes présentant des formes sévères de la maladie avec exacerbations fréquentes; associés à une double bronchodilatation (donc sous forme de combinaison triple), ils prolongent vraisemblablement l’espérance de vie. Chez les personnes présentant une BPCO de stade avancé, il existe généralement un emphysème pulmonaire. La perte d’élasticité entraînée par ce dernier entraîne une hyperinflation des poumons. Cela est défavorable sur le plan du mécanisme respiratoire et constitue une composante centrale de la dyspnée d’effort. Dans certains cas précis, une réduction volumique par thoracoscopie permet d’améliorer grandement la résistance à l’effort et ainsi la qualité de vie au long cours. Cependant, la réduction volumique peut aujourd’hui également s’effectuer par bronchoscopie [3]. Les procédés visant à «purger» les sections pulmonaires gonflées grâce à des valves endobronchiques sont bien établis. Une ablation bronchique thermique avec de la vapeur d’eau brûlante n’est que rarement ­indiquée. D’autres procédés bronchoscopiques font ­actuellement l’objet d’études.

Syndrome d’apnée obstructive du sommeil et ventilation non-invasive

En 1981, Sullivan a introduit le traitement de l’apnée obstructive du sommeil – encore majoritaire aujourd’hui à l’échelle mondiale – via une «attelle pneumatique» des voies aériennes supérieures au moyen de la ventilation en pression positive continue (PPC) [4]. La tolérance étonnamment bonne vis-à-vis du masque nécessaire ainsi que le développement de respirateurs efficaces, pratiques et silencieux ont grandement fait avancer le domaine de la ventilation non invasive (VNI). Le recours à la VNI permet d’éviter une intubation dans certains cas de défaillance respiratoire aiguë. Les patients souffrant d’hypoventilation alvéolaire ­accentuée la nuit – par example ceux présentant un syndrome obésité-hypoventilation – tirent eux aussi des bénéfices de la VNI. Dans le cas de la myopathie de Duchenne (DMD), survenant presque exclusivement chez les hommes (env. 1:3500), une insuffisance respiratoire se développe au cours de la deuxième décennie et ses conséquences peuvent se révéler fatales avant l’âge de 20 ans. La qualité de vie et la survie de ces personnes ainsi que des personnes présentant d’autres ­affections neuromusculaires s’améliorent grâce à une VNI initialement nocturne puis également diurne. De plus, pour les personnes atteintes de BPCO et notamment pour celles présentant une hypercapnie, il existe la possibilité d’une VNI au long cours, ce qui permet de réduire la fréquence de leurs hospitalisations et améliore leur qualité de vie comme leur espérance de vie.

Asthme

Une précédente classification courante des formes d’asthme faisait la différence entre l’asthme extrinsèque (allergique) et l’asthme intrinsèque (non allergique). Les progrès réalisés en matière de recherche fondamentale constituent aujourd’hui la base d’une différenciation plus précise. L’asthme d’apparition précoce est généralement de nature allergique. Dans les formes allergiques sévères, dans lesquelles les personnes touchées ont besoin de stéroïdes systémiques en plus des stéroïdes inhalés à haute dose, c’est-à-dire pour les formes non contrôlées, le biomédicament anti-IgE omalizumab est utilisé avec succès depuis 2006. Pour ce qui est de l’asthme d’apparition tardive, une inflammation éosinophilique de la muqueuse bronchique d’origine non allergique joue un rôle central. Dans le cadre du diagnostic, un hémogramme différentiel est réalisé et la concentration du monoxyde d’azote dans l’air exhalé (FeNO) est mesurée. Dans les formes d’évolution sévère, les biomédicaments entrent en compte à partir de la cinquième étape thérapeutique – à partir d’un certain nombre d’éosinophiles – et bloquent l’interleukine-5 (IL-5) (mépolizumab, reslizumab), le récepteur de l’IL-5 (benralizumab) ou l’IL-4 et l’IL-13 (dupilumab). Outre ces deux formes d’asthme de type Th2 dans lesquelles les lymphocytes T auxiliaires jouent un rôle décisif sur le plan physiopathologique, il existe des types non Th2 pour le traitement desquels d’autres voies de signalisation sont influencées, à savoir l’IL-13 avec l’itepekimab ou la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP) avec le tezepelumab. La thermoplastie bronchique reste réservée aux patients chez lesquels l’usage de ces médicaments n’est pas utile.

Fibrose pulmonaire idiopathique

La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) a un pronostic défavorable. Depuis la réalisation à bas seuil de tomodensitométries thoraciques et probablement en raison d’une prévalence croissante de la maladie, ce type de pneumopathie interstitielle est diagnostiqué plus fréquemment qu’auparavant. Il y a 10 ans, une étude contrôlée a montré que les malades étaient plus nombreux à mourir sous le traitement alors courant par prednisone, azathioprine et N-acétylcystéine que sans traitement [5]. Entre-temps, deux substances ayant une action antifibroprolifératrice ont été mises à disposition, le nintédanib et la pirfénidone. Toutes deux permettent de ­ralentir légèrement la dégradation de la fonction pulmonaire, de réduire la fréquence des exacerbations et vraisemblablement de prolonger la survie. Elles n’améliorent malheureusement pas le symptôme principal qu’est l’intolérance à l’effort et donc la qualité de vie.

Hypertension pulmonaire

L’hypertension pulmonaire (HP) devrait être envisagée dans le diagnostic différentiel de l’origine de la dyspnée d’effort. L’échocardiographie Doppler couleur constitue une méthode de dépistage sensible. L’HP est divisée en cinq groupes; il existe des traitements spécifiques pour l’hypertension artérielle pulmonaire (HAP, groupe 1) au sens strict et pour l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTPC, groupe 4). Après les antagonistes du calcium déjà utilisés depuis longtemps, des inhibiteurs de la phosphodiestérase-5, des antagonistes des récepteurs/analogues de la prostacycline, des antagonistes des récepteurs de l’endothéline ainsi que des stimulateurs de la Guanylate ­cyclase soluble ont été développés au cours des 20 dernières années. Ces médicaments, qui sont souvent utilisés en association, améliorent la tolérance à l’effort et ainsi la qualité de vie et l’espérance de vie des patients atteints d’une HAP. La thromboendartériectomie pulmonaire extrêmement délicate et – dans des situations très spéciales – l’angioplastie pulmonaire sont également utilisées en Suisse pour traiter l’HTPC.
L’auteur n’a déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Prof. ém. Dr méd.
Erich W. Russi
Löwenpraxis
Zürichstrasse 12
CH-6004 Luzern
erich.russi[at]bluewin.ch
1 De Koning HJ, van der Aalst CM, de Jong PA, Scholten ET, Nackaerts K, Heuvelmans MA, et al.: Reduced lung-cancer mortality with volume CT screening in a randomized trial. N Engl J Med. 2020;382:503–13.
2 Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease, Inc. Fontana: Global strategy for prevention, diagnosis and management of chronic obstructive pulmonary disease (2018 report); c2018 [cited 2022 Jan 14]. Disponible sur: https://goldcopd.org/wp-content/uploads/2017/11/GOLD-2018-v6.0-FINAL-revised-20-Nov_WMS.pdf
3 Wahidi MM, Herth FJF, Chen A, Cheng G, Yarmus L: Interventional pulmonology – state of the art. Chest. 2020;157:724–36.
4 Sullivan CE, Berthon-Jones M, Issa FG, et al.: Reversal of obstructive sleep apnea by continuous positive airway pressure applied through the nares. Lancet 1981;1:862–865.
5 The Idiopathic Pulmonary Fibrosis Clinical Research Network: Prednisone, azathioprine, and N-acetylcysteine for pulmonary fibrosis. N Engl J Med. 2012;366:1968–77.