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Présentation du cas
Un patient de 50 ans en bonne santé habituelle consulte aux urgences pour l’apparition de lésions cutanées non prurigineuses il y a 2 mois, de type purpuriques, de morphologie ronde et par endroits palpables, non confluentes, au niveau des membres inférieurs, avec une lésion croûteuse nécrotique douloureuse à la palpation sur la jambe droite (fig. 1 ainsi que fig. S1A dans l’annexe joint à l’article en ligne). Des lésions anciennes hyperpigmentées avec des signes d’insuffisance veineuse chronique sont présentes. Le reste de l’examen clinique est sans particularité.
Question 1
A ce stade, parmi les diagnostics différentiels à évoquer devant ce tableau clinique, lequel est le moins probable?
Une anamnèse approfondie nous permet d’écarter certains des diagnostics. Le patient ne se souvient pas d’avoir été exposé à des piqûres d’arthropode et ne se plaint pas de prurit, de plus ces lésions sont en général uniques et unilatérales. Il rapporte avoir des rapports sexuels non protégés exclusivement avec sa femme. Il n’a pas de symptômes uro-génitaux. Toutefois le dernier dépistage des infections sexuellement transmissibles remonte à plusieurs années. Une syphilis secondaire se manifeste environ 3–10 semaines après l’incubation primaire et sous forme d’éruption cutanée très variable. Une vascularite leucoytoclasique peut se présenter sous forme de lésions purpuriques palpables dont certaines nécrotiques et prédominant aux membres inférieurs. Le PLEVA se manifeste par des lésions polymorphes souvent maculo-papulaires avec une fine desquamation et une nécrose hémorragique. Une papulose lymphomatoïde apparaît sous la forme d’une éruption de papules de 0,5–1 cm de diamètre, parfois plus, qui se recouvrent de squames micacées ou qui deviennent hémorragiques et nécrotiques [1].
Question 2
Quel examen complémentaire est le moins pertinent pour avancer dans le diagnostic différentiel?
Un bilan biologique (formule sanguine complète, fonction rénale, fonction hépatique, les sérologies pour l’hépatite B et C, HIV et syphilis, l’électrophorèse des protéines sériques) revient négatif. Le complément de bilan d’auto-immunité revient dans la norme pour le dosage du facteur rhumatoïde, la vitesse de sédimentation, le dépistage des anticorps anti-nucléaires, les anticorps ANCA-PR3 ANCA-MPO (anti-cytoplasme des neutrophiles), les anticorps anti-membrane basale, les cryoglobulines et du complément C3 et C4. Le sédiment urinaire avec un rapport albumine/créatinine est normal diminuant la probabilité d’une atteinte rénale. Une échographie Doppler des membres inférieurs montre une insuffisance de la grande veine saphène bilatéralement et exclut une thrombose veineuse profonde. Nous n’avons pas estimé qu’un CT thoraco-abdominal ne soit pertinent à ce stade, cela ne nous aurait pas avancé dans notre diagnostic différentiel. La biopsie cutanée réalisée au niveau des lésions de la jambe gauche montre une parakératose focale, dyskératose, acanthose irrégulière avec une atteinte de l’interface et dégénérescence vacuolaire de la couche basale sur plusieurs foyers, nécroses kératinocytaires isolées, un infiltrat inflammatoire lymphohistiocytaire lichénoïde du derme superficiel et de nombreux foyers de globules rouges extravasées (fig. 2.).
Question 3
Quel diagnostic retenez-vous?
L’absence d’une atteinte de la paroi vasculaire infirme le diagnostic de vascularite (de même que le bilan d’auto-immunité négatif). L’absence d’infiltrat lymphocytaire dermique dense avec lymphocytes atypiques CD30+ infirme également le diagnostic d’une papulose lymphomatoïde. Le bilan infectieux permet d’écarter une syphilis secondaire. Il n’y a pas d’argument pour un érythème polymorphe ni sur la présentation clinique (pas de lésions en cocarde, pas d’atteinte palmo-plantaire, pas d’atteinte des muqueuses) ni sur la biopsie cutanée. Le résultat de la biopsie est compatible avec le diagnostic d’un PLEVA. Le pityriasis lichénoïde est une maladie dermatologique inflammatoire comprenant un spectre de maladies allant de la forme aiguë – le PLEVA, à la forme chronique – le pityriasis lichénoïde chronique. L’étiologie reste encore indéterminée. Le pic d’incidence de la maladie survient entre 10 et 30 ans et touche surtout les hommes avec un ratio 1:2 [1]. Les patientes et patients développent de façon rapide une éruption maculo-papulaire avec une fine desquamation pouvant évoluer en papules purpuriques, hémorragiques et nécrotiques. Les lésions sont souvent polymorphes et à différents stades d’évolution. Les parties du corps atteintes sont en général le tronc et les membres inférieurs. Les lésions sont indolores, mais peuvent parfois être prurigineuses et douloureuses. Elles peuvent laisser des séquelles sous forme de lésions hypo- ou hyperpigmentées. En général les patientes et patients n’ont pas d’autres symptômes mais peuvent rapporter des arthralgies, des douleurs abdominales, de la fièvre et des adénopathies [1, 2].
Question 4
Quel est le traitement le moins approprié?
Le traitement dépend principalement du degré d’atteinte de la maladie. La majorité des cas présente une atteinte bénigne, pauci-symptomatique et qui tend à s’auto-limiter dans le temps. Dans ce cas une approche conservatrice est proposée avec une surveillance clinique et éventuellement un traitement topique à base de corticoïdes. En cas de maladie avec une atteinte étendue et/ou persistante (PLC) et/ou symptomatique un traitement systémique est proposé. Le traitement de première ligne consiste en une antibiothérapie par tetracycline ou erythromycine ainsi que de la photothérapie durant 2–3 mois. En cas d’échec, un traitement par méthotrexate peut être prescrit. Il est toutefois important de préciser qu’il n’y a, à ce jour, que peu d’études concernant les traitements systémiques et ceci en raison de la rareté de la maladie et de sa durée variable avant une guérison spontanée [2, 3].
Concernant notre patient, il a été traité par des corticoïdes topiques durant quatre semaines à but symptomatique.
Question 5
Concernant le pronostic d’un PLEVA, laquelle de ces affirmations est correcte?
L’évolution de la maladie est variable, avec une durée de quelques semaines à mois voire des années avec un risque de récidive élevé [1, 4]. Les lésions tendent à s’auto-limiter dans le temps et une guérison spontanée est fréquente. Il existe toutefois une forme rare «febrile ulceronecrotic Mucha-Habermann disease » qui se présente par la formation rapide de lésions ulcéro-bulleuses pouvant se surinfecter associées à d’autres atteintes d’organes avec un taux de mortalité élevé.
Concernant le potentiel malin, une des hypothèses de l’étiologie du pityriasis lichénoïde est qu’il ferait partie d’un spectre de trouble prolifératif de cellules T clonales et la réponse immune de l’hôte serait déterminante dans la progression en un lymphome cutané, toutefois cette hypothèse reste encore controversé [1, 2].
Concernant notre patient, il est revu 7 mois plus tard et présente une évolution favorable. Lors du suivi, nous objectivons des lésions maculaires hyperpigmentées d’allure post-inflammatoire sans lésions actives (voir fig. S1B et D dans l’annexe joint à l’article en ligne). Il n’y a donc pas eu la nécessité d’introduire un traitement systémique.
Discussion
Le PLEVA est une maladie rare dont l’étiologie reste encore peu claire. Il faut évoquer ce diagnostic devant toute atteinte cutanée de type maculo-papulaire squameuse de type polymorphe et peu symptomatique. Les principaux diagnostics différentiels sont: la papulose lymphomatoïde, une vasculite leucocytoclasique, l’érythème polymorphe, une syphilis secondaire, le psoriasis en goutte et le syndrome de Gianotti-Crosti (tab. 1).
Tableau 1: Diagnostics différentiels d’un PLEVA, à évoquer chez chaque personne présentant une atteinte cutanée de type maculo-papulaire squameuse de type polymorphe [1, 5] | ||
Fréquence | Caractéristiques | |
Inflammatoire | ||
Erythème polymorphe | Fréquent | Lésions en cocarde, souvent aux extrémités Atteinte des muqueuses possible Réaction à un agent infectieux (souvent virus de l'herpès simplex et Mycoplasma pneumoniae) |
Toxidermie lichénoïde | Rare | Notion de prise de médicaments |
Vasculite leucocytoclasique | Rare | Purpura prédominant aux membres inférieurs Parfois symptômes systémiques |
Psoriasis en goutte | Environ 0,2% | Lésions multiples généralisées, de petite taille, ovalaires et squameuses Prurit Souvent suite à une infection à Streptococcus beta-haemolyticus |
Syndrome de Gianotti-Crosti | Rare, atteint surtout les enfants | Exanthème diffus Associé à une infection par le virus d'Epstein-Barr |
Dermatite herpétiforme | 10–75/100 000 | Eruption symétrique papulo-vésiculaire sur la surface des extenseurs Prurit Souvent associé à la maladie coeliaque |
Tumoral | ||
Papulose lymphomatoïde | Rare | Lésions papulo-nodulaire généralisée |
Infectieux | ||
Syphilis secondaire | 6,3 pour 100 000 | Lésion maculo-papulaire, atteinte palmo-plantaire fréquente Symptômes systémiques Rapports sexuels à risques |
Rickettsiose | Zones endémiques | Voyage avec notion de piqûres d’insecte Rash avec éruption centripète Symptômes systémiques Epargne palmo-plantaire |
Tuberculose cutanée | Rare, surtout dans les pays tropicaux | La clinique dépend du site d’infection Infection parallèle à une tuberculose pulmonaire |
Varicelle | Fréquent, surtout chez les enfants | Apparition rapide d’une éruption papulo-vésiculaire à différents stades d’évolution Prurit, contagiosité élevée Symptômes systémiques |
PLEVA: pityriasis lichénoïde aigu et varioliforme. |
Le diagnostic se fait en associant le tableau clinique (l’évolution clinique également) et les éléments retrouvés sur la biopsie cutanée qui peuvent orienter le diagnostic. Le traitement diffère selon le degré d’atteinte de la maladie (voir tab. S1 dans l’annexe joint à l’article en ligne). En cas d’atteinte bénigne un traitement conservateur est proposé. La durée de l’évolution peut varier de plusieurs semaines à mois voire années et les lésions tendent à s’auto-limiter dans le temps [1].
Réponses
Question 1: a. Question 2: e. Question 3: a. Question 4: a. Question 5: e.
Centre Universitaire de médecine générale et de santé publique (Unisanté), Lausanne
Un consentement éclairé écrit est disponible pour la publication.
Dr méd. Aline Thorens
Centre Universitaire de médecine générale et de santé publique (Unisanté)
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