Interprétation du test rapide antigénique SARS-CoV-2 dans le cadre du dépistage d’entrée
Tenir compte du contexte de l’individu testé

Interprétation du test rapide antigénique SARS-CoV-2 dans le cadre du dépistage d’entrée

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Édition
2022/1314
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09073
Forum Med Suisse. 2022;22(1314):237-239

Affiliations
a Infektiologie und Spitalhygiene Hirslanden Zentralschweiz: Hirslanden AndreasKlinik, Cham, und Hirslanden Klinik St. Anna, Luzern; b Abteilung für Allgemeine Analytik, Bioanalytica AG, Luzern; c Universitätsklinik für Infektiologie, Inselspital, Bern; d Departement Gesundheitswissenschaften und Medizin, Universität Luzern, Luzern; e Praxengemeinschaft Warteckhof, Basel

Publié le 29.03.2022

Les résultats faussement positifs au test antigénique SARS-CoV-2 sont connus. Un résultat positif chez une personne asymptomatique doit toujours être considéré de manière critique dans le contexte de l’individu testé.

Description du cas

Dans le cadre de la pandémie de COVID-19, un dépistage au moyen d’un test rapide antigénique SARS-CoV-2 a jusqu’à présent été réalisé pour toute admission en urgence et élective à la clinique Hirslanden St. Anna. Au printemps 2021, une patiente âgée de 23 ans a été admise de manière élective à la suite d’une entorse du genou en vue d’une arthroscopie du genou avec refixation transosseuse du ligament croisé antérieur. Le test antigénique de cette patiente asymptomatique, sans anamnèse d’une exposition au COVID durant les 7 jours précédant l’hospitalisation, s’est révélé positif. Le statut vaccinal n’a pas été recueilli à l’admission.
Le taux local de positivité dans le canton de Lucerne s’élevait alors à 3,2% pour les tests rapides antigéniques et à 8,5% pour les tests PCR [1]. La prévalence estimée était d’environ 0,1% chez les patientes et patients asymptomatiques en admission.

Question: Comment interprétez-vous le résultat du test?


a) Le résultat est vraiment positif. La patiente souffre d’une infection au COVID-19 asymptomatique et doit être placée en isolement contact/gouttelettes. L’opération élective non vitale est annulée.
b) Le résultat est faussement positif si la patiente a déjà été vaccinée 2× contre le COVID-19. Aucune autre mesure n’est requise.
c) Le résultat est faussement positif car de nombreux résultats faussement positifs sont attendus en cas de faible prévalence d’une maladie.
d) Le résultat doit être remis en question et vérifié au moyen d’un test PCR.

Réponse:


La réponse correcte est d.

Discussion

Le test rapide antigénique SARS-CoV-2 de Roche Diagnostics est utilisé pour le dépistage d’entrée. Il s’agit d’un test par immunochromatographie («lateral flow») visant à détecter la protéine de la nucléocapside de SARS-CoV-2 [2]. Un test rapide antigénique unique est proposé au prix public de 7.20 CHF et subventionné par la Confédération lorsqu’il est réalisé dans un centre de test, par le ou la médecin de famille, à l’hôpital ou dans une pharmacie. Les coûts des autotests antigéniques ne sont plus pris en charge par la Confédération (état au 09.01.2022).
Au vu de l’absence de symptômes de notre patiente et de la prévalence de COVID-19 en baisse au moment de l’hospitalisation, il convient d’envisager un résultat faussement positif. Une isolation à domicile en raison du COVID et une annulation de l’opération prévue doivent être indiquées de manière claire et rationnelle, car elles peuvent avoir un impact sur les ressources, les coûts et, au niveau individuel, entraîner une charge physique et psychique pour la patiente.
Les résultats faussement positifs au test antigénique SARS-CoV-2 sont connus et leurs causes multiples. Par exemple, le faible pH des boissons gazeuses (p. ex. Coca-Cola®) peut décomposer les protéines des anticorps sur la bandelette test et déclencher la réaction de coloration. D’autres facteurs influents connus incluent les sprays décongestionnants à base d’acide, les érythrocytes en cas d’épistaxis ou de muqueuse nasale très sèche ainsi qu’une colonisation du nez par Staphylococcus (S.) aureus due à la liaison de la protéine A de la paroi cellulaire au fragment Fc de l’immunoglobuline-G, ce qui détruit le système de test par immunochromatographie [3]. Ce dernier n’a pas pu être reproduit lors des cinq tests réalisés dans notre propre laboratoire avec une exposition à la souche ATCC®29213™ de S. aureus à une concentration de 0,5 McFarland Standard. Cela est compréhensible car des résultats faussement positifs devraient se manifester nettement plus souvent pour une colonisation nasale à S. aureus d’au moins 15% dans la population générale.
En outre, des erreurs et des résultats faussement positifs peuvent survenir lors de la manipulation du kit de test, notamment en cas d’interprétation du résultat après plus de 30 minutes [4].
La valeur prédictive positive (VPP), qui fournit une estimation du nombre de personnes présentant un résultat positif et vraiment malades, dépend principalement de la probabilité a priori, c’est-à-dire de la prévalence de la maladie et du virus actuellement en circulation. Avec une sensibilité indiquée par le fabricant de 96,52% et une spécificité de 99,68% pour les variants de type sauvage du SARS-CoV-2 [4], la VPP est de 23,2% et la valeur prédictive négative (VPN) de 100% pour une prévalence estimée chez les patientes et patients asymptomatiques à l’admission d’environ 0,1% au printemps 2021:
Une revue Cochrane disponible au moment de la rédaction du présent article (mars 2021) a montré une sensibilité inférieure du test rapide antigénique d’environ 40% chez les patientes et patients asymptomatiques, et ce en raison de la charge virale plus faible [5]. Une charge virale élevée avec les souches virales autrefois en circulation chez les patientes et patients symptomatiques et asymptomatiques présentant une valeur de «cycle-threshold» (ct) <25 indique une sensibilité de 100% tandis que la sensibilité baisse à 22,2% pour une valeur de ct >35 [6]. En raison de la faible charge virale en cas de début des symptômes >4 jours, le test rapide antigénique ne doit donc plus être utilisé pour le diagnostic.
Ainsi, l’hypothèse d’une sensibilité de 40% chez les patientes et patients asymptomatiques permet d’obtenir une VPP de seulement 11,1%. Cela est encore accentué lorsque la prévalence décline. C’est pourquoi la solution a est incorrecte.
Etant donné qu’une interaction du test rapide avec le vaccin anti-COVID-19 est impossible, car le vaccin induit uniquement des anticorps dirigés contre la protéine Spike et le test rapide antigénique détecte l’antigène de la nucléocapside, la réponse b est fausse. Par ailleurs, notre patiente n’était pas encore vaccinée contre le COVID-19 à ce moment-là. Il convient toutefois de noter qu’une vaccination antiCOVID-19 complète ne protège pas totalement d’une infection et de la transmission du virus et qu’un test vraiment positif est donc parfaitement possible.
Au vu de la faible prévalence au printemps 2021, des résultats faussement positifs étaient à prévoir, de sorte qu’un résultat positif devait être remis en question, en particulier chez une patiente asymptomatique. Ainsi, la réponse c est fausse et la réponse d correcte, le test doit être vérifié par PCR, conformément à la recommandation de Swissnoso [7].
Dans notre cas, nous avons inspecté le kit de test (fig. 1) et interrogé la personne soignante chargée de la réalisation du test. Il s’est avéré que l’écouvillon de contrôle positif fourni dans chaque kit de test avait été utilisé. Celui-ci indique toujours un résultat positif et ne doit évidemment pas être employé chez les patientes et patients. Le test rapide antigénique SARS-CoV-2 correctement réalisé par la suite s’est révélé négatif. Une déclaration de matériovigilance a ensuite été déposée auprès de Swissmedic, car le système de conditionnement présentant les écouvillons de contrôle au-dessus devrait être remis en cause.
Figure 1: A) Kit de test (référence 09365397023) ouvert avec le contrôle positif et le contrôle négatif placés au-dessus, B)  agencement du contenu.
La clinique Hirslanden de Suisse centrale a compté six cas documentés de résultats faussement positifs au test rapide antigénique (y compris le cas de la patiente décrit ci-dessus) pour lesquels le test PCR secondaire sur frottis nasopharyngé s’est révélé négatif. Parmi ces six cas, une patiente s’était étranglée en avalant une boisson gazeuse sucrée peu avant le prélèvement, un patient avait reçu un produit de contraste oral quelques minutes avant le test et une autre patiente utilisait de manière chronique un spray nasal à base de chlorure de benzalconium, d’alcool benzylique, de lévomenthol et de cinéole. Dans deux des cas, aucune cause possible du résultat faussement positif n’a pu être déterminée.
Lors de nos propres tests, des résultats positifs ont pu être obtenus avec de l’eau minérale gazeuse, du Coca-Cola® et un spray décongestionnant VICKS® (fig. 2). Pour cela, les agents ont toutefois été déposés directement sur la bandelette test. En association avec la solution tampon, aucun résultat positif n’a pu être reproduit.
Figure 2: Test interne destiné à déclencher un résultat positif au moyen de divers agents, interprété après 15 minutes. A)  Coca-Cola ® , B) eau minérale gazeuse, C) spray décongestionnant VICKS ® .

Messages principaux

• Chez les personnes asymptomatiques, un résultat positif au test rapide antigénique de détection du COVID doit toujours être considéré de manière critique dans le contexte de l’individu testé, car tout résultat engendre des conséquences susceptibles d’avoir un impact sur les ressources, les coûts et, au niveau individuel, d’entraîner une charge physique et psychique.
• Lorsque la prévalence locale d’une maladie est en baisse, la valeur prédictive positive diminue et la part de résultats faussement négatifs augmente en conséquence. En particulier chez les personnes asymptomatiques, un test PCR nasopharyngé doit avoir lieu pour une confirmation définitive.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Erik Mossdorf
Infektiologie
Hirslanden Klinik St. Anna
CH-6006 Luzern
infektiologie.stanna[at]hirslanden.ch
1 OFSP, Office fédéral de la santé publique, Proportion de tests positifs, Lucerne. 2021. https://www.covid19.admin.ch/fr/epidemiologic/test?detTime=total&detGeo=LU. Accessed August 01, 2021.
2 Li D, Li J. Immunologic Testing for SARS-CoV-2 Infection from the Antigen Perspective. J Clin Microbiol. 2021;59(5):e02160-20.
3 Hoehl S, Schenk B, Rudych O, Göttig S, Foppa I, Kohmer N, et al., At-home self-testing of teachers with a SARS-CoV-2 rapid antigen test to reduce potential transmissions in schools. Results of the SAFE School Hesse Study. medRxiv. 2020.12.04.20243410.
4 Roche Diagnostics, Method Sheet SARS-CoV-2 Rapid Antigen Test. 2021. https://diagnostics.roche.com/content/dam/diagnostics/be/covid-literature/SARS-CoV-2%20Rapid%20Antigen%20Test_V2_en_master_v11.12.2020%20(3).pdf. Accessed June 11, 2021.
5 Dinnes J, Deeks JJ, Berhane S, Taylor M, Adriano A, Davenport C, et al. Rapid, point-of-care antigen and molecular-based tests for diagnosis of SARS-CoV-2 infection. Cochrane Database Syst Rev. 2021;3:CD013705.
6 Krüttgen A, Cornelissen CG, Dreher M, Hornef MW, Imöhl M, Kleines M.Comparison of the SARS-CoV-2 Rapid antigen test to the real star Sars-CoV-2 RT PCR kit. J Virol Methods. 2021;288:114024.
7 Swissnoso, Swissnoso Entscheidungshilfe zu diagnostischen Methoden für Covid-19-Infektionen in der Akutversorgung. 2020. https://www.swissnoso.ch/fileadmin/swissnoso/Dokumente/5_Forschung_und_Entwicklung/6_Aktuelle_Erreignisse/210520_Swissnoso_decision_aid__diagnostics_Covid-19_acute_care_V2_FR_korr.pdf. Accessed September 06, 2021.