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Contexte
L’affection urologique que constitue la sténose de la jonction pyélo-urétérale a une incidence de 1:1500 et se définit par une diminution de l’écoulement de l’urine au niveau de la jonction pyélo-urétérale [2]. En raison de l’obstacle à l’écoulement et de l’augmentation consécutive de la pression dans le système pyélocaliciel, une fibrose interstitielle et une diminution de la fonction rénale peuvent se produire. Ce processus se manifeste par des douleurs aux flancs, mais peut aussi être asymptomatique. Le traitement chirurgical primaire a pour but de soulager le système pyélocaliciel. Nous présentons un cas particulier de cette affection, qui a été diagnostiquée dans le cadre d’un traumatisme abdominal contondant.
Rapport de cas
Anamnèse
Un patient de 34 ans est amené par les services de secours après une chute de snowboard avec un choc au niveau du bassin gauche, en raison de douleurs dans la région médiane de l’abdomen qui ne sont apparues que plus tard (échelle visuelle analogique [EVA] 8/10). Le patient ne fait état d’aucun autre symptôme. Il n’y a pas d’antécédents médicaux ou chirurgicaux connus.
Examen clinique
Paramètres vitaux: pression artérielle 126/85 mm Hg, fréquence cardiaque 73/min, température 37,6 °C, saturation en oxygène (sO2) 95%.
Abdomen: bruits intestinaux intenses au niveau des quatre quadrants, abdomen souple avec défense dans l’hémi-abdomen gauche, douleur à la pression dans la partie gauche à centrale du bas ventre, douleur à la décompression, foie et rate non palpables, loges rénales non douloureuses à la percussion.
Bassin: légère douleur symphysaire à la compression, pas d’autre douleur à la pression, pas de douleur de compression axiale de l’articulation de la hanche gauche.
Résultats
Laboratoire: leucocytes 13,8 G/l; le reste de l’hémogramme, le taux de CRP (protéine C réactive) et de créatinine ainsi que l’analyse urinaire sont sans particularités.
Echographie: pas de liquide libre intra-abdominal, suspicion de plusieurs kystes rénaux cloisonnés à gauche, collection de liquide péri-rénale à gauche, rein controlatéral hypertrophié.
Radiographie du bassin, vue antéro-postérieure (fig. 1): aspect régulier et intact de l’anneau pelvien, pas de signe de lésion osseuse récente.
Tomodensitométrie (TDM) de l’abdomen avec produit de contraste (fig. 2): suspicion de sténose sévère de la jonction pyélo-urétérale gauche avec système pyélocaliciel massivement dilaté. En présence d’un trajet de liquide péri-rénal s’étendant jusque dans le petit bassin, une fuite du tractus urinaire supérieur est suspectée. Pas de lacération rénale.
Diagnostic
Rupture traumatique du bassinet gauche dans le cadre d’une sténose préexistante de la jonction pyélo-urétérale.
Traitement primaire
Pour la prise en charge urologique, le patient a été transféré à l’hôpital central. Afin d’assurer l’écoulement urinaire post-rénal, une contention d’urgence a été mise en place à l’aide d’un cathéter en queue de cochon du côté gauche, et le rétrécissement pyélo-urétéral a pu être visualisé par radiographie avec produit de contraste en peropératoire (fig. 3). Les douleurs abdominales ont cessé après l’opération. Après le retrait du cathéter à demeure le premier jour postopératoire, le patient a pu rentrer chez lui.
Traitement définitif
La scintigraphie rénale au MAG3 (mercapto-acétyl-triglycine) réalisée par la suite a montré que la participation du rein gauche à la fonction rénale globale était limitée à 32%. Afin de pouvoir retirer le cathéter en queue de cochon et rétablir des conditions d’écoulement physiologiques, l’indication d’un traitement définitif a été posée dans le sens d’une pyéloplastie laparoscopique robot-assistée par voie transpéritonéale. L’intervention a été réalisée après un délai de quatre mois en raison de la réaction tissulaire rétropéritonéale attendue à la fuite d’urine. Comme on pouvait s’y attendre, l’opération a révélé une fibrose du tissu adipeux rétropéritonéal dans la zone de l’ancien trajet d’urine visualisé à la TDM. Il n’a pas été possible d’identifier un vaisseau croisant la jonction pyélo-urétérale comme cause d’une compression extrinsèque de l’uretère. L’intervention a été réalisée avec succès et le patient est rentré chez lui le troisième jour postopératoire. Le cathéter en queue de cochon a été retiré deux semaines après l’opération. Lors d’un contrôle supplémentaire six semaines après l’intervention, le patient était toujours asymptomatique. Un contrôle échographique de suivi a montré une situation postopératoire sans particularités.
Discussion
Les traumatismes rénaux sont classés en cinq niveaux de sévérité selon la classification de l’«American Association for the Surgery of Trauma» (AAST) [1]. Les grades I à III correspondent à des lésions isolées du parenchyme rénal sans atteinte du système collecteur. Une extravasation d’urine visible, signe d’une lésion du système collecteur, correspond à un profil de lésion plus sévère, de grades IV à V. Outre une phase de contraste initiale pour la visualisation du parenchyme rénal, une phase tardive avec prise de contraste du système urinaire est donc également nécessaire pour établir un diagnostic sûr et une classification correcte du traumatisme rénal. En cas de suspicion de traumatisme rénal, il faut dès lors penser activement à cette phase de contraste, souvent non réalisée, lors de la prise de rendez-vous pour l’imagerie en coupe. L’extravasation isolée d’urine à la suite d’un traumatisme sans atteinte parenchymateuse n’est pas incluse dans la classification AAST et constitue un phénomène rare. Un facteur prédisposant est l’augmentation préalable de la pression dans le système pyélocaliciel, comme par ex. dans notre cas en raison de la sténose pyélo-urétérale pertinente sur le plan fonctionnel. Par rapport à un contexte de traumatisme, une fuite urinaire isolée survient nettement plus souvent lors d’une rupture du fornix pour équilibrer la pression dans le cadre d’une lithiase urétérale obstructive.
La sténose de la jonction pyélo-urétérale se définit par une diminution de l’écoulement de l’urine du pyélon vers l’uretère proximal en raison d’un obstacle intrinsèque ou extrinsèque, et son incidence est de 1:1500 [2]. Une cause extrinsèque fréquente est le croisement d’un vaisseau polaire inférieur. Les symptômes vont de coliques néphrétiques aiguës à des douleurs sourdes et constantes au niveau de la loge rénale ou du dos, qui peuvent être accentuées par une ingestion accrue de liquides ou un traitement diurétique. Un obstacle à l’écoulement de progression lente peut cependant aussi rester totalement asymptomatique. Dans notre cas, le patient n’a pas souvenir d’avoir souffert de douleurs dans le dos ou les flancs par le passé. La conséquence à long terme de l’augmentation de la pression dans le système pyélocaliciel est le développement d’une fibrose interstitielle et une diminution de la fonction rénale [3]. Une sténose de la jonction pyélo-urétérale peut être diagnostiquée au moyen d’un examen d’imagerie en coupe avec produit de contraste. Une contention urétérale par cathéter en queue de cochon est indiquée pour le traitement symptomatique. Dans de tels cas, l’urétéropyélographie peropératoire permet d’étayer le diagnostic en présence d’un phénomène de jet (fig. 3). La scintigraphie rénale au MAG3, en tant que modalité de diagnostic fonctionnel, permet de calculer la fonction rénale séparée pour chaque côté et d’objectiver une obstruction par un retard de l’écoulement du traceur à partir du bassinet. Des douleurs, une diminution de la fonction rénale en comparaison latérale comme signe d’une néphropathie obstructive, des pyélonéphrites récidivantes et la formation de calculs rénaux sont des indications classiques pour un traitement définitif. La pyéloplastie selon Anderson et Hynes, avec un taux de réussite de plus de 95%, est l’opération la plus courante et comprend l’excision de la sténose, la réduction du pyélon dilaté et la ré-anastomose avec l’extrémité spatulée de l’uretère [2]. Si un vaisseau polaire inférieur croisant la partie ventrale peut être identifié comme cause, l’anastomose pyélo-urétérale est reconstruite au niveau ventral du vaisseau [2]. En Suisse, la pyéloplastie est le plus souvent proposée sous forme de pyéloplastie laparoscopique robot-assistée. La voie d’abord mini-invasive permet une convalescence postopératoire plus rapide, tout en maintenant un taux de réussite élevé [4]. Dans le cas présenté, le patient a pu rentrer chez lui sans symptômes le troisième jour postopératoire. Alternativement, chez les patients présentant une comorbidité élevée, des procédures thérapeutiques endoscopiques peuvent exceptionnellement être discutées, sachant que les taux de réussite sont plus faibles. En cas de refus d’une pyéloplastie, la possibilité d’une contention permanente avec des cathéters en queue de cochon restant en place sur le long terme, appelés «tumor stents», est plus souvent proposée. Si la fonction rénale séparée est inférieure à 15%, une néphrectomie doit être discutée, en fonction des symptômes, de l’âge et des comorbidités [5].
L’essentiel pour la pratique
Une lésion du système pyélocaliciel avec fuite de produit de contraste à la suite d’un traumatisme correspond à une lésion rénale de grade élevé (grade IV–V).
La sténose de la jonction pyélo-urétérale est due à une cause intrinsèque ou extrinsèque. Elle s’accompagne de douleurs constantes ou, plus rarement, de douleurs de type colique, mais peut également être asymptomatique en cas de progression lente.
Le diagnostic est souvent posé à l’aide de l’imagerie en coupe, en tenant compte de l’anamnèse et de la clinique. En tant que modalité de diagnostic fonctionnel, la scintigraphie rénale au MAG3 permet de diagnostiquer une obstruction post-rénale et de calculer la fonction rénale séparée pour chaque côté.
La contention par cathéter en queue de cochon est proposée aux patientes et patients symptomatiques en tant que solution transitoire jusqu’au traitement définitif et aux personnes atteintes de comorbidités présentant un risque opératoire élevé en tant que solution permanente.
La pyéloplastie selon Anderson et Hynes est le traitement définitif le plus fréquent et peut généralement être proposée sous forme de pyéloplastie laparoscopique robot-assistée. Elle s’accompagne d’un taux de réussite de plus de 95%.
Departement Chirurgie, Spital Davos, Davos
Un consentement éclairé écrit est disponible pour la publication.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
Image d'en-tête: Zentrales Röntgeninstitut, Kantonsspital Graubünden, Chur
Dr méd. Daria Daniela Müller
Spital Davos
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